MEMOIRE POUR LE DIPLOME INTER UNIVERSITAIRE DE PEDAGOGIE MEDICALE 2004-2005 APPRENTISSAGE DE LA RELATION MEDECIN-MALADE : INTERÊT DES JEUX DE RÔLE EN COMPLEMENT DES COURS MAGISTRAUX ET DES ENSEIGNEMENTS DIRIGES Dr Frank BELLIVIER Département Universitaire de Psychiatrie Adulte Groupe Hospitalier A. Chenevier-H. Mondor Créteil [email protected] INTRODUCTION LA RELATION MEDECIN-MALADE 1- La relation médecin-malade est dysymétrique ……………………………..… 4 2- L’investissement par le patient du discours du médecin …………………….. 4 3- Relation médecin-malade ou la confrontation du savoir médical et du savoir du patient ………………………………………………………….. 4 4- La subjectivité du patient comme entrave à la relation médecin-malade …….6 5- Conclusions sur la relation médecin-malade ………………………………...…7 LES OUTILS PEDAGOGIQUES DE L’ENSEIGNEMENT DE LA RELATION MEDECIN MALADE 1- Les cours magistraux ……………………………………………………………..8 2- Les enseignements dirigés ………………………………………………………. 8 3- Les jeux de rôle …………………………………………………………………... 9 3-1- Définition………………………………………………………………... 9 3-2- Objectifs…………………..……………………………………………... 9 LES JEUX DE RÔLE EN PRATIQUE 1- La présentation du groupe et des enseignants …………………………..….… 10 2- L’établissement d’un programme ……………………………….……….……. 10 3- Les enseignants exposent la règle de fonctionnement du jeu du rôle………… 10 4- Une initiation : un premier jeu rapide et ludique………………………….….. 11 5- Grille d’observation………………………………….…………………………...11 MISE EN PRATIQUE DES JEUX DE RÔLE 1- Une initiation : un premier jeu rapide ………………………………………11 2- Le déroulement du jeu……………………………..…………………………...11 EXEMPLES DE JEUX DE ROLE 1- La garde de l’aïeule durant les vacances…………………………………………...13 2- Une erreur médicale……………………………………………………………...14 3- Une dame obèse et diabétique …………………………………………………...15 4- Demande d’une prescription pour un tiers……………………………………. 16 5- La relation mère – enfant…………………………………………………...…... 17 6- Le cancer du sein ……………………………….………………………………...19 CONCLUSION …………………………………….………………………………..20 INTRODUCTION Les connaissances médicales (sémiologie, physiologie, physiopathologie, thérapeutique…) et un « savoir faire » relationnel, sont indissociables pour l’exercice de la médecine. Ainsi, la mise en œuvre de connaissances médicales et techniques pour la prise en charge d’un patient s’appuie sur la mise en relation de deux personnes, avec leur sensibilité et leur subjectivité : le médecin et le malade. La pratique médicale ne peut donc se résumer à l’application d’actes techniques et procédures valides et la non prise en compte de cette dimension relationnelle de l’acte médical peut avoir des conséquences dramatiques. La formation des futurs médecin à cette dimension relationnelle et aux influences de l’intersubjectivité dans la relation médecin-malade ne peut que partiellement reposer sur les outils pédagogiques classiques (enseignements magistral, enseignement dirigés, vidéo…). Elle exige des outils qui permettent à l’étudiant de faire l’expérience de cette dimension subjective de la relation. Cette inter-subjectivité pourrait se définir comme l’influence de la personnalité et des représentations du patient sur celles du médecin et vice versa. Pour cela, le travail en petits groupes d’étudiants (type ED) est indispensable car il permet, pour une situation donnée, de confronter des points de vue subjectifs, d’envisager l’influence des représentations de l’étudiant sur la manière dont il va entrer en relation avec le patient et d’aborder des situations de blocages possibles. Cependant , cela est insuffisant car la dimension proprement inter-subjective de la relation médecin malade n’est pas expérimentée. L’objectif de ce mémoire est de présenter les jeux de rôle comme outil pédagogique indispensable, en complément des autres types d’enseignement sur la relation médecinmalade, dans la mesure où cet ils permettent d’aborder cette dimension intersubjective. Dans une première partie, nous rappellerons les caractéristiques particulières de la relation médecin-malade, puis nous présenterons les différentes modalités d’apprentissage des aspect relationnels de la pratique médicale. Dans une troisième partie, nous présenterons les jeux de rôle comme outil pédagogique pour cet apprentissage, les précautions de mise en œuvre, en particulier en ce qui concerne le choix des situations proposées aux étudiants et la formation des enseignants. Enfin, nous présenterons le programme de jeux de rôle utilisé à la faculté de médecine de Créteil avec les étudiants de DCEM1. LA RELATION MEDECIN-MALADE 1- La relation médecin-malade est dysymétrique : Cette constatation assez évidente a des conséquences importantes pour la prise en charge des patients. La position des deux interlocuteurs n’est pas équivalente. Cela tient d’abord au fait que le médecin détient le savoir médical, alors que le patient est ignorant (même s’il sait souvent beaucoup de choses). Dans sa demande d’aide, il ne peut donc s’agir d’une position d’égal à égal, mais plutôt d’une soumission à ce savoir médical, lequel doit venir éclairer le patient par rapport à l’ignorance dans laquelle il est en ce qui concerne son trouble. Cela tient aussi au fait que les représentations du patient sont souvent assez éloignées de l’origine réelle de ses symptômes. Dans ce domaine, tous les degrés sont possibles, allant de la crainte d’une maladie grave alors qu’il s’agit d’un symptôme fonctionnel, à la banalisation voire à la méconnaissance (refus, déni…) d’une affection grave. Un premier enjeu de la relation médecin-malade est dès lors perceptible. Sans nier cette dysymétrie, le médecin devra d’une part essayer de se faire une idée de la représentation que le patient a de sa plainte et d’autre part veiller à ce que le patient puisse accepter comme crédible le discours du médecin sur ce même symptôme. Le patient hypochondriaque ou la plainte hypochondriaque fourni un exemple classique de cette situation d’incompréhension : le discours du médecin « vous n’avez rien » n’est pas « crédible » du point de vue des représentations du patient. 2- L’investissement par le patient du discours du médecin Le discours du médecin est un discours de savoir, un discours de maître qui lui confère un pouvoir important. L’ensemble fait l’objet d’un surinvestissement, d’interprétations, d’érotisation, parfois excessive, de sortes que les informations transmises sont dénaturées. C’est ainsi que s’expérimente pour le médecin le mécanisme de projection de la part du patient, qui est la capacité d’un patient à transformer des faits précis en leur donnant une signification autre et à attribuer au médecin ses propres convictions, parfois erronnées (à propos de ce symptôme hypochondriaque : « mais enfin, si le médecin m’a prescrit un scanner cérébral, c’est donc bien qu’il pensait que je pouvais avoir quelque chose ») 3- Relation médecin-malade ou la confrontation du savoir médical et du savoir du patient Un autre élément accentue la dysymétrie de la relation médecin malade : c’est la place particulière occupée par le savoir dans cette relation. Le savoir médical s’exprime à travers l’examen et les signes physiques puis les examens complémentaires qui viennent guider la démarche diagnostique et l’orientation thérapeutique. Mais la recherche de ces signes doit être guidés par un interrogatoire préalable qui, du dire des plus grands cliniciens a toujours été considéré comme l’étape la plus délicate, la plus importante et la plus lourde de conséquences pour le médecin. C’est ainsi que plus on se trouvera dans un registre de malaise fonctionnel où les signes sont plus difficiles à objectiver et plus l’information transmise par la parole du patient prendra une place prépondérante dans l’orientation. Ces éléments nous conduisent donc à penser que, si le médecin dispose d’un savoir pré-établi, celui qui lui est dispensé à la faculté, c’est du côté du malade qu’il existe un autre type de savoir, un savoir qui lui est propre, qu’il détient en propriété et dont il pourra ou non faire usage pour orienter le clinicien. C’est dans la relation avec le médecin que ce savoir va, ou pas s’exprimer, ce qui peut avoir des conséquences déterminantes pour la l’évaluation diagnostique et la prise en charge thérapeutique. Dans certaines situations comme dans l’hypochondrie, le savoir du patient opère à une sorte de renversement des rôles avec un transfert de pouvoir de celui qui est sensé détenir la maitrise (le médecin) vers celui qui est censé être dominé (le patient). Le médecin incarne, de par son savoir, un pouvoir dont nous avons évoqué les effets facilement repérables au sein de la relation médecin malade. Mais, ce pouvoir doit être mesuré par rapport à celui, insoupçonné, qui intéresse la position du malade qui, de par ce savoir qu’il détient sur sa propre histoire peut annihiler la position de maîtrise traditionnellement occupée par le médecin. Le savoir du patient est donc constitué par un ensemble de constructions prises sur l’histoire spécifique de chaque sujet, reconstruites selon une vérité qui ne se superpose pas forcément à la vérité historique, qui vont donner un reflet particulier au symptôme. La relation médecin-malade serait donc un compromis entre ces deux types de savoir. On pourrait donc considérer le ressort de la relation médecin malade comme un compromis à trouver entre d’un côté le savoir textuel du médecin, savoir pré-établi et de l’autre, le savoir du patient qui se délivre au fur et à mesure que se déploie la dialectique propre à cette relation. Comme nous l’avons évoqué précédemment, plus on se trouve dans le registre de l’organique et plus le balancier de cette dialectique devra pencher du côté du savoir médical et plus l’on se déplacera du côté d’une demande qui s’inscrit dans le registre fonctionnel et plus la balance penchera du côté de ce savoir propre au patient. Certains travaux expérimentaux laisseraient penser qu’il existe des différences mesurables entre le discours de malades fonctionnels, et celui de malades organiques. Ainsi, la plainte ne parvient pas à s’inscrire clairement dans le temps chez le fonctionnel. Si l’on demande aux patients depuis quand ils souffrent de ce symptôme, on a la surprise de constater que leur réponse ne va pas de soi. Il existe un flou incontestable, bien différent de ce que l’on observe avec un malade organique. Il ne s’agit donc pas d’un fait qui est apparu comme venant occuper la place d’un événement extérieur au sujet. Il s’agit plutôt d’une disposition qui lui est propre, comme faisant parti de lui, ce qui peut se traduire de la façon suivante. Au lieu que le symptôme reflète une maladie qui est venue rompre l’état de bonne santé, il fait comme partie intégrante du sujet, c’est-à-dire de son histoire propre ; il s’est progressivement infiltré parmi ses désirs et angoisses. 4- La subjectivité du patient comme entrave à la relation médecin-malade En dehors des exemples trouvés dans le registre de la psychopathologie, il existe un ensemble de phénomènes qui occupent le champ de la relation médecin malade et qui constituent une entrave à la communication médecin malade. Ils proviennent de l’ensemble des aléas de la position subjective du patient. Celle-ci tend à reconstruire en partie la réalité en la restituant après être passée dans cette sorte de filtre que constitue le vécu subjectif du patient. C’est véritablement un miroir plus ou moins déformant qui altère plus ou moins les phénomènes jusqu’à leur donner une nouvelle consistance qui reflète les éléments les plus caractéristiques de chacun de nous. Il peut s’agir d’oublis, le plus souvent inconscients. C’est la forme la plus habituelle d’entrave à la relation médecin malade. Il va de soi que la rétention d’informations peut être lourde de conséquences sur la démarche diagnostique et thérapeutique. Il peut s’agir de fausses informations transmises par le patient sur un mode qui n’est pas, en général, effectué sciemment, mais qui traduit les pensées et fantasmes qui l’habitent et reconstruisent les faits en lui donnant une nouvelle dimension. Ceci traduit, chez le patient, une certaine incapacité à décrire objectivement un certains nombre de phénomène. Il est extrêmement important que des étudiants en médecine soient formés à cet aspect de la prise en charge des patients qui nécessite un décryptage. En pratique, il est possible d’enseigner que le symptôme (fait objectif) est une chose, que la position du patient par rapport à ce symptôme (vécu subjectif) en est une autre et que l’évaluation des deux est nécessaire pour l’orientation diagnostique. Il va de soi que notre compréhension des phénomènes objectifs et subjectifs était dans tous les cas d’avance résolue, nous n’aurions pas besoin d’évoquer ici la relation médecin malade. De même, la question des diagnostics posés par ordinateur, sans l’intervention de la personne du médecin, se poserait avec beaucoup plus d’acuité et de réalité pour nous. S’il est parfois difficile d’accéder à un savoir sur le symptôme, c’est en raison de ces phénomènes subjectifs qui embrouillent la transmission de l’information entre l’émetteur et le récepteur. 5- Conclusions sur la relation médecin-malade L’ensemble de ces élément illustrent l’importance de la prise en compte de la dimension relationnelle et intersubjective dans la pratique médicale. Il s’agit d’une approche complémentaire de l’analyse des signes objectifs, qui va permettre de replacer le symptôme dans le contexte psychologique du patient. Outre l’intérêt pour le dépistage et la prise en charge des plaintes fonctionnelles et des tableaux somatiques sans substratum anatomique, la prise en compte de la relation médecin-malade permet aussi d’anticiper toutes les stratégies adaptatives du patients (qui sont très variables d’un patient à un autre) à sa pathologie. On comprend que l’apprentissage des étudiants à ces enjeux relationnels déterminants, ne peut procéder seulement d’un connaissance formelle objective mais nécessite de l’expérimenter subjectivement. Ceci va se faire de fait dès les premiers contact avec les patients. Cependant, ces enjeux sont souvent très déroutant et angoissant pour les médecins en cours d’apprentissage et peuvent susciter très tôt des contre-attitudes relationnelles (déni, rejet…) visant à se protéger. Ces contre-attitudes sont souvent sous-tendues par l’idée qu’il n’ont pas de compétence psychologique relationnelle pour aborder la complexité psychologique voire psychopathologique du patient auquel ils sont confronté. Ceci est encore plus vrai pour aborder leur propres enjeux psychologiques. Une formation sur ces aspects de la pratique médicale est donc absolument indispensable. Elle visent à démontrer à l’étudiant que de tels enjeux existent, qu’il est nécessaire d’avoir une réflexion adaptée à chaque patient et qu’il peut être compétent pour gérer ces aspects subjectifs de la relation médecin-malade. LES OUTILS PEDAGOGIQUES DE L’ENSEIGNEMENT DE LA RELATION MEDECIN MALADE Peut-on enseigner les enjeux de la relation médecin-malade ? Puisque la relation médecin-malade est consubstancielle de l’acte médical, tout praticien ayant une expérience suffisante serait en mesure de l’assumer. La même question se pose pour l’enseignement de la relation médecin-malade. L’expérience professionnelle de médecin praticien de l’enseignant est-elle suffisante ? L’enseignement de la relation médecin-malade s’appuie incontestablement sur l’expérience de la pratique médicale de l’enseignant. Il convient cependant de définir quels sont les objectifs pédagogiques d’un tel enseignement et des outils adaptés. 1- Les cours magistraux Lorsqu’un médecin et un malade se trouvent face à face dans une relation thérapeutique, il se passe des choses parfois déroutantes et incontrôlées qui influencent les décisions médicales et la prise en charge du patient. Les notions fondamentales qui permettent aux étudiants de se familiariser avec cette réalité peuvent être abordées dans leurs aspects théoriques : - L’intersubjectivité dans la relation médecin-malade - Sémiologie objective et subjective en médecine. Le modèle anatomo-clinique et les troubles fonctionnels - Mécanismes psychologiques mis en jeu dans la relation médecin-malade : investissement, transfert, projection - Les interactions psychologiques et somatiques. o Le retentissement psychologique des affections organiques o La clinique psycho-somatique o L’effet placebo - Maladie aiguë / chronique, incurabilité, handicap, accompagnement des mourants. Les stratégies adaptatives des patients et des médecins - Les relations médecin-patient-famille. En PCEM2 et en DCEM1, les étudiants ont une expérience du contact avec les patients encore limitée, de sortes que ces notions théoriques, si elles sont bien comprises, ne permettent pas à l’étudiant de se forger un savoir faire ou un savoir être. 2- Les enseignements dirigés Ces mêmes notions qui permettent de mieux appréhender la relation médecin-malade sont utilement abordées en enseignement dirigés ; Ceux-ci sont organisés en petits groupes (15 à 20 étudiants) au cours de séances thématiques. Le groupe est animé par deux enseignants (en général un médecin psychiatre et un médecin généraliste). Le groupe est invité à réfléchir sur un thème donné, au travers d’expériences cliniques vécues au cours de leurs stages cliniques de sémiologie. Ces situations vécues sont discutées de manière interactive. Les enseignants peuvent, comme les étudiants, présenter une expérience tirée de leur pratique sur le thème du jour, laquelle est discutée par le groupe. Les thèmes abordés sont : - Plainte, symptôme, maladie - Réactions psychologiques des patients et des médecins face à la maladie - Influence de la personnalité du patient et du médecin sur la relation médecin-malade - Aborder le corps en médecine - La vérité et le secret dans la pratique médicale - Le malade, le médecin et la mort - L’élaboration du projet thérapeutique avec le malade L’expérience de ces ED montre qu’ils sont très riches d’échanges et qu’ils permettent de mettre à jour certaines compétences que les étudiants ont pour réfléchir à des questions très complexes. Le retour qu’il font de ce type d’enseignement est globalement très bon. Ils font l’expérience qu’il est possible d’aborder ces questions complexes et de confronter des argumentaires contradictoires en fonction de la personnalité et de la sensibilité de chacun. Dans cette situation relativement artificielle et théorique, ils font une première expérience de la nécessité de tenir compte de sa propre personnalité pour entrer en relation avec un patient et répondre à la demande qu’il adresse. La mise en situation par les jeux de rôle constitue une étape suivante dans laquelle il vont expérimenter cette confrontation de positions subjectives : celle du patient et celle du médecin. 3- Les jeux de rôle 3-1- Définition Il s’agit d’une méthode pédagogique issue du psychodrame (Moreno 1905). Le jeu de rôle s’appuie sur l’idée que la personnalité est constituée d’une série d’identifications qui se superposent et qui sont chacune à la base d’un schéma de comportement. Chacun de ces comportement (rôle) s’active dans le rapport à la réalité et dans le rapport aux autres. Le jeu de rôle a une visée formatrice. Il aide à préparer des sujets à des situations nouvelles et difficiles par la prise de conscience et la modification des attitudes spontanées qui ne sont pas toujours les plus adaptées. A ce titre, ils sont adaptés à la situation d’étudiants en médecine n’ayant pas ou peu expérimenté la relation avec les patients. 3-2- Objectifs Les jeux de rôle ont pour objectif de permettre à l’étudiant: - de s’imaginer dans sa future fonction de médecin - d’apprendre à écouter - de révéler un fonctionnement relationnel et les distorsions dans la relation - de découvrir la capacité à concevoir différentes hypothèses afin d’adapter ses réponses Les étudiants découvrent qu’il n’y a pas une réponse univoque qui serait la bonne, que la relation modifie les opinions. L’expérience des jeux de rôle montre par exemple que telle opinion arrêtée exprimée par un étudiant s’avèrera insoutenable lorsqu’il la jouera. LES JEUX DE ROLE EN PRATIQUE 1- La présentation du groupe et des enseignants C’est un moment clé pour mettre les étudiants en confiance et instaurer une dynamique de groupe, il convient de prendre son temps. Les enseignants se présentent et vont demander aux étudiants de se présenter. - soit chacun se présente personnellement. - Soit l’un est chargé de présenter l’autre. Après s’être mutuellement concertés, l’un restitue ce que lui a dit l’autre de lui-même : sa motivation pour la médecine, son orientation future, ses goûts et ses activités actuelles… La présentation en miroir nous est apparue une mise en condition dynamique qui s’inscrit d’emblée dans une dimension relationnelle, très utile pour le bon fonctionnement du groupe. 2- L’établissement d’un programme Après les présentations, il est demandé aux étudiants quelles sont les situations relationnelles qu’ils souhaiteraient explorer et expérimenter ? La plupart recoupent celles que les enseignants, compte tenu de leur expérience, ont déjà définies dans un jeu écrit. Si un étudiant propose une situation particulière, son scénario et ses objectifs sont élaborés et consignés en groupe, avant d’être jouée. C’est là un exercice qui permet aux étudiants d’intégrer en les concrétisant les visées relationnelles de la formation. 3- Les enseignants exposent la règle de fonctionnement du jeu du rôle Le scénario est écrit, il définit le rôle du patient, mais pas celui du « médecin ». Le groupe observe et tolère sans porter de jugement de valeur, il ne s’agit pas de blâmer mais de comprendre ce qui se passe dans la relation. Dans l’échange des points de vue, va se révéler la diversité des comportements et de la manière de fonctionner de chacun. La direction du groupe emprunte : - au groupe de discussion : échanges et confrontations de points de vue - au psychodrame : les enseignants procèdent à des échanges de rôles, donnent éventuellement des consignes d’un autre comportement, doublent un joueur, interrompent. - Au groupe de formation : chacun acquière un certain savoir faire et une information vient parfois ponctuer le jeu. 4- Une initiation : un premier jeu rapide et ludique « C’est la fin de la consultation, le malade part sans payer. Que faites-vous ? » Tous vont jouer à tour de rôle. Le groupe est divisé en deux, d’une part ceux qui vont jouer le médecin, d’autre part ceux qui vont jouer le malade qui se lève, se dirige vers la porte, sans payer la consultation. Ensuite, les rôles sont inversés. L’entrain impliqué dans ce premier jeu vise à mettre le groupe à l’aise, se lever les craintes de jouer. 5- Grille d’observation Des grilles d’observation cadrent l’analyse des observateurs sur les points importants : - L’écoute : repérage de la demande latente, plus authentique que celle qui est exprimée - Révélation d’un comportement rationnel : meilleure perception d’autrui dégagée de ses projections et prise de conscience de ses propres affects devant un patient et de ce qu’ils induisent. - Initiation à la résolution de conflits ultérieurs par la résolution de conflits fictifs MISE EN PRATIQUE DES JEUX DE RÔLE 1- Une initiation : un premier jeu rapide Les enseignants proposent des situations, le groupe en choisit une. Deux étudiants volontaires acceptent de le jouer. Les acteurs sortent dans le couloir. En aparté, un enseignant précise le rôle que doit jouer le malade à l’insu de celui qui sera le médecin. Pendant ce temps, l’autre enseignant, en l’absence des acteurs, définit les objectifs du jeu. Une grille d’observation est distribuée au groupe divisé en deux : une partie observe le médecin, l’autre le malade. 2- Le déroulement du jeu Sa durée recouvre en général celle d’une consultation : entre dix et vingt minutes. Le jeu terminé, il peut être immédiatement poursuivi en intervertissant les rôles ou laissé à l’appréciation du groupe avant d’être repris. Quoiqu’il en soit, les animateurs interrogent en premier lieu, le « médecin » et le « malade » sur ce qu’ils ont ressenti durant leur jeu respectif. Ensuite, ils procèdent à un tour de table, chacun dans le groupe prend la parole pour livrer ce qu’il a observé du « médecin » et du « malade ». En principe les enseignants laisse le jeu se dérouler jusqu’à son terme. Cependant, il leur arrive d’intervenir pour le suspendre ou pour l’empêcher de déraper dans une voie sans issue : - la situation s’enlise ou le joueur sollicite une aide. Le jeu est interrompu. Derechef, l’un des animateurs demande au joueur désemparé – le plus souvent celui qui joue le médecin – de verbaliser ce qu’il ressent et ce qu’il pense. - soit, il trouve sa solution en envisageant une autre attitude et le jeu reprend ; - soit il ne trouve pas de solution et le groupe intervient pour en suggérer. Le joueur en choisit une et reprend le champ. - Un jeu, bien parti, piétine. Sans l’interrompre, mais pour éviter l’enlisement, un animateur vient souffler discrètement au joueur un changement de comportement dont il fera l’expérience sur le champ. - Le « malade » sort de son rôle Le jeu est décrit en fonction des objectifs relationnels, il importe que le joueur ne dévie pas délibérément de son cadre prescrit. En général, peu avant que le cours se termine, les enseignants font une synthèse des différentes attitudes qu’ils commentent en fonction de leur expérience. EXEMPLES DE JEUX DE ROLE 1- LA GARDE DE L’AÏEULE DURANT LES VACANCES LA SITUATION Mise en place à l’avance des conditions de garde d’une vieille dame de 88 ans qui est impotente et obèse (séquelles d’hémiplégie droite, HTA ). Elle est prise en charge par son fils et sa belle-fille depuis 5 ans. La famille habite dans un pavillon de plain-pied dans un village, à 50 km d’une grande ville Le mari, 57 ans, est chef d’équipe chez Renault. Son épouse, 55 ans, ne travaille pas. Elle s’occupe de sa belle-mère. Le kiné passe deux fois par semaine. Une infirmière habite le village. Le couple a 3 enfants : 30, 25 et 18 ans. Seul le dernier vit encore sous le toit de ses parents et doit partir à l’étranger pour ses vacances. Depuis 5 ans le couple n’a pas pris de vacances. Elle voudrait en prendre. Lui est très culpabilisé de partir en vacances en laissant sa mère. Celle-ci, soumise et passive, fera ce que dira son fils. Par ailleurs, la vieille dame est très attachée à son chat. Le médecin soigne la famille depuis 8 ans. Il est appelé en consultation à domicile pour monsieur qui s’est fait une entorse. Sa femme profite de l’occasion pour envisager, avec le médecin, la garde de sa belle-mère durant les vacances cet été. Il reste cinq mois, pour en décider. OBJECTIFS - Entendre la demande ; - Ecouter, permettre à chacun de s’exprimer ; - Poser des questions : donner la parole à tous les acteurs ; - Prendre en compte le point de vue de chacun ; - Lister les enjeux, peser le pour et le contre de la situation ; - Utilisation de la reformulation ; - Recentrer le débat, pour que chacun puisse envisager une solution ; - Eventuellement en proposer quelques-unes sans les imposer ; - Observer la congruence du discours du médecin / famille. 2- UNE ERREUR MEDICALE LA SITUATION Une femme de 43 ans, soignée depuis 25 ans par son généraliste vient le consulter pour une douleur au côte. Il prescrit du magnésium. La patiente visiblement mécontente revient deux semaines après : « Vous ne le savez peutêtre pas, Docteur, mais le lendemain de ma dernière consultation chez nous, c’est votre remplaçant qui est venu à mon domicile. Il m’a hospitalisée d’urgence car je faisais une embolie pulmonaire. J’ai bien failli en mourir ! ». La patiente a un comportement agressif et revendicateur. Elle cherche à culpabiliser le médecin. LA MALADE Elle sort de l’hôpital. Elle est très en colère et pleine de reproches. Son médecin, à qui elle fait confiance depuis 25 ans, ne l’a pas prise au sérieux. Il ne l’a ni écoutée, ni examinée, alors que son remplaçant l’a fait. Bien qu’elle soit déçue, elle aime bien son médecin. Son attitude dépendra de l’attitude du médecin. LE MEDECIN Dans un premier temps il est surpris par l’agressivité de cette patiente. Il a effectivement fait une erreur de diagnostic. Quelle sera sa réaction ? OBJECTIFS - Pour le moins, écouter les récriminations de la patiente. - Reconnaître les faits et l’erreur de diagnostic. -Adopter un comportement en adéquation avec l’intention profonde : - soit en maintenant la relation et en rétablissant la confiance ; - soit en mettant un terme à toute relation future. 3- UNE DAME OBESE ET DIABETIQUE : Le médecin confronté à l’impuissance… LA SITUATION Une dame de 43 ans, mariée avec un chauffeur routier. Un enfant de 19 ans qui vit à la maison et travaille. Elle est hypertendue, diabétique et obèse. Elle a des varices et mal aux jambes. Cette patiente assure qu’elle respecte les traitements et le régime alimentaire prescrit par le médecin alors qu’il constate une constante prise de poids. Elle vient voir le médecin régulièrement tous les mois. Et, chaque mois il constate son échec. LA MALADE Vous êtes femme au foyer, mariée à un chauffeur routier, souvent absent de la maison, comme votre fils unique de 19 ans qui travaille mais vit chez vous. Vous avez un diabète et une hypertension artérielle. Vous avez du mal à vous déplacer, vos jambes vous font souffrir. Vous prenez régulièrement vos médicaments et suivez – dites vous – régime alimentaire prescrit. Chaque mois allez voir votre médecin, vous constatez avec lui que vous avez encore pris du poids. Vous ne comprenez pas pourquoi… LE MEDECIN Vous êtes le médecin de la famille. Depuis des années vous suivez cette patients, hypertendue, diabétique et obèse. Elle vient tous les mois et vous constatez chaque fois qu’elle a encore pris du poids. OBJECTIFS - Constater l’échec quant à la perte de poids. - Faire reconnaître cet échec par le patient. - Questionner la patiente sur la signification qu’elle attribue à cet échec. - Proposer d’en comprendre avec elle la raison qui pourrait être affective : l’ennui ? - Etablir le lien entre le psychique et le somatique. - Ne pas rejeter la patiente. - Etre tolérant, maîtriser sa propre agressivité. 4- DEMANDE D’UNE PRESCRIPTION POUR UN TIERS LA SITUATTION Une patiente, 46 ans, que le médecin connaît de longue date, vient consulter pour des troubles circulatoires. En sortant de sa consultation, elle vous demande d’ajouter à son ordonnance un somnifère ou un calmant pour son fils. Son fils, 17 ans, vous l’avez suivi durant son enfance pour des affections bénignes. Sa mère vous dit que depuis plus d’un mois il n’arrive pas à se coucher et dort trop peu. Le soir, il tourne dans l’appartement et s’agite jusqu’à 4 heures. Le matin, il n’arrive pas à se lever pour aller au lycée. Il semble fatigué et toujours de mauvaise humeur. La mère dit en substance : son fils manque de sommeil, il ne dort pas assez, c’est pour cette raison qu’il est fatigué. Elle lui a dit d’aller voir le médecin, mais il ne veut rien entendre. D’ailleurs quand on veut lui parler, il quitte la pièce en claquant la porte et va s’enfermer dans sa chambre. Il refuse tout dialogue…Elle ne sais plus quoi faire. Elle ajoute : « Si vous pouviez ajouter à mon ordonnance un calmant ou un somnifère pour mon fils ». OBJECTIFS - Refuser toute prescription sans poser un diagnostic qu’implique une consultation ou un examen. - S’informer de la difficulté actuelle de cet adolescent en faisant réfléchir la mère. - Proposez quelques hypothèses qui permettraient de comprendre son comportement et ses troubles du sommeil. - trouver une solution pour essayer d’avoir un entretien avec lui. 5- LA RELATION MERE – ENFANT LA SITUATION Une dame, 34 ans, vient pour la première fois consulter le médecin pour Paul, son petit garçon de 5 ans. Il dort mal, vomit souvent les repas et se plaint d’avoir mal au ventre. Vous venez d’emménager en proche banlieue parisienne, après une séparation houleuse d’avec votre mari. Vous viviez depuis l’âge de 21 ans avec votre futur mari qui avait entrepris de longues études. Pendant ce temps, votre salaire assurait le quotidien. Depuis votre mari à une belle situation. Il y a cinq ans vous vous êtes mariés quand vous attendiez un enfant et vous avez cessé de travailler. Vous habitiez à Paris dans un grand appartement très confortable, que vous aviez aménagé et décoré avec goût. Peu après la naissance de Paul, vos relations de couple se sont détériorées. C’est lorsque vous avez appris qu’il vous trompait avec une jeune femme de 25 ans, que vous avez décidé de le quitter. En attendant que le divorce soit prononcé, vous vivez depuis trois mois, dans un appartement de trois pièces. Vous avez retrouvé un emploi et inscrit Paul dans une nouvelle école. Il reste à la cantine et à la garderie jusqu’à votre retour du travail. Depuis son comportement a changé, il n’est plus vif et enjoué comme avant. Le soir, il refuse d’aller au lit. La nuit, il se réveille et vient dans votre lit, vous vous sentez obligé de le garder près de vous pour le rassurer. L’ENFANT Vous avez 5 ans et vous avez « mal au ventre ». Vous êtes venu chez le médecin avec votre ours. Vous sucez votre pouce, renfrogné vous baissez la tête et vous vous accrochez à votre mère. Vous avez déménagé et changé d’école, votre institutrice ne vous plait pas. Vous voyez votre père tous les 15 jours. LE MEDECIN Vous voyez cette dame et son enfant pour la première fois. Elle vient vous consulter pour Paul. Il se réveille la nuit en pleurant, il a perdu l’appétit, vomit ses repas, il a mal au ventre. Vous l’avez minutieusement ausculté, vous n’avez rien trouvé d’inquiétant. Paul sagement s’est laissé faire, mais il fuit votre regard. OBJECTIFS - Repérer l’état dépressif de l’enfant. - Comprendre le symptôme de l’enfant dans son contexte relationnel. Explorer la situation de la mère et de l’enfant pour comprendre pourquoi Paul présente depuis peu de temps des troubles dont il ne souffrait pas avant. Faire parler la mère et trouver un moyen pour que Paul s’exprime aussi. - Interroger la mère sur ses conditions actuelles de vie. - Reconnaître avec elle que les circonstances de sa séparation sont douloureuses. - Faire intervenir l’enfant. - Trouver un moyen pour lui permettre de s’exprimer personnellement. - Faire taire sa mère, avec sollicitude, pour laisser la parole à l’enfant. - Aider la mère à penser que son enfant ressent confusément à travers elle ses peines et ses difficultés actuelles, qu’ensemble ils vivent une situation pénible. - Rapporter les troubles digestifs de l’enfant, comme ses troubles du sommeil, à sa problématique affective et à son état dépressif. - Amener la mère à adopter ce point de vue. 6- LE CANCER DU SEIN : Découverte d’un nodule mammaire LA SITUATION Cette patiente de 35 ans vient consulter pour des migraines. En consultant sa fiche, le médecin s’aperçoit qu’il n’a pas examiné les seins depuis deux ans. Il découvre un nodule dans le sein gauche. Elle est au onzième menstruel et porte un stérilet. LE MALADE Vous êtes enseignante et mère de deux jeunes enfants. Vous avez un tempérament anxieux et consultez assez souvent votre médecin pour des troubles fonctionnels, comme aujourd’hui. Vous avez des difficultés dans votre couple et vous êtes en deuil de votre père. Vous êtes surprise d’apprendre la présence d’un nodule dans votre sein, immédiatement vous pensez au cancer. Par ailleurs, vous n’avez aucun antécédent particulier, personnel ou familial. LE MEDECIN Vous avez 40 ans, « préventionniste » convaincu. Vous suivez cette patiente ainsi que ses enfants depuis que vous êtes installé. Vous la savez anxieuse et devez lui annoncer que vous avez palpé un nodule dans son sein gauche. Vous avez récemment découvert un cancer du sein chez une jeune femme. OBJECTIFS - Obtenir que la malade fasse sans attendre une mammographie. - Prévenir d’une possible ponction du nodule, pour examen anatomo-pathologique. - Dire qu’il y a suspicion de malignité en se montrant rassurant. - Adapter le propos au comportement et à l’entendement de la patiente. CONCLUSION SUR LES JEUX DE RÔLE COMME OUTIL PEDAGOGIQUE DANS LA FORMATION DES ETUDIANTS EN MEDECINE A LA RELATION MEDECINMALADE L’apprentissage de la relation médecin-malade nécessite une certaine progressivité. Il nécessite d’abord la formation théorique des étudiants aux déterminants psychologiques de la relation médecin malade et à ses enjeux. Les enseignements dirigé de psychologie médicale, procurent ensuite une première expérience des diversités de comportements dans la pratique médicale avec les patients et invite à repérer les mouvements subjectifs du médecin et du patient. La mise en situation à l’aide des jeux de rôle permet aux étudiant d’expérimenter individuellement leur propres mécanismes psychologiques mis en jeu dans une situation fictive de relation médecin-malade. Dans notre expérience à la faculté de Créteil, la valeur formatrice de tels groupes est corroborée par le retour que les étudiants et les enseignants en font. Ils disent aborder la relation avec les patients avec moins d’inquiétude et se montrent particulièrement intéressés à prendre en compte le fait psychologique en complément de leur future formation scientifique et technique. Il s’agit cependant d’un enseignement lourd, puisqu’il se pratique en petits groupes, avec 2 enseignants par groupe. Il nécessite, en outre des enseignants formés à l’animation de groupes, ce qui nécessite un investissement important. A la faculté de médecine de Créteil, c’est sous l’impulsion du Département d’Etude et de Recherche en psychologie médicale, qui regroupe des médecins généralistes, des psychiatres et des psychologues formés au techniques d’animation de groupe, que se sont mis en place très naturellement les jeux de rôle comme outil pédagogique.