Atelier : Intervention en situation de crise suicidaire

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Lafleur Christian
Séguin Monique
3e Colloque de la prévention du suicide
au collégial
Mont-St-Anne
Atelier : Intervention en situation de crise suicidaire
Présenté par
Christian Lafleur
Enseignant en TES
Cégep de l’Outaouais
24 Mai 2007
Les 7 étapes de l’intervention en situation de crise suicidaire1
1. Créer un lien de confiance et susciter l’engagement.
• Présence chaleureuse, authentique et confiante;
• Attitude positive envers la personne;
• Respect et non jugement (éviter de faire la morale);
• Intérêt pour la personne;
• Écoute empathique;
• Accueil de la souffrance;
• Évaluation constante du maintien du lien de confiance avec la personne.
2. Évaluer la sévérité des symptômes et la dangerosité.
• Évaluation du RUD. (voir tableau 2.3.3)
3. Comprendre la situation de crise actuelle.
• Vérification de la perception des événements vécus;
• Clarification des événements et de leur déroulement (éléments précipitants /déclencheurs), le « ici,
•
maintenant » ;
Identification des solutions déjà utilisées notamment le recours aux services du réseau formel.
4. Favoriser l’expression des émotions.
• Observation des réactions verbales et non verbales;
• Mise en mots des émotions (par l’intervenant et par la personne);
5. Briser l’isolement.
• Identification des personnes significatives dans le réseau naturel de la personne et pouvant lui offrir du
•
•
soutien;
Identification des organismes et des personnes ressources du réseau formel pouvant offrir du soutien;
Implication des personnes identifiées.
6.
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•
•
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•
•
Formuler la crise et le plan d’action.
7.
•
•
•
Effectuer le suivi après la crise.
1
Normalisation les émotions, pensées et comportements;
Transmission des informations qui permettront une reprise de contrôle de sa vie;
Partage de sa compréhension de la crise à la personne;
Transmission de l’espoir;
Identification du problème sur lequel la personne veut « agir »;
Utilisation des compétences de la personne;
Identification des solutions déjà utilisées et des autres qui pourraient être entreprises;
Précision des objectifs et moyens à court terme en vue de résoudre le problème ;
Référence au besoin à un centre de crise/urgence/médecin/intervenant spécialisé;
Établissement d’une entente de non suicide (dans certains cas, si nécessaire).
Vérification du déroulement du plan d’action;
Réévaluation du plan d’action;
Collaboration avec les partenaires.
Séguin, Monique, Brunet, Alain, Leblanc, Line, Intervention en situation de crise et en contexte traumatique,
Morin, 2006, 200 pages.
Montréal :
Gaëtan
Tableau des facteurs de risque, de l’urgence et de la dangerosité (RUD)2
Facteurs de risque
¾ Individuels/personnels
y Les antécédents suicidaires
9
9
y
y
y
y
y
La personne a déjà fait des tentatives.
Antécédents de suicide dans la famille.
Santé mentale
9 Diagnostic de trouble mental (troubles affectifs, troubles de la personnalité, psychose).
9 Abus ou dépendance à l’alcool ou aux drogues.
Difficultés dans le développement
9 La personne a connu des difficultés personnelles et sociales au cours de l’enfance et de l’adolescence.
Estime de soi
9 Estime de soi faible ou fortement ébranlée.
Tempérament et style cognitif
9 Présence de comportements agressifs.
9 Impulsivité.
9 Rigidité de la pensée.
9 Difficultés à résoudre un problème et trouver des solutions.
Santé physique
9 Problèmes de santé physique qui affectent la qualité de vie.
¾ Familiaux
y Antécédents de violence ou abus subis (physique ou sexuel)
9
9
y
y
y
y
y
La personne a vécu de la violence de la part de la part d’un parent.
La personne a subi un abus sexuel de la part d’un membre de la famille immédiate ou élargie.
Pertes et abandons précoces
9 La personne a vécu des abandons précoces dont le deuil est non résolu.
Négligence des parents
9 La personne a vécu de la négligence de la part de ses parents.
Toxicomanie et alcoolisme des parents
9 La personne a vécu avec un ou des parents ayant un trouble de toxicomanie ou d’alcoolisme.
Antécédents suicidaires dans la famille
9 L’entourage a déjà fait des tentatives ou complété un suicide.
Santé mentale des parents
9 Antécédents de trouble mental dans la famille.
¾ Événements de vie
y L’élément déclencheur
9
y
y
22
L’élément récent qui amène la personne en état de crise.
Situation économique
9 Pauvreté économique.
Isolement social
Lafleur, Christian, Séguin, Monique, L’intervention en situation de crise suicidaire, Montréal : CCDMD, 2007
9
Le réseau social est inexistant ou pauvre.
y
Séparation ou perte récente
y
Difficultés dans le développement
9
9
9
y
La personne est affectée par un suicide récent.
Difficultés avec la loi
9
y
Difficultés scolaires ou professionnelles.
Placement durant l’enfance/adolescence.
Contagion suite à un suicide
9
y
La personne a vécu des pertes récentes qui l’affectent encore.
La personne a commis des infractions ou des délits qui entraînent des difficultés avec la loi.
Pertes, échecs ou événements humiliants
9
La personne a vécu une perte, un échec ou un événement qu’elle considère particulièrement humiliant et
qui la bouleverse profondément.
L’urgence
¾ Quand
9
Le passage à l’acte est imminent. (48 ou 72 heures)
Danger
¾ Le scénario
9
Le scénario est élaboré. (Comment, où, qui)
¾ Létalité du moyen
9
9
Le moyen envisagé présente un danger de létalité élevée.
Le moyen est disponible.
Tableau des niveaux d’urgence suicidaire3
Urgence faible
¾ La personne a surtout besoin de parler à quelqu’un;
¾ Elle pense au suicide mais n’a pas réfléchi à quel moment elle pourrait le faire;
¾ Elle a des projets pour les prochains jours;
¾ Elle est souffrante mais pas anormalement troublée;
¾ Elle cherche et entrevoie des solutions à ses problèmes;
¾ Elle accepte de l’aide.
Urgence moyenne
¾ Elle laisse transparaître un équilibre émotif fragile;
¾ Elle envisage clairement le suicide mais en a reporté l’exécution;
¾ Ne voit pas d’autres moyens que le suicide pour arrêter de souffrir;
¾ A besoin d’aide et exprime directement ou indirectement son désarroi;
¾ Elle peut nier avoir besoin d’aide.
Urgence élevée
¾ La personne est décidée et prévoit passer à l’acte dans les 48 heures;
¾ Elle est coupée de ses émotions, rationalise sa décision ou, au contraire, est très
émotive, agitée ou troublée;
¾ Se sent complètement immobilisée par la dépression;
¾ Laisse transparaître ou manifeste sa cesse sa souffrance ou, au contraire, cherche
constamment à la réprimer;
¾ Est persuadé d’avoir réellement tout fait et tout essayé;
¾ Elle peut ne pas vouloir d’aide.
3
Séguin, Monique, Le suicide : comment prévenir, comment intervenir, Montréal : Éditions
Logiques, 1991, 126 pages.
Mise en situation : Annie4
Contexte d’intervention
Vous êtes intervenante au Cégep. Annie est venue à son cours ce matin mais n’arrive pas à
être attentive et concentrée. Elle retient difficilement ses larmes. A la première pause, son
amie, inquiète l’a convaincue de venir vous voir. Elles se présentent à votre bureau et vous
recevez Annie, seule pendant que son amie, rassurée, retourne à son cours. C’est la première
fois que vous la rencontrez.
Nom : Annie
Âge : 19 ans
Description de la personne
Annie est étudiante de deuxième année au Cégep en sciences de la nature. Annie demeure chez
ses parents. Elle travaille à temps partiel dans un commerce de détail.
Situation actuelle
Annie a perdu 7 kgs depuis deux mois. Elle ne pèse que 45 kgs et mesure 160 cm. Elle mange
très peu et dort mal. Elle camoufle son faible poids sous des vêtements amples. Ses parents
sont inquiets ayant l’impression de revivre un scénario déjà vécu mais ne lui en parlent pas.
Événements ayant mené aux comportements suicidaires actuels
Depuis quelques mois, Annie travaille beaucoup (25 heures) pour payer ses dépenses
personnelles et sa voiture. Elle investit également beaucoup de temps dans ses études car elle
veut être admise en médecine. Elle est très exigeante envers elle-même et s’impose d’avoir des
notes très élevées dans tous ses cours. Elle trouve difficile de concilier tout cela mais ne veut
pas lâcher, ni son travail, ni ses études. Sa mère lui laisse entendre régulièrement de diverses
façons qu’elle s’attend à ce qu’elle soit acceptée dès cette année et qu’elle serait très déçue du
contraire.
Elle avait un copain depuis l’automne à qui elle s’était très vite attachée. Cependant, leur
relation s’est progressivement détériorée durant cette même période car il trouvait qu’elle
n’était pas suffisamment libre pour lui. De plus, il s’inquiétait de la voir perdre du poids ainsi.
Depuis quelques semaines, leur relation était très conflictuelle. Hier, il lui a annoncé qu’il l’a
quittait. Annie est complètement effondrée depuis. Elle pleure sans arrêt, elle n’a ni mangé, ni
dormi. Elle a l’impression de n’avoir jamais tant souffert, elle se sent seule et abandonnée et
veut mourir. Toutefois, elle n’a aucun scénario établi.
4
Lafleur, Christian, Séguin, Monique, L’intervention en situation de crise suicidaire, Montréal : CCDMD, 2007, p. 92
Antécédents
Annie est l’aînée d’une famille de deux enfants. Elle a toujours vécu avec ses deux parents.
Annie a été élevée dans un milieu familial très exigeant. Elle a toujours fait beaucoup
d’activités (ballet, danse, musique). Sa mère s’en est beaucoup occupée tout en lui imposant
une grande discipline et des performances élevées. Il en était de même à l’école où elle devait
toujours réussir avec des notes élevées. Son père, professeur d’Université, était plus
chaleureux envers elle mais peu présent car il travaillait beaucoup. Elle a un bon lien avec sa
sœur de deux ans sa cadette qu’elle a souvent protégée face aux exigences parentales. C’est à
l’adolescence que les difficultés ont commencé à ressortir lorsque Annie a fait une tentative de
suicide à l’âge de 13 ans. Elle a été hospitalisée et c’est à ce moment que son trouble
alimentaire a été diagnostiqué. Sa mère a très mal réagi lui reprochant de la trahir tandis que
son père, tout en étant un peu plus présent au moment de l’hospitalisation, a vite repris son
rythme de travail par la suite. Annie s’est sentie abandonnée, à nouveau, par lui à ce moment là
face à sa mère qu’elle trouvait étouffante et culpabilisante. Depuis, elle a n’a pas fait d’autre
tentative de suicide. Son trouble d’anorexie a été soignée à l’époque mais elle a eu une période
difficile à 17 ans, lors de son entrée au Cégep sans qu’une hospitalisation soit nécessaire étant
soignée en clinique externe. Elle ne reçoit plus de services depuis 1 an.
Éléments de risque
Éléments d’urgence
Danger
Évaluation du risque
Évaluation de l’urgence
Évaluation du danger
Pistes d’intervention
Commentaires et discussion
Éléments de risque
Éléments d’urgence
Antécédent de tentative de Idéations de mourir
suicide
Trouble d’anorexie
Perte récente
Relation avec sa mère
difficile
Sentiment d’abandon face à
son père
Danger
Pas de scénario
Évaluation du risque
Évaluation de l’urgence
Évaluation du danger
Moyen
Faible
Faible
Pistes d’intervention
•
•
•
•
•
•
•
•
•
Écouter la souffrance liée à la séparation avec son copain.
Aider à clarifier les événements en lien avec cette rupture.
Aider à reconnaître qu’elle s’en impose beaucoup (travail et études).
Miser sur la relation avec sa sœur.
Valoriser son projet d’études.
Valoriser sa capacité à vaincre les épreuves qu’elle subies.
L’amener à prendre conscience de l’importance de prendre soin d’elle.
Aider à reconnaître la perte de poids et la présence de comportements d’anorexie.
L’amener à retourner chercher de l’aide pour son trouble d’anorexie qui ressurgie.
Commentaires et discussion
• L’implication des parents dans cette situation, en tenant compte de leur relation difficile et
pas toujours soutenante avec Annie, devra être évaluée avec prudence afin d’éviter
d’aggraver les sentiments de perte et d’abandon qui pourraient augmenter l’urgence
suicidaire.
• Les personnes ayant ce trouble alimentaire (anorexie) nient habituellement leur perte de
poids et les autres symptômes associés.
• L’anorexie vise à retrouver le contrôle du corps et l’autonomie : l’intervention doit miser
sur les habiletés de la personne à répondre à son besoin de pouvoir et de compétence.
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