LE POINT SUR LE COEUR PULMONAIRE CHRONIQUE A BAMAKO A propos de 22 cas TOURE* M.K., DAO* M.Y., DIALLO* B.A. RESUME METHODOLOGIE Du 1er Novembre 1988 au 31 Octobre 1989, 22 cœurs pulmonaires chroniques (C.P.C.) en décompensation sont hospitalisés dans le Service de Cardiologie de l’Hôpital du Point-G”. La prédominance masculine est notée avec 99,99 % des malades. L’étude révèle que 88,36 % de nos patients sont fumeurs et que la bronchite chronique re p r é s e n t e l’essentiel des étiologies avec 40,90 % des cas. Les signes fonctionnels dominants sont la toux, la bronchorrhée purulente et la dyspnée avec la même fréquence (86,36 %). L’amaigrissement s’observe chez 90,90 % des malades. Les signes cardiaques et les aspects électroradiologiques sont classiques. Pour la majorité des patients (81,82 %), le traitement est efficace malgré l’absence d’oxygène. Les auteurs signalent cependant peu de complications rythmiques. Notre étude porte sur 22 cas de C.P.C. décompensé recrutés dans le service de cardiologie de l’hôpital du Point-”G” du 1er Novembre 1988 au 31 Octobre 1989. Sont retenus : - tous les sujets souffrant d’une bronchopneumopathie chronique associée aux signes de décompensation cardiaque droite, - tous les sujets souffrant d’une dyspnée chronique associée à des signes d’insuffisance ventriculaire droite avec comme antécédent une maladie thrombo-embolique. Mots clés : Cœur Pulmonaire Chronique, traitement médical, résultats, évolution. INTRODUCTION Le coeur pulmonaire chronique (C.P.C.) apparaît aujourd’hui comme un chapitre dominant de la pathologie observée dans le Service de Cardiologie de l’Hôpital du Point-”G”. Ceci s’explique en partie par l’arrivée d’un Pneumologue dans le Service et aussi par la recrudescence des bronchopathies chroniques liées à l’accroissement de l’intoxication tabagique. Ce présent travail envisage : - de présenter les aspects épidémiologiques et cliniques du C.P.C. .à Bamako, - d’apprécier nos résultats thérapeutiques en dépit de nos moyens limités, - enfin de dégager les perspectives d’avenir. * Service de Cardiologie Hôpital du Point-”G” - Bamako (Mali). Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (4) Chaque patient est soumis à un interrogatoire et à un examen physique. Le bilan complémentaire comporte pour chaque malade un électrocardiogramme, un cliché standard du thorax et un hémogramme avec vitesse de sédimentation. L’évolution sous traitement est jugée : - favorable après disparition des signes fonctionnels et physiques et réinsertion socio-professionnelle du patient, - moins favorable en cas de régression seulement partielle de la sémiologie fonctionnelle et physique et/ou d’une mauvaise réinsertion socio-professionnelle, - enfin défavorable lorsque la dégradation cardio-respiratoire conduit à la mort du patient RESULTATS 1. Aspects épidémiologiques a) Mortalité et morbidité cardiovasculaires L’appréciation de la prévalence du C.P.C. est difficile. En 1989, 439 malades sont hospitalisés en cardiologie et 22 (soit 5,01 %) le sont pour décompensation de C.P.C. qui apparaît ainsi comme la 4ème cause de séjour dans le Service après les cardiomyopathies l’hypertension artérielle et les accidents vasculaires cérébraux. Pendant la LE POINT SUR LE COEUR PULMONAIRE CHRONIQUE… période considérée il a été responsable de 7,60 % des décès. b) Age et sexe La moyenne d’âge est de 60 ans avec un pic de fréquence entre 51 et 60 ans (36,63 %). Le sexe masculin représente 99,99 % des cas. c) Facteurs de risque Ils sont classiques. Le milieu semi-urbain constitue 63,63 % des malades. Le maximum de recrutement (40,90 %) est fait entre Juin et Octobre qui correspond à la saison pluvieuse. La majorité soit 86,36 % des malades fume avec une moyenne de tabagisme à 34,5 paquets/année . 235 3. Aspects paracliniques Au plan radiologique, l’aspect courant est une silhouette cardiomédiastinale de volume normal dans 54,45 % des cas, mais une cardiomégalie apparaît dans 45,45 % des cas. Les aspects électriques fréquents sont une hypertrophie ventriculaire droite (dans 71,42 % des cas) le bas voltage standard et/ou périphérique (dans 85,71 % des cas). Les autres moyens d’exploration ne sont pas encore possibles à Bamako (gazométrie, spirométrie, cathétérisme cardiaque). 4. Aspects thérapeutiques et évolutifs Rappelons d’abord que nos critères d’appréciation ne sont que cliniques et électriques alors qu’ailleurs ils sont gazométriques (7) . 2. Aspects étiologiques et cliniques La bronchite chronique domine les étiologies avec 40,90 % des cas. Viennent ensuite l’emphysème (18,18 %) et l’asthme (13,63 %). On constate une faible représentation des autres étiologies. Les bronchopathies chroniques obstructives dominent dans l’ensemble les étiologies avec 77,27 % des cas. La toux, la bronchorrhée purulente et la dyspnée s’observent avec la même fréquence (86,36 %). Nos moyens limités nous réduisent au seul traitement médical (associant corticoïde, antibiotique, bronchodilatateur, diurétiques avec mesures hygiénodiététiques) sans oxygénothérapie et d’après nos critères, nos résultats sont bons dans la majorité des cas (81,82 %). Nous enregistrons 18,18 % de décès en accord avec les autres auteurs (1, 2, 4) et 18 % de complications rythmiques. DISCUSSION Parmi les signes généraux, le plus constant est l’amaigrissement (90, 90 %) très souvent associé à 1’insomnie (86,36 %), aux vertiges (59,09 %) et à une sudation importante (59,09 %). La fièvre se rencontre chez 13,73 % de nos malades. Le syndrome de distension prédomine à l’examen physique avec 99 % des cas, presque toujours associé à des signes de lutte respiratoire (86,36 %). La cyanose franche n’est décrite que chez 4,54 % des C.P.C. Les signes cardiaques centraux dominants sont la tachycardie avec assourdissement des bruits du coeur, le bruit de galop et le signe de Harzer présents dans la moitié des cas. Quant aux signes périphériques de stase ils existent également chez plus de 50 % de nos malades. Notre travail souffre de lacunes incontestables notamment l’absence d’exploration fonctionnelle respiratoire et endocavitaire et la faible taille de l’échantillon. Il affirme toutefois l’existence du C.P.C. au Mali dont une approche diagnostique correcte reste néanmoins possible. Nos aspects épidémiologiques et évolutifs sont identiques a ceux de la littérature (1, 2, 4, 5, 6, 7, 8) mais nous enregistrons peu de troubles du rythme cardiaque ; peut-être que l’absence d’enregistrement électrique continu par méthode HOLTER expliquerait cette distorsion avec d’autres auteurs. CONCLUSION Le C.P.C. existe au Mali et risque dans les années à venir avec l’accroissement du tabagisme d’être un des aspects Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (4) TOURE M.K., DAO M.Y., DIALLO B.A. 236 dominants de la pathologie cardiaque tropicale. Des insuffisances notamment thérapeutiques apparaissent et trouveront une solution heureuse dans la rénovation de nos structures hospitalières. L’avenir est toutefois dans la lutte contre le tabagisme et les autres nuisances respiratoires pour réduire la morbidité de cette affection hautement invalidante et en limiter le coût socio-économique pour l’individu et la communauté. BIBLIOGRAPHIE 1 - ANTEBI C. Le coeur pulmonaire thrombo-embolique. Thèse Paris 1963. 2 - BAH KESSO M. Contribution à l’étude du Cœur Pulmonaire Chronique dans le Service de Cardiologie du C.H.U. Ignace-Deen ; Thèse Méd. Conakry 1986. 3 - DAO M.Y. Le Cœur Pulmonaire Chronique des bronchopneumopathies chroniques et des embolies pulmonaires récidivantes ; Thèse Méd. Bamako 1989. 4 - DIALLO A.A. Le Cœur Pulmonaire Chronique à Conakry ; Thèse Méd. Conakry 1979. Médecine d'Afrique Noire : 1993, 40 (4) 5 - GOFSTEIN N., MORAND Ph. Cœur Pulmonaire Chronique. Conférence de Cardiologie, 1978, fasc.15, 7-27. 6 - LEBEAU B. Cœur Pulmonaire Chronique. Pneumologie, 1981 (4e trimestre) 134-237. 7 - PIGERIAS B. Coeur Pulmonaire Chronique. Rev. de Cardiol. Tropic. ; 1988 (Avril, Mai-Juin) 54, 85-89. 8 - SADOUL P., DUWOOS H., PRETET S. Etude critique des indications de l’oxygénothérapie à long terme. BPCO 1988, 5 (4), 363-372.