(Timor central) In - Brill Online Books and Journals

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L. Berthe
Sur quelques distiques buna (Timor central)
In: Bijdragen tot de Taal-, Land- en Volkenkunde 115 (1959), no: 4, Leiden, 336-371
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SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA'
(TIMOR CENTRAL).
i.
T
imor appartient a 1'arc méridional, non volcanique, de Nusantara, 1'archipel des Petites Hes de la Sonde. L'ile fait, en gros,
600 kms. de longueur sur 80 de largeur. Elle est politiquement divisée:
Ie Portugal en détient la moitié oriëntale ainsi que 1'enclave de Oekusi,
sur la cóte nord; la moitié occidentale, ex-colonie hollandaise, est revenue a la République indonésienne. Timor est peuplée de nombreux
groupes distincts, tant par la langue que par les coutumes. Les Buna',
a cheval sur la frontière, occupent Ie centre de l'ile et n'ont nulle part
de fenêtre sur la mer. lis sont enveloppés de tous cötés par les Tétun,
sauf au nord-est ou leur frontière est un instant commune avec les
Mambai. De tres récentes migrations ont mené des Buna' sur la cöte
meridionale, jusqu'a Suwai en territoire portugais, et Besikama, dans
la partie indonésienne.
Si grandes que soient les différences, on peut aisément dégager un
certain nombre de caractères communs a toutes les populations de
Timor: 1'organisation politique de type f éodal, associée a la chasse aux
têtes et a la vénération des héros, les systèmes de parenté fondés sur
1'échange généralisé, une religion associant Ie culte des ancêtres a
celui des génies, sont des traits d'ailleurs communs a 1'ensemble du
monde indonésien. Les Timorais sont des cultivateurs de maïs et de
riz de ladang, bien qu'on rencontre des rizières irriguées dans les
vallées; ils sont éleveurs de buffles, de chevaux, de porcs, de chèvres
et de volailles. Les femmes sont habiles dans les arts du tissage et de
la vannerie.
L'aspect anthropologique du peuple buna' est loin d'indiquer un
groupe homogene. Selon M. Mendes-Corrêa, 1'élément deutéro-malais
serait chez eux prédominant, „les rapprochant peut-être ainsi des Dayaks
de Bornéo" ;• 1'anthropologue portugais insiste néanmoins sur 1'hétérogénéite raciale du groupe, oü il rencontre aussi une forte proportion
de types veddoïdes, proto-malais et mélanésiens. Ses statistiques ne
sont a vrai dire fondées que sur la mensuration de 17 sujets. Par
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
337
ailleurs, il fait des „Marae" une population distincte des Buna': quoiqu'en vérité, „Marae" soit Ie nom que donnent aux Buna' leurs voisins,
les Tétun (ceux-ci, a leur tour, plus connus sous Ie nom ethnographique
et administratif de „Belu" ou, a Timor portugais, de Tetum, la langue
portugaise n'admèttant pas Ie -n final....)- Plus récemment, Miss
Keers, sans plus prendre Ie risque de dénominations raciales, constate
la fréquence des dolichocéphales, et une stature moyenne plus élevée
que celle des autres Indonésiens. L'aristocratie buna' ayant eu a son
service, jusqu'a la colonisation hollandaise, tout un peuple d'esclaves
achetés sur les marchés ou dans des ports comme Atapupu, — et traites
la plupart du temps comme des membres de la familie, ne soyons pas
surpris que la race actuelle soit inclassable.
Les Buna' sont gouvernés par toute une hiërarchie aristocratique,
depuis les chefs suprêmes (en Indonesië: BEIN GON'IL, OU „Quatre
Grands"), jusqu'aux simples hérauts de villages. Les maisons, ou
lignages, sont unies entre elles par des liens traditionnejs d'alliance
matrimoniale, suivant la chaine de 1'échange généralisé, chaque maison
ayant deux sortes d'alliés permanents: ses donneurs de femmes (MALU) 1
et ses preneurs de femmes (AI-BA'A). La coutume prévoit deux formes
de mariage: Ie premier par achat de la fiancée, est patrilocal et patrilineaire (SUL-SULI') ; Ie second, TON-TEREL, matrilocal et matrilineaire,
ne crée aucun lien définitif entre les maisons en cause.
L'année, a Timor, se divise en deux parties bien distinctes 2 d'inégale
durée: une saison sèche qui commence en avril; une saison des pluies,
dont Ie début se place vers Ie 15 novembre; dans les montagnes centrales, de petites pluies, en mai, favorisent la culture de 1'ail, d'introduction recente.
Ce rythme climatique détermine bien entendu les traditions agricoles,
mais marque fortement aussi la vie sociale.
Dès octobre, les Buna' commencent a préparer leurs champs pour
les ensemencer soit, après en avoir abattu les arbres, par brülis d'une
jachère vieille de cinq ou six ans, soit seulement en mettant Ie feu aux
souches de padi ou de maïs, et aux mauvaises herbes des ladang ayant
déja fourni une récolte l'année précédente.
Avant la mi-novembre, on commence a enterrer les graines de padi,
1
2
„Donneur de femmes" se dit Mayu chez les Katchin et Mayoa a Alor.
II va de soi que ce n'est pas Ie lieu, dans une simple introduction, de donner
une description détaillée des techniques agxicoles, d'étudier rituels et sacrifices;
moins encore, d'aborder les questions de propriété, d'héritage, ni 1'organisation
politique et sociale. Ces importantes questions fourniront la matière de publications ultérieures.
Dl. 115
22
338
LOUIS BERTHE.
sans attendre les pluies. Lorsqu'il a commencé a pleuvoir, vers Ie 15,
alors on plante Ie maïs; les jeunes pousses de padi ont dé ja commencé
a sortir de terre: dès la fin du mois, il faudra sarcler une première
fois les champs de padi.
TUBI-LAI, qui est la fête de la chasse et de la saison des pluies, se
déroule a cette époque des semailles; c'est une fête publique, une fête
de village, la première — ou la dernière — de 1'année. Elle s'accompagne de rituels et de sacrifices privés au MAR UMON, la pierre centrale
du champ, destinés a assurer la fécondité des graines qui seront semées
immédiament après.
C'est une periode morne et laborieuse de quatre mois et demi, qui
succède au TÜBI-LAI. Il pleut chaque jour, les chemins sont détrempés,
les torrents gonflés; dans la montagne, il fait froid; on reste des jours
sans apercevoir Ie soleil. Mais la terre reverdit et, rapidement, les
mauvaises herbes se font envahissantes. En janvier c'est Ie déherbage
général des champs (u TUL) : au petit lopin suffit une main d'oeuvre
réduite, et la maison y pourvoit. Mais Ie déherbage d'un grand champ
est un evenement; tout Ie village y participe: Ie propriétaire nourrit
son monde; il tue une chèvre ou, s'il est Ie chef du village, un buffle.
Chaque travailleur recjoit en outre une part de si GUSUK, morceaux de
viande cuite, découpés et enfilés sur des baguettes, qu'ils peuvent emporter chez eux.
Jusqu'au dernier moment, il faudra veiller a la récolte. Celle-ci excite
déja la convoitise des animaux de la forêt: singes, cerfs et sangliers.
Les jours se passent a consolider la clóture des champs, a colmater les
brèches; les nuits, a veiller en battant les OLO-OLO, tambours de bambou,
pour éloigner les bêtes sauvages.
La „soudure" est parfois, difficile; les greniers vides, il faut alors
se contenter de manioc séché, de tubercules divers, dont 1'igname. Mais
dès la mi-février, chacun peut s'offrir, ou a ses alliés, la friandise de
jeunes épis de maïs bouillis, accompagnés, quand c'est possible, d'un
gobelet de café.
C'est Ie TERI-GOMO, gardien des récoltes qui fixe, pour Ie village, la
date de la première fête de 1'année, celle de la récolte du maïs: PA'OL
SAU. Elle a lieu dans les derniers jours de février ou au début de mars.
Les premiers épis sont offerts dans la matinee aux ames des Anciens
et aux génies du village, sur Ie SARAN-MOT, la place de danse et aux
BOSOK, autels de maisons. Des gateaux de maïs nouveau sont échangés
sur les tombes. Le soir venu, dans chaque grande maison de lignage,
les anciens, gardiens du patrimoine, offrent rituellement, au cours d'une
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longue cérémonie, les prémices de la récolte aux ancêtres et aux génies
du lieu. Des épis frais sont attachés au grand poteau male de la
maison, pour remplacer ceux de 1'année précédente. Enfin, les prémices
sont partagées entre les vivants: tous les présents, hötes et alliés,
recjoivent une part correspondant a leur dignité ou a leur rang. Puis
dans la nuit, s'éclairant avec des torches, gargons et filles, jeunes et
vieux, se rassemblent sur la place encore humide de la pluie de la
journée, oü ils danseront des rondes en chantant, jusqu'a 1'aurore.
Désormais, avec Ie retour progressif de la saison sèche, la vie va
changer de rythme: une succession de fêtes et de travaux joyeux va
remplacer 1'isolement relatif de chacun durant les pluies.
Une fois achevée la récolte du maïs, et les épis serres dans les
greniers de chaque lignage, il faut préparer la récolte du padi, qui va
se dérouler, maison après maison, depuis Ie début d'avril jusqu'a la
mi-mai. Bien que 1'IPI-LETE ne soit pas une fête publique, c'est un point
culminant, la fête la plus courue de 1'année. Elle est marquée par la
construction du BITIRAI, aire a battre protégee par un grand toit, édifié
sur Ie champ même; la récolte donne lieu a un rituel complexe de
fermeture et de protection contre les PAN MUK GOMO, les mauvais génies,
rituel auquel les ancêtres sont associés. Pendant la journée, les femmes
coupent les tiges de padi dans Ie champ, les hommes de la maison
piétinent les épis sur l'aire a battre en chantant d'anciens distiques. La
nuit, Ie travail ne cesse pas: mais 1'arrivée, au soir, d'une foule de
jeunes gens et de jeunes filles attirés par la force magique du SUBUL
fixé au toit du BITIRAI, transfigure Ie travail en fête: on se met a
danser sur l'aire oü des mains attentives renouvellent sans cesse les
tiges de padi a égrener. Au milieu de la nuit, la maison qui regoit donne
un repas, groupe après groupe, a tous les hötes genereusement abreuves.
L'enthousiasme est tel qu'on oublie la fatigue, on danse, on chante, de
toutes ses forces. Des couples sortent discrètement, on fleurte sur la
paille, on bavarde autour du BITIRAI, pour reprendre haleine....
La récolte rentree, les champs tondus et Ie soleil bien installé, il faut
désacraliser la nouvelle récolte avant de commencer a la consommer;
c'est alors, au jour fixé par les anciens, la fête de HOHON-A, qui consiste,
comme Ie PA'OL SAU, en offrandes de prémices aux ames des ancêtres
et aux génies, suivies d'une nuit blanche oü 1'on danse et chante des
rondes puissantes ou endiablées.
Les lignages peuvent désormais disposer librement de la récolte:
certains vont alors prendre date pour la fête qu'ils donneront, pendant
la saison, a 1'occasion de 1'achèvement d'une nouvelle maison, ou pour
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LOUIS BERTHE.
les parents morts dans les années précédentes: LAL BELIS et LAL GUZU,
„affaire blanche", „affaire noire", suivant Ie cas; la blanche succédant
parfois a la noire sans interruption.
Ces fêtes jouent un röle essentiel: la maison qui donne la fête est
astreinte par la coutume a inviter pour l'occasion tous ses alliés traditionnels : donneurs de femmes et preneurs de femmes. Pendant une
semaine, ou plus, ceux-ci assisteront aux rites, mangeront a satiété la
viande des buffles et des porcs sacrifies et repartiront, les preneurs de
femmes délestés de nombreux plats d'argent (jadis, d'or), mais avec
de belles couvertures neuves, et les donneurs de femmes presque nus,
mais la sacoche lourde et tintante.
Le temps passé vite, une fête succéde a 1'autre tandis que, la
récolte rentree, on plante 1'ail qui fournit, avec la vente des bestiaux,
les seuls revenus de 1'année aux paysans buna'. Puis il faut irriguer
1'ail, déherber une fois de plus les champs. C'est 1'époque, de juin a
octobre, ou tous peuvent être requis, dans les villages oü la décision
en a été prise, pour la reconstruction de maisons de lignage: les uns
vont abattre des arbres a la hache dans la forêt, tailler avec le coupecoupe les énormes poteaux du pilotis et les planches épaisses, tandis
que d'autres démolissent la vieille maison qui tombe en ruines. En
moins de deux mois, tout est en place, garc.ons et filles vont couper les
longues herbes tranchantes qui, liées en petites bottes, serviront a
couvrir le toit. Puis ce sera la fête, si les récoltes ont été assez abondantes. Sinon, on attendra 1'année suivante....
Octobre arrive, on est las des fêtes; il faut arracher 1'ail, le faire
sécher, le vendre aux boutiquiers chinois. Et puis les jachères sont la,
qui attendent d'être préparées avant le retour des pluies, Chacun
retourne a d'autres travaux, avec les mêmes gestes traditionnels: abattre
les arbutes pour qu'ils aient le temps de sécher avant d'y mettre le
feu, élaguer, refaire les clötures. On préparé les semailles....
Tel est le mode de vie dont d'innombrables distiques populaires
décrivent les circonstances variées. Le choix des trente-cinq distiques
ci-dessous, outre son intérêt purement linguistique, répond au désir
d'illustrer concrètement la conception du monde et de la vie sociale
des Buna'.
Les distiques sont presque toujours chantés, rarement récités. Certains sont anciens, d'autres tres récents: il s'en crée de nouveaux chaque
année, oü la „gauloiserie" se donne libre cours, en dépit des efforts
du missionnaire catholique pour inculquer aux Buna' des principes
plus sévères.
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On les chante en quatre occasions: 1) Lors des fêtes, en dansant les
rondes (TEI), la nuit; 1'un des hommes lance un distique en soliste,
lequel est repris par Ie choeur des hommes, puis par les femmes qui
leur font face, et ainsi de suite plusieurs fois, aussi longtemps que
personne ne lance un autre distique. Les airs de danses sont nombreux
et les pas divers. 2) Pour la fête de la récolte du padi (IPI-LETE) ; certains distiques (voir les commentaires) sont traditionnellement réserves
a cette fête dont la danse est spéciale: ici les danseurs ne forment pas
une ronde, mais les hommes se disposent en trois ou quatre files qui
tournent, chacune menée par Ie premier de ses danseurs, nommé I P I GUBUL, „la tête du padi" qui danse comme possédé. Les femmes ici se
rangent par derriére, en autant de files; elles exécutent de petits pas,
presque sans bouger, tandis que les hommes dansent avec violence.
Comme dans Ie premier cas, Ie choeur est alterné. 3) Lors des funérailles, Ie village se réunit a la maison du mort oü 1'on exécute des
choeurs assis, non alternés, les KAWEN, également chantés sur des
distiques. Les thèmes des KAWEN sont nombreux, et les distiques interchangeables. 4) Enfin, les Buna' chantent au travail, aux champs ou
a la maison, des TEI, dès qu'ils forment un groupe assez nombreux
pour constituer un choeur.
Dans tous les cas, les paroles sont celles des distiques populaires. La
melodie n'est nullement moulée sur Ie vers, il y a des vocalises de remplissage, ce qui explique peut-être la difficulté que nous éprouvons a
saisir la prosodie de ces distiques; Ie vers est syllabique, compris
dans une limite de sept a onze pieds, avec une grande fréquence du
vers de neuf pieds. La rime semble inconnue. Par contre, nous sommes
sensibles a un rythme et une sonorité incontestablement poétiques.
***
II. Distiques 3
Conter fleurette
1. APA LAKAR GIA NA DEHAN Ni'
DEHAN Ni' KALE' GOL ZOBEL GUE
Peste de buffle qui broute sans mesure
Et sans mesure encorne les jeunes arbustes dans les champs!
1
3
(KAWEN et TEI)—2 (TEI) Les métaphores se passent de commentaires . . .
Rappelons que D est une variante du phonème R. En position médiane ou
finale, il est toujours prononcé R: nous 1'avons alors noté R. D'autre part,
C est une variante du phonème T. T étant affriqué devant I, nous 1'avons
noté C dans ce cas pour faciliter la lecture.
342
LOUIS BERTHE.
2.
GILAN PULAN GIE NA DINI HUI
TAU NETO DIE NI GABA'lT
Elle devient sauvage, mon amie de Pulan
Mais avec une glu a moi, je la rattraperai.
3.
Hl'lT TAI MUK GIE NEGE GIAL
AMA UKA KOI BAü' GIMIL KES
Les feuilles de bétel cueillies a ras de terre, elles sont pour moi
Le petit père Koi Bau' a une idee de derriére la t ê t e . . . .
4.
HINO GAPE 'ON TUN HETEN Ni'
'ON BARU' GIE NA DINI ZUN
II gratte ses puces sans arrêt: c'est qu'il n'a pas envie d'en rester la
Mais elle, satisfaite, fait celle qui dort profondément.
5.
HOT HINI NO LEO HETE NA*
UN TARU CIO NA HURAT GIE
Les rayons du solëil tombent sur mon jardin
Si tu te détournes, quel est celui qui aura froid ?
6.
HOZA MOMEN BUL NI HILO' LA1
HILO' LOKOMEA SIREL KOEN
Au pied du cocotier vénérable, elle met de l'huile de palme
De l'huile de palme qui fait si bien luire la chevelure, comme le
[plumage de 1'aigle.
7. KEKE TILI DON NI ASU NA'
HOMO NA EN I AMAK Ni'
Ote d'abord de ton poignet le bracelet a grelot
Que personne ne nous entende!
3 (KAWEN) La jeune fille se plaint que son ami ne lui offre que les feuilles de
bétel les moins bonnes: les meilleures sans doute les garde-t-il pour une
autre...
4—7 (KAWEN) Le scène se passé la nuit, sur la couche.
5. (IPI-LETE) Si tu me quittais, tu en souffrirais plus que moi.
6. (TEI) La belle a sa toilette.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
8.
KIKIT GEWEN WA NI DONOS GUI
343
?
NIE TOMAN CIER ZUN GOPOL WEN
La-haut, sur la colline de Kikit, je siffle dans les doigts
Et mon amie, qui dort profondément, s'éveille en sursaut.
9.
LIKO' NA HIK NI GUMI BI
MO-MON PIR 'ON NA GOZO' 'OA
Le bétel est dans la cachette, sur Ie chemin
Le soir, au retour, passé par la.
10.
NETO UEN NIE AI OLO POU
AI OLO POU NA OPA POR
J'ai pour cousine Oio P o u
Cette Oio P o u dont la boite a bétel est s a c r o - s a i n t e . . . .
11.
NIE SABUL LEO NI KOSO TA*
EI GINI ZA NA GOTOL EL
Dans mon verger, les oranges ne sont pas encore müres
Et, les croyant a point, vous vous approchez en rampant.
12.
SALAN SI TO LEO GENE Ni'
HIK GENE TIOL NA ILEK
A la saison des pluies, on ne s'apergoit pas au jardin
Alors je n'entends ta voix, et toi la mienne, que par les chemins.
13. TAROMAN GOL GIE TALE
TALE TAZAL BAI NA TEGE
Les petites de Taroman sont bien j olies
Lorsqu'on les rencontre, si jolies, on échange des cadeaux.
8. (KAWEN) AU signal convenu.
9. (KAWEN) Une gentille attention.
10. (KAWEN) Une fille vertueuse.
11. (IPI-LETE) Un peu de patience, que diable! N'agissez pas comme un voleur.
12. (KAWEN) Mais ils se retrouveront, lorsque reviendra le temps des fêtes de
récolte.
13. (TEI) Les filles de Taroman sont réputées: on irait par la rien que pour lei
rencontrer!
344
LOUIS BERTHE.
14. ZAP GUZU GOL NA MENAL DOI
DEU TAMA SAL BU HANI GUE
Le petit chien noir qui monte la-bas
Si par erreur il entre dans la maison, ne le bats pas!
Difficultés de la vie conjugale.
15.
DEU MATEN KES GIE MANE POU
MANE POU OA GOL LEKIS WEN
Qui prend femme dans une maison noble
N'est qu'une petite sauterelle, un pauvre criquet.
16.
DOM0-L0KO' A IL SORO WEN
IL PISI LOI NA DANU GIE
C'est bon pour un loup-garou de mélanger l'eau avec le riz
Moi, c'est avec une belle eau propre que je veux me marier.
17.
ELI HANI ZAP TUA HONE WEN
NARE MOLO ZON HUI BUSU' WEN
Vous deux, ne marchez donc pas comme des chiens, sur les traces 1'un
A la longue, votre corps pourrira comme celui du sanglier.
[de Pautre
18.
ERENO' MON NA DANU TOL
MELE HANI NO LON ZIGI NI
C'est hier soir que 1'union fut rompue
Ne venez pas vous promener par chez moi.
14. (TEI et IPI-LETE) La fille implore son père, son frère: car c'est elle que "le
petit chien noir" vient retrouver . . .
15. (KAWEN) Ne prenez pas femme au-dessus de votre condition.
16. (KAWEN) Ce distique pourrait figurer parmi ceux sur le mariage préférentiel:
la croyance des Buna' veut en effet que le mariage avec une étrangère soit
dangereux: qui sait si 1'étranger n'est pas un loup-garou?
17. (KAWEN) L'adultère finit toujours mal: y aura-t-il même une tombe pour
les coupables?
18. (KAWEN et IPI-LETE) Douleur de la séparation.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
19.
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TO KERE' I LOI GIMEN Ni'
LOI GIMEN GIE O BELEK 'ON
Ce n'est pas dès la première année que nous pouvons bien nous entendre
Et qui voudrait qu'il en fut ainsi ne parlerait pas sérieusement.
Mariage prêférentiel
20.
AI-MALU NEI NA TIWIT GIE
LEO LEGUL DUN MAL KORI UEN
C'est entre Ai-Malu que je veux me marier
Ceux du „long-j ardin", qu'ils s'en aillent un peu plus loin.
21.
BOKAN GOL PIE TENE TANAN ZUN
AI-MALU GOL NA TAHO GIE
Le petit pot bout a gros bouillons
C'est aux enfants d'Ai-Malu de le remuer!
22.
NIE MALU GOL O BO'AL 'OA
NEI GOMO GO BAI SURA GIE
La fille de mes Malu est déja grande
Pour moi, j 'ai quelque chose a demander a qui la d é t i e n t . . . .
Variante:
NIE NA'I GOL O BO'AL 'OA. . . .
La fille de mon oncle utérin est déja g r a n d e . . . .
L'oncle utérin
23.
IE MOLO GIN GOL KERE* UEN
AMA NA'l DEAL SI DAZA Ni'
Tu n'as qu'une petite botte de bétel
II n'y en a pas assez pour partager entre tous tes oncles maternels.
19. (KAWEN et IPI-LETE) Les bienfaits de 1'habitude dans le mariage.
20. (KAWEN) Pour le mariage traditionnel avec une fille des donneurs de femmes.
21. (IPI-LETE) La jeune fille pubère n'a rien de mieux a faire que d'épouser son
cousin croisé.
22. (KAWEN) Le gargon choisit la fille de ses MALU. Variante: sa cousine croisée
matfilatérale.
23. (KAWEN) Le prix de la fiancée n'est pas assez élevé: si tu veux épouser notre
fille, il faut encore ajouter quelques plats d'argent, quelques grains de maïs
qui comptent pour autant de têtes de bétail.
346
LOUIS BERTHE.
Les dmes
24.
TIRILOLO' HE MAN UMON NI
UMON NI ZOIN-ZOIN TEBE MAL
Le loriot vole, s'approche et se pose sur 1'Umon
Sur 1'Umon il s'arrête un moment, tout silencieux, puis repart.
25. EN MUGEN MAN MIT HOZOL NI
ESEN HOZOL W A NI BELEN GUI
Une ame est venue prendre place pres du foyer
La-haut, pres du foyer, on a joué de la flüte.
Le voyage
26.
HOT METE DOE NI CILU' TA*
LE SELU DIE PAN GENE 'OA
Aujourd'hui, en ce lieu, reposons-nous
Demain, après-demain, nous serons déja chez nous.
27. LOLO BASU DIOL UEN Hl'lL NA'
HOMO NA I TON TARU
Fais entendre ta voix, une fois encore, du flanc de la colline
Afin que nous nous souvenions 1'un de 1'autre.
Le travail
28.
GIRI GOL NANUN HULUN UEN
TAIS ATIS MIL NI TORORO
Enroule un peu les lisses sur la baguette
Tends la dossière, que le tissu tremble!
24. (KAWEN et IPI-LETE) Le loriot est 1'ame nostalgique du défunt, qui revient sur
1'Umon se nourrir aux souvenirs de sa vie terrestre.
25. (KAWEN) Un vent: c'est 1'ame insatisfaite d'un ancêtre qui revient dans la
maison!
26. (KAWEN) Les tribulations sont presque achevées: plus besoin de tant se presser.
27. (TEI de travail) Départ pour un long voyage, ou pour la guerre.
28. (KAWEN) Le travail de la femme, les gestes familiers de la vie.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' (TIMOR CENTRAL).
29.
347
SAI HOTO GOL NI BOTO LIOL
KOLUN BATA' UEN SA PISI Ni'
Elle monte, la fumée de son petit feu, sans arrêt
Mais les mauvaises herbes, füt-ce d'une seule terrasse, il ne les
[arrache pas!
La guerre
30.
IE MONE TWEN-TWEN KUDA MEO
MA KOMA SAI-SAI DEBU PAS
Combien nos hommes ont-ils razzié de chevaux?
Celles dont la peau est douce se precipitent, en se donnant des claques
[sur les fesses.
Conseils
31. MATAS HANI DO OIK TOLO
IE TALE OL GO GENE 'OA
Vieil homme, pourquoi faire Ie beau
Puisque ta beauté, elle est déja passée a tes enfants ?
32.
SILASl' PAU BUK ARAK WEN
GIGO TERE Ni' UEN DINI KOEN
Balayer de l'aile comme un coq de bruyère
Faire Ie beau, lui, alors que ses lèvres ne joignent pas!
33.
GEZEL MEMEL TO LOI LALO NI'
KALA' HULO-LEP NA EZEL DO'
Avoir mal au ventre, en temps normal, cela n'arrive pas
Peut-être est-ce Ie couteau du serment d'alliance, qui te déchire Ie
[ventre ?
29. (TEI) Le paysan paresseux.
30. (TEI de travail) Enthousiasme au village, au retour des guerriers.
31. (KAWEN) II est un age pour renoncer...
32. (KAWEN) II est laid: une bouche entr'ouverte, des lèvres arrondies. Et il se
conduxt comme un coq vaniteux!
33. (KAWEN) Si tu es malade, c'est qu'un serment d'alliance a été violé: les copeaux
des bambous HULO et LEP, mêlés a 1'alcool de palme et au sang, dans le breuvage
d'alliance bu par les ancêtres, déchireraient le ventre de 1'héritier qui romprait
le serment. Ou bien, fïlle, si tu es enceinte, sans que 1'on sache a qui tu le dois,
ne serait-ce pas que, par 1'inceste, tu as trahi tes alliés?
348
LOUIS BERTHE.
L'orphelin
34.
KIAK BERE GIE LIA BA'A GOET
WEL TEPEL BA'A NA TA'A LAI
Telle est 1'histoire de l'orphelin:
Les restes sont toujours pour lui.
35.
NIE EME NO HE LOKOMEA
LOKOMEA NEI GIOL TARA Ni'
Comme 1'aigle, ma mère s'est envolée loin de moi
Mais 1'aigle, je ne connais pas son langage.
34. (TEI de travail et KAWEN)—35 (idem) Solitude de l'orphelin.
* * *
III. Eléments de description linguistique 4
A) PHONOLOGIE
Consonnes:
labiales
alvéolaires
prépalatales
vélaires
laryngales
semiocclu sives
spira ntes
sourdes sonores sourdes sonores nasales liquides voy.
b
m
w
P
s
z
n
1
t(c)
k
»
d(r)
r(d)
g
h
Les occlusives sonores: b et g; la spirante sourde: h; la spirante
sonore: z; la nasale: m, et enfin la semi-voyelle: w n'interviennent
jamais en finale: OP (montagne), HOT (soleil), PAK (couper), CINO'
(chaud), MAR (champ), PAS (claquer), UMON (autel de champ), MAL (aller).
4
Qu'il me soit permis d'exprimer ici mes vifs remerciements au Pr. Teeuw: la
présente redaction doit beaucoup a ses bienveillantes remarques.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' (TIMOR CENTRAL).
349
Le d est une variante de r a 1'initiale. Le c est la réalisation de t
devant i.
Voyelles:
i
u
e
o
a
Le buna' ne connait que des mots de une ou deux syllabes, parfois trois
mais presque toujours lorsque le mot est infléchi ou formé de la composition de deux autres mots. Il n'y a jamais dans le mot, succession de deux
consonnes. La diphtongue est frequente: dans ce cas, la seconde voyelle
est plus longue, la première s'abrège jusqu'a se confondre presque
avec une semi voyelle: GIE, GUA, UEN. Cependant la voyelle abrégée reste
pertinente: dans le dernier cas: UEN (un) différent de WEN (comme).
Enfin, notons que la langue ne connait pas, a la différence du Tétun
voisin par exemple, d'accent a valeur phonologique; elle ignore de
même 1'accent tonique a valeur prosodique.
* * *
B) MORPHOLOGIE ET SYNTAXE
Le linguiste autralien Capell a affirmé le caractère non-indonésien
de la langue buna', et son appartenance au groupe des langues dites
papoues. Parmi les langues non-indonésiennes de Timor, il range le
Dagada, lé Makasai, le Kairui, le Kemak, le Vaikenu, le Waimaha et
le „Bunak". Il caractérise ces langues, sur le plan du vocabulaire par
leur manque d'affinités, aussi bien entre elles qu'avec les autres langues
de 1'Indonésie; sur le plan de la grammaire par „la tendance de 1'objet
a précéder le verbe", „1'existence d'une conjugaison" et „de postposjtions" au lieu des prépositions indonésiennes. Nous fondant nousmême uniquement sur des documents de terrain, nous n'avons pas a
entreprendre une étude critique de cette publication citée dans notre
bibliographie. Notre but n'est pas non plus de donner une grammaire
complete du buna': nous nous sommes bornés a rendre intelligibles ces
documents concrets que sont les distiques, ainsi que 1'autres textes dont
5
Ceci décrit la prononciation des Buna' de Lamaknen (partie indonésienne), mais
a Mau-Gatal (partie portugaise, au sud, le long de la frontière) le d est toujours
occlusif en initiale ou en médiane; en finale, il est réalisé comme l: ainsi MAR
(champ) devient MAL, homonyme de MAL (aller).
350
LOUIS BERTHE.
la publication suivra, en faisant ressortir les articulations essentielles de
la langue. Les procédés grammaticaux sont les mêmes dans tout Ie
domaine linguistique du buna'. Mais notre notation phonologique ne
tient compte que de la prononciation des Buna' de Lamaknen, leur
territoire indonésien de Timor central.
NEI GOMO GO BAI SURA GIE
= „Pour moi, j'ai quelque chose a demander a qui la détient".
Cette phrase, empruntée au distique n° 22, va nous servir d'exemple
au cours d'une première approche. Elle ne recèle pas tous les procédés
morphologiques et syntaxiques du buna', mais au moins les plus frappants d'entre eux.
NEI = je (exclusif).
a) agent de 1'action; occupe la première place dans la phrase. Cette
corrélation entre la fonction et la place du mot est vérifiée par de multiples exemples; mais, dans une phrase comme: LOKOMEA NEI GIOL TARA
NI' 1'agent, NEI, vient après LOKOMEA, inversion qui répond a une intention expressive. De même dans: AI-MALU NEI NA TIWIT GIE OU 1'accent,
mis sur AI-MALU, est encore renforcé par 1'emploi de 1'emphatique NA
(voir distiques n°" 20 et 36).
b) cette action, 1'agent lui-même l'exprime, comme 1'indique la forme
du mot: NEI, et il la revendique, NEI emphatique, s'opposant a NETO
non-emphatique.
GOMO = celui qui détient, Ie possesseur, ou Ie gardien.
a) place du mot devant GO, post-position (voir GO) : complement
d'objet indirect du verbe (SURA).
b) la forme du mot est infléchie: chez les Buna' de Timor portugais,
les MALU, ou donneurs de femmes, sont appelés i OMO — nos gardiens.
L'inflexion renvoie au déterminatif de GOMO: soit MALU GOL, sujet du
premier vers du distique (n° 22), soit BAI, objet transitif de SURA. Le
G- initial a donc la valeur d'un personnel.
GO = a (lui).
a) post-position dont le déterminatif est GOMO.
b) la forme infléchie (G- initiale) renvoie a un déterminatif animé a
la troisième personne: GOMO.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* ( T I M O R CENTRAL).
351
BAI = objet, chose.
Place immédiatement devant Ie verbe, est Ie complement d'objet
direct de celui-ci. Ce mot est invariable.
SURA = demande(r).
a) sa place en queue de phrase (il n'est suivi que par GIE, mot auxiliaire) Ie désigne comme Ie verbe.
b) sa forme est caractérisée par 1'absence d'inflexion, nous indiquant
que Ie complement d'objet direct est non-animé. Si NEI demandait au
GOMO un cheval, nous devrions écrire: NEI (je) KURA (cheval) GUSÜRA
(le-demander).
GIE:
apès Ie verbe, est la marque d'une sorte d'optatif; il exprime a la
fois ou suivant les cas: 1) Ie souhait ou Ie désir; 2) 1'actualisation, donc
une sorte de futur proche; 3) un accent emphatique mis sur Ie verbe
qu'il suit.
***
Dans la phrase buna', Ie réseau des relations significatives est donc
essentiellement obtenu par deux procédés: 1) la flexion; 2) 1'ordre
des mots.
(1) Nous appelons jlexion Ie fait d'exprimer une série ordonnée de
concepts grammaticaux par une série correspondante d'affixes spécialisés. La flexion est réalisée par la préfixation soit d'un mot soit d'un
radical, base morphologique que la langue n'utilise jamais comme mot
indépendant.
L'injlexion renvoie a la personne du dé terminatij, complement de
nom ( = cas possessif), ou complement d'objet direct. Dans ce dernier
cas elle précise en outre si Ie déterminatif appartient a la classe des
êtres animés ou non-animés:
inflexion-base morphologique
(substantif)
relation possessive-génitive
,,.
. ,., , . .
,. , ,
,,
prefixe inneem -f- radical separable
(verbe)
relation possessive
ammation
Le vocabulaire, nous y reviendrons, comporte des mots invariables,
des mots infléchis et enfin des mots susceptibles d'être infléchis ou non.
352
LOUIS BERTHE.
TABLEAUX DES FLEXIONS
(1) Substantif
= ma tête
= ta tête
GUBUL = sa tête
i ÜBUL = notre (inclusif) tête
NEI NUBUL = notre (exclusif) tête
ILI UBUL = notre (duel) tête
NUBUL
UBUL
(duel exclusif) tête
EI UBUL = votre tête
ELI UBUL = votre (duel) tête
GUBUL = leur tête
DUBUL = la propre tête (du sujet)
TUBUL = la tête 1'un de 1'autre
NELI NUBUL=notre
(2) Verbe
HAZAL (forme neutre) = voir
NAZAL = (objet direct a la lère personne du singulier)-voir = me voir
AZAL =
2eme
—
— = te voir
GAZAL =
3ème
—
— = Ie voir
I AZAL =
lère personne du pluriel
— = nous
(inclusif) voir
NEI NAZAL =
—
—
— = nous
(exclusif) voir
ILI AZAL =
lère personne duel
— = nous
(inclusif) voir
NELI NAZAL =
—
—
— = nous
(exclusif) voir
EI AZAL =
2ème personne du pluriel
— = vous voir
ELI AZAL =
2ème personne du duel
— = vous voir
GAZAL =
3ème personne du pluriel
— = les voir
DAZAL = (forme réfléchie)-voir
= se voir soi-même
TAZAL = (forme réciproque)-voir =
se voir 1'un 1'autre
(3) Le pronom personnel sujet
1
singulier
NETO
2
3
ETO
HIMO
HOMO
duel
pluriel
(animé)
(non-animé)
6
NEI
EI
NELI
ELI
ILI
I
HALA'I
e
NEI a un sens exclusif, aussi bien pour la première personne du singulier que
pour celle du pluriel: NETO HETEN NI' •=. je n'ai pas envie; NEI CIA' = moi je ne
veux pas (distique no. 22); MOLO A NI' NEI BARE = Et nous autres, ne mangeonsnous pas de bétel? — Mais EI est probablement réserve au pluriel.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' (TIMOR CENTRAL).
353
La langue ne prévoit donc qu'une seule flexion pour le substantif et
pour Ie verbe. Cependant, elle marque entre les deux une importante
différence: lorsque les substantifs ne sont pas invariables, ils sont nécessairement infléchis. Tandis que les verbes ont une forme neutre, ou un
radical qui peut apparaitre séparément comme mot. Nous dirons donc
que certains substantifs ont un radical infléchi, et que beaucoup de
verbes admettent 1'inflexion par préfixation. Le tableau suivant rassemble ces données 7 ( + correspond a 1'existence, — a la non-existence):
invariable
substantif
verbe
autres mots
+
(+)
.+
infléchi
+
—
—
préfixable
—
+
—
1) II est donc aisé de classer comme substantifs les mots dont le
radical n'a pas d'existence séparée:
A) Les substantifs désignant la plupart des parties du corps, ou des
fonctions corporelles: GUBUL = sa tête; DON = propre main (du sujet);
NIOL = ma voix; etc. L'inflexion joue a 1'égard de ces concepts le róle
d'un possessif, tenu par G-IE pour les autres mots employés substantivement (voir ci-dessous).
B) Six termes de parenté (dont deux sont métaphoriques): GOL =
son enfant; GIN-TILI = tóute personne de la même génération qu'Ego
et de sexe opposé, apparentée en ligne directe • ou collatérale; GIWAL
= son neveu; GATAL ' = petits-enfants; GUBUK = arrières-petits enfants
(sens propre: „fleur"); GALEL = enfants des arrières-petits enfants
(sens propre: „jeune plante").
C) D'autres substantifs, en petit nombre. Un substantif infléchi n'est
pas nécessairement animé, comme le montre le régime du verbe.
Le mot. G-IE 8 est infléchi comme le nom. Il revient extrêmement
souvent dans le discours. Il joue pour les mots invariables employés
comme noms le róle tenu par l'inflexion des autres substantifs:
7
8
II n'est pas tenu compte de G-IE ni du pronom sujet.
Lorsque le mot n'a pas de forme neutre, comme c'est le cas, nous donnons sa
forme a la troisième personne, en isolant l'inflexion par untiret: G-IE.
Dl. 115
23
354
LOUIS BERTHE.
NUBUL
= ma tête
BAU GIE AMA = Ie père de Bau
(litt.: Bau-de lui-le père)
/
NIE MAR
= mon champ
/
/
APA GUBUL
= tête de buffle
(litt.: Ie buffle-sa tête)
Cependant, lorsque Ie déterminatif n'appartient pas a la classe des
êtres animés, G-IE n'est introduit que lorsqu'il est nécessaire de préciser
que Ie déterminé, mot invariable, est employé substantivement: MAR
ALAN = la limite du champ; mais DEU GIE A = „Ie riz cuit ( = nourriture) du lignage" (nom de la fête pour 1'achèvement d'une nouvelle
maison de lignage), Ie mot A ayant aussi Ie sens de „manger" ou
„boire"; GIE KOLE' = sa fatigue (KOLE' = fatigué). Nous reviendrons
sur Ie mot G-IE dans Ie paragraphe consacré a 1'ordre des mots.
Deux post-positions: G-UTU = avec (lui); G-O = a (lui) ne semblent
pas avoir de forme neutre:
ELI
deux
NEGO
TO
SURA
1'un
demander
a 1'autre
= Vous deux, que vous demandez-vous 1'un a 1'autre ?
VOUS
quoi
Par contre G-EGE = pour (lui) a une forme neutre: HEGE ; mais ce mot
a également Ie sens de „donner"; de même G-ITA dont la forme neutre
(irreguliere) est ATA = vers, ou: s'ajouter (a); on peut en fait les considérer plutót comme des verbes préfixables.
Les autres post-positions sont invariables: GENE = a, dans (éloigné);
NI = a, dans (rapproché):
MAR
champ
DEU
maison
GENE
a
MIL
intérieur
PIR = arrivé au champ
jusque
NI = dans la maison
dans
Les post-positions sont sans doute a ranger parmi les verbes.
Le pronom personnel sujet (tableau (3)) a une structure propre plus
complexe que celle des autres formes infléchies. Cependant, comme on
peut s'en rendre compte en consultant les tableux (1) et (2), la forme
pronominale est etroitement associée aux substantifs infléchis et aux
verbes préfixables, en ce qui concerne les deux premières personnes
du duel et du pluriel du déterminatif.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' (TIMOR CENTRAL).
355
2) La forme des mots infléchis les distingue nettement de la classe,
beaucoup plus développée, des mots dont Ie radical peut apparaitre
dans Ie discours, soit séparément, soit avec un préfixe: ces derniers
sont des verbes.
De multiples exemples montrent ici une attraction vocalique de la
première voyelle du radical sur celle du préfixe: GUSURA = Ie demander; GIWIT = aller Ie chercher, etc. Mais il y a d'intéressantes irrégularités, par exemple: ZAL = emporter (un objet non-animé) donne GIAL
= emporter, emmener (d'un être animé); HOZEP = couper (un objet
non-animé) donne GIEP = couper (quelque chose d'animé). On constate
Ie même phénomène d'attraction pour quelques substantifs dissyllabiques: GUBUL = sa tête; GIRI = son pied; mais ici la préfixation, si
préfixation il y a, ne peut être confondue avec celle des radicaux verbaux: BUL signifie „base" ou „cause"; RI veut bien dire „pied", mais
en Tétun.
3) Reste tout Ie stock des mots invariables: c'est un fourre-tout oü
1'on discerne des substantifs désignant des êtres animés ou non, les
noms d'objets, d'animaux, les titres de noblesse, des termes de
parenté a 1'exception de ceux cités plus haut, des termes d'alliance,
etc.: DEU = maison; KUNI = gobelet de bambou a couvercle; LETE' =
échelle de bois; EME = mère; MALU = donneur de femmes; EN = être
humain; PAN = ciel, ou saison; etc.
Tout ce qu'on peut dire, c'est que certains substantifs sont infléchis
et d'autres non. Ainsi pour les parties du corps, GEZEL = son ventre,
est infléchi, tandis que ARU' — chevelure, est irivariable. De même
GOSAN = les bijoux de (son) patrimoine, infléchi tandis que: UKUR =
Ie patrimoine (en général), invariable.... Un inventaire statistique
donnerait peut-être d'intéressants résultats.
Autres modalités de l'injlexion: Outre les personnes du déterminatif
proprement dites, 1'inflexion exprime également: la forme réfléchie,
marquée par D-, la réciprocité marquée par T-, ainsi qu'une forme
causative moins nette que les précédentes par suite de 1'intrication de
divers facteurs, et dont la forme neutre est marquée par HA- : ainsi SA'E
= monter; HASA'E = faire monter (objet non-animé); GASA'E = Ie
(animé) faire monter. Même procédé avec un substantif: NA'I = radja,
chef; HANA'I = rendre hommage au chef. Animation, réciprocité et
réflexion ont été rassemblées dans Ie tableau ci-dessous:
356
LOUIS BERTHE.
c. d'objet direct
animé
non-animé
KURA GIWIT
HOTEL WIT
= aller chercher Ie cheval
= aller chercher du bois
(NIWIT -=
(WIT, forme radicale invar.)
aller me chercher, etc.)
réciprocité
substantive
verbale
BAI TEGE
TIOL ILEK
= se donner mutuellement quelque chose
^forme neutre:
= entendre la voix 1'un de 1'autre
(NEGE = me donner, etc.)
(GIOL = sa voix, etc.)
réflexion
substantive
verbale
DEGE
DOSAN ZAL
= se donner a soi-même, ou:
pour soi-même
= emporter ses (propres) bijoux
de familie.
(GOSAN = ses bijoux (a lui)).
NEGE = me donner, etc.)
Il ne saurait être question, bien entendu, de rattacher a ces formes
tous les mots commengant par 1'un des phonèmes en cause: Ie sens
de TAL = brisé, est étranger a toute réciprocité; celui de NETEL =
racines aériennes (du ficus par exemple) n'a aucun rapport avec la
première personne; etc.
* * *
(2) Cet usage, largement répandu dans la langue, de 1'inflexion a
1'initiale, va de pair avec un ordre des mots rigoureux; les relations
entre mots sont exprimées aussi bien par des procédés morphologiques
que syntaxiques. Ainsi Ie mot faisant fonction d'adjectif suit-il toujours
Ie nom qu'il détermine; c'est la Ie premier trait distinctif de sa fonction:
PANA GOL = jeune fille (litt.: „femme petite")
GOL PANA = sa fille (litt.: „son enfant féminin")
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
357
GOL substantif s'infléchit, tandis qué GOL qualificatif demeure invariable. L'invariabilité est un trait distinctif secondaire de 1'adjectif.
L'emploi de noms avec une fonction d'adjectif est exceptionnelle; on
ne peut dire, par exemple, BISO OPI ; la forme correcte est BISO OPI GIE
= les graines (venant) de la montagne.
Il est frequent que pour 1'element déterminatif, on ait recours a GIE ;
ainsi: IL A GIE = de 1'eau potable, est formellement identique a KURA
NA'I GIE (inversion de NA'I GIE KURA = Ie cheval du radja). Cependant
Ie mot A de IL A GIE est pris dans son acception verbale: „manger" ou
„boire" et non comme Ie substantif signifiant „Ie riz cuit". S'il en allait
autrement, 1'expression aurait un sens peu commun: „1'eau du riz cuit".
En fait, IL A GIE est 1'homologue de KURA GUZU = cheval noir; A GIE
peut être considéré comme une forme adjective du verbe A. On reviendra plus loin sur Ie problème que pose Ie mot G-IE.
Certains mots, nous 1'avons vu, se laissent aisément cataloguer
d'après leur forme même: ce sont les substantifs infléchis, les radicaux
verbaux préfixables, Ie pronom sujet et Ie possessif G-IE. Mais pour
Ie grand nombre des mots invariables, 1'ordre des mots est Ie seul
procédé de discrimination du sens:
MAL INIL
= aller voir
/
INIL MAL
= tenter de voir
Voice une phrase formée de mots invariables, a l'exception du radical
verbal qui, préfixé, prendrait un sens causatif:
EN
PANA
être
femme
humain
MEA'
KURA
SA'E
LOI
Ni'
vierge
cheval
monter
bon
pas
sujet
objet
verbe
adverbes
direct
= il n'est pas bon pour une petite fille de monter a cheval.
Aucun de ces mots ne pourrait être déplacé sans entramer une mo'dification, voire la suppression, du sens: chacun a une fonction précise,
marquée par la place qu'il occupe.
Prenons a présent des groupes de deux mots invariables:
MAR ALAN = la limite du champ
0EU GENE =
a la maison
358
LOUIS BERTHE.
APA GUZU
DEU PILIK
= buffle noir
= 1. toit de la maison
2. couvrir la maison d'un toit
3. action de couvrir la maison d'un toit
Nous ne disposons d'aucun critère formel permettant d'affirmer que
tel mot invariable est un adjectif, un verbe, etc. L'appartenance d'un
mot a telle de ces categories n'apparaitra qu'après avoir situé Ie mot
dans des contextes divers, jusqu'a ce qu'on ait fait Ie tour des modèles
oü il s'insère. De toute évidence, ces modèles sont tres peu nombreux.
En nous limitant a des modèles de deux mots, on peut affirmer que:
— si un mot n'a jamais été rencontre après G-IE, ce mot est un verbe;
— s'il ne succède jamais au pronom sujet, ce mot n'est certainement
pas un verbe;
— s'il n'est jamais suivi de G-IE, il sera exclu des substantifs et des
verbes; etc.
La détermination des categories de mots parait en fait reposer principalement sur deux pivots: d'une part G-IE, de 1'autre Ie pronom sujet.
Ne prenons en considération que les mots invariables (Ie signe + indique la possibilité; — 1'impossibilité):
(mots invariables)
substantifs
verbaux
autres
G-IE
G-IE
préposé
post-posé
+
—
+
pronom sujet
(préposé)
—
+
+
—
+
—
G-IE est en somme 1'homologue de punja, précédé ou non du pronom
sujet, dans Ie malais parlé :
CIO
GIE
DEU?
siapa punja rumah
qui
pos- maison
séder
EN
" GIE
orang punja
homme posséder
NIE
AMA
GIE
saja bapak punja
punja
je pos- père posséder
séder
On sait d'ailleurs que Ie malais littéraire retourne cette construction
comme un gant:
Siapa punja rumah ?
— Saja punja bapak punja
Rumah kepunjaan siapa ? — Kepunjaan bapak-ku
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' (TIMOR CENTRAL).
359
Le buna' n'ignore pas ces subtilités: on en trouve quelques exemples
dans les textes généalogiques. Il était donc erroné, comme 1'avait déja
montré Jonker, de prétendre fonder une distinction entre les „langues
orientales" et les „langues occidentales" de 1'Archipel, d'après la seule
„construction génitive", puisqu'on trouve concurremment les deux formes dans des langues réputées appartenir a des groupes différents.
Pourtant, si G-IE est bien, devant un substantif invariable, le substitut
de la flexion, il ne peut en être de même avec les mots employés comme
verbes: l'inflexion des verbes prefixables marque en effet la personne
lorsque le complement d'objet direct est un être animé; c'est pourquoi
G-IE n'ayant aucun róle a jouer devant le verbe, n'y figure jamais. Par
contre, il est tres souvent place après le verbe:
ETO
TEO
MAL
GIE ?
tu
oü
aller
—
NETO
je
IPI
LETE
MAL
padi piétiner aller
GIE
—
Réservons un instant la traduction de GIE.
Nous nous sommes demandés si ce GIE post-verbal avait quelque
rapport avec le G-IE „possessif": en effet le premier se présente toujours
sous la même forme, et il exprime tout autre chose que la possession.
En définitive, si 1'on admet qu'il s'agit bien du même mot, 1'organisation
de la phrase en devient plus claire.
Comment expliquer par exemple que IL A GIE, analyse plus haut,
puisse signifier a la fois: „de 1'eau (bonne) a boire", et „désirer boire
de 1'eau" ? En fait, dans MOLO MUK GIE = du bétel (poussant a ras) de
terre, comme dans MAR MAL GIE = aller au champ, la démarche est
exactement la même; le röle de GIE est toujours d'affirmer 1'actualité,
l'étroitesse d'une relation définie par le second des deux mots, a 1'égard
du premier d'ailleurs re-présenté dans le mot G-IE lui-même par l'inflexion de celui-ci. G-IE post-posé se comporte donc exactement comme
un verbe a préfixe infléchi:
MAR
KURA
MAL
G-IE
champ
aller
Maller)
MOLO
G-INIL
G-IE
cheval
le-voir
le-(voir)
MUK
G-IE
bétel
terre
lui-(terre)
360
LOUIS BERTHE.
Le tiret qui partage analytiquement Ie mot G-IE sans en rompre
1'unité, marquant la relation entre deux éléments tournés tous deux
vers le contexte, est ainsi le trait essentiel, si 1'on ose dire, de ce mot.
* * *
(3) Les temps. Le parfait, ou encore 1'urgence (sorte d'impératif) sont
exprimés par 'OA place après le verbe: HESER 'OA = (il est) déja mort;
TAMA 'ON 'OA = entrez donc!
Mais le temps est surtout marqué par des lexèmes tels que ERENOJ =
hier; LE-GIE = demain; HILERE = après-demain; METENTI = a 1'instant;
PAN MON = le soir; etc. Exemples: distique n° 18; ETO PAN MON BU /
IPI LETE MAL GIE ? = vas-tu ce soir a la fête de la récolte du padi ? —
DO LE-GIE HILERE HATI BU / i MAL 'OA ! = (s')il y a un bateau demain
(ou) après-demain, nous (serons) partis!
* * *
(4) La ponctuation est souvent marquée par des monosyllabes: on
vient de voir par les deux derniers exemples le röle de BU: on l'emploie
surtout pour séparer deux membres d'une même phrase et marquer
une pause; SA est plutót un emphatique mettant 1'accent sur le mot ou
1'expression qui précède: ENE SA DAHUL LE SA LIBEN =
nuit
animé, jour
la nuit, le
fête
jour, la fête (ne s'interrompt pas); O est a pres 1'équivalent de la
conjonction et, ou de notre euh marquant 1'hésitation: METE o . . . . =
c'est a dire, e u h . . . . , ou encore d'une simple ponctuation: NIE MALU
GOL o BO'AL 'OA (distique n° 22).
* * *
(5) Autres procédés. Aux procédés déja examinés, il faut ajouter la
composition et la réduplication.
Composition:
BESI-GIOL = téléphone; de BESI, fer, et GIOL, (sa) voix.
DO-HE = avion; de DO, bateau, et HE, voler.
DUA-GENE = compagnon (de route); de DUA, tracé de
pas, empreinte (forme réfléchie), et GENE, dans.
Réduplication: elle s'applique surtout aux mots qualificatifs et verbaux, et correspond approximativement au superlatif, ou a une intention
emphatique:
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
361
Guzu-Guzu = tres noir, ou noirceur pfofonde
LOI-LOI = tres bien
HOS-HOS == attendre a n'en plus finir.
Enfin, il vaut d'être noté qu'en buna' la préfixation ne sert jamais
a former des „concepts concrets dérivés" 9 : la langue ne possède aucun
moyen de former de tels concepts.
* * *
Cette esquisse laisse inaperc;us d'autres aspects de la langue; nous
n'avons insisté que sur les traits essentiels: la présence d'une flexion
qui s'applique a certains noms, et a la plupart des verbes préfixés
lorsqu'ils suivent un complement direct animé, flexion qui renvoie au
déterminatif du mot infléchi et marque, suivant les cas la possession,
la réflexion, la réciprocité, la causativité. Ensuite 1'existence d'une
copule, G-IE, infléchie elle aussi, tres employee dans Ie langage,
qui est la marque d'une relation soit entre deux substantifs dont Ie
premier est animé et Ie second invariable, soit entre un substantif et
un verbe, soit encore entre un substantif et un adjectif. Puis les formes
complexes du pronom personnel sujet. Enfin 1'ordre des mots, oü Ie
déterminatif précède Ie déterminé, sauf pour les qualificatifs et les
adverbes; Ie sujet au début de la phrase et Ie verbe a la fin, immédiatement précédé de son complement d'objet direct: lorsque ce dernier
est exprimé, un verbe ne peut donc succéder directement a un autre,
chacun d'eux achevant sa propre proposition.
Ainsi, nous constatons bien cette „tendance de 1'objet a précéder Ie
verbe" remarquée par Capell; de même Ie buna' fait-il „usage de postpositions"; mais on peut admettre que celles-ci se comportent exactement comme des verbes; en fait ces caracteres ne sont qu'un aspect de
1'ordre dés mots.
Dans 1'article en question (Oceania) Capell simplifie d'ailleurs les
caracteres distinctifs des langues dites papoues tels qu'ils ont été élaborés par- Ie P. Schmidt, Ray et Capell lui-même, et rassemblés par
Boelaars (1950). Si on note, en buna', des traits morphologiques et
syntaxiques qui peuvent passer pour papous, il n'en reste pas rrïoins
que 1) Ie nombre et Ie genre ne sont jamais indiqués; 2) la distinction
de 1'exclusif et de 1'inclusif est fortement marquée; 3) les substantifs
se rangent en deux classes; 4) les verbes n'ont ni temps ni mode; 5) la
9
Au sens oü Tentend E. Sapir.
362
LOUIS BERTHE.
personne du sujet n'est pas indiquée dans Ie verbe; 6) on trouve enfin
en buna' des préfixes indiquant la causalité et la réciprocité.
Tous ces traits, auxquels d'autres encore viennent s'ajouter, opposent
selon les auteurs cités, les langues dites papoues aux langues austronésiennes. Nous savons par ailleurs que la „construction génitive" n'est
pas un procédé pertinent dans la classification de ces langues, pas plus
que 1'absence de passif. Notons encore que Ie buna' utilise un démonstratif post-posé: EN BARE = eet homme.
Sur Ie plan de la grammaire, on pourrait donc tout au plus conclure
que nous avons affaire a 1'une de ces langues que Ie P. Schmidt nomme
„Mischsprachen": langue influencée par Ie voisinage des langues
papoues.
Enfin, sur Ie plan du vocabulaire, Capell affirme que Ie buna' serait
sans rapport aussi bien avec les langues indonésiennes qu'avec les
langues papoues. En réalité, outre des mots appartenant au stock
indonésien, assez nombreux et qui ont subi une modification propre
ne pouvant s'expliquer uniquement par des considerations synchroniques, Ie vocabulaire buna' atteste quelques rapports remarquables avec
les langues proto-malaises de la Péninsule, et peut-être avec Ie protoindochinois, comme en temoigne la liste provisoire ci-dessous 1 0 :
Indon.
Proto-malais
bulan
daun
desa
manay
babinay
t+ama
kaka
pauway
buwah II
apuy
wayay
la lune
la feuille
Ie (grand) village
male
femelle
Ie père
Ie frère ainé
préfixe causatif
Ie rotin
la noix d'arec
la chaux
1'eau
yabut
les cendres
10
Buna'
hul
nor (go-ron)
tas
mone
pana
ama
ka'a
haoe
pu
hau
wer (se
baigner)
lobot
Le vocabulaire indonésien suit Capell (these); Ie proto-malais, Skeat & Blagden,
1906, appendice au volume II.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
Indon.
Proto-malais
susu
tal
luh
les seins
cassé
les larmes
(m)bei3i
la nuit
souffler
la tête
proche, pres
cacher
se tenir debout
Ie brouillard
(m)put
(h)ulu
hampil
buni
diyi
kambut
363
Buna'
SU
tal
holon [?]
(pleurer)
ene
hu'
Ie van, 1'éventail
iliy
donner
bayay
(ma+)tara être clair
semang: eg
semang: töded
la maison
la viande
la natte
stupide
Ie champ de montagne
g-ubul
pir (arrivé)
s-umi
g-iri (pieds)
kabu, habu
(nuages)
wilik
g-ege
tada, tara
(savoir)
deu, de
si
sakai: dêh
semang: si
semang: pil
pil
semang Jarum: lawa' laga
proto-indoch.: mar/mir mar
Par contre, un mot „papou" fourni par les listes de Capell (these)
se rapproche d'un mot buna': moka, moke = banane (buna': MOK) ;
encore faut-il signaler qu'on trouve dans la Péninsule malaise; yok,
diok, qui seraient peut-être a rapprocher des précédents.
En conclusion, et dans 1'état actuel de nos connaissances, il parait
fondé de considérer Ie buna' comme une langue n'appartenant pas au
groupe indonésien. Mais la liste des rapports lexicaux ci-dessus est
encore trop limitée pour nous permettre de formuler des hypotheses
précises.
* * *
364
LOUIS BERTHE.
IV. Lexlqueii
A - 1) makan; manger: BAI A.
2) nasi; riz cuit.
AI - 1) ou AI-BA'A: un lignage,
ou „maison", considéré, sous
1'angle des relations d'alliance
matrimoniales, en tant que
preneur de femmes d'une autre
maison qui est son MALU OU
donneur de femmes; chaque
maison étant AI-BA'A de ses
donneurs de femmes et MALU
de ses preneurs de femmes.
Voir MALU. - 2) ou AI GOL : enfants de la soeur du père.
AMA — bapak; père, père classificatoire; terme d'affection ou
de respect.
AMAK — v o i r MAK.
AN DEI - tadi itu; peut se traduire
a peu pres par: „ainsi", mettant 1'accent sur ce dont on
vient de parier.
APA — kerbau; buffle.
ARAK — en parlant des coqs: mar-
cher, les pattes raides et 1'aile
basse, en une sorte de danse.
Le coq qui fait sa cour a une
poule marche autour d'elle
d'une démarche particuliere
également nommée ARAK.
ASU — turunkan, (atau : tjeraikan);
faire descendre, ou: óter.
ATIS — dossière du métier a tis-
BATA' - petak; terrasses (d'un
champ).
BAU - nom masculin. En seconde
position: BAU'.
BELEK — terbalik; retourné, a
1'envers. BELEK 'ON = retour-
ner, inverser, cad.: plaisanter,
dire le contraire de ce qu'on
veut dire, ou de ce qui est.
BELEN — (sematjam) suling; sor-
te de flüte.
BERE - 1) nom propre masculin.
En seconde position: BERE'. 2) = BARE, ini; ce, celui-ci.
BI — 1) bintang; étoile — 2) mot
place a la fin d'une phrase, ou
d'un membre de phrase, pour
en adoucir le sens ou lui öter
de sa gravité; c'est un des sens
du -lah malais.
BO'AL — besar; grand.
BOKAN - periuk; poterie sphérique, a large ouverture, pour
faire cuire le maïs ou le riz.
BOTO — 1) asap, berasap; fumée,
faire de la fumée - 2) bubar;
se disperser.
BU — explétif, ponctuation de la
phrase, comme le malais maka.
BUK — voir PAU BUK.
BUL — pangkal; base, fondement.
BUSU' - busuk; pourri, décomposé.
ser.
BA'A — itu; ce, cela. BA'A NI =
disitu; la-bas.
BAI — barang; chose, affaire.
CIER — tidur; dormir.
CILU' — beristirahat; se reposer.
cio — siapa ?; qui ?.
BARU' — 1) malas; paresseux — 2)
puas; repu, satisfait.
BASU — liwat, di-sebelah, ke-sebelah; au-dela, de 1'autre cöté,
vers 1'autre cöté.
11
DANU - perkawinan, perhubungan
laki-isteri;
mariage.
mariage, état de
DAZA — 1) berbeda;
différent,
Ce lexique comprend exclusivement le vocabulaire des trente-cinq distiques
traduits ci-dessus.
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' ( T I M O R CENTRAL).
autre — 2) tjukup; assez, suffisant.
365
donner, pour lui.
GENE - di-; a, dans.
DEAL — banjak; beaucoup.
DEBU — forme réfléchie de GEBU.
GEWEN - mukanja; (sa) face.
GEZEL — perutnja; son ventre. —
DEHAN — ukur; mesurer, compter.
DEU - 1) rumah; maison - 2)
suku rumah; maison, lignage.
DIE — forme réfléchie de GIE (1).
. EZEL = ton ventre.
DINI — forme réfléchie de HINI.
DIOL - forme réfléchie de GIOL.
DO - pada diri sendiri; a soimême. Forme réfléchie de GO.
DO' — potong; couper (en percussion posée).
DOE — ini; ceci, ce. DOE NI = disini; ici.
DOI = DOE.
DOMO-LOKO'
- insecte ailé phosphorescent. Métaphoriquement
(distiqüe n° 16): jeune fille
apparentée aux loups-garous.
DON - voir GON.
DONEN - sandar diri; s'appuyer,
s'adosser.
DONOS - forme réfléchie de GONOS.
DUN - forme réfléchie de GUN.
DUN MAL = undur; reculer,
(aller) en arrière.
EI — kamu; vous (2e pers. plunel).
EL — merajap; ramper.
ELI — kamu berdua; vous deux.
EME - ibu; mère, mère classificatoire.
EN — orang; être humain, quelqu'un, les gens.
ERENO' - kemarin; hier.
ESEN — di-atas; la-haut, élevé.
EZEL — 2e pers. sing. de GEZEL.
— menarik dia kembali;
rattraper.
GAPE - garu; gratter.
GAZAL - lihat (dia); (Ie) voir.
GEBU - pantat, dasar; cul, fond,
base. — DEBU: forme réfléchie.
GEGE — dïberinja, untuk dia; lui
GABA'IT
GIA — de A: manger (avec nuance
péjorative).
GIAL — membawa (sesuatu jg. hi-
dup); porter,. emporter (être
animé).Voir ZAL.
GIE — 1) -nja, dia punja; son, sa,
ses. — DIE: forme réfléchie. —
IE : 2e pers. singulier, Ie et 2e
pers. pluriel. r- 2) mau, hendak; désirer, vouloir, marque
du futur; dans ce sens, Ie mot
est invariable.
GIGO — bibir atas; la lèvre supérieure.
GILAN — 1) tali;. ficelle, cordelette,
bretelle (d'un sacoche) — 2)
tertjinta, kekasih; amie, maitresse.
GIMEN — memang; certain, certainement.
GIMÏL — memikirkan. sesuatu, ingat sesuatu, pikirannja; pen. ser, se souvenir, (son) idee,
(son) souvenir.
. -.
GIN — mengikat sesuatu, ikat;
lier, nouer; botte, MOLO GIN =
une.botte de. feuilles de bétel.
GINI - voir HINI.
GIOL - 1) suaranja; sa voix. 2) bahasanja; sa langue, son
langage. — DIOL: forme réfléchie = propre voix (du sujet).
GIRI — kakinja; son pied. — GIRI
GOL: la baguette de lisses du
métier a tisser.
GO . — padanja, kepadanja; a lui,
auprès de lui.
GOET - bagai; comme. - BA'A
GOET = begitu; ainsi, comme.
GOIK - rupanja; son aspect. - OIK
= ton aspect (2e pers. singulier).
366
LOUIS BERTHE.
GOL — 1) anaknja; son enfant —
2) ketjil; petit (invariable).
GOMO — jang empunja; Ie propriétaire, celui qui détient.
GON — tangannja; sa main. — DON :
forme réfléchie = propre main
(du sujet).
HO'ON — membuat, bikin; faire,
exécuter, accomplir.
GONOS — kukunja;
HOTO — api; feu.
HOZA — buah kelapa,
(son, ses) ong-
le(s). - DONOS : forme réfléchie.
GOPOL - terkedjut; sursauter.
GOTOL — 1) mendjaga dia; gar-
der, surveiller - 2) menunggu;
attendre.
GOZO' - voir zo'.
GUA — djedjaknja; (sa, ses) traces de pas.
GUE - memukul dia; Ie frappe(r).
GUI - tiup; siffler, souffler (dans
qqch.).
GUMI — voir SUMI.
GUN — belakangnja; son dos. —
DUN: forme réfléchie.
GUZU — hitam; noir.
HANI — djangan; ne ...... pas
(impératif négatif).
HE - terbang; voler (to fly).
HETE — lempar, kena; toucher,
atteindre.
HETEN -suka, mau; désirer, avoir
envie.
HI'IL — tinggalkan; laisser.
HI'IT TAI — sorte de bétel.
HIK — 1) djalan, lorong; chemin,
voie. — 2) kali; fois.
HILO' - minjak kelapa; huile de
noix de coco.
HINI — membuat, bikin, bilang;
faire, supputer (forme neutre).
DINI : forme réfléchie: se faire,
ou: devenir. - GINI :. Ie faire
(objet animé).
HINO — kutu andjing; puce.
HOMO — itu; ce, cela. — HOMO NA
= supaja; afin que, afin de.
HONE — memegang; tenir, prendre
en main.
HOT -
HOT GIRAL, matahari; Ie
soleil — HOT MIL, hari; jour,
journée — HOT CINO', OU: HOCINO', siang; Ie milieu du jour,
midi.
njiur; noix
de coco.
HOZOL — nom d'une des plateformes en bambou, couverte de
terre, et sur laquelle on fait du
feu, dans la maison buna'.
HUI — liar; sauvage, non domestiqué.
HULO — sorte de bambou assez
fin, et a tres longs entrenoeuds.
HULUN — gulung; enrouler.
HURAT — sedjuk, dingin; froid,
avoir froid.
i — kita; nous (inclusif).
IE — deuxième personne sing. de
GIE.
— air; eau.
ILEK — dengar; entendre.
IPI - padi; padi (riz non décortiqué). - IPI-LETE: fête de la
récolte du padi.
IL
KALA' — barangkali; peut-être.
KALE' - pohon „gala-gala"; espèce d'arbres a croissance rapide qu'on plante sur les ladang en jachère.
KEKE — (sematjam) gelang • sorte
de bracelet.
KERE' — tunggal, pertama, satu;
unique, premier, un.
KES - ukiran, gambaran; decor,
sculpté sur Ie bois, coloré des
vanneries, etc. — GIMIL KES :
litt. „une pensee ornée" cad.
„une idee de derriére la tête".
KIAK — piatu; orphelin.
KIKIT — nom d'une montagne, en
pays buna', pres de Dirun, an-
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA* (TIMOR CENTRAL).
cienne forteresse des „Melus"
(Atoni?).
KOEN — bagus; beau.
KOI - nom propre masculin. En
second: KOI'.
KOLUN — rumput-rumputan
(di-
kebun); mauvaises herbes (des
champs).
KOMA — kulit bambu; la peau (veloutée) du bambou jeune. Voir
MA.
KORI — sepanih, setengah; en partie, a demi. — KORI UEN = GOL
UEN, sedikit; un peu.
KOSO — mentah, beluni masak;
encore vert, pas mür.
KURA — kuda; cheval.
367
breuvage d'alliance.
LETE - indjak • piétiner.
LIA — tjerita; histoire, conte.
LIKO' — sorte de sirih (bétel) a
larges feuilles = OLO-LIKO'.
LIOL - terus; immédiatement,
aussitót, sans cesse.
LOI — baik, boleh; bien, bon (marque aussi 1'approbation, ou la
permission).
LOKOMEA — (mot composé) bu-
rung e lang; aigle.
LOLO — bukit; colline.
LON - kampung ketjil, Minangk.:
taratak; hameau.
— bambou. MA-KOMA : métaphore désignant les femmes
(voir KOMA) : distique n° 30.
MAK — mendengar; entendre (forMA
LAI - taruh, letakkan; mettre,
poser.
LAKAR — maladie du gros bétail.
LALO — kesempatan; occasion.
LE — kelihatan • visible, être visible. — LE GIE ••= esok; demain.
LEGUL - pandjang; long. - LEO
LEGUL: voir LEO.
LEKIS — belalang (ketjil) ; sorte de
petit criquet.
LEO — halaman; le jardin qui entoure la maison. - LEO LEGUL :
désigne la relation de deux
maisons provisoirement alliées
par un mariage TON-TEREL (matrilocal et a filiation matrilineaire), maisons qui ne sont pas
entre elles dans la relation de
AI-MALU.
LEP - sorte de fin bambou, a tres
longs entrenoeuds, utilisé par
les Buna' pour confectionner
des sarbacanes. HULO-LEP : serment d'alliance par le sang, oü
entrent les bambous HULO et
LEP, pour la confection des
couteaux a entailler la peau du
coude des partenaires, et dont
on mélange les copeaux au
me absolue). - GAMAK: men-
dengar dia; 1'entendre. — AMAK :
t'entendre. i AMAK : nous entendre.
MAL — pergi, ke-; aller, vers.
MALU — toute „maison" en tant
que donneuse de femmes d'autres maisons traditionnellement
alliées qui sont ses AI-BA'A.
V o i r AI. — AI-MALU OU MALU-AI
désigne: a) la relation de preneur de femme a donneur de
femmes existant entre deux ou
plusieurs maisons données; 2)
1'ensemble des maisons alliées
a une maison donnée, cad.
1'ensemble de ses donneurs de
femmes et de ses preneurs de
femmes, MALU GOL : enfants des
MALU; fille de MALU (épouse
préférentielle).
MAN - datang; venir, approcher.
MANE-POU — mot Tétun: manefou, „laki? pendatang" ; „l'homme qui vient", cad. celui qui
épouse une femme par le ma-
368
LOUIS BERTHE.
riage dit TON-TEREL, et vient
habiter chez celle-ci.
MAR — këbun; champ de montagne.
MATAS — {prang) tua; un vieux,
un ancien, ou: vieux, agé.
MATEN — (mot Tétun = buna':
PU'UP) la faitière du toit.
MELE - berdjalan; marcher, se
promener.
MEMEL - sakit; malade.
MENAL — pergi ke-atas; aller vers
Ie haut; marcher en s'éloignant
et en montant.
MEO — mot Tétun: guerrier, coupeur de têtes, héros.
METE — tadi; tout a 1'heure, il y
a un moment. — HOT METE =
hari ini; aujourd'hui.
MIL - dalam; dans.
MIT - duduk; s'asseoir, être assis.
MO — laut; mer. — MO-MON = pe-
tang; Ie soir.
MOLO — 1) sirih; bétel — 2) gampang; aisé, facile — 3) NAREMOLO •= lama-lama; a la lon-
gue.
MOMEN — tua; vieux (terme de
respect).
MON - sore, petang; Ie soir.
MONE — laki2; masculin, male.
MUGEN — djiwa; ame (des morts).
MUK - tanah; terre.
NA - jang; „relatif" ou emphatique: „c'est . . . . que, ou qui".
NA' - dahulu; d'abord (marque
de 1'impératif).
NA'I — 1) paman; oncle maternel
- 2) radja.
NANUN — les lisses du métier a.
tisser: série de boucles de fil
qui prennent un fil de chaine
sur deux.
NARE — lama; longtemps.
NEGE - lère pers. de GEGE.
NEI — forme exclusive de la pre-
mière personne du singulier,
on du pluriel ( = kamt); NEI
CIA' = (moi) je ne veux pas.
NETO — aku;
je, moi.
NI - di-; a, en, dans (sens tres
voisin de GENE).
NI' - tidak; non, ne . . . . pas.
NIE - voir GIE (1).
NO — lère pers. de GO.
0 - explétif employé pour séparer deux membres de phrases.
OA ou OHA — belalang; sauterelle,
criquet.
'OA — sudah; déja (marque du
passé).
OIK — rupa; aspect. 2e pers. sing.
de GOIK.
0 1 - 2e pers. sing. de GOL.
OLO — nom propre féminin.
•"ON — membuat, bikin; faire, sorte de „suffixe" marquant 1'activité (forme breve de HO'ON).
OPA — tempat sirih; boite en vannerie utilisee pour transporter
et offrir Ie bétel et la noix
d'arec, et Ie tabac.
OPI — 1) lereng; pentes, contreforts d'une colline d'oü - 2)
tempat sandaran; dossier, tout
objet contre lequel s'adosser
ou prendre appui.
PAN — 1) langit; ciel. PAN MON =
sore; soir - 2) musim; saison:
PAN PORAT = musim kemarau;
saison sèche. PAN INEL = musim hudjan; saison des pluies.
— 3) waktu; temps, quand.
PA'OL — djagung; maïs. — PA'OLSAU : fête de la récolte du maïs.
PAS — memukul; frapper, battre
des mains par ex.).
PAUBUK — petit oiseau a plumage
noir et blanc.
PIE — mendidih; bouillir, bouillant.
369
SUR QUELQUES DISTIQUES BUNA' ( T I M O R CENTRAL).
PIR — sampai, tiba; (être) arrivé
a destination, chez soi. PIR 'OA !
= déja de retour! - PIR 'ON =
rentrer chez soi, ou: en revenant a la maison.
PISI — bersih; propre.
POR — pemali; interdit, sacré.
POU — anak tengah; Ie second des
fils, ou la seconde des filles.
PULAN - nom d'un plateau herbu
dont la prononciation est, en
Tétun: FULAN = bulan; lune.
Le nom complet est FULANFEHAN (au pied de la montagne
LAKAN).
SA - explétif emphatique; sens
voisin de NA.
SABUL — djeruk • orange.
SAI — keluar; sortir.
SAL — salah; tort, erreur, ou: a
tort, par erreur.
SALAN — PAN SALAN =
musim
hu-
djan; saison des pluies.
SE' - panggil; appeler. - GEGESE'
= dipanggilnja; Pappeler: mot
composé de GEGE -f- SE',
SI - lantas; ainsi, ensuite, donc
(sorte d'explétif).
SILASI' - sorte de coq dont le
plumage rouge a la couleur des
coqs sauvages.
SIREL — berkilat; luisant, reluire.
SORO — tjampur; mélanger.
SUMI — sembunji{kan); cacher,
caché (forme neutre concernant un objet inanimé). GUMI
= (le) cacher (d'un objet animé).
SURA — minta; demander.
TA' — masih; encore. NI' TA' =
belum; pas encore.
TA'A — tutup; couvrir; mettre un
couvercle.
TAHO — remuer le riz bouillant,
pour 1'empêcher de coller.
TAIS - selimut • couverture.
Dl. 115
TALE - kebagusan; beauté.
TAMA — masuk; entrer.
TANAN — terlalu; trop, ou tres.
TARA — tahu; savoir.
TAROMAN — nom de lieu, en pays
buna'.
TARU — kelihatan; terbit; apparaïtre, se lever, HOT TARU =
matahari terbit; le soleil levant.
GON-TARU =
le souvenir (de
lui).
TAU - sorte d'arbre a sève gluanfe; la sève de eet arbre, employee comme philtre d'amour.
TAZAL - forme • réciproque de
GAZAL.
TEBE - pulang; retourner, revenir.
TEGE - forme réciproque de GEGE.
TENE — forme réciproque de G-ENE
= le chasser: „se chasser 1'un
1'autre", „s'exclure mutuellement".
TEO - dimana; ou. TEO MAL =
kemana; (vers) oü? = TERO.
TEPEL - betul; vrai, vraiment.
TERE - rapat; bord a bord; joint.
TILI — lontjeng; grelot. KEKE TILI
= bracelet a grelot.
TIOL — forme réciproque de GIOL.
— (mot composé) — burung serindit-t loriot.
TIWIT - forme réciproque de
TIRILOLO'
GIWIT.
TO - 1) tahun; année - 2) forme
réciproque de GO.
TOEK — bertjakap; parier, bavarder.
TOL - putus; cassé.
TOLO — mengisi, tambah; inclure,
mettre (dans), ajouter.
TOMAN — teman (perempuan);
amie, maitresse.
TON - forme réciproque de GON.
1) co-propriété, propriété en
commun — 2) TON-TEREL, OU
TON-TIWIT, OU TON LEO LEGUL:
24
370
LOUIS BERTHE.
voir LEO. - 3) TON-TARU = (se)
souvenir 1'un de 1'autre.
TORORO — faire trembler en agitant.
TUA - forme réciproque de GUA.
TUA' - même sens que NA'I (1).
TUN - terus2; constant, continuel,
ou: constamment, continuellement.
WEL — kerak nasi; Ie riz sec et
un peu brülé qui reste au fond
du recipiënt oü il a cuit: les
restes.
WEN — 1) ter-; marque d'une
sorte de participe passé — 2)
masih; encore - 3) seperti;
comme.
WIT — ambil; prendre.
TWEN — bila?; quand? — TWEN-
TWEN •= berapal; combien?TWEN GOET 'ON ? = bagaimana ?;
comment ?
UEN — satu; un.
UKA l - anak pandjang; Ie quatrième des fils, ou la quatrième
des füles.
UMON — la pierre centrale du
champ, sur laquelle sont accomplis des offrandes et des
sacrifices d'animaux, a 1'occasion des semailles et de la récolte.
UN - 2ème personne de GUN.
WA — 1) buang; jeter — 2) diatas;
sur, au-dessus.
ZA - masak; mür.
ZAL — membawa; emporter (d'un
objet inanimé) — GIAL = 1'emporter (d'un objet animé): inflexion irreguliere.
ZAP - andjing; chien.
ZIGI - bawah; (en)bas, (vers Ie)
bas.
zo' - singgah; passer par (forme
absolue). La forme GOZO' est
employee pour un objet animé
a la 3e personne.
ZOBEL — mudah; jeune.
ZOIN — sunji; calme, silencieux.
ZON — babi kutan; sanglier.
ZUN - njenjak, dalam; profond,
profondément (en particulier
du sommeil).
Louis BERTHE.
Centre National de la Recherche Scientifique, Paris.
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