PDF (Introduction, chapitres 1 à 3)

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$ÏLIVRÏPAR
Institut National Polytechnique
de Toulouse (INP Toulouse)
$ISCIPLINEOUSPÏCIALITÏ
Science et génie des matériaux
0RÏSENTÏEETSOUTENUEPAR
Sarata CISSE
LE mercredi 18 juillet 2012
4ITRE
Influence de la localisation de la déformation plastique sur la Corrosion sous
Contrainte des aciers inoxydables. Application
à l'IASCC des internes de cuve
%COLEDOCTORALE
Sciences de la Matière (SDM)
5NITÏDERECHERCHE
Institut Carnot CIRIMAT
$IRECTEURSDE4HÒSE
Pr. Eric ANDRIEU, Professeur, ENSIACET, Toulouse - directeur de thèse
Dr. Lydia LAFFONT, Maître de conférence, ENSIACET, Toulouse - co-directrice de thèse
2APPORTEURS
Dr. Jérôme CREPIN, Maître assistant,
Mines Paris - Rapporteur
Pr. Xavier FEAUGAS, Professeur, LEMMA
La Rochelle - Rapporteur
MEMBRESDUJURY:
Pr. Yves WOUTERS, Professeur, SIMPA, Grenoble - Président
Dr. Denis DELAGNES, Maître assistant, Mines Albi - Examinateur
Dr. Catherine GUERRE, Ingénieur de recherche, CEA Saclay - Examinatrice
Dr. Benoît TANGUY, Ingénieur de recherche, CEA Saclay - co-encadrant
I
Remerciements
Remerciements
Au moment où j’écris ces lignes, trois ans d’une forte expérience scientifique se
sont écoulées, expérience scientifique mais également d’une expérience personnelle tout
aussi intense et enrichissante. Comme le veut l’usage, il est donc arrivé le moment de
tirer certes un bilan sur ces années de travail, mais également de rendre hommage à
toutes les personnes qui ont, de près ou de loin contribué à cette épopée. Alors, la
difficulté qui se pose dès à présent à moi est que je suis peu encline à faire des
remerciements avec la belle plume qu’il faut et toute la dose de poésie nécessaire à
toutes les personnes qui le méritent. Je m’en excuse donc d’avance, en particulier auprès
des personnes que je n’aurai pas pu citer ou de celles qui se sont senties oubliées, cela
n’aura pas été fait intentionnellement.
Je profite donc de ces lignes pour remercier chaleureusement M. le Professeur
Yves Wouters de l’INP Grenoble pour avoir présidé ce jury de thèse. Je tiens à exprimer
mes sincères remerciements à M. Xaviers Feaugas du Laboratoire d’Études des
Matériaux en Milieux Agressifs (La Rochelle) et M. Jérôme Crépin du Centre des
Matériaux des Mines Paris qui ont été les rapporteurs de ce travail. Mes remerciements
vont également à M. Denis Delagnes de l’école des Mines d’ Albi-Carmaux et Mme
Catherine Guerre Ingénieur de recherche au CEA Saclay pour avoir accepté d’intégrer
mon jury de thèse.
J’adresse mes remerciements particuliers à Benoît Tanguy, mon responsable de
thèse au CEA Saclay, qui a été mon premier contact avec la recherche et l’IASCC en
particulier. Je passé le plus clair de mon temps au CEA à ses côtés lors de cette thèse,
cela implique qu’il ait été celui avec lequel j’ai partagé les mauvaises nouvelles, les
déceptions et les regrets. Il a toujours su me remotiver, me prodiguer des conseils pour
que j’avance malgré tout. Merci pour l’apport scientifique, technique et humain. J’en
profite pour remercier Anne Terlain et Xavier Averty successivement chef de du SEMI et
chef du LCMI au moment de débuter la thèse, qui m’ont apporté leur confiance et ont
contribué au bon déroulement de l’étude. Je remercie les membres du LCMI (David
Leboulch, Roger Limon, Annie Soniak, Gaëlle Garniel, Yannick Robert…) avec qui j’ai
partagé le labo et qui m’ont rendu la vie agréable pendant cette période, en plus de leurs
précieux apports sur les sujets ayant trait aux matériaux irradiés.
Je suis également très reconnaissante à Eric Andrieu mon directeur de thèse et je
souhaitais le lui témoigner très sincèrement. Son encadrement scientifique de haute
facture n’est plus à démontrer (vu son expérience reconnue et comme en témoignent le
nombre de thèses qu’il a dirigées), cela n’empêche qu’il est très simple, accessible et
attachant. J’ai vraiment apprécié toutes les réunions d’avancement tenues soit à Saclay,
soit à Toulouse, réunion pendant lesquelles le moindre essai réalisé était sources d’idées
nouvelles, d’orientations nouvelles pour les travaux.
Je le remercie également pour l’aide extra professionnelle qu’il m’a fournie, ma situation
administrative n’étant pas des plus simples, il s’est engagé pour moi bien des fois et je ne
le remercierai jamais assez pour cela.
II
Remerciements
Je souhaiterai également exprimer ma gratitude à Lydia Laffont, ma co directrice
de thèse. Elle m’a énormément apporté du point de vue de la Microscopie Electronique
en Transmission. Je garde en mémoire toutes nos discussions sur cette fameuse phase γ’
(Ni3(Ti,Al)) que nous avons tellement recherchée au MET…Elle m’a transmis le goût de
la caractérisation fine et cela me sera très utile pour la suite de ma carrière. Je la
remercie également pour avoir été ma « substitut » sur place à Toulouse pour toutes les
démarches administratives quand je ne pouvais y être.
Ces travaux ont été menés entre plusieurs sites et laboratoires donc ceux
implantés au CEA Saclay et au CIRIMAT Toulouse. Cela m’a conduit à rencontrer de
nombreuses personnes aux domaines de compétences variés et diverses dont le concours
a été fondamental pour mes travaux. Parmi ces personnes figurent Emmanuel Herms et
Catherine Guerre qui m’ont accueilli au SCCME/LECA ainsi que leurs équipes avec
lesquelles j’ai collaboré sur la partie oxydation et corrosion sous contraintes pour la
manipulation souvent délicate des équipements sous pression (Anne Maquigon,
Frédérique Datchary, Vincent Amicel, Matthias Rousseau entre autres). Je les remercie
tous vivement et chaleureusement.
J’ai remercie également très sincèrement Françoise Barcelo (EBSD), Véronique Rabot
(MO), Thomas Guilbet (Traitements Thermiques) avec qui j’au eu à collaborer au
SRMA.
A Toulouse, Marie Christine Lafont m’a initié aux joies du MET, depuis la préparation
des lames MET à la réalisation des belles micrographies ! Combien d’après midi avonsnous passé dans l’obscurité à « fouiller » dans la matrice des différents aciers que nous
avons eu à sonder, le tout dans la bonne humeur? Je la remercie de tout cœur et merci
pour la petite télé…
Encore une fois, je remercie tous ceux que j’aurai pu oublier et qui ont techniquement
contribué à ces travaux.
Comme mentionné plus haut, j’ai passé mon temps entre deux endroits que j’ai
partagés avec des gens qui me devenus chers par la force des choses : le bureau 120 du
LCMI et le bureau des thésards au LECA (sans compter mes nombreux déplacements au
CIRIMAT). Si l’ambiance a été au rendez vous et que cela a été un plaisir de les rejoindre
chaque matin, je le dois sans doute à Arthur et Nathanaël (bureau 120) et Vaitéa,
Thomas et Laura !!! Merci à eux, j’ai gagné des amis de galère et de joie, entre les
longues rigolades du début d’après midi et les encouragements lors des périodes creuses.
Laurita, on se retrouvera sans doute, à Dakar à faire le tour des marchés folkloriques…
Enfin, je ne peux terminer sans une pensée à ma maman et mes deux frangins
(Abdou et Cheikh), vous avez été ma source principale de motivation, depuis près de 10
ans que je vous ai quittés, vous êtes le moteur qui me fait faire un pas après l’autre et
atteindre les objectifs ; longue vie à vous!
Et pour vraiment finir, merci à mon chéri Seydina, sans qui l’aventure n’aurait sans
doute pas été aussi belle. Il a été mon soutien, l’épaule sur laquelle j’ai pleuré pendant
de longs moments, en proie à l’angoisse de l’échec. J’espère qu’on partagera bien d’autres
aventures de la vie…
III
A mon Papa adoré qui a rejoint les cieux trop tôt, beaucoup trop tôt…
IV
Résumé
Résumé
L’état de surface des vis de liaison des internes de cuve du circuit primaire des
REP (Réacteurs à Eau Pressurisée) en 316L en service correspond à une finition
d’usinage par rectification. Ces vis sont affectées par l’IASCC (Corrosion Sous contrainte
Assistée par l’Irradiation). Le processus d’amorçage de la fissuration est fonction de
l’oxydation externe, de l’état de surface et des interactions de la couche d’oxyde avec la
localisation de la plasticité.
Un des objectifs de cette étude est déterminer l’influence de la préparation de
surface sur la cinétique de croissance des couches d’oxyde et la réactivité de surface en
général des nuances de type 304, 316 exposées en milieu primaire des REP à 340°C. Le
second objectif est de déterminer l’influence de la localisation de la déformation sur la
CSC (Corrosion Sous Contraintes) des aciers inoxydables austénitiques en milieu
primaire des REP. En effet, la microstructure représentative de ces nuances irradiées
correspond à une microstructure à déformation localisée dans des bandes de déformation
dépourvues de défauts d’irradiation. Afin de reproduire cette microstructure
représentative sur le matériau modèle de l’étude (l’acier austénitique inoxydable A286
durci par la précipitation de la phase γ’ Ni3(Ti,Al)) sans avoir recours à l’irradiation, des
essais de fatigue oligocyclique à Δε/2 imposée sont réalisés. Durant le cyclage mécanique
(après les premiers cycles de durcissement), les précipités sont dissouts dans des bandes
de glissement menant à la localisation de la déformation. Une fois les conditions
expérimentales en fatigue oligocyclique permettant d’obtenir la microstructure de
déformation désirée déterminées, les interactions bandes de déformation / oxyde de
surface sont étudiées en oxydant des coupons pré déformés contenant des bandes de
déformation et des coupons non déformés. La préparation de surface des coupons est
identique. Les essais de traction lente à une vitesse de déformation de 8 x 10-8/s sont
également réalisés sur des éprouvettes pré déformées et non déformées.
Les résultats ont montré que la préparation de surface modifie la microstructure
du métal sous la couche d’oxyde, conduisant à un ralentissement de la cinétique de
croissance de la couche d’oxyde. La préparation de surface induit cependant une
accélération du développement de pénétrations d’oxydes dans le métal sous la couche
d’oxyde. Ainsi, sur les échantillons rectifiés, la zone recristallisée sous la couche d’oxyde
est plus profonde que sur les échantillons polis (jusqu’à 1,5µm contre 500nm au
maximum sur les échantillons polis) et la couche d’oxyde est plus fine que sur les
échantillons polis, tandis que les pénétrations d’oxyde sont présentes sur près de 1µm de
profondeur en sous couche (contre 300nm sur les échantillons polis).
Nous montrons que la zone de recristallisation induite par la préparation de
surface ne permet pas l’observation des interactions entre les bandes de déformation
générées dans le volume par la fatigue oligocyclique et la couche d’oxyde en surface. De
fait, la réactivité de surface est très importante pour l’étude de la CSC des aciers
inoxydables en milieu primaire des REP. Nous avons également démontré que cette
nuance était très sensible à la corrosion intergranulaire en milieu REP à 340°C. Enfin, la
localisation de la déformation plastique ne semble pas favoriser la CSC sur cette nuance
à cette vitesse de déformation.
V
Résumé
Abstract
The surface conditions of the 316L screw connecting vessel internals of the
primary circuit of PWR (pressurized water reactor) corresponds to a grinding condition.
These screws are affected by the IASCC (Irradiation Assisted Stress Corrosion
Cracking). Initiation of cracking depends on the surface condition but also on the
external oxidation and interactions of oxide layer with the deformation bands.
The first objective of this study is to point the influence of surface condition on the
growth kinetic of oxide layer, and the surface reactivity of 304, 316 stainless steel grade
exposed to PWR primary water at 340 ° C. The second objective is to determine influence
of strain localization on the SCC of austenitic stainless steels in PWR primary water.
Indeed, the microstructure of irradiated 304, 316 grades correspond to a localized
deformation in deformation bands free of radiation defects. In order to reproduce that
microstructure without conducting irradiations, low cycle fatigue tests at controlled stain
amplitude are implemented for the model material of the study (A286 austenitic
stainless steel hardened by the precipitation of phase γ 'Ni 3 (Ti, Al)). During the
mechanical cycling (after the first hardening cycles), the precipitates are dissolved in slip
bands leading to the localization of the deformation. Once the right experimental
conditions in low cycle fatigue obtained (for localized microstructure), interactions
oxidation / deformation bands are studied by oxidizing pre deformed samples containing
deformation bands and non deformed samples. The tensile tests at a slow strain rate of 8
x 10-8 /s are also carried out on pre deformed samples and undeformed samples.
The results showed that surface treatment induces microstructural modifications
of the metal just under the oxide layer, leading to slower growth kinetics of the oxide
layer. However, surface treatment accelerates development of oxides penetrations in
metal under the oxide layer. As example, for grinded samples, the recrystallized area
under the oxide layer, induced by surface treatment, is deeper than for polished sample
(up to 1.5 microns vs 500 nm for the polished samples) and the oxide layer is thinner
than on the polished samples, while the penetrations oxide are expands on nearly 1μm
under the oxide layer (against 300nm for the polished samples).
We also show that the area recrystallization resulting from surface treatment,
does not allow observing the interactions between the deformation bands in the bulk
generated by LCF and the oxide layer at surface. Actually, surface reactivity is strongly
important for SCC study of stainless steels in PWR primary water. We also
demonstrated that this grade was very sensitive to intergranular corrosion in PWR
environment at 340 ° C. Finally, localization of plastic deformation does not seem to
favor SCC in our A-286 grade, at that strain rate level.
VI
Table des matières
Table des matières
Résumé.…. .......................................................................................................................... V
Abstract.... ........................................................................................................................ VI
Liste des figures................................................................................................................ X
Liste des tables.............................................................................................................. XVI
Introduction et contexte. .................................................................................................1
I. Revue de connaissances. ..............................................................................................7
I.1. Introduction ..............................................................................................................10
I.2. Mécanismes de base de la Corrosion sous contrainte des aciers austénitiques......10
II.2.1. Phénoménologie.................................................................................................10
II.2.2. Rappels : chimie de l’eau, mécanismes de dissolution – repassivation. ...........12
II.2.3. Corrosion généralisée des aciers inoxydables en milieu aqueux ......................14
i. Nature des oxydes de surface formés en milieu primaire REP. ..........................15
ii. Modèles de corrosion des aciers inoxydables en milieu aqueux. .........................18
II.2.4. Influence de l’écrouissage de surface ................................................................25
II.2.5. Mécanismes de base à l’origine de la CSC des aciers inoxydables en milieu
primaire des REP. ...........................................................................................................26
i. Effet de la plasticité sur les réactions électrochimiques. .....................................26
ii. Modélisation de la CSC, Interactions oxydation – plasticité. ..............................27
I.3. Corrosion sous contrainte des aciers inoxydables écrouis. .....................................31
I.3.1.
Généralités : ......................................................................................................31
I.3.2.
Milieu primaire REB versus milieu primaire REP ..........................................32
I.3.3.
CSC des aciers inoxydables austénitiques en milieu REP ...............................32
I.4. CSC de l’acier à durcissement structural A286 en milieux REB et REP. .............42
I.4.1.
Effet de la contrainte appliquée ........................................................................43
I.4.2.
Effet de l’écrouissage .........................................................................................44
I.4.3.
Effet de la précipitation inter granulaire (par TTH) ........................................44
I.5. IASCC des aciers inoxydables austénitiques...........................................................45
I.5.1.
Généralités .......................................................................................................45
I.5.2.
Effet de l'irradiation neutronique .....................................................................46
i. Microstructure induite par l'irradiation ...............................................................46
ii. Ségrégation induite par l'irradiation ....................................................................47
iii. Effet de l'irradiation neutronique sur les propriétés mécaniques. ......................48
I.5.3.
Phénomènes particuliers agissant sur les cinétiques /mécanismes de CSC ....53
i. Localisation de la déformation plastique: mécanisme de canalisation................53
ii. Localisation de la déformation plastique: Formation des macles. .......................55
I.5.4.
Mécanismes de CSC assisté par l’irradiation des aciers austénitiques
inoxydables. .....................................................................................................................58
I.6. Conclusions ...............................................................................................................61
VII
Table des matières
II. Méthodes expérimentales. ....................................................................................... 63
II.1. Introduction ..............................................................................................................66
II.2. Méthodes de prélèvement ........................................................................................66
A)
A-286 .....................................................................................................................66
B)
304L.......................................................................................................................67
II.3. Analyse chimiques ICP – GDMS .............................................................................67
II.3.1. ICP AES Perkin.................................................................................................67
II.3.2. GDMS (Glow Discharge Mass Spectroscopy) ...................................................68
II.4. Méthodes de caractérisation de la microstructure initiale.....................................69
A)
A l’échelle du grain ...............................................................................................69
II.4.1. Microscopie optique : .........................................................................................69
II.4.2. Mesures des tailles de grain..............................................................................69
B)
A l’échelle mésoscopique .......................................................................................70
II.4.3. Microscopie Electronique à Balayage : .............................................................70
C)
A l’échelle microscopique ......................................................................................71
II.4.4. Microscopie Electronique à transmission : .......................................................71
II.4.5. Diffusion des neutrons aux Petits Angles: ........................................................73
II.4.6. Conclusion sur les techniques d’analyse de la microstructure initiale ...........79
II.5. Protocole expérimentale d’étude de la réactivité de surface. ..................................79
II.5.1. Techniques de caractérisation microstructurale ..............................................80
II.5.2. Analyse chimique : SIMS (Secondary Ions Mass Spectrometry) .....................80
II.5.3. Conclusion sur les techniques de réactivité de surface (oxydation statique). ..85
II.6. Localisation de la déformation plastique par fatigue oligocyclique : ......................85
II.6.1. Dimensionnement des essais ............................................................................85
II.6.2. Pré déformation par cyclage..............................................................................87
II.7. Protocole expérimentale de caractérisation de la CSC. ...........................................88
II.7.1. Plan de prélèvement des éprouvettes de CSC ..................................................88
II.7.2. Conditions expérimentales ................................................................................89
II.8. Conclusions : .............................................................................................................90
III. Caractérisation initiale des matériaux. ............................................................. 91
III.1. Introduction ..............................................................................................................94
III.2. A286 ..........................................................................................................................94
III.2.1.
Composition chimique ...................................................................................95
III.2.2.
Microstructure ...............................................................................................96
A).
A286 brut ...........................................................................................................97
Caractéristiques de la matrice austénitique par analyse métallographique .....97
Précipitation de carbures secondaires ..................................................................99
B).
A286 vieilli .......................................................................................................102
Précipitation durcissante γ’ ................................................................................102
Précipitation intergranulaire .............................................................................106
III.2.3.
Caractérisation mécanique ..........................................................................107
III.3. 304L ........................................................................................................................110
III.3.1.
Composition chimique .................................................................................111
VIII
Table des matières
III.3.2.
Microstructure .............................................................................................112
Caractéristiques de la matrice austénitique et de la ferrite résiduelle .............112
Quantification de la ferrite résiduelle ................................................................115
Caractérisation de la microstructure par MET..................................................118
III.3.3.
Caractérisation mécanique ..........................................................................119
III.4. Conclusion ..............................................................................................................121
IV. Oxydation statique 304L. ...................................................................................... 123
IV.1. Introduction ............................................................................................................126
IV.2. Caractérisation des couches de passivation...........................................................127
IV.2.1.
Exposition en milieu vapeur (400°C – 500h) d’une plaquette polie miroir 127
IV.2.2.
Exposition en milieu vapeur (400°C – 500h) d’une plaquette rectifiée ......133
IV.2.3.
Exposition en milieu REP (340°C – 500h) d’une plaquette polie miroir ..137
IV.2.4.
Exposition en milieu REP (340°C – 500h) d’une plaquette rectifiée ..........139
IV.2.5.
Synthèse : .....................................................................................................141
IV.3. Etude de la réactivité de la surface en milieu REP à 340°C .................................143
IV.3.1.
Effet de la préparation de surface sur la cinétique de croissance de la couche
d’oxyde…… ....................................................................................................................143
IV.3.2.
Pénétrations intergranulaires d’oxydes ......................................................147
IV.3.3.
Bilan de l’influence de l’état de surface .......................................................152
IV.4. Comparaison des produits de corrosion milieu vapeur/milieu REP......................154
IV.5. Conclusions .............................................................................................................157
V. Localisation de la déformation et interactions oxydation / plasticité.... ..... 158
V.1. Introduction ............................................................................................................161
V.2. Etude de la localisation de la déformation plastique par fatigue oligocyclique ....162
V.2.1. Etude du flambage de l’éprouvette .................................................................162
V.2.2. Comportement de l’alliage A-286 sous sollicitations oligocycliques...............165
V.2.3. Microstructure de déformation .......................................................................168
i) Microstructure de déformation à Δεt/2 = 0,2% ...................................................169
ii) Microstructure de déformation à Δεt/2 = 0,7% ..................................................170
iii) Microstructure de déformation Δεt/2 =2%..........................................................172
iv) Synthèse et discussion ........................................................................................174
V.3. Interactions oxydation / Plasticité .........................................................................180
V.3.1. Effet de la pré déformation en fatigue oligocyclique sur la corrosion
généralisée de la nuance A286 ......................................................................................180
V.3.2. Etude de l’oxydation intergranulaire ..............................................................185
V.3.3. Conclusion partielle sur les interactions oxydation / plasticité .....................190
V.3. Sensibilité à la Corrosion sous contrainte de la nuance A286 vieillie 50h, 670°C190
V.4. Conclusions .............................................................................................................194
Conclusions générales et perspectives. ................................................................... 196
Références bibliographiques.…………..…….……………………….……………….…………..201
Annexes…. ...................................................................................................................... 211
IX
Table des figures
Liste des figures
Figure I-1 : Courbe de polarisation anodique d’un acier inoxydable en milieu acide (H2SO4) ........ 13
Figure I-2 : Micrographie MEB d’une section transverse d’un acier 316L prélevé du réacteur 1 de
la centrale de Beznau oxydé en condition des REP.. ....................................................................... 15
Figure I- 3 : Représentation schématique de la couche d’oxyde duplex par Terachi....................... 17
Figure I-4 : Vue en coupe d’une plaquette de 304 oxydé en milieu lithié à 300°C ......................... 17
Figure I-5 : Modèle de WAGNER, oxydation d'un métal en oxyde sous oxygène à haute
température. .................................................................................................................................... 20
Figure I-6 : Phénomènes de transport des ions métallique et des ions O 2- pendant la corrosion
aqueuse à haute température.......................................................................................................... 25
Figure I-7 : Evolution de la densité de courant en fonction du taux de cisaillement plastique ..... 27
Figure I-8 : Influence de la vitesse de repassivation sur la croissance de la fissure d’après la
modèle de dissolution anodique ....................................................................................................... 28
Figure I-9 : Fluage du cuivre en condition de dissolution généralisée dans une solution acétate
désaérée à pH 3,7 ............................................................................................................................ 29
Figure I-10 : Schématisation des différentes étapes de l’endommagement en CSC selon Jones .... 30
Figure I-11 : Eprouvette RUB (Reverse U – Bend) ......................................................................... 33
Figure I-12 : Micrographie MEB de la section transverse de la zone en fond d’entaille d’une
éprouvette en 316L écroui par laminage sollicitée à charge constante à 340°C en milieu primaire
simulé REP. ..................................................................................................................................... 34
Figure I-13 : Micrographie du faciès de rupture d’un échantillon de 316L hypertempé testée à
320°C. .............................................................................................................................................. 37
Figure I-14 : Evolution de la vitesse de fissuration en fonction de la température. ....................... 38
Figure I-15 : Effet de l'hydrogène dissous sur la sensibilité à l'IGSCC en milieu primaire REP. .. 39
Figure I-16 : Influence de la teneur en hydrogène dissous sur la vitesse moyenne de fissuration . 40
Figure I-17 : Effet de la teneur en acide borique sur la vitesse moyenne de fissuration ................ 40
Figure I-18 : Fissure intergranulaire au niveau du congé de raccordement entre la tête et le fût
d’une vis exposé à un milieu REP.................................................................................................... 42
Figure I-19 : Micrographie du faciès de rupture à près de 50% intergranulaire d’une vis exposé en
milieu REB, sollicitée à charge constante. ...................................................................................... 43
Figure I-20 : Image haute résolution de précipités aux joints de grain, positionnés en avant de la
fissure intergranulaire ................................................................................................................... 45
Figure I-21 : Micrographies de la microstructure d'un acier 304H irradié à 8 dpa, 375°C ............. 46
Figure I-22 : Evolution de la densité et de la taille des boucles de dislocation en fonction de la dose
lors de l'irradiation à 280°C dans un réacteur à eau légère. ........................................................... 47
Figure I-23 : Représentation schématique du mécanisme lacunaire ou de l'effet Kirkendall inverse ............................................................................................................................................. 48
Figure I-24 : Représentation schématique du mécanisme d'association d'interstitiels................... 48
Figure I-25 : Evolution de l’ allongement uniforme du 304L Hyp et du 316 E irradiés à 330°C et
testé à 20°C et 330°C . ..................................................................................................................... 49
Figure I-26 : Contrainte d'écoulement pour des aciers inoxydables en fonction de la fluence
neutronique. .................................................................................................................................... 50
Figure I-27 : Courbes de traction d'un acier inoxydable 316L irradié aux neutrons ...................... 50
Figure I-28 : Représentativité des protons par rapport aux neutrons. Evolution des tailles et
boucles de dislocations dans un acier 304L irradiés aux protons et aux neutrons. ........................ 51
Figure I-29 : Défauts induits par l'irradiation d'un échantillon d'acier 316 aux ions He +. ............. 52
X
Table des figures
Figure I-30 : Micrographie en champ sombre de bandes de dislocations dépourvues de la phase γ’
dans un acier A286 ......................................................................................................................... 53
Figure I-31 : Canal de dislocation dans un acier austénitique 304L irradié à 400°C aux protons 54
Figure I-32 : Microstructure d'un acier austénitique 316 testé à 330°C à une vitesse de
déformation de 40 x 10-4 /s après irradiation à 330°C, 7,4 dpa........................................................ 55
Figure I-33: Image en champ sombre de macles de déformation formées dans un acier 304 irradié
aux ions Ni + à 5 dpa à 500°C ........................................................................................................ 56
Figure I-34: Micrographie en champ sombre montrant l'interaction entre une lamelle maclée et un
joint de grain dans un échantillon d'un acier 304L irradié aux protons à 6,8 dpa à 250°C ............ 56
Figure I-35 : Micrographie MEB du faciès de rupture facette intergranulaire d’un acier 304
irradié à 1,2 1021 n/cm² après traction lente. ................................................................................... 57
Figure I- 36 : Micrographie MET montrant la présence de marches de glissement sur des grains
au niveau d’une fissure intergranulaire . ........................................................................................ 57
Figure I-37 : Mesure au MET des profils de composition au joint de grain d’un acier austénitique
irradié aux neutrons ....................................................................................................................... 58
Figure I-38 : Comparaison de la contrainte d’écoulement et la susceptibilité à l’IGSCC dans un
milieu haute température oxygéné.................................................................................................. 59
Figure I-39 : Micrographie MET de l’intersection de bandes de déformation et des murs de la
fissure. ............................................................................................................................................. 60
Figure I- 40 : Représentation schématique de la progression d’une fissure intergranulaire ......... 60
Figure I-41 : Amorce de fissure dans un acier 15Cr12Ni en milieu simulé REB ............................ 61
Figure II- 42 : Démarche de l’étude ................................................................................................ 66
Figure II-43 : Zone de prélèvement dans la tôle de la nuance 304L_GV20. .................................... 67
Figure II-44 : Schéma illustrant la mesure de la taille des grains par la méthode définie par la
norme NF EN ISO 643 :200304 ....................................................................................................... 70
Figure II-45 : Appareillage d’amincissement : le TENUPOL 5 ....................................................... 72
Figure II-46 : a) Principe de fonctionnement de la cellule électrolytique du Ténupol 5 Struers à
double jet b) Courbe intensité – potentiel pour électrolyte idéal..................................................... 73
Figure II-47 : Représentation schématique de la technique de DNPA........................................... 74
Figure II-48 : Illustration de la problématique expérimentale de la technique DNPA................... 75
Figure II-49 : Spectre brut obtenu en DNPA après regroupement et normalisation. ..................... 75
Figure II-50 : Evolution de la courbe de diffusion en fonction de la concentration en particules et
des interférences interparticulaires. ............................................................................................... 77
Figure II-51 : Plan de prélèvement des plaquettes au cœur de la tôle mère en 304L. ................... 79
Figure II-52 : Schéma de principe de la spectroscopie de masse des ions secondaires ................... 83
Figure II-53 : Schématisation de la Préparation des échantillons destinés au R - SIMS ............... 84
Figure II-54 : Plan de l’éprouvette de fatigue oligocyclique utilisée pour les essais de
dimensionnement. ........................................................................................................................... 86
Figure II-55 : Plan de l’éprouvette de fatigue oligocyclique utilisée pour les essais de pré
déformation...................................................................................................................................... 87
Figure II-56 : Plan de prélèvement des éprouvettes plates de traction dans les éprouvettes
oligocycliques de pré déformation.................................................................................................... 88
Figure III-57 : Histogramme de distribution de la taille de grain sur un échantillonnage de la
nuance A-286 hypertrempée............................................................................................................ 97
Figure III-58 : Distribution d’angles de désorientation entre grains adjacents. ............................. 98
Figure III-59 : Images en champ clair des carbonitrures de titane et clichés de diffractions
associés ......................................................................................................................................... 100
XI
Table des figures
Figure III-60 : Image en champ clair et diagramme de diffraction associé au carbure de
molybdène. ..................................................................................................................................... 101
Figure III-61 : Image en champ clair de phosphorures de titane. ................................................. 101
Figure III-62: Représentation de la maille de la phase γ’ Ni3(Ti, Al) ........................................... 103
Figure III - 63 : Image en champ sombre des précipités γ’ ........................................................... 104
Figure III-64: Image en champ sombre des précipités ’ ............................................................... 104
Figure III-65 : Résultats de DNPA sur l’A286 vieilli. Evolution de l’intensité corrigée en fonction
du vecteur de diffusion. ................................................................................................................. 105
Figure III-66 : Accumulation de précipités aux joints de grain. .................................................... 107
Figure III-67 : Courbes de traction nominale de l’alliage A-286 vieilli 670°C, 50 sous air, à
température ambiante et à 340°C ................................................................................................. 108
Figure III-68: Profil de dureté de la nuance A286 suivant le diamètre de la barre ...................... 109
Figure III-69 : Corrélation de données expérimentales entre la variation de la contrainte
d’écoulement et la variation de la dureté induite par l’irradiation. .............................................. 110
Figure III-70 : Cartographie IPF d’orientation de la nuance 304L_GV20. ................................... 113
Figure III-71 : Distribution d’angles de désorientation d’un échantillon de la nuance 304L_GV20..
....................................................................................................................................................... 113
Figure III-72 : Histogramme de distribution des tailles de grain ................................................ 114
Figure III-73 : a) Distribution des joints spéciaux selon la classification de Brandon b)
Distribution d’angles de désorientation entre grains adjacents. ................................................... 115
Figure III- 74 : Vue suivant 3 faces perpendiculaires aux directions métallurgiques (L, T, S) de la
microstructure du 304L. ................................................................................................................ 116
Figure III-75 : Diagramme révisé de Schaeffler estimant la quantité de ferrite. ......................... 116
Figure III-76 : Microstructure d’une plaque en 304L a) morphologie de la ferrite δ dans une
matrice austénitique ; b) Concentration de dislocations au voisinage de l’interface ferrite /
austénite. ....................................................................................................................................... 117
Figure III-77 : a) Acquisition, b) binéarisation et c) seuillage d’une micrographie de l’acier
inoxydable...................................................................................................................................... 117
Figure III-78 : Images en champ clair de grains de ferrite présentant des morphologies
différentes. ..................................................................................................................................... 118
Figure III-79 : Diagrammes de diffraction de la ferrite................................................................. 118
Figure III-80 : Courbes de traction de l’alliage 304L hypertrempé, sous air, à température
ambiante et à 340°C ...................................................................................................................... 119
Figure III-81 : Profils de dureté suivant l’épaisseur de la tôle des nuances 304L_GV20.............. 120
Figure IV-82 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). ............................................. 128
Figure IV-83 : Images en électrons secondaires des zones d’oxydation préférentielle .................. 128
Figure IV-84 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h) .............................................. 129
Figure IV-85 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). ............................................. 129
Figure IV-86 : Images en champ clair de cristallites de magnétite associées aux diagrammes de
diffraction. ..................................................................................................................................... 130
Figure IV-87 : Spectres EELS en mode STEM (nanosonde) ......................................................... 130
Figure IV-88 : Spectres EELS ....................................................................................................... 131
Figure IV-89 : EFTEM sur la zone perturbée située au niveau des cristallites 3, 4, 5 ................ 132
Figure IV-90 : Représentation schématique des stries de rectification et de la rugosité de surface
....................................................................................................................................................... 133
Figure IV-91 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). Plaquette rectifiée. Image en
microscopie optique. ...................................................................................................................... 134
XII
Table des figures
Figure IV-92 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). ............................................ 134
Figure IV-93 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). ............................................ 134
Figure IV-94 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). . ........................................... 135
Figure IV-95 : Oxydation du 304L en milieu vapeur (400°C, 500h). . ........................................... 135
Figure IV-96 : Image filtrée sur le seuil du chrome et de l’oxygène montrant la fine couche riche
en chrome d’interface avec le substrat (EFTEM) .......................................................................... 136
Figure IV-97 : Image en champ clair de la couche d’oxyde et diagramme de diffraction du substrat
déformé sous l’oxyde. ..................................................................................................................... 136
Figure IV-98 : Oxydation du 304L en milieu primaire REP (340°C, 500h). ................................. 138
Figure IV-99 : Oxydation du 304L en milieu primaire REP (340°C, 500h). . ................................ 138
Figure IV-100 : Oxydation du 304L en milieu primaire REP (340°C, 500h). ............................... 139
Figure IV-101 : Oxydation du 304L en milieu primaire REP (340°C, 500h). . .............................. 140
Figure IV-102 : Représentation schématique de la couche d’oxyde formée sur les plaquettes de
304L .............................................................................................................................................. 142
Figure IV-103 : Image au microscope optique des plaquettes de 304L ........................................ 144
Figure IV-104 : Image en champ clair de la surface d’une plaquette rectifiée non oxydée. ......... 145
Figure IV-105 : Image en champ clair de la surface d’une plaquette rectifiée non oxydée. .......... 146
Figure IV-106 : Profils de diffusion d’éléments chimiques du métal de base vers la couche définies
sur une plaquette polie exposée en milieu simulé REP................................................................. 148
Figure IV-107 : Profils de diffusion d’éléments chimiques du métal de base vers la couche définies
sur une plaquette rectifiée exposée en milieu simulé REP ......................................................... 148
Figure IV-108 : Cartographies en imagerie direct des éléments chimiques oxygène ( 16C) et des
oxydes d’aluminium, chrome et de fer (27Al16O, 52Cr16O, 56Fe16O). ............................................... 150
Figure IV-109 : Schéma représentatif des microstructures en subsurface pour la nuance 316 L
écrouie, oxydé en milieu LWR. .................................................................................................... 151
Figure IV-110 : Image en champ clair de la section transverse d’une plaquette rectifiée et oxydée
sous air à 400°C pendant 500h. ..................................................................................................... 154
Figure V-111 : Courbe représentant la contrainte vraie en fonction de la déformation plastique.
....................................................................................................................................................... 163
Figure V-112 : Points de mesure de la déformée de l’éprouvette durant et après les essais de
fatigue oligocyclique. ..................................................................................................................... 164
Figure V-113 : Courbes représentant l’évolution de la demi - amplitude de la contrainte en
fonction du nombre de cycles. ........................................................................................................ 166
Figure V-114 : Boucles d’hystérésis typiques générées durant l’essai de fatigue oligocyclique à
Δεp/2 = 0,8 % . ................................................................................................................................ 167
Figure V-115 : Evolution de l’adoucissement cyclique macroscopique en fonction de la demiamplitude de la déformation plastique imposée. ........................................................................... 168
Figure V-116 : Images de la microstructure de déformation de l’A-286 traité 50h/670°C après
1000 cycles de fatigue oligocyclique à Δεp/2 = 0,2%. ...................................................................... 170
Figure V-117 : Microstructure de déformation en champ clair de l’A286 cyclé à 0,7% ................ 171
Figure V-118 : Micrographie en champ clair (image du haut) et champ sombre d’une bande
dépourvue de précipités γ’ entourée de bandes composées de γ + γ’ ............................................. 171
Figure V-119 : Images en champ clair Δεp/2 = 2%, 380 cycles. ...................................................... 173
Figure V-120 : Image MET de la microstructure de déformation résultant de la sollicitation par
fatigue oligocyclique de la nuance 304 à Δεt/2 = 2%...................................................................... 174
XIII
Table des figures
Figure V-121 : Micrographies en champ clair et sombre représentant la microstructure de
déformation associée à l’adoucissement cyclique macroscopique résultant des essais de fatigue
oligocyclique à température ambiante. ......................................................................................... 176
Figure V-122 : Micrographie en champ clair de la nuance de l’étude de MS pré déformée en
fatigue oligocyclique à température ambiante 0,2% 120 cycles. ................................................... 178
Figure V-123 : Micrographie en champ clair de la section transverse de la couche d’oxyde
constituée après une exposition de 500h en milieu primaire simulé REP à 340°C d’un alliage A286
vieilli à 50h pendant 670°C non déformé ...................................................................................... 181
Figure V-124 : Micrographie en champ clair de la couche d’oxyde développée après exposition en
milieu primaire REP simulé (340°C, 500h) de la nuance A-286 pré déformée en fatigue
oligocyclique .................................................................................................................................. 182
Figure V-125 : Micrographie en champ clair de la couche d’oxyde développée après exposition en
milieu primaire REP simulé (340°C, 500h) d’un coupon de la nuance A-286 pre déformée en
fatigue oligocyclique (Δεp/2 = 0,5% ; 1000 cycles).. ........................................................................ 183
Figure V-126 : Profils de concentration d’éléments chimiques du métal de base vers la couche
définies sur un coupon en alliage A-286 sollicité en fatigue oligocyclique (Δε/2 = 0,7%, 116 cycles)
puis oxydé en milieu primaire REP à 340°C, 500h. ...................................................................... 186
Figure V-127 : Cartographies SIMS en imagerie direct des éléments chimiques oxygène ( 16C),
carbone (12C) et des oxydes de chrome et de fer (52Cr16O, 56Fe16O) . ........................................... 188
Figure V-128 : Courbe de l’essai de traction lente à 340°C en milieu primaire des REP ............. 191
Figure V-129 : Images MEB du faciès de rupture de l’éprouvette testée en traction lente en milieu
REP à 340°C.. ................................................................................................................................ 192
Figure V-130 : Surface latérale polie de l’éprouvette testée en CSC à 340°C en milieu primaire
REP. ............................................................................................................................................... 192
Figure III-131 : Schéma montrant une intersection entre un joint de grain et une expansion d’un
canal dépourvu de défauts . ........................................................................................................... 214
Figure II-132 : Profil d’endommagement simulé par un calcul SRIM d’un acier inoxydable irradié
aux protons de 3 MeV . .................................................................................................................. 216
Figure III-133 : Echantillons disposés sur un support lié au porte échantillon en cuivre ........... 218
Figure III-134 : Schéma de prélèvement des éprouvettes de traction. .......................................... 219
Figure III-135 : Série d’échantillons pour une irradiation. ........................................................... 219
Figure III-136 : Etapes de préparation des éprouvettes de traction irradiées. ............................. 220
Figure III-137 : Evolution de la température de la cible irradiée en fonction du flux de protons lors
de la calibration du nouveau porte – échantillons......................................................................... 221
Figure IV- 138 : Représentation schématique du coude du V ...................................................... 224
Figure IV-139 : Allongement de l’éprouvette en fonction du déplacement global imposé dans la
partie en V de l’éprouvette. ........................................................................................................... 225
Figure IV-140 : Diagramme température vitesse de déformation pour un acier 304L déformé à
20%.. .............................................................................................................................................. 227
Figure IV-141 : a) Glissement planaire de dislocations parfaites b) arrangement cellulaire de
dislocations . .................................................................................................................................. 228
Figure IV-142 : Emergence de lignes de glissement à la surface. ................................................ 228
Figure IV-143 : Images en champ clair d’échantillons déformés en fatigue oligocyclique. ........... 229
Figure IV-144 : Micrographies MET d’échantillons testés à rupture en fatigue oligocyclique à ε t =
0,6% 4680 cycles. ........................................................................................................................... 230
Figure IV-145 : Micrographie MET d’une structure en cellules de dislocations d’un échantillon
testé à rupture en fatigue oligocyclique à εt = 2% 165 cycles . ...................................................... 230
XIV
Table des figures
Figure IV-146 : Demi -maillage 2D de l’éprouvette de référence coudée . ..................................... 231
Figure IV-147 : Courbe d’écrouissage de l’acier 304L à 20°C ........................................................ 233
Figure V- 148 : Evolution de la déformation totale suivant l’axe Ox au point Oi en fonction de
l’ouverture du V. ............................................................................................................................ 234
Figure IV- 149 : Evolution de la déformation totale suivant l’axe Ox en fonction de l’ouverture au
point Oi . ........................................................................................................................................ 235
Figure IV-150 : Evolution du ratio déformation plastique cumulée en fond de V / Déformation
plastique cumulée dans l’épaulement en fonction de l’ouverture. ................................................. 236
Figure IV-151 : Evolution de la déformation plastique cumulée en fond de V en fonction de
l’ouverture. .................................................................................................................................... 237
Figure IV-152 : Demi-maillage 2D de la nouvelle éprouvette coudée en V. .................................. 238
Figure IV-153 : Evolution des différents champs de déformation locaux en fond de V en fonction
de l’ouverture. ................................................................................................................................ 238
Figure IV-154 : Evolution de la vitesse de déformation totale équivalente en fond de V en fonction
de l’ouverture. ................................................................................................................................ 239
Figure IV-155 : Evolution de la charge en fonction de l’ouverture de l’éprouvette. ...................... 240
XV
Table des figures
Liste des tables
Tableau I-1 : Caractéristiques des oxydes formés sur les aciers inoxydables en milieu REP
présents dans les réacteur 2 de la centrale de Beznäu . ................................................................. 16
Tableau II-2 : Caractéristiques du Microscope Electronique à transmission JEOL JEM 2010...... 71
Tableau II- 3 : Choix des fréquences de cyclage appliquées lors des essais de fatigue en fonction de
l’amplitude de la déformation totale imposée.................................................................................. 86
Tableau II-4 : Choix des fréquences de cyclage appliquées lors des essais de fatigue de pré
déformation en fonction de l’amplitude de la déformation plastique imposée. ............................... 87
Tableau III-5 : Composition chimique de la nuance A-286. ............................................................ 95
Tableau III-6 : Valeur l’énergie de faute d’empilement pour les nuances A-286. ........................... 96
Tableau III-7 : Propriétés mécaniques en traction de l’acier A 286 vieilli à 670°C, 50h. .............. 108
Tableau III- 8 : Composition chimique de la nuance 304L ........................................................... 111
Tableau III- 9 : Propriétés mécaniques en traction de l’acier 304L. ............................................. 119
Tableau IV-10 : Résumé des caractéristiques de la couche d’oxyde, nuance 304L avec un état de
surface poli miroir en milieu vapeur à 400°C, 500h. ..................................................................... 133
Tableau IV-11 : Résumé des caractéristiques de la couche d’oxyde, nuance 304L avec un état de
surface rectifié en milieu vapeur à 400°C, 500h............................................................................ 137
Tableau IV-12 : Résumé des caractéristiques de la couche d’oxyde, nuance 304L avec un état de
surface poli miroir en milieu REP à 340°C, 500h. ......................................................................... 139
Tableau IV- 13: Résumé des résultats des caractéristiques de la couche d’oxyde, nuance 304L
avec un état de surface rectifié en milieu REP à 340°C, 500h. ..................................................... 140
Tableau V-14 : Matrice des essais de dimensionnement en fatigue oligocyclique. ...................... 163
Tableau V-15 : Mesures de la déformée en flambage obtenue après les essais de fatigue
oligocyclique de dimensionnement des éprouvettes. .................................................................... 165
Tableau V-16 : Tableau récapitulatif des essais de fatigue oligocyclique menés à des amplitudes
de déformation plastique imposées. .............................................................................................. 167
Tableau V-17 : Matrice des essais de fatigue oligocyclique réalisés dans le cadre de la
caractérisation microscopique de la structure de déformation...................................................... 169
Tableau V-18 : Tableau récapitulatif des résultats de caractérisation de la nuance A286
prédéformée en fatigue oligocyclique............................................................................................. 175
Tableau III-19 : Conditions expérimentales des irradiations menées par Was au Michigan
University. ..................................................................................................................................... 215
Tableau IV-20: Estimation des vitesses d’endommagement et durées d’irradiations prévues pour
différents flux de protons............................................................................................................... 217
Tableau IV-21: Matrice représentant les différentes géométries testées pour le dimensionnement
de l’éprouvette en V. ...................................................................................................................... 232
XVI
Introduction
INTRODUCTION ET CONTEXTE.
1
Introduction
2
Introduction
A l’heure actuelle, les exigences d’une énergie propre autour du débat
environnemental impliquent la nécessité d’améliorer la fiabilité des solutions techniques
mises en œuvre dans le domaine de l’énergie nucléaire. A cette fin, des efforts importants
sont menés pour l’allongement de la durée des cycles d’exploitation des réacteurs
nucléaires. Cela passe par la maîtrise des propriétés des structures en service, ainsi que
des matériaux les constituant dans les conditions de fonctionnement sévères des
réacteurs à eau légère.
Dans le cas particulier des internes de cuve qui supportent les assemblages
combustibles, nous nous intéressons à la famille des aciers inoxydables austénitiques
utilisés pour la fabrication de certains éléments de structure. Compte tenu des
inconvénients qui découleraient des indisponibilités de ces équipements, les choix des
matériaux se sont portés à la conception sur des nuances réputées non sensibles à la
corrosion sous contrainte. Les aciers inoxydables austénitiques sont utilisés plus
précisément au niveau de l’enveloppe de cœur de la structure (les cloisonnements et les
renforts), de même que la visserie. Proche du cœur nucléaire, les matériaux des internes
de cuve sont soumis à de hautes températures (~ 340°C) et de fortes fluences
neutroniques.
Au début des années 90, des fissurations de structures d’internes (visserie) en
acier inoxydable austénitique ont été détectées en service en milieu réducteur. Bien que
les vis fissurées puissent être remplacées, l’optimisation de la maintenance lors des
visites décennales a conduit les exploitants à s’intéresser à ce problème.
Cette fissuration a, dès les premiers cas détectés, été attribuée à la corrosion sous
contrainte de nature intergranulaire. Il s’agit d’un mécanisme de dégradation,
conséquence de ruptures successives fragiles à une échelle cristalline que le matériau
subit lorsqu’il est soumis à la combinaison d’un milieu chimique agressif et de
sollicitations mécaniques. Le caractère complexe de ce type de fissuration vient du fait
qu’elle est le résultat de synergie entre trois types de paramètres : les paramètres liés au
matériau (chimiques et structuraux), les paramètres du milieu (chimie du milieu,
réactions électrochimiques et paramètres physiques liés au matériau) et les paramètres
mécaniques (sollicitations mécaniques externes). En effet, lorsque la microstructure des
aciers inoxydables tels que les 304 et 316 ne subit pas de modifications importantes, ils
ne sont pas sensibles à la fissuration par corrosion sous contrainte en milieu primaire
REP (Réacteurs à Eau Pressurisée) nominal.
En présence d’irradiation, d’autres phénomènes viennent interagir avec l’environnement
par corrosion sous contrainte, ce mécanisme est la corrosion sous contrainte assistée par
l’irradiation (IASCC : Irradiation Assisted Stress Cracking Corrosion).
Les aciers austénitiques inoxydables sont sensibles au phénomène d’IASCC, phénomène
se traduisant par une fissuration intergranulaire en milieu primaire des REP. C’est le
cas précisément de la nuance 316L des vis, soumise à un chargement (couple de serrage)
en milieu primaire REP.
Ces mécanismes de dégradation ne sont que partiellement compris, du fait du couplage
de nombreux phénomènes. En effet, plusieurs facteurs susceptibles d’interagir et de
provoquer l’IASCC ont été identifiés et répertoriés dans la littérature ouverte. Les effets
de l’irradiation incluent une altération de la chimie, de la microstructure et des
propriétés mécaniques du matériau, à travers le durcissement induit par la formation de
3
Introduction
boucles de dislocations, la modification de la composition chimique au niveau des joints
de grains connue comme de la ségrégation induite par irradiation et la chimie du milieu
par la radiolyse. La fragilisation par l’hydrogène englobant la fragilisation de la
structure par la diffusion de l’hydrogène formé est également parfois évoquée comme un
mécanisme potentiel pouvant participer à la sensibilité à l’IASCC. Les mécanismes de
déformation sont également modifiés : une hétérogénéité de la déformation est observée,
traduite par une localisation de la déformation plastique soit dans des bandes claires
dépourvues de défauts d’irradiation, soit dans des micromacles.
Ces phénomènes de durcissement et de ségrégation induits par l’irradiation ainsi que les
effets de microstructures ont été étudiés dans la littérature, la fragilisation par
l’hydrogène et la localisation de la déformation plastique sont des problématiques plus
récentes pour les aciers inoxydables irradiés. Leur synergie est critique et entraîne d’une
part des états de contrainte importants sur les joints de grain et d’autre part une
dégradation de la résistance des joints de grains pouvant aboutir à un amorçage de
fissures, mais pris indépendamment; aucun ne constitue une condition nécessaire et
suffisante à l’IASCC.
Cette étude est menée sur deux nuances d’aciers inoxydables : l’acier à
durcissement structural A-286 et l’acier 304L. La réactivité de surface et le
comportement sous oxydation statique ont été étudiés sur la nuance 304L. La nuance
A286 a été utilisée pour étudier les mécanismes d’oxydation en milieu REP, l’effet de la
localisation de la déformation plastique sur ces mécanismes d’oxydation et la corrosion
sous contrainte.
En effet, nous cherchons à expliciter les mécanismes qui soutendent la cinétique
d’oxydation en surface du matériau, compte tenu des transformations microstructurales
développées en sous couches. Ce type de dégradation implique simultanément des
réactions anodiques de dissolution/ repassivation et des réactions cathodiques
responsables en partie de la production d’hydrogène et de ses effets sur la
microstructure. L’étude des interactions oxydation / plasticité nous permettra de
comprendre l’impact des bandes de localisation sur ces mécanismes.
L’étude de la localisation de la déformation plastique de la nuance A-286 et son
effet sur la CSC a été initiée dans les travaux de thèse de Marylène Savoie (MS) (Savoie
2007). Dans cette étude, une démarche a été mise en place dans le but de reconstituer la
microstructure de déformation en bandes de déformation dépourvue de défauts résultant
de l’irradiation aux neutrons des aciers inoxydables de type 304L, 316L avant d’étudier
l’influence de la localisation de déformation sur la CSC. La démarche consiste à former
des bandes de déformation localisée sur l’acier A-286 durci par la précipitation de la
phase γ’ Ni3(Ti,Al) en le sollicitant par des essais de fatigue oligocyclique.
Les présents travaux viennent à la suite de ceux de MS. Pour la nuance A286, nous
avons travaillé sur des amplitudes de déformation plus élevées afin de confirmer les
effets de la localisation de la déformation plastique sur la CSC. Par ailleurs nous avons
étudié les interactions entre les bandes intenses et le film de passivation développé en
milieu REP. La réactivité de surface et les mécanismes se produisant en sous couche
sont également étudiés sur la nuance 304L.
Cependant, d’importants aléas techniques ont freiné d’une part l’élargissement de la
base de données des essais de CSC sur la nuance A286 pré déformée et d’autre part
4
Introduction
l’étude de la CSC sur des éprouvettes irradiées. Les premiers résultats en CSC présentés
dans ce rapport donnent cependant des indications intéressantes sur le phénomène
d’amorçage de la fissuration par CSC.
Dans le premier chapitre, une revue bibliographique de l’état d’avancement des
investigations sur la CSC et l’IASCC des aciers inoxydables austénitiques 304 et 316 et
de l’acier à durcissement structural A-286 est proposée. Les généralités nécessaires à la
compréhension des mécanismes de base impliqués dans la corrosion sont auparavant
déclinées. Ils permettent de mettre en avant l’importance de la couche passive pour les
modèles descriptifs de la CSC en milieu REP et REB, mais également pour la réactivité
de surface associée à ce type d’acier.
Cet état de l’art montrera que la localisation de la déformation plastique est un facteur
important à prendre en compte pour expliciter le phénomène d’IASCC.
Le deuxième chapitre est destiné aux méthodes expérimentales mises en œuvre
afin d’atteindre les objectifs. La complémentarité des techniques pour chaque objectif est
mise en avant. En particulier, l’approche multi échelle de caractérisation initiale des
matériaux et de la microstructure de déformation a impliqué l’utilisation des techniques
de microscopie du microscope optique au microscope électronique à transmission (MET)
couplées à l’EDX et à la spectroscopie de pertes d’énergie d’électrons ainsi qu’à la
diffraction aux neutrons aux petits angles. Pour l’étude de la réactivité de surface,
l’étude des coupes transverses par MET est associée à la technique SIMS (Spectroscopie
de Masse au Ions Secondaires) qui est adaptée au suivi de l’oxygène sous la couche
d’oxyde. Enfin, les protocoles mis en place pour la déformation plastique du matériau et
la corrosion sous contraintes sont exposés.
Le troisième chapitre est dédié à la caractérisation des matériaux de l’étude (A286 et 304L). Le vieillissement de la nuance A-286 à 670°C pendant 50h conduit au
durcissement du matériau par la précipitation de la phase γ’ et la précipitation de phases
secondaires aux joints de grains. Cette microstructure est caractérisée, ainsi que les
propriétés mécaniques résultantes. Dans le cas de la nuance 304L, le traitement
d’hypertrempe a permis d’homogénéiser la microstructure, d’éliminer les contraintes
résiduelles générés lors de l’élaboration de la tôle. Néanmoins, de la ferrite résiduelle est
présente dans la matrice généralement austénitique. Ces éléments de microstructure
sont caractérisés dans ce chapitre.
Dans le quatrième chapitre, l’accent est mis sur les phénomènes se produisant en
sous couche lors de l’exposition en milieu REP à 340°C pendant 500h de plaquettes en
304L. L’effet de la préparation de surface sur la croissance de la couche d’oxyde passive
est étudié en caractérisant le film formé après exposition de deux séries de plaquettes :
la première série polie miroir, la seconde finie par rectification mécanique. La
représentativité des couches d’oxydes formées en milieu REP par rapport à celles
formées en milieu vapeur est également étudiée. Pour se faire, des plaquettes polies et
rectifiées sont oxydées en milieu vapeur 500h à 400°C.
Le dernier chapitre est consacré à l’étude de la localisation de la déformation
plastique de l’A-286 et des interactions oxydation / plasticité. Dans un premier temps, les
conditions expérimentales en fatigue oligocyclique menant à une microstructure de
déformation localisée sont déterminées. Une fois, ces conditions obtenues, l’oxydation en
milieu REP 500h à 340°C de plaquettes pré déformées et non pré déformées est suivie de
5
Introduction
la caractérisation des couches d’oxyde formées et de la sous couche en particulier. Enfin,
la sensibilité de la nuance de notre étude en CSC est étudiée en réalisant un essai de
traction lente à 340°C en milieu REP.
6
Revue des connaissances
CHAPITRE I : REVUE DE
CONNAISSANCES.
7
Revue des connaissances
8
Revue des connaissances
SOMMAIRE
I.1. Introduction ...........................................................................................................10
I.2. Mécanismes de base de la Corrosion sous contrainte des aciers
austénitiques. ...................................................................................................................10
I.2.1.
Phénoménologie.................................................................................................10
I.2.2.
Rappels : chimie de l’eau, mécanismes de dissolution – repassivation. ...........12
I.2.3.
Corrosion généralisée des aciers inoxydables en milieu aqueux ......................14
i. Nature des oxydes de surface formés en milieu primaire REP. ..........................15
ii. Modèles de corrosion des aciers inoxydables en milieu aqueux. .........................18
I.2.4.
Influence de l’écrouissage de surface ................................................................25
I.2.5.
Mécanismes de base à l’origine de la CSC des aciers inoxydables en milieu
primaire des REP. ...........................................................................................................26
i. Effet de la plasticité sur les réactions électrochimiques ......................................26
ii. Modélisation de la CSC, Interactions oxydation – plasticité. ..............................27
I.3. Corrosion sous contrainte des aciers inoxydables écrouis. ........................31
I.3.1.
Généralités : ......................................................................................................31
I.3.2.
Milieu primaire REB versus milieu primaire REP ..........................................32
I.3.3.
CSC des aciers inoxydables austénitiques en milieu REP ...............................32
i. Amorçage...............................................................................................................32
a) Effet de la température du milieu d’essai ............................................................37
b) Effets de l’hydrogène dissous et de la teneur en acide borique ...........................38
I.4. CSC de l’acier à durcissement structural A286 en milieux REB et REP. .42
I.4.1.
Effet de la contrainte appliquée ........................................................................43
I.4.2.
Effet de l’écrouissage .........................................................................................44
I.4.3.
Effet de la précipitation inter granulaire (par TTH) ........................................44
I.5. IASCC des aciers inoxydables austénitiques ..................................................45
I.5.1.
Généralités : ......................................................................................................45
I.5.2.
Effet de l'irradiation neutronique .....................................................................46
i. Microstructure induite par l'irradiation ...............................................................46
ii. Ségrégation induite par l'irradiation ....................................................................47
iii.
Effet de l'irradiation neutronique sur les propriétés mécaniques....................48
I.5.3.
Phénomènes particuliers agissant sur les cinétiques /mécanismes de CSC ....53
i. Localisation de la déformation plastique: mécanisme de canalisation................53
ii. Localisation de la déformation plastique: Formation des macles........................55
I.5.4.
Mécanismes de CSC assisté par l’irradiation des aciers austénitiques
inoxydables. .....................................................................................................................58
ii. Durcissement par irradiation vs CSC ..................................................................59
iii.
Localisation de la déformation plastique et IASCC en milieu primaire
REP/REB. .....................................................................................................................59
I.6. Conclusions ............................................................................................................61
9
Revue des connaissances
I.1.
Introduction
L’étude des mécanismes de Corrosion Sous Contrainte (CSC) dans les aciers inoxydables
a fait la part belle toutes ces années aux phénomènes de propagation. Les modèles et
approches proposés, pris séparément ne permettent pas à ce jour de décrire
l’endommagement et la dégradation par CSC des aciers inoxydables. Cependant, ils ont
permis de toucher du doigt la problématique, ainsi que de souligner la multiplicité des
paramètres entrant en jeu, soient des facteurs chimiques, électrochimiques, mécaniques
et structuraux. Les développements ont consacré le passage de modèles considérant
exclusivement la dissolution anodique aux modèles exploitant le film protecteur formé,
tant du point de vue électrochimique que mécanique.
Ce chapitre a pour but de fournir des éléments de contexte ainsi que des éléments de
réflexion nécessaires à la compréhension des objectifs de cette étude. Ainsi, cette
synthèse, qui ne se veut pas exhaustive déclinera les mécanismes ainsi que les différents
paramètres influant sur la Corrosion sous Contrainte d’une part et la CSC assistée par
l’Irradiation (IASCC) des aciers inoxydables d’autre part, en mettant en avant les
mécanismes de déformation plastique localisée (bandes de localisation) spécifiques aux
matériaux irradiés.
L’attention est portée sur les phénomènes d’amorçage, lorsque la littérature s’y est
intéressée et de propagation séparément pour les aciers austénitiques inoxydables
austénitiques de type 304L et 316L utilisés pour les structures d'internes de cuve au
niveau des renforts et cloisons (304L) et des vis de fixation des éléments de l’enveloppe
de cœur (316L écroui). Les alliages à durcissement structural de nuance A286, utilisés
dans les réacteurs à eau bouillante (BWR) et dans les réacteurs à eau pressurisée (REP)
au niveau des boulons de fixation ont été utilisés dans les années 60 dans les réacteurs à
eaux légères aux Etats Unis et se sont révélés sensibles à la CSC. Ils seront également
étudiés dans cette synthèse.
Au préalable, des informations de base sont données afin de mettre en évidence les
interactions entre le phénomène de corrosion et la plasticité à l'échelle microscopique.
I.2.
Mécanismes de base de la Corrosion sous
contrainte des aciers austénitiques.
Dans cette partie, les mécanismes élémentaires entrant en jeu dans les phénomènes de
CSC sont décrits succinctement.
II.2.1.
Phénoménologie
La corrosion sous contrainte est définie par Desjardins et al (Desjardins and Oltra 1990)
comme étant un phénomène se produisant lorsque le matériau ductile, soumis à l'action
conjointe de l'environnement et de contraintes mécaniques constantes ou lentement
variables et monotones, subit une fissuration qui se différencie d'une rupture mécanique
pure. Cet endommagement ne se produirait pas sans l'action simultanée des
phénomènes précités, on parle de synergie des actions. La fissuration s'initie et se
10
Revue des connaissances
propage lentement, voire très lentement en comparaison avec la rupture mécanique
pure, les vitesses de propagation se situant dans la gamme [10-11 ; 10-6] mm/s (Desjardins
and Oltra 1990).
Les faciès de rupture par CSC observés en Microscopie Electronique à Balayage (MEB),
révèlent une fissuration intergranulaire, transgranulaire ou mixte selon les conditions.
Une particularité des fissures par CSC est qu'elles sont généralement ramifiées, en
raison de l'anisotropie locale du matériau à l'échelle cristalline ainsi que des chemins et
modes de déformation appliqués lors de la mise en charge. Il s'agit d'un mode
d'endommagement fragile, initié lorsque les conditions sont réunies localement
(lorsqu’on atteint un seuil critique d'intensité des contraintes KISCC) et qui, à l'échelle
microscopique, se propage par une suite d'évènements discrets de type quasi clivage.
Amorçage et propagation des fissures de CSC:
La fissuration par CSC se déroule en trois étapes (Santarini 1989): dans un premier
temps, la fissure s’amorce après une durée d’incubation. Il s’ensuit une période de
propagation lente suivie parfois d’une étape de propagation rapide menant à
l’endommagement non réversible de la structure. L'amorçage des fissures se produit de
façon quasi-instantanée après la période d'incubation qui peut atteindre plusieurs
dizaines de milliers d’heures, même lors des essais en laboratoire. Cette phase
d’incubation est suivie donc de la phase d’amorçage pendant laquelle des fissures peu
profondes (entre 20 et 50µm de longueur) se propagent très lentement (Couvant 2003).
Les durées d’incubation et d’amorçage constituent donc généralement la plus grande
partie du processus de fissuration, en comparaison avec la durée de propagation.
Cependant, ces durées sont très relatives, sachant que lorsque les pièces contiennent dès
leur élaboration ou leur mise en service une micro fissure, dans ce cas la phase
d'amorçage est très courte voire inexistante. De la même manière lors d'essais en
laboratoire, la notion de durée d'amorçage est très relative lorsqu'on compare des
éprouvettes de type RUB (Reverse U bends) pour lesquelles la contrainte en pointe de
fissures est très élevée et les déformations localisées, donc la phase d’amorçage très
courte ; et les essais de traction lente dont l'essentiel de l'essai est constitué de la phase
d’incubation et d’amorçage. Par conséquent, la question qui se pose est la suivante :
comment définit-on une amorce de fissure?
Deux définitions ont été envisagées (Santarini 1989): d'une part, il peut s'agir de la
période pendant laquelle aucune fissure n'est détectée. La question de la détection du
défaut se pose à ce moment là: à quel niveau de détection faut il avoir recours et quelles
techniques d'observation doit on utiliser? Il convient également de préciser que tout
défaut détecté ne conduit pas nécessairement à une propagation. Ce défaut constitue t'il
une amorce de fissure dans ce cas? Une définition plus pragmatique a été proposée liée
au temps d'amorçage (Desjardins and Oltra 1990) qui serait le temps nécessaire à
l'établissement des conditions physiques, chimiques et/ou mécaniques locales qui
permettent d'observer une fissure. Cette définition engendre également deux réflexions:
- Les conditions locales sont réunies au départ. Dans ce cas, la fissure se propage
dès le début, et le temps d’amorçage apparent est lié au seuil de détection de la fissure.
11
Revue des connaissances
- Les conditions locales ne sont réunies qu’au bout d’une période d'incubation, qui
précède donc l'amorçage. Cette période peut correspondre, par exemple, au temps
nécessaire à la formation de piqûres ou de défauts locaux qui vont permettre
l'amplification et la localisation des contraintes ou la formation d’un milieu de
composition chimique favorable. Dans ce cas, le temps d’amorçage aura une réelle
signification physique. Ce point de vue impose donc de différencier durée d’incubation et
durée d’amorçage de la fissure en CSC.
Nous venons de voir que l’amorçage dépend fortement des techniques utilisées pour
déceler les fissures. Dans le milieu primaire, différentes techniques, tenant compte des
particularités de cet environnement, sont utilisées pour étudier l’amorçage (Lemaître
1990).
Nous nous intéressons dans cette étude principalement à la phase d’amorçage et aux
paramètres microstructuraux, mais également macroscopiques favorisant les amorces
de fissures en Corrosion Sous Contraintes des aciers inoxydables. Cette phase est
généralement contrôlée par des processus électrochimiques. Quelques éléments de
rappel, concernant les réactions électrochimiques sont abordés ci-dessous.
II.2.2.
Rappels : chimie de l’eau, mécanismes de dissolution
– repassivation.
La fissuration par corrosion sous contrainte en milieu aqueux résulte de l’interaction
entre les paramètres de structure micro et macrostructuraux du métal ou de l’alliage,
des paramètres liés à la sollicitation mécanique, externe ou internes (contrainte
résiduelle) et des propriétés chimiques et électrochimiques du milieu. En effet, les
réactions électrochimiques d’oxydo-réduction sont essentielles dans le mécanisme de
fissuration. Elles sont le point de départ indiqué dans la plupart des modèles prédictifs
de la CSC (Magnin 1990), (Ford 1990), (Logan 1952), (Jones 1985).
La corrosion en milieu aqueux met en présence un électrolyte et un alliage métallique
qui résulte par un échange d’ions entre l’anode et la cathode.
Un métal M de valence z en milieu aqueux est le siège des deux types de réactions
suivantes (Cunat 2000) :
La réaction de dissolution anodique d’oxydation du métal dans l’électrolyte et la cession
d’ions au milieu de potentiel d’équilibre EA
 Sous forme d’ions solubles
M
Mz+ + ze- (1)
 Sous forme d’oxydes
2M + n H2O
M2On + 2nH+ + 2n e- (2)
 Sous forme de composés insolubles
M+ nXMXn + ne- (3)
La réaction cathodique de réduction d’oxydants présents dans le milieu de potentiel
d’équilibre Ek nécessaire à la réaction cathodique car les ions libérés sont captés par les
oxydants, les plus représentés étant:
 Oxn+ + ne-
Red (4)
12
Revue des connaissances
 Par l’action oxydante de l’eau 2H2O + 2 eH2 (5)
 Par l’action oxydante de l’oxygène O2 + H2O + 4 e2H2O (6)
H2 + 2OH4OH-
ou
H+ + 2 e-
ou O2 + 4H+ + 4 e-
Ces réactions se caractérisent par les densités de courant échangées et les potentiels
d’équilibre cathodique, Ek, et anodique, Ea.
A potentiel libre, il se produit un échange ionique entre le métal et la solution, et les
cinétiques d’oxydation du réducteur et de réduction de l’oxydant sont similaires.
Lorsqu’un potentiel extérieur différent du potentiel cathodique d’équilibre E k (qui est le
potentiel affecté à un métal inattaquable plongé dans une solution contenant un système
oxydo/réducteur) est appliqué, on provoque une réaction anodique ou une réaction
cathodique selon que le potentiel E appliquée est supérieur ou inférieur au potentiel
d’équilibre Ek.
La courbe de polarisation globale de la réaction est obtenue en sommant celles
individuelles des réactions d’oxydation et de réduction. Le potentiel Ec pour lequel le
courant est nul correspond au potentiel de corrosion, caractéristique de la
dissolution anodique (Cunat 2000). Pour certaines caractéristiques de solution, la
courbe de polarisation anodique est présentée sur la Figure I-1.
ip = densité de courant anodique critique de passivation
i = densité de courant anodique résiduelle
Figure I-1 : Courbe de polarisation anodique d’un acier inoxydable en milieu acide (H 2SO4) (Cunat 2000)
Pour une valeur de potentiel de corrosion comprise entre Epp et Etp, (intersection entre
les courbes de polarisation anodique et cathodique) le matériau se passive : la couche
d’oxyde formée par la réaction (2) réduit la dissolution du métal et la densité de courant
anodique s’affaiblit.
Il se forme également, par l’action de l’hydrolyse des cations Mn+, un hydroxyde (réaction
7) et cette couche oxyde-hydroxyde protège le métal de la corrosion et de la dissolution
(Cunat 2000).
13
Revue des connaissances
Mn+ + nH2O
M (OH) n + n H+ (7)
La modification de l’intégrité de ce film protecteur joue donc sur la capacité du métal à
résister à la corrosion. La compétition entre la dissolution du métal et la repassivation
par la formation de cette couche conditionne l’état du film passif. Dans ce cas, le
paramètre de fissuration est la densité de courant qui caractérise le nombre d’atomes
dissous par unité de temps ; et donc le rapport des vitesses des réactions de réduction et
d’oxydation (Rameau 1990).
L’agressivité du milieu, symbolisée par le pH de la solution, est également un facteur
déterminant. De fait, les aciers inoxydables sont relativement sensibles à corrosion sous
contraintes en milieu fortement chlorurés ou sulfatés (Herms, Raquet et al. 2005).
Dans le paragraphe ci-dessous, les mécanismes physiques de formation de la couche
passive sont décrits en complément à l’aspect électrochimique présenté ci-dessus.
II.2.3.
Corrosion généralisée des aciers inoxydables en
milieu aqueux
L’objectif de ces travaux est d'étudier les phénomènes microstructuraux
caractérisant la déformation plastique des aciers de cuve, et leur influence sur la
fissuration par CSC (Corrosion Sous Contrainte). Il est donc important de caractériser
les phénomènes de réactivité de surface ainsi que les mécanismes locaux se produisant
sous la couche d’oxyde de l’acier vierge de tout traitement mécanique. Nous nous
intéressons à la nature des couches d’oxydes formées, leur composition chimique et
structurale ainsi que les mécanismes mis en jeux lors de la formation de cette couche en
milieu PWR, soit un milieu constitué d’eau pure à 340°C, 1000mg/L de bore sous forme
d’acide borique H3BO3, 2mg/L de lithium sous forme de lithine LiOH et 30cc/kg
d’hydrogène dissous.
Les aciers austénitiques inoxydables doivent leur résistance à la corrosion en
milieu aqueux à la formation d’une fine couche d’oxyde en surface, le film passif. A basse
température, cette couche mesure quelques nanomètres tandis qu’à plus hautes
températures, de nombreux changements sont observés, le plus marquant étant
l’accroissement de l’épaisseur de couche, du à la formation d’une couche d’oxyde externe
constituée de cristallites de type magnétite Fe3O4 (Robertson 1989) .
Bloom et al (Bloom, Newport et al. 1964) indiquent qu’en solution neutre ou
alcaline, une fine couche d’oxyde est formée dont l’épaisseur croit selon une loi de type
logarithmique. Potter et Mann ont été les premiers en 1961 à montrer en solutions
neutres et alcalines sous ampoule, la formation d’un film de nature duplex dont la
croissance suit une loi de type parabolique (Potter and Mann 1961). Cette observation
d’une structure duplex de la couche est également reportée par Lister et al (Lister,
Davidson et al. 1987). Dans la suite, ce film duplex ‘Potter – Man’ film est mis en avant
dans le mesure où nous nous intéressons à la corrosion des aciers inoxydables de type
304L en milieu primaire réducteur (REP) dans les gammes de température [300 –
350°C].
14
Revue des connaissances
i.
Nature des oxydes de surface formés en milieu primaire
REP.
De nombreux auteurs ont rapporté que lors de l’oxydation d’un acier austénitique en
milieu primaire REP, une couche d’oxyde de nature duplex est formée (Potter and Mann
1961; Castle and Masterson 1966.; Robertson 1989; Aaltonen, Mäkelä et al. 1998;
Terachi, Fujii et al. 2005), dont les caractéristiques sont les suivantes :
- La couche externe est peu protectrice, peu adhérente et riche en fer. Elle est constituée
d’agglomérats de cristallites non uniformes. Ces cristallites peuvent former une couche
épaisse (Figure I-2) (Aaltonen, Mäkelä et al. 1998) ou être dispersées à la surface du film.
La couche externe est poreuse (présence de micropores) et peut contenir des
microfissures. L’existence de ces défauts permet d’une part le transport du milieu vers le
métal de base et d’autre part la circulation des ions dissous du métal vers le milieu.
- La couche interne est plus ou moins adhérente et croit à l’interface métal/oxyde. Elle
est généralement non poreuse (peu de micropores et microfissures), cela suggère que les
produits de corrosion ne circulent pas au travers de la couche et qu’ elle croitrait par
croissance à l’état solide (Robertson 1989).
Aaltonen et al (Aaltonen, Mäkelä et al. 1998) indiquent que la vitesse d’oxydation des
aciers austénitiques inoxydables est gouvernée par le transport des ions de la couche
interne dense tandis que l’épaisseur totale de la couche est contrôlée par l’amplitude du
déplacement des ions dans la totalité de la couche en formation.
Figure I-2 : Micrographie MEB d’une section transverse d’un acier 316L prélevée du réacteur 1
de la centrale de Beznau oxydée en condition des REP. La couche d’oxyde est épaisse de 5,1µm
dont 1 µm pour la couche interne compacte (Aaltonen, Mäkelä et al. 1998).
Partant des hypothèses que la nature et la composition des phases formées est
gouvernée par la différence des vitesses de diffusion entre les éléments constitutifs de
l’alliage et que l’oxydation de l’alliage se produit de manière non sélective, les cristallites
souvent caractérisées sont de fines spinelles1 directs riches en Chrome au niveau de la
Les spinelles sont des cristallites d’oxyde de nature AB2O4 où A = Fe(II) et Ni (II), B = Fe (III) et Cr (III).
Dans un spinelle direct, le cation A occupe 1/8ème des sites tétraédriques et les deux autres cations B la
moitié des sites octaédriques, tandis que dans un spinelle inverse, le cation A et un des cations B occupent la
moitié des sites octaédriques, tandis que le dernier cation B occupe 1/8ème des sites tétraédriques.
1
15
Revue des connaissances
couche interne du film d’oxyde et des spinelles inverses de magnétite déposées à la
surface de l’oxyde (Ishida, Harayama et al. 1986; Ziemniak and Hanson 2002; Kuang,
Han et al. 2010).
Aaltonen et al ont déterminé la structure d’oxydes formés sur différentes composantes en
acier inoxydables austénitiques du générateur de vapeur du réacteur 1 de la centrale
nucléaire de Beznau en Suisse, exposées en milieu primaire REP (Aaltonen, Mäkelä et
al. 1998). Ces caractéristiques ont été obtenues par des mesures en DRX (Diffraction aux
Rayons X). Les structures des oxydes formés avec le paramètres de maille des cristallites
ainsi que la zone de prélèvement sont présentés dans le Tableau I-1 de la l’étude de
Aaltonen:
Sample
Seal plate
cold leg side, AISI 304
SS
S G channel head
cold leg side, AISI 308
SS
Seal plate
hot leg side, AISI 304
SS
SG channel head
hot leg side, AISI 308
SS
Calibration sample
AISI 316 SS
SG : Steam Generator
aave [Å] *
Inner
Outer
Structure
Inner
Outer
8.388
8.372
FexCr3-xO4
NixFe3-xO4
8.355
8.372
NixCr3-xO4
NixFe3-xO4
8.388
8.369
FexCr3-xO4
NixFe3-xO4
N.D
8.368
N.D.
NixFe3-xO4
8.316
8.367
NixCr3-xO4
NixFe3-xO4
Tableau I-1 : Caractéristiques des oxydes formés sur les aciers inoxydables en milieu REP présents dans les
réacteur 2 de la centrale de Beznäu (Aaltonen, Mäkelä et al. 1998).
Les couches d’oxyde sont donc duplex et constituées de spinelles. Selon la concentration
en espèces de corrosion du milieu, la couche externe peut être enrichie en Nickel dans
une proportion respectant la stoechimiométrie de la spinelle. La couche interne est elle
enrichie en chrome et peut contenir, en quantité moindre, du fer et du nickel.
Terachi et al (Terachi, FUJII et al. 2005) ont observé lors de la caractérisation d’un
échantillon de 316 testé en Corrosion Sous Contrainte en milieu REP simulé la
formation d’une double couche de spinelles, soit une couche externe constituée de
grossières spinelles de Fe3O4 et d’une couche interne constituée de spinelles de type
FeCr2O4. L’interface oxyde/métal est enrichie en nickel. La représentation schématique
de cette couche proposée par Terachi (Terachi, Fujii et al. 2005) est présentée Figure I- 3 .
16
Revue des connaissances
Figure I- 3 : Représentation schématique de la couche d’oxyde duplex par Terachi (Terachi, Fujii
et al. 2005) . En haut à gauche micrographie MEB de la couche d’oxyde externe constituée de
cristallites de magnétite dont la taille varie de 0,2 à 3µm d’un acier 316L oxydé en milieu REP
simulé à 320°C, 500h.
Structure bi couche des films d’oxydes
Afin d’expliciter la structure bi couche de l’oxyde, Ziemniak et al (Ziemniak and
Hanson 2002) proposent un point de vue relatif à l’immiscibilité des spinelles formées.
En effet, la couche interne est composée de micro spinelles directes tandis que la couche
externe est constituée de grosses spinelles inverses. La présence de ces deux catégories
de spinelles impose donc une limitation dans le processus de mélange des deux sous
couches, car les deux solutions solides (appelées communément solution de Sölvi) ne se
mixent pas complètement. L’auteur précise également que la température de parfaite
miscibilité est estimée à 800°C et que en deçà de cette température, les deux couches de
spinelles sont séparées, de manière plus ou moins précise selon la température (Figure I4).
Figure I-4 : Vue en coupe d’une plaquette de 304 oxydé en milieu lithié à 300°C. Les lettres indiquent A)
substrat 304 B) couche interne C) couche externe de l’oxyde D) interface entre la couche interne et la couche
externe.
17
Revue des connaissances
Pour la formation du film bi couche, il faut noter l’importance de la concentration
en produits de corrosion et le degré de saturation du milieu car ils déterminent
également la nature de la couche d’oxyde. Lister (Lister, Davidson et al. 1987) montre
que dans un milieu lithié filtré de toutes espèces de corrosion, la couche d’oxyde formée
est dépourvue des cristaux de magnétites à l’exception de régions de la surface du
matériau dans lequel les transferts de masse sont rendus possibles, par exemple des
rayures. L’auteur précise que la croissance de la couche externe est due, non seulement
aux espèces présentes en solution (relâchées auparavant), mais également au contrôle de
la diffusion des espèces qui traversent la couche interne.
Dimensions des couches
Les mécanismes de formation du film interne considèrent une croissance vers l’intérieur
du métal à partir de l’interface métal/oxyde selon le processus de diffusion à l’état solide.
D’après la littérature, cette diffusion vers l’intérieur serait l’étape limitante du
processus de croissance de la couche si on pose l’hypothèse que les vitesses de réactions
chimiques sont instantanées (Potter and Mann 1961; Robertson 1989). L’interface oxyde
interne/oxyde externe serait l’interface initiale métal/solution. De fait, le volume initial
du métal ayant conduit à la formation de l’ensemble de la couche d’oxyde (interne +
externe) correspond au même volume que celui de la couche d’oxyde interne. Le rapport
du volume total d’oxyde formé (interne + externe) / le volume du métal consommé défini
par Pilling et Bedworth est égal à 2,07 pour l’oxyde de chrome (Cr 2O3) et 2,10 pour la
magnétite (Fe3O4). Le volume total de la couche d’oxyde donc égal à deux fois le volume
du métal consommé. Cela suggère donc que les épaisseurs des couches interne et externe
sont égales, à la condition exclusive qu’il n’y ait pas de perte de matière lors de la
croissance de la couche d’oxyde externe. Dans ce cas, le relâchement des espèces en
solution serait nul.
Cette configuration est peu plausible et de nombreuses études indiquent que la
formation de la couche externe de l’oxyde est plus complexe et est la résultante de
plusieurs phénomènes en compétition : la croissance de la couche d’oxyde interne de
l’interface métal/oxyde vers l’extérieur de l’oxyde, la dissolution de la couche externe par
la solution et la reprécipitation des espèces dissoutes à la surface de l’oxyde.
Les mécanismes de formation de la couche d’oxyde sont donc complexes et généralement
développées sur la base d’un type de diffusion précis (à travers le corps solide, le liquide
ou les court – circuits de diffusion). Quelques mécanismes représentatifs des 3 types de
diffusion pré cités sont présentés dans le paragraphe suivant.
ii.
Modèles de corrosion des aciers inoxydables en milieu
aqueux.
De nombreux modèles ont été proposés afin d’expliquer la croissance de la couche d’oxyde
en milieu aqueux. L'étape limitante de la croissance de la couche d'oxyde est représentée
généralement par les trois types de diffusion suivants:
- la diffusion à l'état solide à travers la couche solide
18
Revue des connaissances
la diffusion à l'état liquide par l'intermédiaire des micro ou
nanopores de la couche passive
- la diffusion à l’état solide à travers les défauts de structure: les
joints de grain.
Tous les modèles développés sur la base des théories de diffusion permettent d’accéder à
la vitesse de croissance du film en ayant accès simplement à des paramètres physiques
simples tels le coefficient de diffusion des éléments concernés par les réactions
électrochimiques. Il n’ est cependant constant que pour les films de nature duplex, les
spinelles de fer sont formés par la diffusion du fer vers la solution (couche externe) et la
diffusion de l’oxygène contenu dans la molécule d’eau vers le métal (couche interne). La
présence d’un ion ou d’un autre dans l’une des couches s’explique, selon Allen et al (Allen
1988) par les gradients de vitesses de diffusion propres à chaque espèce ionique du
spinelle, soit :
-
Fe 3  Fe 2  Ni 2  Cr 3
Le chrome est donc majoritairement retenu dans la couche interne et on note un
enrichissement de l’interface en Nickel.
 Diffusion à l'état solide: Modèle de Wägner
Ce modèle considère un cristal parfait sans joints de grain ni défauts de structure, soit
un monocristal idéal. La vitesse d'une réaction décrite par ce modèle se traduit par la loi
classique de vitesse parabolique :
dx k p

dt 2 x
x 2  k pt
Où
x = Epaisseur de la couche
t = Variable
kp = Constante de vitesse parabolique.
La vitesse de la réaction est donc inversement proportionnelle à l’épaisseur du film.
L’auteur suppose que la vitesse de croissance de la couche protectrice est contrôlée par la
vitesse de migration des ions et des électrons à travers celle-ci. Il suggère donc que
l’étape limitante du processus global d’oxydation est la diffusion des espèces sous
l'influence du. gradient de potentiel chimique existant dans la couche en cours de
croissance et de potentiel électrique, sachant que les particules sont chargées. Pour
chaque espèce i donc, le flux Ji est donné à la température T par la relation suivante
(équation de Nernst-Planck) :
Ji  
Où
Ji
Di
Ci
Di Ci  d i


q
E
i

kT  dx

= Flux de l’espèce i
= Coefficient de diffusion de l’espèce i
= Concentration de l’espèce i
19
Revue des connaissances
T
= Température
d i
dx
= gradient de potentiel chimique
qi
E
= valence de l’espèce i
= champ électrique
Les hypothèses suivantes ont été posées par l’auteur :
- La croissance de la couche est contrôlée par la diffusion des espèces à travers la couche
d’oxyde
- Les interfaces interne (métal/oxyde) et externe (oxyde/gaz) sont à l'équilibre
thermodynamique
- Le transport des espèces s'effectue en régime quasi-stationnaire et les conditions aux
limites sont constantes au cours du temps,
- La couche est compacte et adhérente au substrat
- L’oxygène moléculaire ne diffuse pas dans le métal
La croissance de la couche d’oxyde, décrit par le modèle réactionnel de Wägner est
schématisé Figure I-5 :
Gaz O2
Oxyde MO
Metal M
Cations Mn+
Electrons ne-
Anions O2-
a’M = 1
(P’’MO2 )
(P’MO2 )M/MO
a’M
Figure I-5 : Modèle de WAGNER, oxydation d'un métal M en oxyde MO sous oxygène à haute température.
Les Réactions mises en jeu lors de la formation du film d’oxyde sont les suivantes :
Oxydation
M = M2+ + 2eou M + O2 = MO + 2eRéduction
M + 2e- + ½ O2 = 2MO ou
½ O2 + 2e- = O2Chaque interface est caractérisée par l’activité et la pression du gaz oxydant dont les
expressions sont les suivantes :
20
Revue des connaissances
 GMO O
1
a' M 
*1 / 2 exp 
P' 'O2
 RT
Avec
a’M
(P’MO2 )M/MO
P’’MO2
ΔGOMO
R
T
=
=
=
=
=
=




 GMO 0
( P'O2 ) M / M O  exp 
 RT




l’activité de l’oxygène à l’interface métal/oxyde
Pression de gaz oxydant à l’interface Métal / oxyde
Pression de gaz oxydant à l’interface Oxyde / Gaz
Variation de l’énergie libre de Gibbs en conditions standard
Constante des gaz parfaits
Température
Wägner s’intéresse aux oxydes dont la conductivité électrique est beaucoup plus faible
que la conductivité électronique, c’est-à-dire ceux pour lesquels la croissance est
contrôlée par la diffusion des espèces ioniques.
Compte tenu des hypothèses posées (interfaces à l’équilibre thermodynamique et quasi
stationnarité des transports d’espèces), l’expression de la constante cinétique
parabolique kp est proposée :
Z

kp  1 / 2   c DM  DO d (ln( POx ))
i  Za


POx
e
POx
Avec
Peox
Piox
Zc
Za
Dm
= Pression de gaz oxydant à l’interface externe = P’’MO2
= Pression de gaz oxydant à l’interface interne = (P’MO2 )M/MO
= Valence de l’espèce cationique
= Valence de l’espèce anionique
= Coefficient de diffusion dans le métal de l’oxygène (cm²/s)
Do = Coefficient de diffusion dans l’oxyde de l’oxygène (cm²/s)
L’intérêt du modèle est qu’il évalue la cinétique d’oxydation du métal en fonction de
paramètres cinétiques et thermodynamiques facilement accessibles tels des coefficients
de diffusion de l’oxygène dans l’oxyde et le métal. Dans le cas où l’espèce qui diffuse plus
vite et gouverne la cinétique d’oxydation est connue, ainsi que la nature des défauts
ponctuels prédominants dans la couche d’oxyde formée, la constante parabolique peut
s’exprimer aisément en termes de concentration et de diffusivité des défauts et de
gradient de potentiels électrochimiques. Cependant, pour mettre au point le modèle,
l’auteur fait plusieurs hypothèses fortes très limitatives pour des systèmes complexes,
dans la mesure où la charge des défauts n’est pas constante et évolue pendant la
formation du film passif. Le modèle n’est plus applicable dans ce cas.
De plus, il est applicable à un métal idéal sans défauts, loin de la réalité des alliages
industriels. Il convient donc d’étudier des modèles considérant plus en détail les défauts
ponctuels existant dans le réseau cristallin, tels le modèle de Mc Donald.
Le modèle de Wägner ne rend pas compte de la nature duplex du film formé, le modèle
des nanopores est plus approprié de ce point de vue.
21
Revue des connaissances
 Diffusion à l'état liquide: Modèle des nanopores et de leur
blocage
Les mécanismes de diffusion des espèces en solution dans le cas de couches poreuses sont
à la base des modèles de croissance de la couche solide proposés dans un premier temps
par Evans puis par Castel et Masterson (Castle and Masterson 1966.). La modèle de
Castel et Masterson a été développé sur la base de l’oxydation d’un acier en milieu
alcalin ou acide à 300°C. Les couches d’oxyde de surface résultantes sont de nature
duplex. Les auteurs posent l’hypothèse majeure selon laquelle la couche d’oxyde est
poreuse, permettant ainsi une interconnexion entre la surface métallique et la solution
oxydante. La première conséquence de cette porosité nanométrique est que la cinétique
des mécanismes de diffusion à l’état solide est plus lente que la cinétique de formation de
la couche d’oxyde généralement observée. Ainsi les mécanismes d’oxydation sont liés à la
présence des pores au sein de la couche d’oxyde.
La vitesse d’oxydation est corrélée au flux de diffusion Ji des espèces ioniques à travers
l’environnement aqueux contenu dans les nanopores. L’auteur considère que le flux
d’ions métalliques participant à la croissance de la couche d’oxyde, soit le flux d’ions
métalliques migrant du métal vers l’oxyde, correspond à la moitié du flux total d’ions
métalliques Ce flux est donné par la 1ère loi de Fick :
J i  Di
Où
Ji
Di
CM/MO
CMO/S
x
=
=
=
=
=
CM / MO  CMO / S
x
Flux d’ions métalliques à l’interface migrant du métal à l’oxyde
Coefficient de diffusion de l’ion métallique dans l’oxyde
Concentration de l’ion métallique i à l’interface métal/oxyde
Concentration de l’ion métallique i à l’interface oxyde/solution
Profondeur de diffusion de l’espèce i
La cinétique de corrosion, en termes de perte de masse du métal initial est de type
parabolique et s’écrit comme suit :
W 2  k pt
Avec
Où
W
Kp
t
Mi
Mox
 M *  ox 
  Di   C M / MO  C MO / S 
k p  4   i
M
ox


= Perte de masse (g)
= Constante d’oxydation parabolique
= Durée d’exposition (h)
= Masse molaire des ions métalliques dans l’oxyde
= Masse molaire de l’oxyde
22
Revue des connaissances
ρox
Di
ν
= densité de l’oxyde
= Coefficient de diffusion
= Taux de porosité dans l’oxyde
Ainsi, la porosité du film joue un rôle important dans la mesure où le blocage des pores
conditionnerait les cinétiques de formation du film ainsi que leur nature duplex. En
effet, Castel et Masterson préconisent que le fer se dissous à la base des pores présents
dans la couche d’oxyde interne et diffuse dans la solution à travers ces pores. Les ions
Fer sont ensuite précipités et forment la couche externe microcristalline. La couche
interne elle, croit à la surface du métal, en lieu et place du métal oxydé. Ainsi la couche
interne se situe à l’interface métal oxyde comme précisé plus haut. La solubilité du fer
dans l’oxyde apparait donc ainsi comme étant une étape limitante de la croissance
globale du film.
Cependant, les auteurs sont divisés quant à la solubilité du fer, et donc sa précipitation à
l’intérieur de ces pores. Bignold et al (Bignold, GARNSEY et al. 1972)posent l’hypothèse
d’une absence de blocage des pores. Ils estiment qu’il existe un gradient dans la
stœchiométrie de l’oxyde qui maintient l’équilibre de solubilité du fer dans la couche
d’oxyde. Cette solubilité constante à travers la couche d’oxyde empêche toute
précipitation dans les pores et explique donc la croissance continue de l’oxyde.
A l’inverse, les travaux d’Evans montrent un blocage progressif des pores lors de la durée
d’oxydation. Selon l’auteur, la cinétique de croissance du film est contrôlée par la
diffusion des espèces à travers les pores, mais en prenant en compte la réduction de la
vitesse d’oxydation en fonction du temps, dû au blocage progressif des pores pendant le
développement de la couche. Les étapes limitantes de la cinétique d’oxydation sont donc
le transport des espèces en phase liquide à travers les pores et l’obturation progressive
des pores. Le modèle de corrosion proposé par Evans est le suivant :
m
n0
 1  exp  k1  k 2  t 
k2
Où
m = perte de masse par unité de surface
n0 = densité initiale des pores dans l’oxyde
k1 = constante caractéristique du transport à travers les pores
k2 = constante caractérisant l’obturation des pores
t = Durée d’oxydation
Cette loi de type exponentielle, simple, justifie effectivement le ralentissement de la
corrosion avec le temps observé sur les aciers exposés en milieu aqueux.
Cependant, le point faible de ces modèles basés sur la diffusion des espèces à travers les
pores est que ces pores n’ont jamais pu être mis en évidence.
 Modèle de Robertson : diffusion à travers les joints de
grains de l’oxyde
Robertson (Robertson 1989) a ré examiné les modèles de corrosion basés sur la diffusion
des espèces dans la solution à travers les pores, considérés longtemps comme étant les
23
Revue des connaissances
modèles décrivant au mieux la croissance de la couche d’oxyde. Il a cependant souligné
trois déficits de ce type de modèles, en particulier la modèle de Castel et Masterson :
 Ces modèles ne prennent pas en compte les similitudes observées entre les
résultats des oxydations en eau pure et en milieu vapeur, malgré l’impossibilité
du transport des espèces dans une solution en milieu vapeur.
 La taille et la densité des pores observées sont trop faibles par rapport aux flux
d’espèces (les ions fer en particulier) pour permettre la croissance du film et ainsi
corroborer les modèles de Castel Masterson (Castle and Masterson 1966.) ou
Bignold et al (Bignold, Garnsey et al. 1972).
 L’incompatibilité entre les énergies d’activation des réactions de corrosion
observées sous O2, CO2, phase vapeur (dont le point commun est l’étape
limitante du processus de corrosion qui est la diffusion des ions Fer le long des
joints de grain de l’oxyde) et celles obtenues pour le modèle pores – solution (dont
l’une des étapes limitantes est la diffusion des ions aqueux en solution à travers
les pores). Ainsi, la vitesse de croissance de la couche d’oxyde pour les modèles de
pores est incompatible avec le coefficient de diffusion du fer en solution.
Partant de ces constats, Robertson suggère que la diffusion des espèces ne serait pas
seulement assurée par l’intermédiaire des pores, mais également par un autre type de
court circuit de diffusion : les joints de grain présents dans l’oxyde. Ainsi, la couche
d’oxyde interne serait constituée de micrograins formant des nanopores à leur
intersection triples. Les flux ioniques (ions métalliques et oxygène) peuvent ainsi
diffuser à travers la couche. L’intérêt du modèle est que l’oxygène de la molécule d’eau a
la possibilité de diffuser le long des joints de grain, d’autant plus que sans ces court circuits de diffusion, la vitesse de diffusion de l’oxygène à travers le réseau cristallin de
l’oxyde (trop faible) ne permettrait pas d’expliquer la croissance de la couche d’oxyde.
Avec ce modèle, Robertson propose que les couches d’oxyde croissent par l’accès de la
solution à l’interface métal/oxyde, par l’intermédiaire des micropores de l’oxyde (couche
interne) et par la diffusion des ions fer (Fe2+ ou Fe3+) le long des joints de grain de l’oxyde
(couche externe). Vu que le coefficient de Pilling – Bedworth est de l’ordre de 2, les
couches d’oxyde interne et externe sont de même épaisseur, la moitié des ions
disponibles dans le substrat pour l’oxydation du métal participent à la formation de la
couche interne (avec l’ion O2- comme oxydant) et l’autre moitié diffuse par les joints de
grain pour former les spinelles de magnétite constituant la couche d’oxyde externe. Ces
spinelles de magnétite peuvent être dissoutes et relâchées en solution. La constante k p
de corrosion est de type parabolique.
Afin d’assurer une conservation de la charge lors des réactions électrochimiques (Figure I6), le courant ionique présent à travers la couche est balancé par 3 moyens : la diffusion
d’électrons, la diffusions des protons ou par un courant externe fourni par une électrode
externe dans le cas de la corrosion aqueuse.
24
Revue des connaissances
Figure I-6 : Phénomènes de transport des ions métallique et des ions O2- pendant la corrosion aqueuse à
haute température lorsque la courant de compensation des charges ioniques est apporté par a) les électrons
b) les protons c) une alimentation extérieure.
II.2.4.
Influence de l’écrouissage de surface
Dans la perspective de l’étude de la réactivité de surface de l’acier 304, l’écrouissage
initial du matériau est important dans la mesure où il modifie le développement de la
couche d’oxyde en surface. Il faut rappeler que l’écrouissage résultant d’une préparation
de surface type polissage mécanique induit la présence de défauts de structure de type
dislocations ou lacunes à la surface du métal.
Tapping et al (Tapping, Davidson et al. 1986) montent que l’électro polissage, en
réduisant la zone écrouie constituée de défauts microstructuraux permet d’augmenter la
résistance à la corrosion d’un acier 304 en favorisant la création d’une couche interne
appelée couche barrière enrichie en chrome. Cette couche ralentirait la formation de la
couche d’oxyde externe constituée de spinelles de magnétite. Ainsi la couche d’oxyde
formée sur un échantillon poli « proprement » serait plus épaisse que celle formée sur un
échantillon qui aurait subi un polissage mécanique. (Maekawa 1967) et (Warzee 1965)
confirment qu’en milieu aqueux, la vitesse d’oxydation est supérieure sur un échantillon
traité chimiquement que sur celui traité mécaniquement.
Couvant (Couvant 2003) explique cette accélération de l’oxydation par l’écrouissage par
l’adhérence de la couche externe de magnétite. Il précise qu’en l’absence d’écrouissage
superficiel, les cristallites de magnétite forment une couche d’oxyde dense et régulière en
surface, tandis qu’en présence d’écrouissage, les cristaux de magnétite croissent avec une
faible surface de contact avec le métal, d’où une protection de la couche d’oxyde moins
effective.
Par ailleurs, les travaux de Carette (Carrette 2002) sur l’alliage 600 ont révélé la
présence d’une zone recristallisée à nanograins (dont la provenance n’est pas précisée),
en sous couches et montré son influence néfaste dans les première étapes de l’oxydation
sur l’épaisseur de la couche d’oxyde créée. Cependant, le modèle développé par Carrette
prévoit que, une fois cette zone recristallisée dissoute, la cinétique d’oxydation devienne
négligeable. Cette conclusion ne corrobore cependant pas le modèle de corrosion
parabolique qui lui prévoit un relâchement asymptotique.
25
Revue des connaissances
A présent, nous nous intéressons à la corrélation entre les mécanismes de corrosion
décrits ci-dessus et les mécanismes de plasticité, conduisant à la fissuration par CSC des
aciers austénitiques inoxydables en milieux aqueux.
II.2.5.
Mécanismes de base à l’origine de la CSC des aciers
inoxydables en milieu primaire des REP.
i.
Effet de la plasticité sur les réactions électrochimiques.
En présence de contraintes externes mécaniques induisant la déformation
plastique, des modifications au niveau de la morphologie de la surface se produisent : des
hétérogénéités rendent la surface plus réactive. Il s’agit de marches monoatomiques, des
émergences en surface de dislocations mobiles évoluant dans le volume formant ainsi des
crans et des marches de hauteurs variables. Ces hétérogénéités de surface favorisent une
modification des processus électrochimiques, des potentiels de dissolution ou
d’adsorption des espèces oxydantes. La rupture du film passif par ces émergences de
lignes ou de bandes de glissement en surface expose le métal au milieu par endroit,
favorisant ainsi la dissolution sur la surface dépassivée.
Feaugas (Feaugas, Savall et al. 2009) impute cette influence à un mécanisme de
localisation des dislocations dans des structures organisées en amas, cellules ou murs
plus ou moins intenses et hétérogènes. Lors de la déformation plastique, les dislocations
émergeant en surface s’organisent dans ces structures, créant ainsi des concentrations
de contraintes à longue distance associées à une variation d’entropie. Notons qu’il est
intéressant dans ces cas de quantifier la contrainte résiduelle qui subsiste dans le
volume de matière testé. Le nombre de sites d’absorption croit également avec la
multiplication des dislocations. La densité du courant de dissolution mis en jeu dans les
réactions électrochimiques croit avec le taux de déformation (Figure I-7). Cependant, un
phénomène de restauration peut se mettre en place au début de la déformation lorsque
la surface non polie est localement saturée en dislocations, résultat de la recombinaison
ou de l’annihilation des dislocations au sein même des murs des cellules ou de bandes de
localisation. La localisation de la déformation plastique réduit donc localement la surface
dépassivée (moins de bandes de glissement émergentes), et par conséquent la densité de
courant anodique. Cependant, au bout de 10% la densité du courant de dissolution croit
à nouveau avec le taux de déformation plastique.
Notons également que les densités de courant de dissolution globalement mis en jeux
sont inférieurs sur une surface polie électrolytiquement sont plus importantes, soit un
effet accélérant de la corrosion par une préparation de surface plus soignée.
26
Revue des connaissances
Figure I-7 : Evolution de la densité de courant en fonction du taux de cisaillement plastique (Feaugas,
Savall et al. 2009)
Dans les phénomènes de fissuration par CSC, les mécanismes de déformation plastique
ont donc une grande importance sur les réactions électrochimiques au même titre que
l’état d’écrouissage de la surface, et sont donc évalués avec intérêt.
ii.
Modélisation de la CSC, Interactions oxydation – plasticité.
La modélisation de la CSC a beaucoup évolué depuis une dizaine d’année. Aux modèles
de dissolution anodique essentiellement axés sur la chimie et l’environnement, ont
succédé des modèles qui mettent en évidence une interaction réciproque plasticité –
oxydation. Ainsi, une dissolution anodique peut modifier la plasticité en surface d’un
matériau, de même que cette plasticité intervient sur les réactions électrochimiques
locales. Cependant, aucun modèle validé par des expérimentations ne rend compte de
manière concise de la cinétique de fissuration par des aciers austénitiques inoxydables
en milieu REP. Afin d’appréhender les interactions oxydation - plasticité conduisant à la
fissuration, l’intérêt sera donc porté dans cette partie sur deux modèles importants mis
en place pour des aciers inoxydables austénitiques (304L en particulier) : le modèle de
dissolution anodique de Ford (CSC aciers inoxydables en milieu REB) et le modèle de
Jones démontrant l’effet des lacunes.
 Modèle de dissolution anodique (Slip dissolution model)
De nombreux modèles liant l’avancée de la fissure (propagation) à la dissolution et l’état
de contrainte / déformation dans cette région ont été proposés
Les bases de ce modèle ont été posées par Logan (Logan 1952), la modèle a été
développé par Ford (Ford 1990) complété par Newman (Newman 1994). La rupture du
film passif thermodynamiquement stable initie la dissolution du métal mis à nu et
ensuite la repassivation du film. Le modèle de dissolution anodique est basé sur la thèse
selon laquelle, la propagation de la fissure est le résultat des réactions de dissolution
anodique se produisant en pointe de fissure, lorsque cette zone est déformée en continu.
Il s’agit d’une compétition entre la vitesse de dissolution du métal, directement reliée à
la vitesse de déformation en pointe de fissure et la vitesse de repassivation du film.
Staehle (Staehle 1971) indique que lorsque la vitesse de repassivation du film est trop
27
Revue des connaissances
rapide, la fissure s’arrête tandis que lorqu’elle est trop lente, la dissolution anodique
prend le dessus et il en résulte un arrêt de la fissure par corrosion généralisée. Le cas
n°2 de la Figure I-8 correspond à une cinétique de repassivation du film favorable à la
fissuration.
Figure I-8 : Influence de la vitesse de repassivation sur la croissance de la fissure d’après la modèle de
dissolution anodique (Staehle 1971)
Les principaux facteurs déterminant la vitesse moyenne de propagation des fissures
pour un couple matériau – environnement donné par le modèle de dissolution anodique
sont : l’oxydation en fond de fissure (quantifiée par la densité de charge passant entre
deux ruptures du film Qf), la vitesse de passivation (formation d’un film
thermodynamiquement stable) et la fréquence de rupture du film passif en fond de
fissure (gouvernée par la vitesse de déformation en fond de fissure et la déformation).


V f  f ( )
Par l’intermédiaire de la loi de Faraday, la vitesse de propagation moyenne est
quantifiée comme suit :
Vt 
M Qf 
.
.  ct
zF  f
Où :
Vf = Vitesse moyenne de propagation de la fissure
M = Masse atomique du métal
ρ = Masse volumique du métale
z = Nombre d’électrons impliqués lors de l’oxydation du métal
F = Constante de Faraday
tf

La densité de charge est une fonction du temps et s’exprime comme suit : Q f  idt . De
0
plus, lors de la passivation, le courant suit une loi puissance et s’exprime comme suit :
t
i  i0 
 t0



n
Après intégration de la densité de charge, la vitesse moyenne de propagation de la
fissure s’écrit ainsi :

Vt  A. ( ct ) n
où A(n) 
28
i 0 t0n
M
zF (1  n)   nf
Revue des connaissances
La vitesse moyenne de propagation est donc une fonction puissance de la vitesse de
déformation en pointe de fissures. D’après ce modèle, la vitesse de propagation de la
fissure peut être prédite en maîtrisant la vitesse de déformation en fond de fissures et les
paramètres de l’environnement.
 Modèle de Jones ou effet des lacunes
Les travaux de Revie (Revie and Uhlig 1974) sur le fluage du cuivre dans une solution
d’acétate désaérée (Ph = 3,7 à température ambiante) ont mis l’accent sur une influence
de la dissolution anodique dans le phénomène de fluage. En effet, l’amplitude du fluage
augmente fortement lorsqu’un courant de dissolution est appliquée et baisse
drastiquement lorsque ce courant est interrompu (Figure I-9). Ce phénomène a été
attribué à la génération de lacunes lors de la dissolution.
Figure I-9: Fluage du cuivre en condition de dissolution généralisée dans une solution acétate désaérée à
pH 3,7(Revie and Uhlig 1974)
Cette idée est à la base du modèle de Jones (Jones 1985) qui considère qu'en fond de
fissures la production de lacunes favorise la plasticité d'une part par la montée de
dislocations et d’ autre part, par leur recombinaison sous forme de bilacunes dans les
plans denses. Il s’applique à des matériaux cfc ductiles recouverts d’une couche
protectrice et sollicités dans un domaine de potentiel favorable à la dissolution anodique.
29
Revue des connaissances
Figure I-10 : Schématisation des différentes étapes de l’endommagement en CSC selon Jones (Jones 1985).
σt est la contrainte transversale le long de du sens de chargement et σn la contrainte qui lui est normale et
orientée dans la direction de la propagation de la fissure.
Le modèle de Jones (Figure I-10) (Jones 1985) décrit le cycle d’endommagement selon les
étapes suivantes :
1 – Rupture localisée du film d'oxyde par les bandes de glissement qui accommodent la
plasticité en fond de fissure. La pointe de fissure est ainsi localement mise à nue
2 - Couplage galvanique entre le métal mis à nu et les surfaces non dépassivées (lèvres
de la fissure), rendant possible une dissolution anodique du métal.
3 - La repassivation est d’autant plus retardée que d’ions Cl-sont présents dans la
solution.
4 - Un adoucissement local se produit, dû au fait que des lacunes se sont formées sous la
couche d’oxyde, rendant les dislocations en surface plus mobiles
A l’inverse, l’effet de la triaxialité des contraintes conduit à la restriction du glissement
qui est alors confiné dans des bandes intenses. L’auteur précise que ces bandes
correspondent à celles pour lesquelles la dissolution est active. Cette incompatibilité
entre l’atténuation du durcissement et les conditions de restriction de glissement,
favorise l’amorçage de fissures fragiles.
5 - Ces fissures se propagent par microclivage lorsque les bilacunes se forment et
migrent vers les plans de faible énergie (généralement {100} et {110}).
Le cycle se répète ainsi jusqu’à ce que la fissure s’arrête dans le métal non affecté.
La synthèse de ces modèles montre que la CSC est un mécanisme complexe impliquant
de nombreux paramètres expérimentaux. Une étude complète du phénomène ne saurait
être réalisée sans prendre en compte les mécanismes de réactivité de la surface qui
conditionnent les caractéristiques du film passif de surface formé. L’interaction entre ce
film, les mécanismes de plasticité en pointe de fissure et l’application d’une sollicitation
30
Revue des connaissances
mécanique sont à l’origine de la fissuration par CSC dont nous parlons dans le
paragraphe suivant.
I.3.
Corrosion sous
inoxydables écrouis.
contrainte
des
aciers
I.3.1. Généralités :
La susceptibilité des aciers inoxydables austénitiques à la corrosion sous contrainte
(CSC) est un phénomène bien connu et identifié dans des réacteurs à eau bouillante
(REB) en milieu oxydant. L’écrouissage à froid a été identifié comme un paramètre
déterminant pour l’accélération de la vitesse de fissuration et la réduction du temps
d’initiation de la fissuration pour les aciers inoxydables austénitiques testés dans un
environnement simulé du milieu REB.
Le potentiel de corrosion habituellement mesuré pour les aciers inoxydables
austénitiques exposés au milieu primaire des REP apparaît inférieur au potentiel
critique pour l’initiation de la fissuration à la CSC, et donc trop faible pour promouvoir
la sensibilité à la Corrosion Sous Contrainte des aciers inoxydables en l’absence
d’espèces « agressives ». Les aciers austénitiques ont donc été considérés initialement
comme immunisés à la CSC en milieu primaire hydrogéné.
Cependant, de récentes études (Herms, Raquet et al. 2005) (Couvant 2003) (Arioka 2002)
(Castaño, Redondo Garcia et al. 2003) ont montré que des aciers inoxydables
austénitiques fortement écrouis et soumis à une sollicitation dynamique étaient
sensibles à la CSC en milieu primaire hydrogéné.
Dans les années 60, les fissurations découvertes dans les vis de liaison en 316L des
internes du réacteur de Thilange en service en milieu REB avaient été imputées en
partie à la CSC, la teneur en oxygène dissous étant un facteur prépondérant, teneur
corrélée, en milieu REB à la vitesse de fissuration par Bengtsson (Bengtsson, 1990). La
sensibilité à la corrosion sous contrainte des aciers austénitiques est donc corrélée
principalement à la teneur en oxygène dissous dans le milieu liée au potentiel de
corrosion et à l’écrouissage préalable du matériau. Afin de réduire cette teneur en
oxygène formée par la radiolyse de l’eau et ainsi rendre le milieu réducteur, de
l’hydrogène est dissous dans le milieu. Le potentiel de corrosion est ainsi réduit. Le
milieu primaire a donc pour rôle d’assurer l’intégrité de la structure en minimisant la
corrosion généralisée des alliages, la fissuration par CSC ou la fatigue corrosion dans le
milieu, de maîtriser la radioactivation et optimiser les performances du fluide
caloporteur.
Dans la suite, nous identifierons les paramètres influant sur la fissuration des aciers
austénitiques en milieu primaire REP, en dissociant l’amorçage et la propagation des
fissures.
31
Revue des connaissances
I.3.2. Milieu primaire REB versus milieu primaire REP
Les milieux d’intérêt pour l’industrie du nucléaire sont généralement les milieux REB
(Réacteurs à Eau Bouillante) et REP (Réacteurs à Eau sous Pression). Les aciers
inoxydables peuvent être sensibles dans ces deux milieux à la CSC, mais pour des
raisons différentes. Nous procédons dans un premier temps à une présentation de ces
deux milieux avant de noter leurs influences respectives sur la CSC dans le § I.3.3).
Précisons que les principaux paramètres qui caractérisent chaque milieu, sont la
composition chimique, le niveau « d’agressivité » du milieu symbolisé par le Ph et le
potentiel électrochimique, et la température du milieu.
L’environnement REB simulé en laboratoire est caractérisé par sa teneur en Oxygène
dissous par rapport au milieu REP. Il est constitué d’une eau pure portée à 288°C dans
laquelle est rajoutée une teneur en oxygène dissout comprise entre 1 et 200 ppb pour un
potentiel de corrosion variant entre 100 et 200mV ENH (Electrode normale à
Hydrogène). La pression interne de l’eau de 10MPa pour une conductivité de 23µS.cm-1
Pour le milieu REP, l’eau du circuit primaire contient du bore sous forme d’acide borique
HBO3, dont l’isotope 10 sert d’absorbant neutronique. Le milieu étant acide à l’addition
de l’acide borique, il est rendu légèrement alcalin en ajoutant de l’hydroxyde de lithium
LiOH. La quantité d’hydrogène dissoute est comprise, selon les spécifications entre 25et
50 cc/kg de H2O. Le Ph du milieu est alcalin à 25°C et est compris entre 7,1 et 7,4. Des
polluants tels que l’oxygène dissout, les ions chlorures, les ions fluorures et sulfates sont
présents en faible quantité, de l’ordre de 10, 50, 50 et 50 ppb respectivement.
Le milieu REP simulé en laboratoire (Cunat 2000) est constitué d’une solution d’eau
déminéralisée contenant 1000 à 1200 mg/ L d’acide borique, environ 2mg/ litre de lithine,
ces quantités respectant les conditions normales de fonctionnement du milieu REP.
L’hydrogène est introduit dans la solution et ajusté aux teneurs spécifiées. Le contrôle de
cette teneur est effectué au moyen d’une sonde Ag/Pd.
I.3.3. CSC des aciers inoxydables austénitiques en milieu REP
Il a été précisé, dans les généralités inhérentes à la CSC (§I.3.1) qu’il convenait de faire
une délimitation entre l’amorçage d’une fissure et sa propagation. Nous présentons donc
les paramètres susceptibles de modifier les mécanismes de fissurations à chaque
étape de la fissuration:
i.
Amorçage
L’amorçage de fissures dépend des techniques de détection utilisées. Au sens physique
du terme, nous nous contenterons de la définition privilégiant le moment où les
conditions locales mécaniques, physiques et chimiques sont réunies pour qu’une fissure
s’amorce après la durée d’incubation. Dans la pratique, on définit plutôt une longueur
de pénétration de la fissure.
En laboratoire, l’amorçage des fissures est étudié par l'observation des surfaces
d’éprouvettes de type U – Bend ou RUB (Figure I-11) , de même que des éprouvettes
32
Revue des connaissances
entaillées, de manière à localiser la déformation et imposer de fortes conditions de
triaxialité (Lemaître 1990).
Figure I-11 : Eprouvette RUB (Reverse U – Bend)
Trois problèmes se posent lorsqu’il s’agit de repérer l’amorçage:
- Lors du suivi de l’amorçage des fissures, il convient de multiplier les possibilités
d’ouverture de l’autoclave, ce qui est logistiquement difficile étant donné les
conditions d’utilisation des équipements sous pression. La périodicité d’ouverture
des autoclaves est généralement de 500h. Cependant, les moyens de détections insitu : bruit électrochimique, émission acoustique, mesure de chute de potentiel…
offrent des solutions efficaces.
- Les arrêts fréquents de l’autoclave, lors des essais interrompus pour le contrôle de
l’amorçage, altèrent les conditions nécessaires à la formation des fissures.
- Lors de l’examen des fissures au microscope optique, seules les fissures
principales sont détectées et cela impose l’utilisation de moyens de caractérisation
plus conséquents, tels la microscopie électronique à balayage, les moyens de
détection acoustique…
 Conditions favorisant l’amorçage sur les aciers inox.
Peu d’études ont été menées sur l’amorçage de la fissuration en milieu primaire
REP. Cependant, des études réalisées au CEA et chez EDF suggèrent que l’amorçage de
la fissuration nécessite la présence d’une activité plastique localisée dans le matériau
suffisamment pré écroui. Cela se confirme par le fait qu’en chargement statique, nous
avons identifié seulement 2 essais réalisés au CEA ayant mené à amorçage : un essai sur
éprouvette axisymétrique en 304L pré écroui par fatigue et chargée à 80% de sa charge à
la rupture (amorces de fissures dont la longueur ne dépasse néanmoins pas 50µm) et
interrompue après 17000h (Raquet and Dufour 2001) et un essai sur deux éprouvettes
entaillées en V, en 316L écrouie par laminage en milieu REP à 340°C interrompu après
6695 heures (Figure I-12).
33
Revue des connaissances
La difficulté d’amorcer les fissures de CSC par des essais sous chargement
statique a conduit les auteurs à initier des essais non statiques, soit des essais à vitesse
de déformation imposée sous sollicitations dynamiques. Ces essais ne sont pas
représentatifs des conditions d’amorçage dans les réacteurs en service, mais apportent
de précieux indices quant aux paramètres importants.
Figure I-12 : Micrographie MEB de la section transverse de la zone en fond d’entaille d’une éprouvette en
316L écroui par laminage sollicitée à charge constante à 340°C en milieu primaire simulé REP (Herms and
Sejourné 2008).
 Critères d’amorçage
D’après ces études, les aciers inoxydables sont d’autant plus sensibles à l’amorçage à la
fissuration que les contraintes et déformations sont localisées par la présence d’une
entaille sur l’éprouvette et que l’écrouissage initial est important. L’effet du trajet
de chargement est également, dans une moindre mesure, importante pour l’amorçage
de la fissuration. La conjonction de ces facteurs peut conduire à l’amorçage de fissures en
CSC en mileu primaire REP à 340°C très rapidement (après quelques centaines d’heures
seulement).
Le mode d’écrouissage est susceptible de modifier la sensibilité du matériau à
l’amorçage CSC et le caractère des amorces de fissure en CSC, un pré écrouissage
complexe favorisant la fissuration IG (Couvant 2003; Herms, Raquet et al. 2005; Herms
and Sejourné 2008) . Herms souligne que la valeur de la contrainte appliquée est
également un paramètre important, mais reste secondaire par rapport au mode de pré
écrouissage (Herms and Sejourné 2008).
Généralement, les fissures s’amorcent sur les premiers microns et changent ensuite de
régime ou de nature de fissuration. Une fois les conditions « favorables » réunies, les
fissures s’amorcent généralement de manière transgranulaire sur les 20 premiers µm
34
Revue des connaissances
(Herms and Sejourné 2008). Lorsque le mode d’écrouissage est complexe (exemple du
laminage) et que la contrainte appliquée et la vitesse de déformation sont élevées, on
peut assister à un mode de transition de fissuration TG IG, initialement observées sur
des composants en acier inoxydables issus des réacteurs japonais. Un critère d’amorçage
peut donc ainsi être défini par la longueur des fissures « courtes » transgranulaires
observées au début de la fissure.
Couvant et al (Couvant 2003) ont défini comme critère d’amorçage une profondeur de
fissuration ne dépassant pas 50µm pour une taille de grain moyenne de l’ordre de 60µm.
Au-delà de cette profondeur, une transition amorçage / propagation est donc définie. Ce
choix est renforcé par les expérimentations qui rapportent une vitesse de fissuration plus
rapide au-delà d’une profondeur de 50µm. Cette profondeur étant sensiblement
également égale à la taille moyenne des grains de cette nuance l’auteur émet
l’hypothèse que la propagation a lieu, une fois que la fissure « courte » a franchi une
barrière physique correspondant
à un front de fissures. Cette propagation est
intragranulaire pour les trajets de pré écrouissage déformation simples, et est d’autant
plus intergranulaire que le trajet est complexe.
Pour des essais réalisés sur des éprouvettes plates d’un acier 304 pré écrouies par un
trajet simple de déformation (trajet monotone de type traction ou pliage simple) et à
vitesse de déformation imposée = 5 x E-8/s l’auteur définit ainsi un seuil de dureté
nécessaire à l’amorçage des fissures : 240HV0,1. Ce seuil est de 310HV0,1 lorsque le trajet
de pré écrouissage est complexe (emboutissage / grenaillage). Cela confirme donc le mode
d’écrouissage définit le trajet de déformation suivi, et que plus le trajet est sévère et plus
la dureté macroscopique pour initier la fissuration ce type d’acier est élevée.
Ces considérations seuil sont donc confirmées et suggèrent qu’au niveau
microstructural, il faudrait une densité de dislocation critique et que en ce sens, le pré
écrouissage du matériau permet donc d’accumuler les contraintes locales nécessaires à
l’amorçage.
L’influence de l’environnement sur l’amorçage en CSC n’est pas totalement validé, mais
certains auteurs ont constaté la multiplication des amorces de fissures de CSC lorsque la
teneur en acide borique est réduite (Arioka 2002; Couvant 2003). De plus, l’amorçage
apparait intergranulaire, à l’inverse de la nature transgranulaire des amorces de
fissures observées par Couvant sur les éprouvettes testées en milieu nominal REP.
Ainsi, il suggère que dans la gamme 340 – 360°C, les sites d’amorçage ne soient pas
uniquement dépendants du pré écrouissage, mais également de la teneur du milieu en
acide borique et hydrogène dissous.
En conclusion, l’amorçage peut être observé même sous sollicitations purement statiques
sur le matériau testé en présence d’un pré écrouissage très sévère, mais les temps à
rupture sont très significativement rallongés sous chargement statique par comparaison
avec les conditions de chargement dynamiques. Les sollicitations dynamiques et un pré
écrouissage sévère du matériau favorisent l’amorçage de la fissuration par CSC. La
réduction des teneurs en acide borique et lithine du milieu sont néfastes vis-à-vis de
l’initiation de la fissuration.
35
Revue des connaissances
ii.
Propagation
L’étape d’amorçage est capitale pour tous les phénomènes de rupture mécanique, en
l’absence de micro fissures préalablement initiées dans le matériau. Il est donc
important de différencier un défaut de structure d’une amorce par CSC. En fait, un
défaut qui ne se propage pas ne pourra être qualifié d’amorce, et il convient de procéder
à une vérification par des techniques sophistiquées permettant des détections de plus en
plus fines. Dans cet esprit, les caractérisations de la fissuration induisent des analyses
poussées du faciès de rupture d’éprouvettes testées afin de différencier les étapes
d’amorçage et de propagation.
L’importance de l’étape d’amorçage ou de propagation dépend de la pièce de structure
considérée et des conditions auxquelles elle est soumise. Pour la visserie en 316L
constituant les éléments de liaison des renforts des internes de cuve, l’amorçage est
prépondérante par rapport à la propagation dans la mesure où dès qu’elle survient, plus
aucune action ne peut être initiée avant la rupture de l’élément Vis (les inspections de
contrôle ont lieu tous les 10 ans). La propagation de la fissure, et donc sa longueur, est
problématique dans le cadre des soudures de plaques, sensibilisées par le recuit local du
matériau. Dans ce cas, la vitesse de fissuration contrôle l’intégrité de la structure.
Les paramètres influents sur la propagation des fissures sont donc présentés dans la
suite.
 Influence du milieu REP sur la propagation des fissures
Les travaux d’Arioka (Arioka 2002) ont démontré la sensibilité à la CSC en milieu
simulé REP des aciers austénitiques écrouis. Des essais CERT à taux de déformation
constant (Constant Extension Rate Test) réalisés sur éprouvettes coudées en V et
écrouies à 20% en acier 316L non sensibilisé, en milieu contenant 500ppm d’acide
borique, 2ppm de lithium et 30 cc/kg d’hydrogène à 330°C, à une vitesse de déformation
de 1.10-7/s ont conduit à la fissuration des éprouvettes. Le faciès de rupture est mixte
(transgranulaire au départ en fond d’éprouvette dans l’intrados du coude, puis
intergranulaire et ductile) et laisse présager du rôle du taux de déformation et de l’état
des contraintes (Figure I-13). La susceptibilité à l’IGSCC est évaluée par la vitesse
moyenne de fissuration, estimée comme suit :
Vitesse moyenne de fissuration (mm/s) = Profondeur de la fissure principale / durée de
l’essai
36
Revue des connaissances
Figure I-13 : Micrographie du faciès de rupture d’un échantillon de 316L hypertempé testé à 320°C dans
une solution contenant 500ppm B, 2ppm Li et 30cc/kg d’hydrogène dissouts (Arioka 2002).
Les paramètres importants pouvant conditionner la vitesse de propagation des fissures
sont les suivants :
a) Effet de la température du milieu d’essai
L’effet de la température est relativement bien documenté. Généralement, la
température a un effet accélérant sur la vitesse de fissuration par CSC ( Figure I-14).
Arioka et al (Arioka 2002) ont réalisé des essais de traction lente sur un acier 316L
hypertrempé en milieu nominal REP dans la gamme de température 310 – 360°C. Ils
démontrent que la vitesse moyenne de fissuration croit exponentiellement avec la
température. Il faut cependant garder à l’esprit d’éventuelles modifications du Ph avec
l’augmentation de la température : Couvant (Couvant 2003) indique que pour un milieu
contenant 1000ppm de bore, 2,2ppm de lithium et 15 cc/kg d’eau, le pH varie de 7,3 à 8
lorsque la température passe de 320 à 360°C. Les énergies d’activation reportées par
Arioka (Arioka 2002) (21 Kcal/mol) et Andresen (Andresen, Angeliu et al. 2001) (15
Kcal/mol) sur respectivement des éprouvettes en V en 316L et des éprouvettes CT préfissurées en 316L sont relativement proches. Les essais de traction lente (Herms, Raquet
et al. 2005) menés au CEA dans une gamme de température de 200 à 360 °C sur des
éprouvettes en 304L grenaillées prévoient une énergie d’activation plus basse de l’ordre
de 6Kcal/mol mais du même ordre de grandeur que les valeurs reportées dans la
littérature. Pour comparaison, les valeurs des énergies d’activation des alliages 600 sont
estimées à 200Kcal/mol (Herms, Raquet et al. 2005). Les résultats obtenus sur les aciers
304 et 316L par la CEA, et différents auteurs confirmant la tendance générale de
l’accélération de la propagation des fissures en augmentant la température d’essai.
Cependant, les larges gammes de conditions pour ces différents essais (natures
d'éprouvettes, sollicitations, écrouissage initial) et la variation du Ph avec la
température évoquée ci-dessus incite à plus de prudences quant à la comparaison précise
des données.
37
Revue des connaissances
Figure I-14 : Evolution de la vitesse de fissuration en fonction de la température (Herms, Raquet et al.
2005).
b) Effets de l’hydrogène dissout et de la teneur en acide borique
L’influence de l’hydrogène sur la sensibilité à la CSC des aciers austénitiques
inoxydables est très controversée dans la mesure où il est complexe d’identifier l’impact
de l’hydrogène dissout, sachant qu’il faut tenir compte de l’hydrogène cathodique issu de
la réduction du film passif qu’une certaine quantité d’hydrogène est absorbée par les
réactions électrochimiques entre le métal de base et la solution.
Cependant, le point sur lequel les études convergent, est que les aciers
inoxydables sont sensibles à la fissuration par CSC pour de larges gammes d’hydrogène
dissous, de 1 à 100 cc/kg d’eau (Herms, Raquet et al. 2005).
Arioka et al (Arioka 2002) montrent que la température modifie l’influence de la teneur
en hydrogène dissout sur la vitesse de fissuration. En effet, dans une solution dont la
température est 310, 320 ou 330°C et contenant 500ppm d’acide borique, les
concentrations d’hydrogène dissout augmentant de 15 à 45 cc/Kg accélèrent la
fissuration, tandis que dans les solutions à 340°C, 360°C la concentration en hydrogène
n’influe quasiment pas sur la vitesse moyenne de fissuration (voir Figure I-15). L’auteur
indique donc que dans les hautes gammes de température, la sensibilité de l’acier
austénitique n’est pas modifiée par la concentration d’hydrogène dissout.
38
Revue des connaissances
Figure I-15: Effet de l'hydrogène dissout sur la sensibilité à l'IGSCC en milieu primaire REP (Herms,
Raquet et al. 2005).
La Figure I-16 représente la sensibilité à la fissuration dans les gammes nominales
d’hydrogène dissout en fonction de la teneur en hydrogène dissout et situe les travaux
d’Arioka par rapport aux travaux de Herms réalisés au CEA. Ce dernier a évalué l’effet
de la teneur en hydrogène dissout sur la sensibilité à la fissuration par CSC de l’acier
par des essais de traction lente à 320°C sur un acier 304L, pré écroui par grenaillage.
Dans les gammes d’hydrogène dissous nominales (de 15 à 45 cc/kg), la tendance entre le
316L écroui par emboutissage (Arioka (Arioka 2002))et le 304L écroui par grenaillage
(Herms (Herms, Raquet et al. 2005)) est la même, soit de faibles vitesses de fissuration
aux faibles teneurs et un palier apparent de vitesse de fissuration de 30 à 40cc/kg d’eau.
Pour les faibles taux d’hydrogène dissout, hors de la gamme les résultats ne sont pas en
accord entre les deux auteurs, mais le contrôle de si faibles teneurs en hydrogène (1cc/kg
d’eau) par l’intermédiaire d’une sonde Ag/Pd est complexe et l’écart observé peut ne pas
être significatif si la teneur n’est pas précise.
39
(mm/s)
Revue des connaissances
Figure I-16 : Influence de la teneur en hydrogène dissous sur la vitesse moyenne de fissuration.
L’augmentation de la teneur en acide borique ralentit la fissuration (Figure I-17).
En effet, à 320°C pour une teneur en acide borique de 500ppm et 30cc d’hydrogène
dissout, la vitesse de fissuration est de 1. 10 -7 mm/s tandis que dans la même solution,
mais avec une teneur en acide borique de 2300ppm, la vitesse de fissuration est de 2.10 8mm/s (Arioka 2002). Plus la teneur en acide borique est élevée et plus le ph est bas,
(pour 2,2ppm de Lithium à 300°C, le pH évolue de 7,2 à 6,9 lorsque la teneur en bore
passe de 650 à 1150 ppm (Couvant 2003))
La teneur en acide borique influe également sur le mode de fissuration, généralement
plus la teneur est faible ( le pH est élevé), plus la propagation de la fissuration est
intergranulaire (Arioka 2002).
Figure I-17 : Effet de la teneur en acide borique sur la vitesse moyenne de fissuration (Arioka 2002)
40
Revue des connaissances
 Influence de l’écrouissage sur la vitesse de propagation
Les paramètres matériau les plus importants, en ce qui concerne la sensibilité au
phénomène de fissuration sont l’écrouissage et la sensibilisation par traitement
thermique de l’acier.
L’écrouissage des aciers austénitiques inoxydables se manifeste par des transformations
microstructurales, la présence de la phase martensitique à basse température et forte
vitesse de déformation, mais également par l’accroissement de la dureté et de la limite
d’élasticité. Lorsque le degré d’écrouissage croit, la limite d’élasticité croit également, et
ainsi que la vitesse de propagation des fissures en milieu primaire REP (Pathania
Décembre 2002).
Concernant le milieu REP, les effets de l’écrouissage ont été très largement
étudiés et recensés dans la littérature (Desjardins and Oltra 1990; Andresen, Angeliu et
al. 2001; Furutani, Nakajima et al. 2001; Couvant 2003; Herms, Raquet et al. 2005). Ce
paramètre est important dans la fissuration par corrosion sous contrainte en milieu
REP, dans la mesure où le pré écrouissage en milieu primaire REP est plus néfaste
qu’en milieu REB, certains auteurs précisant que l’écrouissage est une condition
nécessaire à la fissuration intergranulaire d’un acier austénitique de type 304L non
irradié en milieu primaire REP (Castaño, Redondo Garcia et al. 2003; Couvant 2003).
Cependant, Herms et al (Herms, Raquet et al. 2005) reportent que les nuances d’acier
inoxydable non écrouies ou hypertrempées peuvent être sensibilisées à la fissuration par
CSC en présence d’un chargement dynamique (traction lente, fatigue oligocyclique), de
conditions extrêmes de triaxialité (striction ou défaut dans le matériau) et une
localisation macroscopique de la déformation (entailles périphériques, emboutissage en
V). L’écrouissage
constitue donc un facteur fortement sensibilisant mais pas
déterminant pour la fissuration par CSC des aciers austénitiques inoxydables.
Les types d’écrouissage les plus néfastes sont ceux impliquant un trajet de
déformation alternatif traction/compression: le grenaillage, emboutissage, fatigue
oligocyclique (Herms, Raquet et al. 2005) (Castaño, Redondo Garcia et al. 2003) (Arioka
2002) (Furutani, Nakajima et al. 2001) ou impliquant un trajet de déformation
complexe : le grenaillage ou le cisaillement (Couvant 2003). L’auteur précise également
que le mode de pré écrouissage joue sur la nature inter ou transgranulaire de la rupture.
Les modes de fissuration observés sont de type transgranulaire, mixte ou
intergranulaire. Il subsiste un désaccord quant à la nature de ces facies : en effet
Couvant (Couvant 2003) observe le mode transgranulaire généralement lorsque le
matériau n’est pas écroui ou écroui en déformation monotone et un mode mixte ou
intergranulaire lorsque le matériau est déformé sous trajets complexes (Couvant 2003)
tandis qu'Herms (Herms, Raquet et al. 2005) met en évidence un faciès transgranulaire
dans le cas des aciers pré écrouis et un mode de fissuration intergranulaire pour les
matériaux non initialement écrouis(Herms, Raquet et al. 2005). Les conditions d’essais
relativement diverses conduisant à chacun de ces modes de fissuration rendent délicates
les comparaisons.
41
Revue des connaissances
La martensite d’écrouissage peut être induite par l’écrouissage, mais Couvant
indique qu’elle n’est pas nécessaire à l’amorçage ou la propagation de fissures de CSC en
milieu REP (Couvant 2003).
Nous retiendrons qu’un écrouissage impliquant des trajets de
déformation sévères favorise la propagation de fissures de CSC en milieu REP.
En conclusion, l’environnement de test (simulé REP), le mode de pré écrouissage et la
nature de la sollicitation mécanique sont les principaux paramètres impactant la
propagation des fissures de CSC.
La température accélère la propagation des fissures, impactant l’énergie d’activation du
mécanisme de propagation. L’hydrogène dissout ainsi que la teneur en Bore peuvent
également influer sur la fissuration.
En plus des paramètres d’environnement, un pré écrouissage dont le trajet de
déformation est complexe a un effet fortement sensibilisant à la fissuration. Enfin, une
sollicitation dynamique est plus nocive qu’une sollicitation statique en termes de
fissuration.
I.4.
CSC de l’acier à durcissement structural A286
en milieux REB et REP.
Dans les réacteurs à eau légère des centrales nucléaires américaines, l’acier A286 est
utilisé dans la boulonnerie et les assemblages filetés des internes de cuve. Au début des
années 1980, des fissures ont été détectées lors d’inspections annuelles de maintenance
dans les réacteurs en service aux Etats-Unis (Bengtsson and Korhonen 1983). Les
examens de laboratoire des vis fissurées ont permis d’identifier un mécanisme de
fissuration par corrosion sous contrainte.
Les fissures sont localisées sur les congés de raccordement entre la tête et le fut, zone
présentant une forte concentration de contraintes et affectée thermiquement par la
fabrication de la vis (Figure I-18).
Figure I-18 : Fissure intergranulaire au niveau du congé de raccordement entre la tête et le fût d’une vis
exposée à un milieu REP (Piascik, Monter et al. 1985).
42
Revue des connaissances
Les études concernant l’amorçage intrinsèquement, sont peu nombreuses. Cependant,
les faciès de rupture majoritairement intergranulaire observés par Piascik (Piascik,
Monter et al. 1985) et Bengtsson (Bengtsson and Korhonen 1983) suggèrent un temps
d’amorçage très court, suivi d’une propagation intergranulaire. Les études sur cette
nuance sont essentiellement centrées sur les vis des internes ayant fissuré au niveau
des congés et permettent ainsi de mettre en avant comme paramètres prépondérants la
contrainte appliquée (la charge en service pour les vis) et l’écrouissage que subissent les
composants lors de l’élaboration.
I.4.1. Effet de la contrainte appliquée
Des études menées au début des années 90 ont mis en avant la sensibilité à la
CSC en milieu REP ou REB de l’acier A286 lorsque la contrainte appliquée lors de l’essai
à l’éprouvette est de l’ordre de la limite d’élasticité comme le montre la littérature
((Bengtsson and Korhonen 1983), (Hayner, Piascik et al. 1989), (Hall 1983)). En effet,
une campagne d’essais menée dans un réacteur expérimental pour 62 échantillons à
charge constante, équivalente au minimum à la valeur de la limite d’élasticité, dans une
eau à 285°C contenant une quantité entre 0,1 et 0,3ppm d’oxygène a été menée par
ASEA-ATOM en 1980 . La première inspection a révélé que les dix éprouvettes ayant
rompu dans l’année étaient les plus contraintes. Le faciès de rupture au niveau du fût
est majoritairement inter granulaire (Figure I-19). Les conclusions identiques ont été
rapportées par les travaux de Piascik sur l’A286 exposé dans une eau à 288°C fortement
oxygénée. L’auteur indique que les éprouvettes sollicitées à une contrainte supérieure à
la limite élastique ont été sensibles à la CSC.
Cela démontre une corrélation entre la sensibilité à la CSC et la contrainte appliquée.
En comparaison, les aciers austénitiques ne sont pas sensibles à la fissuration par CSC
sous chargement statique.
Figure I-19 : Micrographie du faciès de rupture à près de 50% intergranulaire d’une vis exposée en milieu
REB, sollicitée à charge constante. L’acier A286 a subi un vieillissement de 720°C pendant 16h, les fissures
sont apparues la première année de test. (Bengtsson and Korhonen 1983)
43
Revue des connaissances
I.4.2. Effet de l’écrouissage
Hayner et Al (Hayner, Piascik et al. 1989) ont mené des examens microscopiques
sur des fissures relevées dans des composantes filetées en A286 exposées en milieu
primaire REP. Ils révèlent que les composantes avec les matériaux préalablement
écrouis, puis forgés à chaud sont plus sensibles à l’IGSCC. La sensibilité résulte alors de
l’étape de fabrication des vis. Ainsi, le taux d’écrouissage, le degré de recuit et le forgeage
peuvent influencer la sensibilité à la CSC de l’acier. Cela est confirmé par des tests de
laboratoire en milieu simulé REP (1000ppm d’acide borique, 1,4ppm d’ions Li+, un ph de
6,4 à une température de 300°C) avec une forte concentration d’ions chlorures (10 à
25ppm) destinée à accélérer les phénomènes (Pathania). L’auteur met en place une
échelle de susceptibilité à la CSC en précisant que les échantillons les plus écrouis et
traités thermiquement sont les plus sensibles. (Hayner, Smith et al. 1989)
Il existe donc une forte corrélation entre l’écrouissage initial du matériau, suivi
éventuellement d’un traitement thermomécanique ou thermique et sa capacité à se
fissurer par corrosion sous contrainte. Les travaux de thèse de Marylène Savoie
indiquent également que le pré écrouissage par fatigue oligocyclique de la nuance
conduit à une sensibilisation à l’IGSCC. La corrélation entre le degré d’écrouissage et la
sensibilité à la fissuration a par ailleurs été observée sur les aciers austénitiques
inoxydables.
I.4.3. Effet de la précipitation inter granulaire (par TTH)
Les traitements thermiques de durcissement par vieillissement appliqués aux
nuances à durcissement structural (A-286, alliage 718, X750) conduisent à la formation
d’une part d’une phase durcissante γ’ ou/et γ’’, mais également de précipités
intermétalliques, de part la haute densité de dislocations aux joints de grains qui sont
des sites favorables à la précipitation. Pour l’alliage A 286, il s'agit généralement des
carbures de titane, des phases η ou σ, et sont souvent localisés aux joints de grains,
parfois dans les grains. (Piascik, Monter et al. 1985)
Cependant, si la phase σ est néfaste à la résistance à la CSC, les effets des autres types
de précipités sur la corrosion sous contrainte sont méconnus. Savoie (Savoie 2007) a
cependant étudié l'effet de la précipitation intergranulaire de la phase η sur la corrosion
sous contrainte de la nuance A286 en milieu REP à 320 et 360°C. Les résultats de ses
travaux démontrent que la présence de phase intergranulaire η n’est pas nécessaire à la
formation de fissures de CSC dans l’A-286 et qu’elle ne constitue pas un facteur
aggravant pour la CSC. La phase η n’a donc pas d’influence sur la CSC de l’A-286 en
milieu primaire des REP à 320 et 360°C (Savoie 2007).
Piascik et al (Piascik, Monter et al. 1985) ont souligné une distribution non uniforme des
précipités TiC dans des échantillons fissurés, précisant la présence de précipités très
rapprochés le long des joints de grain à l’avant du front de fissure ( Figure I-20).
Néanmoins, la présence des précipités de type TiC ne peut être la cause des différences
de sensibilités à la CSC.
44
Revue des connaissances
Figure I-20 : Image haute résolution de précipités aux joints de grain, positionnés en avant de la fissure
intergranulaire (Piascik, Monter et al. 1985)
Les aciers à durcissement structural sont donc sensibles à la CSC en milieu REP et REB,
lorsque la contrainte appliquée est importante (de l’ordre de la limite d’élasticité) et que
l’acier est sensibilisé.
I.5.
IASCC des aciers inoxydables austénitiques
I.5.1. Généralités :
La corrosion sous contrainte assistée par l'irradiation (IASCC - Irradiation Assisted
Stress Cracking Corrosion) est un mode d’endommagement caractérisé par une
succession de fissurations intergranulaires fragiles d’un matériau ductile soumis à une
irradiation de particules énergétiques. Le terme IASCC est donc généralement appliqué
à une fissuration sous effet du milieu, accélérée par l’irradiation à travers ses effets sur
la chimie de l’eau, sur la microchimie du matériau, et sur la microstructure ou les
propriétés mécaniques. Plusieurs dégradations ont été observées sur différentes
tranches des réacteurs nucléaires français, dans les internes de cœur, et ce depuis les
années 90. Depuis lors, un intérêt certain a été accordé aux études relatives à l’IASCC et
il a été établi que les aciers inoxydables austénitiques des internes de cuve et les aciers à
durcissement structural sont sensibles à l’IASCC dans un milieu primaire REP.
Les pièces de structure les plus affectés dans les REP sont généralement les vis (au
niveau des congés de raccordement entre la tête et le fut de la vis), et en REB, les vis et
les tronçons de circuits auxiliaires au niveau de la cloison de l’enveloppe de cœur.
Dans cette partie, nous décrivons d'abord les effets de l'irradiation neutronique sur les
matériaux, en particulier les effets sur la microstructure tels la ségrégation d'éléments
chimiques et le durcissement induits par l'irradiation avant de nous intéresser aux
modifications de propriétés mécaniques qui en découlent. Nous aborderons également la
représentativité de l'irradiation neutronique par des particules moins énergétiques que
les neutrons (les protons en particulier). Les phénomènes interagissant sur les
mécanismes de CSC sont introduits, nous nous intéressons en particulier aux
mécanismes de localisation de la déformation et à certains modes de déformations
45
Revue des connaissances
susceptibles d'impacter la CSC tels que le maclage. Les mécanismes de CSC assistés par
l'irradiation des aciers austénitiques inoxydables seront ensuite présentés.
I.5.2. Effet de l'irradiation neutronique
i. Microstructure induite par l'irradiation
Lorsque le matériau est irradié par des particules énergétiques, des défauts ponctuels
sont créés dans la matrice par les déplacements d’atomes: des amas lacunaires ou des
interstitiels mobiles aux températures usuelles d'irradiation (entre 300 et 400°C). Selon
la température d’irradiation, de nombreux mécanismes sont possibles: recombinaisons,
agglomérations, annihilations, ils conduisent aux évolutions microstructurales suivantes
: apparition des « black dots » ou « black spots », formation de boucles de dislocations
dites boucles de Franck ou fautées car contenant une faute d'empilement, restauration
de la microstructure initiale par disparition des dislocations d’écrouissage, précipitation
de phases, formation des bulles de gaz (He) ou des cavités (Pokor 2003)(Figure I-21).
a)
b)
c)
Figure I-21: Micrographies de la microstructure d'un acier 304H irradié à 8 dpa, 375°C selon l’ axe de zone
[011] a) Fautes d'empilement des boucles de dislocation fautées b) black spots c) Cavités sur un 304H - 10
dpa - 375°C (Pokor 2003)
Les paramètres microstructuraux tels que la taille et la densité des boucles de Franck
évoluent avec l’irradiation pour les faibles doses. En effet, ces paramètres augmentent
avec la dose et saturent à partir de doses comprises entre 2 et 5 dpa, lorsque les flux de
lacunes et d’interstitiels s’équilibrent (Figure I-22) (Bruemmer, Simonen et al. 1999). Ces
valeurs de dose à saturation dépendent du flux et de la température d’irradiation.
46
Revue des connaissances
Figure I-22: Evolution de la densité et de la taille des boucles de dislocation en fonction de la dose lors de
l'irradiation à 280°C dans un réacteur à eau légère. (Bruemmer, Simonen et al. 1999)
La multiplication des boucles de Frank contribue au ralentissement des dislocations
mobiles, la contrainte nécessaire pour déformer le matériau augmente, d’où le
phénomène d’écrouissage qui traduit le durcissement induit par l’irradiation. Les
propriétés mécaniques du matériau s'en trouvent donc modifiées (voir dans la suite le §
effets de l’irradiation sur les propriétés mécaniques).
ii. Ségrégation induite par l'irradiation
Les raisons physiques de l’endommagement par irradiation proviennent du
comportement collectif des groupements de défauts créés pendant l’irradiation. Ces
défauts atteignent des concentrations généralement supérieures à celles de l’équilibre
thermodynamique, permettant ainsi une grande diffusion des éléments de soluté dans
les sites vacants et plus favorables énergétiquement, les puits d'énergie. Ce phénomène,
connu sous le nom de ségrégation induite par l'irradiation (RIS - Radiation Induced
Segregation) se produira principalement aux joints de grains, mais aussi dans les
boucles de Frank, les bulles d’hélium et les cavités. Deux mécanismes sont avancés,
quant à l'appauvrissement ou l'enrichissement des joints de grain en éléments de
solution :
- le mécanisme lacunaire ou « effet Kirkendall inverse » (Figure I-23)
La RIS est associée à la diffusion d'éléments lacunaires qui migrent vers les joints de
grain et y disparaissent. Si le coefficient de diffusion lacunaire de l’élément est supérieur
au coefficient de diffusion moyen de l’alliage, les joints de grains sont appauvris en cet
élément. A l’inverse, les éléments ayant un coefficient de diffusion lacunaire plus faible
que celui de l’alliage vont enrichir les joints de grains. Dans le cas des aciers
inoxydables, ce mécanisme serait à l'origine de l'appauvrissement des joints de grains en
chrome et molybdène qui diffusent plus vite dans la matrice que le nickel qui s’enrichit
donc au joint de grain. Quant à la ségrégation du fer, les joints de grains peuvent être
soit enrichis, soit appauvris en fer selon la composition du matériau.
47
Revue des connaissances
Figure I-23: Représentation schématique du mécanisme lacunaire ou de l'effet Kirkendall inverse(Bruemmer, Simonen et al. 1999)
- le mécanisme d'association d'interstitiels (Figure I-24)
Par ailleurs, d'autres éléments de petite taille s'associent préférentiellement aux
interstitiels et ségrégent aux joints de grains, aux puits plus généralement. On parlera
alors de mécanisme interstitiel.
Figure I-24: Représentation schématique du mécanisme d'association d'interstitiels.
Dans le cas des aciers inoxydables, le mécanisme de diffusion par association
d'interstitiels conduit à l'enrichissement des joints de grain en silicium, phosphore.
iii. Effet de l'irradiation neutronique sur les propriétés
mécaniques.
L’irradiation induit une augmentation de la limite d’élasticité corrélée à une perte
de ductilité. L’augmentation de la dose d’irradiation conduit à une augmentation rapide
de la limite d’élasticité qui atteint une valeur de saturation ( Figure I-25). Bruemmer et al
48
Revue des connaissances
(Bruemmer, Simonen et al. 1999) ont compilé un certain nombre de données relatives à
l’évolution de la contrainte d’écoulement en fonction de la fluence. Ces données montrent
que la contrainte augmente rapidement jusqu’à 900 MPa correspondant à une fluence de
3 x 1021 n/ cm² soit 4 dpa (Bruemmer, Cole et al. August 1993). Cette augmentation de la
contrainte, puis sa saturation correspond à la multiplication puis saturation des boucles
de dislocations fautées lorsque la dose d’irradiation croit (Figure I-22), ce qui confirme que
l’écrouissage observé est bien corrélé à la multiplication des défauts induits par
l’irradiation. La variation de la limite d’élasticité induite par l’irradiation peut être
évaluée en estimant la variation de la dureté de l’acier avant et après irradiation par la
relation suivante (Was, Busby et al. 2002) :
 y  3,55HV
Où :
Δσy = incrément de la limite d’élasticité (MPa)
ΔHv = incrément de dureté (kg/mm²)
Les propriétés en termes d’allongement saturent également à partir d’une dose de
l’ordre de 4dpa pour un 304 irradié à 330°C puis soumis à un essai de traction à 20°C et
330°C (Figure I-25). Ces résultats, issus des travaux de Pokor (Pokor 2003), indiquent les
mêmes conclusions pour l’acier 316L.
Figure I-25 : Evolution de l’ allongement uniforme du 304L Hyp et du 316 E irradiés à 330°C et testés à
20°C et 330°C (Bruemmer, Simonen et al. 1999).
Bailat et al (Bailat, Gröschel et al. 2000) ont constaté une augmentation de la
limite d’élasticité de près de 80% après 0,15 dpa pour un acier 304. Parallèlement, la
ductilité chute de 40% pour le 304 et 30% pour le 316.
Pokor et al observent, pour un 316L irradié aux neutrons à 340°C qu’ à partir d'une dose
de 1,5 dpa, il se forme un décrochement sur les courbes de traction traduisant un
comportement à l’écrouissage modifié (Figure I-27). L’écrouissage est amoindri par un
49
Revue des connaissances
adoucissement local au niveau de la microstructure. Cet adoucissement correspond au
début de la localisation de la déformation plastique dans les aciers, il semblerait que le
décrochement de la courbe de traction en soit la conséquence. Il s’agit donc de la
représentation d’instabilités plastiques marquant l’effet d’interactions des interstitiels et
des défauts de type dislocation vis ou la présence des bandes de Lüders.
Enfin, Bruemmer et al (Bruemmer, Simonen et al. 1999) observent une réduction de la
ténacité du matériau avec l’augmentation de la de la dose.
Figure I-26: Contrainte d'écoulement pour des aciers inoxydables en fonction de la fluence neutronique.
(Bruemmer, Simonen et al. 1999).
Figure I-27: Courbes de traction d'un acier inoxydable 316L irradié aux neutrons de 0 à 3,4 dpa (Pokor
2003).
50
Revue des connaissances
 Représentativité des irradiations aux particules (protons,
hélium)
Afin de mieux comprendre les mécanismes de durcissement en recréant une
microstructure similaire à celle des neutrons et en utilisant les techniques de
caractérisation sur des matériaux non activés, les irradiations aux ions et protons sont
utilisées.
- Irradiation aux protons
Les programmes consacrés à l'étude des mécanismes de l'IASCC, essentiels pour la
compréhension des effets de l'irradiation sont très onéreux, du fait de la mise en place
des irradiations neutroniques qui sont longues, coûteuses en temps et logistiquement
complexes. A l'inverse, les irradiations aux protons se réalisent sur de plus courtes
durées, avec des coûts d'équipement relativement moins chers et avec une radioactivité
négligeable en comparaison avec les neutrons. Cela étant dit, l'intérêt de l'émulation des
effets de l'irradiation neutronique par des protons a été en grandissant et des études ont
été menées, en particulier par Was et al. (Was, Busby et al. 2002). Ils ont montré que le
durcissement ainsi que les modifications microstructurales induites par les irradions
aux protons à 360°C sont concordantes avec les irradiations aux neutrons à 275°C , aussi
bien que le comportement en Corrosion Sous Contrainte. Les mêmes propriétés ont été
identifiées dans les deux microstructures d'irradiation (protons et neutrons) : boucles de
Franck fautées (les boucles et leur densité sont légèrement plus petites dans le cas de
l'irradiation protons Figure I-28) et pas de cavités jusqu'à une irradiation de 5 dpa, les
deux expériences montrent le même type de ségrégation induite par l'irradiation soit un
appauvrissement des joints de grain en chrome et molybdène, un enrichissement en
nickel et silicium, les seuils de doses correspondant à la saturation du durcissement sont
également concordants.
Figure I-28 : Représentativité des protons par rapport aux neutrons. Evolution des tailles et boucles de
dislocations dans un acier 304L irradiés aux protons et aux neutrons (Was, Busby et al. 2002).
51
Revue des connaissances
Un point important est que les comportements en IASCC des deux matériaux irradiés
aux protons et neutrons dans les conditions REP et REB sont similaires en termes de
pourcentage de rupture intergranulaire. Ces mêmes conclusions ont par ailleurs été
reportées par Sencer et Al (Sencer, Bond et al. 2001).
- Irradiation aux ions He+
L’irradiation aux ions He+ produit une microstructure composée de "black dots" (lacunes,
précipités interstitiels) et des boucles de dislocations, mais également de bulles d’hélium
(Figure I-29) (Byun, Lee et al. 2003). Le nombre et la densité des boucles fautées
augmentent avec la dose et saturent à environ 4 dpa, de même que les bulles d’hélium
qui saturent à plus haute dose. Les bulles d’hélium sont susceptibles d’être cisaillées,
mais ne sont pas balayées par les dislocations de glissement et constituent donc des
obstacles à l’écrouissage lors de la déformation plastique.
L’effet de l’adoucissement issu du balayage des défauts sera donc plus prononcé pour un
316 irradié aux neutrons qu’un autre irradié à l’hélium, sachant que les bulles d’hélium
sont plus présentes dans la structure irradiées aux ions He+ qu’aux neutrons.
Des canaux de dislocations grossiers ont été observés dans le 316 irradiés aux neutrons
tandis que des lamelles de macles et des rubans de fautes d’empilement ont été observés
dans 316 LN irradié aux ions He+ (Byun, Lee et al. 2003). Cette tendance est accrue à
hautes doses avec une multiplication des bulles d’hélium.
Figure I-29: Défauts induits par l'irradiation d'un échantillon d'acier 316 aux ions He+à : a) 0,015 dpa; b)
0,15 dpa c) 15 dpa d) zoom montrant une bulle d'hélium (Byun, Lee et al. 2003).
52
Revue des connaissances
I.5.3. Phénomènes particuliers agissant sur les cinétiques
/mécanismes de CSC
i. Localisation de la déformation plastique: mécanisme de
canalisation.
La localisation de la déformation plastique a fait l’objet de plusieurs études de la
littérature (Jiao, Busby et al. 2007).
Les récentes études de Marylène Savoie au CEA ont mis en avant le phénomène de
canalisation de la déformation plastique dans des bandes claires sur un acier à
durcissement structural A – 286 pré soumis à une sollicitation en fatigue oligocyclique
(Figure I-30). Ces bandes de déformation dépourvues de la phase γ’, précipitées suite au
recuit de durcissement, sont formées par le mécanisme de dissolution des précipités. En
effet, les précipités sont découpés par les dislocations, puis réduits en fragments par les
multiples glissements déviés dans la matrice de telle sorte que la taille nécessaire à la
dissolution et la mise en solution des précipités est atteinte (Savoie 2007).
Figure I-30 : Micrographie en champ sombre de bandes de dislocations dépourvues de la phase γ’ dans un
acier A286 sollicité sous air et à température ambiante en fatigue oligocyclique à 0.2% de déformation
plastique imposée (Savoie 2007).
Lors de la déformation des aciers austénitiques non irradiés, les phénomènes de
glissement dévié sont facilement activés, du fait de la répartition homogène de la
distribution des dislocations dans les grains et de l'énergie de faute d'empilement peu
élevée des aciers austénitiques inoxydables. Inversement, pour les matériaux irradiés le
glissement dévié est fortement réduit et le mouvement des dislocations est restreint
majoritairement à des plans de glissement de type {1, 1, 1}.
Les macles, les franges de défaut d’empilement, les canaux de dislocation sont
des manifestations de la microstructure par localisation de la déformation plastique,
révélés par des conditions d’imagerie et de test différents et variés.
Dans le processus de canalisation des dislocations, les dislocations parfaites initiales
dissociées en partielles de Shockley se combinent (ou s’annihilent) avec les défauts
53
Revue des connaissances
induits par l’irradiation (boucles de Franck) dans le plan de glissement. Les dislocations
suivantes ont tendance à glisser dans le même chemin, balayant ainsi les défauts et
résultant sur un chemin libre de tout défaut, un canal de dislocation.
Un échantillon de 304L irradié aux protons et déformé à 9% à une température de 288°C
est représenté Figure I-31. Un canal de dislocations dont les défauts sont balayés (le long
des flèches) est représenté. Les défauts ne sont presque plus visibles, même s’il reste
encore quelques dislocations isolées le long des murs du canal (Bruemmer, Cole et al.
August 1993).
Sur la Figure I-32, les canaux de dislocation sont représentés par les bandes claires à
travers la structure de défaut dans l’image en champ clair et par les bandes foncées
dans l’image en champ sombre (Hashimoto, Zinkle et al. 2000).
Lee et al (Lee, Yoo et al. 2001) ont postulé que la déformation plastique produit des
dislocations de glissement parfaites dissociées en paires de dislocations partielles de
Shockley par les particules irradiées. L’interaction entre ces dislocations partielles et les
défauts induits par l’irradiation conduit à la formation des canaux de dislocation.
L’efficacité de cette "opération" est accrue lorsque la boucle de dislocation est parfaite et
mobile, soit une boucle défautée. En effet, l’énergie d’une boucle fautée est supérieure à
celle d’une boucle parfaite ; les boucles de Franck ont donc tendance à se défauter pour
former des boucles parfaites. De plus, les boucles interstitielles de vecteurs de Burgers b
= [1 1 1] /3 étant immobiles, il est nécessaire qu’elles soient défautées et transformées en
boucles mobiles parfaites de vecteurs de burgers b = [ 1 1 0 ] / 2.
Ainsi, le défautage des boucles de dislocations immobiles est une étape importante dans
la formation les canaux libres de défauts. Les interactions entre partielles de Shockley et
boucles de dislocations ont été proposées et largement discutées par (Lee, Byun et al.
2001; Lee, Yoo et al. 2001).
Ce mécanisme de canalisation des dislocations est privilégié à haute température et à
faible vitesse de déformation dans les aciers austénitiques inoxydables (Bruemmer,
Simonen et al. 1999).
Figure I-31: Canal de dislocation dans un acier austénitique 304L irradié à 400°C aux protons à 1 dpa ,
puis déformé à 9% à 288°C sous argon (Bruemmer, Cole et al. August 1993)
54
Revue des connaissances
Figure I-32: Microstructure d'un acier austénitique 316 testé à 330°C à une vitesse de déformation égale à
40.10-4 /s après irradiation à 330°C sous 7,4 dpa. La direction du faisceau est proche de [0 1 1]. a) image en
champ clair b) image en champ sombre obtenue dans les conditions de diffraction suivante : B proche de [0 1
1], g = 200, (g, 5g) (Hashimoto, Zinkle et al. 2000).
ii. Localisation de la déformation plastique: Formation des
macles.
Les macles sont généralement des composites de plusieurs couches fines de macles
appelées nanomacles et liées par les dislocations partielles de Shockley. Dans une région
très fortement déformée, une macle est une bande de déformation, un ruban de défaut
d’empilement bordé par des dislocations partielles de Shockley. Elles sont observées
dans les aciers fortement irradiées puis déformées, généralement à l’ambiante ( Figure I33).
A basse température, l’interaction des dislocations de glissement avec les défauts
d’irradiation peut produire des points d’ancrage très efficaces. L’augmentation du champ
de contraintes (par l’irradiation) produit des empilements de dislocations sur les plans
préférentiels. De la même manière que dans les aciers inoxydables non irradiés, lorsque
la contrainte critique σc de maclage est atteinte il devient plus aisé pour les empilements
de dislocations de se transformer en macles que de poursuivre le glissement. Les macles
semblent donc être le mode de déformation privilégié à basse température et grande
vitesse de déformation d’autant que l’absence de macles de déformation à haute
température peut être imputée à l’incapacité à atteindre la contrainte critique nécessaire
à la germination de macles. (Bruemmer, Cole et al. August 1993)
A l’opposé des canaux libres de défauts, les macles n’enlèvent pas les défauts du plan de
maclage : une macle croisant une dislocation parfaite dans la matrice du matériau
restitue une dislocation parfaite dans la matrice maclée.
55
Revue des connaissances
Figure I-33: Image en champ sombre de macles de déformation formées dans un acier 304 irradié
aux ions Ni + à 5 dpa à 500°C puis déformé à 10% à température ambiante (Bruemmer, Cole et
al. August 1993)
L’interaction entre les macles et les joints de grain reste un phénomène très complexe.
Dai et al (Dai, Jia et al. 2001) ont pu observer dans le petit volume testé quelques joints
de grains interceptant une macle (Figure I-34), il apparaît que les joints de grain sont très
distordus par rapport à leur état initial.
100 nm
Figure I-34: Micrographie en champ sombre montrant l'interaction entre une lamelle maclée et un joint de
grain dans un échantillon d'un acier 304L irradié aux protons à 6,8 dpa à 250°C après avoir été déformé à
température ambiante. (Dai, Jia et al. 2001)
Les macles résultent cependant d’une déformation post irradiation, et il n’a pas été
observé de macles induites par l’irradiation aux neutrons à haute température. Le
mécanisme de localisation privilégié des aciers austénitiques en conditions de service
dans les réacteurs à eau légère est la canalisation des dislocations.
De récentes recherches mettent en avant le rôle de la localisation de la déformation
plastique dans les canaux de dislocation sur la corrosion sous contrainte en milieu
aqueux. Afin de découpler les effets de l’environnement aqueux de ceux du la localisation
de la déformation, Onchi et al (Onchi, Dohi et al. 2003)ont réalisé un essai de traction
56
Revue des connaissances
lente sur un acier 304 irradié à 1,2 x 1021 n/cm² (E>1MeV) sous argon. Ils ont montré des
marches de glissement sur les facettes des grains (Figure I-35b)).
Figure I-35 : Micrographie MEB du faciès de rupture facette intergranulaire d’un acier 304 irradié à 1,2
1021 n/cm² après traction lente (Onchi, Dohi et al. 2003).
L’auteur met en évidence la présence de micromacles de déformation et de canaux de
dislocations dans la matrice austénitique de l’acier et conclut donc que ces marches de
glissement observées sur le faciès de rupture sont reliées aux bandes de localisation. Il
propose une corrélation entre la fissuration intergranulaire en milieu inerte et les
contraintes et déformations aux joints de grain induites par les bandes de localisation.
Les travaux de Toivonen (Toivonen, Ehrnsten et al. 2005) sont réalisés sur un acier 304
irradié à 30 dpa à 300°C dans un REP en service puis déformé à charge constante à 700
MPa sous argon à 340°C, montrent la présence de marches de glissement marquées sur
les facettes des grains (Figure I- 36).
Figure I- 36 : Micrographie MET montrant la présence de marches de glissement sur des grains au niveau
d’une fissure intergranulaire observée sur un acier 304 irradié à 30 dpa à 300°C, puis sollicité à charge
constante (700 MPa) sous argon à 340°C (Toivonen, Ehrnsten et al. 2005).
Toivonen suggère également que la fissuration de type intergranulaire de l’acier 304L en
milieu inerte serait due à la présence de contraintes à l’intersection entre ces bandes de
localisation et le joint de grain.
Cela montre que la localisation de la déformation plastique, indépendamment de l’action
d’un environnement aqueux, agit sur la fissuration intergranulaire par corrosion sous
57
Revue des connaissances
contrainte. Dans le paragraphe suivant, les mécanismes identifiés et impliqués dans la
CSC en milieu primaire des REP sont présentés.
I.5.4. Mécanismes de CSC assisté par l’irradiation des aciers
austénitiques inoxydables.
i) Ségrégation induite par l'irradiation vs CSC
L’appauvrissement des joints de grain en chrome est l'effet de la ségrégation induite par
l’irradiation le plus étudiée, étant donné l’importance du chrome dans la protection anti
corrosion des aciers inoxydables d’une part, et d’autre part parce que la sensibilisation
des aciers favorise l’IGSCC en milieu primaire REB (Castaño, Redondo Garcia et al.
2003) (Bruemmer, Merz et al. 1991; Bruemmer, Simonen et al. Août 1989; Bruemmer,
Arey et al. August 1993; Bruemmer, Charlot et al. Avril 1991) (Busby, Was et al. 2002).
Les profils de concentration relevés après irradiation neutronique sont généralement de
la forme illustrée sur la Figure I-37. La concentration de chrome peut chuter jusqu’à 14%
(Bruemmer, Simonen et al. 1999). Il est donc important d’évaluer l’impact de cette baisse
de la quantité de chrome aux joints de grain.
Joint de grain
Figure I-37 : Mesure au MET des profils de composition au joint de grain d’un acier austénitique irradié
aux neutrons de la série 300. (Bruemmer, Simonen et al. 1999)
Des corrélations ont été réalisées (Bruemmer, Simonen et al. Août 1989) entre le taux de
fissuration intergranulaire du faciès de rupture et la concentration de chrome aux joints
de grain. Globalement, la déchromisation des joints de grain sensibilise les aciers à
l’IASCC en milieu des Réacteurs à Eau Légère. En effet, l’action de la déchromisation
est équivalente à une sensibilisation du matériau. Par ailleurs une concentration de
chrome de 17% a été établie comme étant le seuil critique de propagation des fissures en
milieu REB (Bruemmer, Simonen et al. 1999; Bruemmer, Charlot et al. Avril 1991).
58
Revue des connaissances
Afin d’isoler l’effet de la ségrégation induite des autres critères sensibilisants à l'IASCC,
Busby (Busby, Was et al. 2002) a réalisé un recuit sur un acier irradié aux protons afin
d’éliminer les effets de durcissement induits par l’irradiation en conservant les
différentes ségrégations aux joints de grain, à savoir celles du chrome, du fer et du
nickel. Les aciers recuits post irradiation se sont révélés moins sensibles à la CSC que
les aciers juste irradiés malgré l’appauvrissement des joints de grain en chrome.
L’auteur considère donc que la présence d’au moins deux critères à un niveau critique
est nécessaire à la sensibilisation à l'IASCC dans cette nuance d’acier austénitique
inoxydable 304L.
ii. Durcissement par irradiation vs CSC
Les études de Corrosion sous contrainte évoquant l’influence du durcissement, par
l’intermédiaire de la contrainte d’écoulement sur la vitesse de fissuration en milieu REP
sont peu nombreuses. Cependant, Bruemmer (Bruemmer, Simonen et al. 1999) a
examiné la relation entre la contrainte d’écoulement mesurée et la susceptibilité à la
fissuration intergranulaire à partir de tests de traction lente en milieu oxydant à haute
température (Figure I-38). Il semble que la sensibilité à l’IGSCC n’est effective que
lorsque la contrainte a atteint 500 MPa. Il n’existe pas de données permettant une
confirmation en milieu simulé REP.
Figure I-38 : Comparaison de la contrainte d’écoulement et la susceptibilité à l’IGSCC dans un milieu haute
température oxygéné.
L’étude de Busby (Busby, Was et al. 2002), permettant de discriminer les paramètres, en
particulier le durcissement par irradiation a cependant mis en évidence que le
durcissement par irradiation n’était pas un phénomène suffisant pour l’IASCC.
iii. Localisation de la déformation plastique et IASCC en
milieu primaire REP/REB.
59
Revue des connaissances
Très peu d’études ont mis en avant la localisation de la déformation plastique des aciers
austénitiques en milieu REP. Cependant, Bruemmer (Was and Busby 2005) a observé
une fissure de CSC d’une vis en 316L prélevée du REP de Tihange, il a montré la
présence de bandes de glissement interceptant les murs de la fissure, à l’interface
métal/oxyde, à 45°C par rapport à la direction de croissance de la fissure ( Figure I-39). Il
indique, comme schématisé sur la Figure I- 40, que des marches se forment à chaque
intersection bande de déformation / mur de la fissure.
Figure I-39 : Micrographie MET de l’intersection de bandes de déformation et les murs de la fissure (Was
and Busby 2005).
Figure I- 40 : Représentation schématique par (Was and Busby 2005) de la progression d’une fissure
intergranulaire montrant la présence de micromacles à l’intersection entre les bandes de déformation et les
murs de la fissure.
Afin de mettre en avant l’hétérogénéité des modes de déformation dans les aciers
austénitiques inoxydable et leur impact sur la fissuration par CSC, Jiao et al. (Jiao and
Was 2008) ont comparé différents aciers à EDE (énergie de faute d’empilements)
différentes irradiés aux protons (3,2MeV) à 5dpa à une température de 360° et étudié
leur fissuration en milieu REB.
L’énergie de faute d’empilement impacte effectivement le mode de déformation de l’acier
sachant qu’une faible EDE conduit à une importante dissociation des dislocations
partielles qui ont alors des difficultés à se recombiner pour effectuer un glissement dévié.
Cela conduit à une déformation planaire hétérogène, ce qui est le cas des aciers
austénitiques. Tandis qu’une forte EDE facilite le glissement dévié des dislocations,
résultant en une déformation cellulaire plus homogène
60
Revue des connaissances
Il en est ressorti que les nombre de fissures aux joints de grain est supérieur pour les
aciers à faibles énergie de faute d’empilement. Cependant, il faut garder à l'esprit que le
dopage de l'acier ayant permis la modification des énergies de faute d'empilement
impacte également les effets de ségrégation (RIS) qui constituent, comme nous l'avons
indiqué ci-dessus un élément majeur affectant l'IASCC.
Les fissures sont observées préférentiellement à l’intersection entre les bandes de
déformation et le joint de grain (Figure I-41). Selon Jiao (Jiao and Was 2008), au tout
début de l’étape d’initiation, la localisation de la déformation plastique matérialisée par
l’interaction entre les lignes de glissement et le joint de grain joue un rôle crucial dans la
fissuration.
Figure I-41 : Amorce de fissure dans un acier 15Cr12Ni déformée 1% dans un milieu simulé REB. Le joint
de grain est souligné en pointillés, les lignes de glissement indiquées par les flèches.
Les résultats de cette étude ont montré que la sensibilité à l’IASCC des alliages testés
augmente avec la dose d’irradiation et décroit avec l’énergie de faute d’empilement (soit
le mode de déformation).
Ces études suggèrent que les empilements de dislocation accumulées au niveau des
marches à l’intersection entre les joints de grain et les bandes de déformation est
responsable de la croissance discontinue de la fissure, le long du joint de grain.
La localisation de la déformation plastique serait donc un facteur impactant l’IASCC.
I.6.
Conclusions
Cette synthèse bibliographique a mis en évidence que la Corrosion Sous Contrainte, et
par extension l’IASCC, sont des phénomènes complexes faisant intervenir de nombreux
paramètres structuraux, macrostructuraux et des paramètres de l’environnement. Les
conditions sensibilisantes à la CSC et à l’IASCC pour les aciers austénitiques en milieu
REB et REP ont été définies.
Cependant, il est de plus en plus admis que les mécanismes mis en jeu en pointe de
fissure mettent en jeu les interactions réciproques plasticité – oxydation / corrosion.
Ainsi, la dissolution anodique interagit avec la plasticité en surface d’un matériau, de
même que cette plasticité intervient sur les réactions électrochimiques locales.
61
Revue des connaissances
En milieu primaire REB, les aciers austénitiques sont très sensibles à la CSC du fait de
la teneur en oxygène dissous qui augmente fortement le potentiel de corrosion.
Cependant, une teneur critique n’a pas été définie. La température du milieu est
pénalisante pour les fortes teneurs en O2.
Dans le milieu REP, l’amorçage de la fissuration n’est rendu possible que lorsque la
dureté initiale du matériau est de l’ordre de 400 – 500 Hv, soit un rôle important du pré
écrouissage. Ces aciers en milieu REP seront donc d’autant plus sensibles que l’acier
sera pré écroui.
L’acier à durcissement structural A-286 est sensible à la CSC en milieu REB et REP en
présence d’un important écrouissage ou d’une importante sollicitation de l’ordre de sa
limite d’élasticité ou plus. La sensibilisation de l’acier joue également un rôle important,
dans la mesure où l’écrouissage en est fortement dépendant.
Les modes de déformation des aciers austénitiques sont généralement hétérogènes, dans
la mesure où leur énergie de faute d’empilement n’est pas très importante. Elle se
traduit par la canalisation des dislocations ou le maclage mécanique, mécanismes de
déformation qui apparaissent pour une forte vitesse de déformation et à basse
température. L’impact de ce paramètre n’est pas clairement défini, même si l’on est
amené à penser qu’il est sensibilisant pour l’IASCC.
Lorsque les aciers austénitiques inoxydables sont irradiés, un paramètre entrant en
compte dans les mécanismes de fissuration par CSC est la localisation de la déformation
plastique.
Les bandes de déformation, sous forme de canaux de dislocation sont crées et à
l’intersection avec les joints de grains, les concentrations de contrainte locales
importantes aboutissent à la formation de micro cavité, pouvant par la suite se propager.
Cela constitue le point de départ des travaux de thèse, qui a pour objectif de discriminer
l’influence de la localisation de la déformation plastique sur la sensibilité à l’IASCC de
différents types d’aciers austénitiques.
62
Techniques et méthodes expérimentales
CHAPITRE II : TECHNIQUES ET
METHODES EXPERIMENTALES.
63
Techniques et méthodes expérimentales
64
Techniques et méthodes expérimentales
SOMMAIRE
II.1. Introduction .......................................................................................................... 66
II.2. Méthodes de prélèvement .................................................................................. 66
A)
A-286 .....................................................................................................................66
B)
304L.......................................................................................................................67
II.3. Analyse chimiques ICP – GDMS ....................................................................... 67
II.3.1. ICP AES Perkin.................................................................................................67
II.3.2. GDMS (Glow Discharge Mass Spectroscopy) ou spectrométrie de masse à
décharge luminescente ....................................................................................................68
II.4. Méthodes de caractérisation de la microstructure initiale. ...................... 69
A)
A l’échelle du grain ...............................................................................................69
II.4.1. Microscopie optique : .........................................................................................69
II.4.2. Mesures des tailles de grain..............................................................................69
A)
A l’échelle mésoscopique .......................................................................................70
II.4.3. Microscopie Electronique à Balayage : .............................................................70
B)
A l’échelle microscopique ......................................................................................71
II.4.4. Microscopie Electronique à transmission : .......................................................71
II.4.5. Diffusion des neutrons aux Petits Angles: ........................................................73
II.4.6. Conclusion sur les techniques d’analyse de la microstructure initiale ...........79
II.5. Protocole expérimentale d’étude de la réactivité de surface. .................... 79
II.5.1. Techniques de caractérisation microstructurale ..............................................80
II.5.2. Analyse chimique : SIMS (Secondary Ions Mass Spectrometry) .....................80
II.5.3. Conclusion sur les techniques de réactivité de surface (oxydation statique). ..85
II.6. Localisation de la déformation plastique par fatigue oligocyclique : ...... 85
II.6.1. Dimensionnement des essais ............................................................................85
II.6.2. Pré déformation par cyclage..............................................................................87
II.7. Protocole expérimentale de caractérisation de la CSC. .............................. 88
II.7.1.
Plan de prélèvement des éprouvettes de CSC...............................................88
II.7.2. Conditions expérimentales ................................................................................89
II.8. Conclusions : ......................................................................................................... 90
65
Techniques et méthodes expérimentales
II.1.
Introduction
Dans ce chapitre, les dispositifs expérimentaux utilisés dans notre étude sont
présentés sur la Figure II- 42 . Pour chaque étape de l’étude, les différentes techniques
utilisées sont décrites et leur complémentarité discutée. Dans un premier temps, nous
décrivons les méthodes de prélèvement appliquées à chaque nuance ainsi que les
techniques utilisées pour déterminer la composition chimique des nuances étudiées. Les
techniques de caractérisation microstructurales mises en place pour l’étude des
matériaux bruts puis celles permettant d’étudier la réactivité de surface des aciers
exposés en milieu REP sont présentées. Les dispositifs permettant de procéder à la
localisation de la déformation plastique sont ensuite abordés avant de décrire le
dispositif expérimental mis en place pour l’étude de la corrosion sous contrainte des
aciers en milieu REP.
Caractérisation du matériau
brut
-
Analyse chimique
-
Microstructure
-
Réactivité de surface
Localisation de la déformation
plastique et caractérisation de la
microstructure de déformation
Essais de CSC sur les deux
microstructures de
déformation
-
ICP, GDMS
-
MO, MEB, MET, DNPA…
-
Protocole défini
-
SIMS
-
Protocole expérimental
-
Fatigue oligocyclique
-
Protocole expérimental
-
essais SSRT
Figure II- 42 : Démarche de l’étude associée à l’ensemble des techniques expérimentales mises en place.
II.2.
Méthodes de prélèvement
Les méthodes de prélèvement sont explicitées pour l’acier à durcissement structural
A286 et l’acier austénitique 304L.
A) A-286
Le prélèvement des échantillons sur l’acier A286 a été réalisé dans trois barres de
diamètre Φ de 30mm et de longueur 300mm. Ces barres proviennent de la coulée QH912
approvisionnée par Ugine-Imphy. Ces prélèvements correspondent à des disques de
diamètre 30mm et d’épaisseur 10 mm. Pour le traitement de vieillissement, les
66
Techniques et méthodes expérimentales
échantillons prélevés sont encapsulés dans des ampoules de quartz afin que le
traitement thermique soit réalisé sous un vide secondaire à 4,10 -5 mbar. Les échantillons
destinés à la caractérisation au microscope optique et au MEB sont enrobés dans de la
résine conductrice POLYFAST et polis jusqu’à obtenir un aspect miroir (pâte diamantée
jusqu’à 1 μm) puis subissent une attaque électrochimique avec de l’acide oxalique
(C2H2O4) dilué à 10% afin de révéler les grains.
B) 304L
La nuance 304L de la coulée GV20 (304L_GV20) a été approvisionnée par le SCCME
(Service de Corrosion et du Comportement des Matériaux dans leur Environnement)
sous la forme d’une tôle parallélépipédique 500 X 330 X 30 mm3 laminée puis
hypertrempée (1050°C pendant 30’). Le sens le plus long de la tôle correspond à la
direction L (sens du laminage), le sens travers long à la direction T et le sens travers
court à la direction S. Les plaques fournies ont été découpées par oxycoupage, la zone
proche du bord (rebords réduits de 10mm) est donc exclue de la zone de prélèvement.
(Figure II-43).
Zone affectée par l’oxycoupage
Zone de prélèvement
310
480
Figure II-43 : Zone de prélèvement dans la tôle de la nuance 304L_GV20.
I.1.
Analyse chimiques ICP – GDMS
II.3.1.
ICP AES Perkin
L’analyse de la composition chimique des deux matériaux de l’étude a été réalisée par
deux techniques de spectroscopie : la spectroscopie à couplage inductif (ICP – AES
67
Techniques et méthodes expérimentales
Perkin –Elmer Optima 2000) pour la détermination des éléments majeurs, et la
spectroscopie à décharge luminescente (GDMS) pour les éléments mineurs. Ces analyses
ont été réalisées au DPC (Département de Physico – Chimie) du CEA de Saclay.
La technique ICP implique un gaz (souvent l’argon) introduit dans une torche en quartz
autour de laquelle est appliquée un champ de radiofréquence (27 à 64 MHz) et de
puissance comprise entre 1 et 2,5 kW. Un plasma est ainsi créé, un gaz partiellement
ionisé mais électriquement neutre à l’échelle macroscopique à une température
supérieure à 5000K.
Les échantillons sont introduits au centre du plasma sous forme d’aérosols. A la
température du plasma, ils subissent différentes étapes de décomposition, d'atomisation
et d'ionisation conduisant à une excitation des atomes et des ions. Le spectre émis par
ces atomes, de longueur d’onde caractéristique, est focalisé sur la fente d’entrée d’un
monochromateur ou polychromateur pour suivre l’émission des éléments de façon
séquentielle ou simultanée. La lumière est transmise par l'intermédiaire du système
optique (réseau + prisme) vers un détecteur CID (caméra vidéo), qui permet le dosage.
Les limites de détection des éléments traces varient selon l'élément : elles sont de l'ordre
du ppb ou de la dizaine de ppb.
Cette technique permet de quantifier la plupart des éléments majeurs constitutifs de
l’alliage (Fe, Cr, Ni, Ti, Mn, Mo, V, Cu, Si). Cependant, les éléments mineurs tels le C, S,
Pb, … n’ont pu être détectés par cette méthode du fait de leur faible concentration dans
l’alliage. Afin de procéder à une analyse plus complète de la composition, la GDMS a
donc été d’un grand intérêt.
II.3.2.
GDMS (Glow Discharge Mass Spectroscopy) ou
spectrométrie de masse à décharge luminescente
La technique est basée sur la génération d’un plasma par la création d'une décharge
entre l'anode et l'échantillon, qui joue le rôle de cathode après que l'argon soit introduit
dans la chambre d'analyse sous basse pression. Des atomes sont arrachés à la surface de
l'échantillon puis projetés dans le plasma où ils sont excités et ionisés. Le retour à l’état
stable s’accompagne d’une émission de rayonnement dont les longueurs d’ondes sont
caractéristiques des atomes d’origine.
Le rayonnement total émis est focalisé sur la fente d'entrée d'un système dispersif en
longueur d'onde (polychromateur pour ions de forte concentration et photomultiplicateur
pour ceux présents à l’état de trace dans l’échantillon). Cette technique est adaptée à
l’obtention de profils de répartition en profondeur car l’échantillon est érodé au fur et à
mesure de l’analyse et l’évolution de l'intensité des raies caractéristiques des éléments
suivis en fonction du temps d'abrasion peut être retracé.
La GDMS permet l’analyse de faibles traces dans différents matériaux solides
conducteurs, les limites de détection sont de l’ordre de quelques nanogrammes par
grammes pour la totalité des éléments de la classification périodique, hormis H, C, O, N.
Les deux techniques sont complémentaires, avec la possibilité pour la GDMS de tracer
les profils de concentration dans la profondeur de l’échantillon et de détecter les
éléments en très faible concentration dans l’échantillon.
68
Techniques et méthodes expérimentales
II.4. Méthodes de caractérisation de la
microstructure initiale.
Une caractérisation multi-échelle a été mise en place : les échantillons ont été d’abord
observés au microscope optique, la taille de grain a été déterminée par une méthode de
comptage. Les échantillons ont ensuite été étudiés au MEB et surtout au MET afin de
déterminer la microstructure des deux nuances étudiées (précipitation, localisation). De
plus, une méthode supplémentaire a été utilisée en complément du MET pour l’étude de
la précipitation fine dans le cas de l’acier à durcissement structural: la Diffusion de
Neutrons aux Petits Angles (DNPA). Il s’agit d’une méthode d’analyse permettant l’étude
de la forme et de l’organisation de particules dispersées dans un milieu homogène.
A) A l’échelle du grain
II.4.1.
Microscopie optique :
Les observations métallographiques ont été réalisées à l’aide d’un microscope optique de
type Olympus IX/70 à platine inversée doté d’une ampoule halogène de 100W et d’une
caméra analogique Tri CCD Sony. Le logiciel de traitement d’image associé est le logiciel
Olympus Analysis. Cette installation est localisée au Service de Recherche de
Métallurgie Appliquée (SRMA) au CEA Saclay.
 Préparation des échantillons
Après avoir été enrobés à la résine POLYFAST , les échantillons ont été polis
mécaniquement à la polisseuse automatique au papier abrasif de grade 320 pendant 6
minutes puis à la pâte diamantée 9 μm (4 minutes), 3 μm (3 minutes) et 1µm (1 minute).
Afin de révéler la microstructure, les échantillons ont subi une attaque électrochimique,
ils sont plongés dans un bain d’acide oxalique C2H2O4 dilué à 10% pendant 5 minutes.
Le potentiostat est calibré à 5V et 100 mA. Le processus conduit à l’attaque des joints de
grain, ce qui permet une bonne observation au microscope optique des grains.
II.4.2.
Mesures des tailles de grain
La norme NF EN ISO 643 :200304 propose une méthode de comptage permettant de
déterminer la taille de grains. La méthode consiste à choisir un grossissement de l’image
(g) de telle sorte qu’au moins une cinquantaine de grains puisse être dénombrée dans
l’aire délimitée par un cercle de Φ 79,8 mm (Figure II-44).
69
Techniques et méthodes expérimentales
D = 79,8mm
Figure II-44 : Schéma illustrant la mesure de la taille des grains par la méthode définie par la norme NF
EN ISO 643 :200304.
Le nombre de grains entièrement à l’intérieur du cercle (n1) et le nombre de grains sur la
circonférence du cercle (n2) sont comptés. Le nombre total de grains (ng) est alors déduit.
Le nombre de grains par mm² (m) est ensuite calculé à l’aide de l’équation suivante :
2
n 
n g  n1   2 
 2
 g 
m  2*
 * ng
 100 
g est le grandissement de l’image
Le diamètre moyen des grains (dm) est obtenu en utilisant la relation suivante :
dm 
1000
m
B) A l’échelle mésoscopique
II.4.3.
Microscopie Electronique à Balayage :
La microscopie électronique à balayage couplée au détecteur EBSD (electron back scatter
diffraction) a permis d’étudier les orientations cristallographiques des grains, les
distributions de désorientation entre les grains ainsi que les distributions de joints de
grains spéciaux en particulier.
Ces examens ont été réalisés à l’aide du MEB JEOL JSM 6400 constitué d’un filament
en hexaborure de lanthane (LaB6) au Laboratoire d’Analyses Microstructurales
Métallurgiques (LA2M) du Service de Recherche de Métallurgie Appliquée du CEA
Saclay.
70
Techniques et méthodes expérimentales
 Préparation des échantillons
Un soin particulier est accordé à l’état de surface, dans la mesure où l’indexation correcte
et complète des cartographies EBSD requiert la surface la plus plane possible et sans
écrouissage de surface.
Les échantillons sont polis mécaniquement par papiers abrasifs successifs de 120 à 2400,
puis électrolytiquement dans un bain composé de 70% d’éthanol, 20% de glycerol et 10%
d’acide perchlorique afin de palier l’écrouissage de surface qui est la conséquence du
polissage mécanique. Les valeurs de réglage du potentiostat sont 27 volts et 9 ampères
pour une durée de 28s.
C) A l’échelle microscopique
II.4.4.
Microscopie Electronique à transmission :
La caractérisation microstructurale a été réalisée au CIRIMAT (Centre Inter
universitaire de Recherche et d’Ingénierie des Matériaux) par le groupe MEMO
(Mécanique Microstructure Oxydation Corrosion) sur un MET JEOL JEM 2010 localisé
dans le service commun de Microscopie TEMSCAN de l'université Paul Sabatier à
Toulouse, équipé d'un détecteur EDX. Ses caractéristiques sont résumées dans le Tableau
II-2 .
Tableau II-2 : Caractéristiques du Microscope Electronique à transmission JEOL JEM 2010
 Préparation des échantillons
La préparation des échantillons est un élément essentiel de l’analyse au MET. Pour être
transparent aux électrons, les échantillons doivent présenter une faible épaisseur (~
quelques 100 Ǻ). Cette épaisseur dépend de l'énergie du faisceau incident et de la densité
atomique Z.
La première étape consiste à découper des parallélépipèdes de 1cm 2 et d’épaisseur 2mm
dans les diverses plaques ainsi que dans les barres (A286) conformément aux plans de
prélèvement décrits précédemment. Puis nous procédons à un polissage mécanique.
 Polissage mécanique
Ce polissage permet de réduire l’épaisseur de l’échantillon de 2mm à 80μm. L’échantillon
est collé sur un porte-objet en aluminium à l’aide d’une colle époxy thermodurcissante
(Gatan).
Il est ensuite poli mécaniquement à l’aide de disques abrasifs en carbure de silicium de
grade : 80, 320, 600, 1000, 1200. Des disques de diamètre 3mm sont ensuite découpés à
l’aide d’un emporte-pièce mécanique et ensuite polis électrolytiquement.
71
Techniques et méthodes expérimentales
 Amincissement électrolytique
L’amincissement électrolytique crée un trou au centre du disque dont les bords sont
suffisamment transparents pour être observés au MET. Cette technique est applicable
aux matériaux massifs conducteurs.
L’appareil utilisé pour l’amincissement est un TENUPOL 5 (Figure II-45) commercialisé
par la Société Struers. Il est constitué d’une unité de polissage avec une pompe, un
thermomètre électronique et des porte - échantillons amovibles. Le principe de
fonctionnement est le suivant : un double jet d’électrolyte permet de polir le centre du
disque de part et d’autre jusqu’à l’obtention d’un trou de petite taille qui est détecté
automatiquement par le système.
Pour le polissage des matériaux étudiés, nous avons utilisé une tension de 22V, un
électrolyte fonctionnant à une température variant entre -15 et 1°C et un débit
d’électrolyte contrôlé.
La composition de l’électrolyte est la suivante :
 900 cc de méthanol
 200 cc d’éther monobutylique d’éthylène glycol
 100 cc d’acide perchlorique
L’échantillon est, après le polissage électrolytique, rincé soigneusement à l’éthanol afin
de réduire l’oxydation des lames.
Figure II-45 : Appareillage d’amincissement : le TENUPOL 5
Cet amincissement est basé sur la dissolution anodique de la surface de l’échantillon
placé dans un électrolyte approprié dans des conditions courant – tension idéales (Figure
II-46b)). Le polissage s’effectue sur le palier II.
72
Techniques et méthodes expérimentales
Figure II-46 : a) Principe de fonctionnement de la cellule électrolytique du Ténupol 5 Struers à double jet b)
Courbe intensité – potentiel pour électrolyte idéal
II.4.5.
Diffusion des neutrons aux Petits Angles:
Cette technique permet de caractériser les inhomogénéités présentes dans la matrice, de
tailles comprises entre quelques distances interatomiques et près de 1µm. Elle est donc
appropriée pour l’étude de la dimension des précipités, d’agglomérats d’atomes de soluté
ou de défauts ponctuels dans la matrice de matériaux organiques ou inorganiques. Deux
conditions sont requises pour que l’expérience soit possible :
a- Le vecteur de diffusion q (q ~ sin/) doit être du même ordre de grandeur que
celui de l'inverse des distances à mesurer (généralement la taille des précipités
nanométriques). La longueur d'onde des neutrons étant comprises entre 0,1 et 2
nm, cette technique ne peut être utilisée que pour des angles de diffusion
inférieurs à 5° environ, d’où le nom de diffusion aux petits angles.
b- La technique étant basée sur l’analyse de l’intensité diffusée par les particules
analysées, cette intensité ne doit pas être négligeable. En effet, le contraste de la
particule dans son milieu doit être suffisant.
Dans le cas de notre étude, la méthode DNPA permet d’avoir accès, tout en
s’affranchissant des hétérogénéités du matériau, à la proportion volumique et au rayon
moyen, des précipités nanométrique de type (Ni3Ti) qui se forment en épitaxie, dans la
matrice austénitique de l’acier à durcissement structural A286 vieilli. La caractérisation
des ces précipités par DNPA a été réalisée au LLB (Laboratoire Léon Brillouin) du CEA
Saclay.
Principe de la méthode
Un échantillon, placé au sein d’un champ magnétique saturant afin de séparer les
interactions nucléaires et magnétiques, est introduit sur le trajet d’un faisceau de
neutrons monochromatiques collimatés. Comme indiqué sur la Figure II-47, le faisceau
incident traverse le monochromateur qui permet de choisir la longueur d’onde (3 Å < l <
25 Å). Il est ensuite focalisé par deux diaphragmes espacés de 2,5 m, et de diamètres F1
et F2. A la sortie du collimateur (résolution est définie), le faisceau est diffusé par
l’échantillon, puis traverse un tube à vide, avant d’arriver aux détecteurs qui
enregistrent son intensité. Ces détecteurs sont reliés à un ordinateur qui comptabilise le
73
Techniques et méthodes expérimentales
nombre de neutrons détectés pour chaque angle de diffusion correspondant à chaque
anneau.
Figure II-47 : Représentation schématique de la technique de diffusion des neutrons aux petits Angles
Les neutrons diffusés par l’échantillon sont détectés par des multidétecteurs qui sont des
compteurs à fil en 2D remplis de gaz BF3 et constituées de cellules de 1x1cm² (voir
Figure II-47). La durée des acquisitions des spectres est d’environ 1h30 par échantillon.
Dans le cadre des expériences de caractérisation réalisées pour notre étude, deux
configurations de mesure ont été choisies : pour les deux longueurs d’onde utilisées (6 Å
et 7,74 Å), les distances entre l’échantillon et le détecteur sont respectivement de 2,07 m
et 5,07 m. Elles permettent de couvrir une large gamme de valeurs de vecteur d’onde q
(fonction de l’angle de diffusion et de la longueur d’onde) allant de 0,1 à 1,6 nm -1.
Dépouillement et traitement des données
Vecteur de diffusion
Lors d’une expérience de diffusion neutronique, la distribution du faisceau de neutrons
diffusés dans le domaine des petits angles (inférieurs à 5°) est caractérisée par sa
direction et son intensité. L’intensité est un abus de langage de la conversion du nombre
de neutrons par cellule sur le détecteur en une section efficace de diffusion par unité de
volume (en barns ou cm2/cm3). La direction du faisceau est quant à elle symbolisée par le
vecteur de diffusion qui est lié à l’angle de diffusion par la relation :
q ~ sin/
Avec λ = la longueur d’onde et 2θ = l’angle de diffusion.
La Figure II-48 schématise la problématique posée qui est de tracer expérimentalement
l’évolution du vecteur de diffusion en fonction de l’intensité des neutrons diffusés.
74
Techniques et méthodes expérimentales
Echantillon
Figure II-48 : Illustration de la problématique expérimentale de la technique DNPA
La démarche de dépouillement consiste, dans un premier temps, à déterminer le spectre
de neutrons diffusés correspondant à chaque échantillon, puis à déterminer l’évolution
de l’intensité diffusée en fonction du vecteur de diffusion. La démarche ci-dessous est
adoptée :
Rappelons dans un premier temps que les données brutes obtenues correspondent au
nombre d’impulsion reçu par chaque cellule du détecteur rapporté au nombre de
neutrons incidents. Nous rappelons également que chaque cellule est repérée par ses
coordonnées (x, y) et est donc associée à un angle ou un vecteur de diffusion q. Une fois
les données brutes obtenues, la démarche est la suivante :
- Regrouper les cellules en fonction de l’angle ou du vecteur de diffusion q et
effectuer la normalisation (Figure II-49).
Figure II-49 : Spectre brut obtenu en DNPA après regroupement et normalisation.
Le spectre obtenu est brut et prend en compte la contribution du porte échantillon, les
contributions cohérentes et incohérentes pondérées par un coefficient C(λ). Ce coefficient
dépend de l’appareillage et des conditions expérimentales choisies.
- Extraire la contribution du porte échantillon en soustrayant l’intensité diffusée
par le porte échantillon vide.
I ech  I mes  I pe
-
Pour ne conserver que la contribution de l’intensité diffusée des précipités, il
convient de s’affranchir de toutes les autres contributions, quelles qu’elles soient.
Partant de ce principe, nous testons un échantillon de référence non vieilli et
vierge de toute précipitation fine. Les résultats en terme d’intensité diffusée de
cet échantillon de référence seront comparés avec ceux des échantillons vieillis (et
contenant des précipités γ’) de telle sorte que la contribution de l’intensité
diffusée par les précipités pourra ainsi être extraite. L’intensité de la référence a
75
Techniques et méthodes expérimentales
donc été soustraite de Iech, permettant ainsi de ne conserver que la contribution
des précipités.
-
Déterminer expérimentalement les facteurs de transmission de l’échantillon Tr en
effectuant une mesure perpendiculairement au faisceau de neutron avec et sans
échantillon. Il s’écrit comme suit :
Trech  e ae 
I ech (0)
I vide (0)
-
Convertir les mesures de la section efficace en barns (cm²/cm3) sachant que les
mesures brutes d’intensité diffusée sont en nombre de coups/seconde, dans le but
de s’affranchir de la contribution de l’appareillage. Pour se faire, une mesure est
réalisée sur un matériau dont la section efficace est connue, en particulier le
plexiglas et la calibration avec la section efficace de l’échantillon étudié est
ensuite réalisée.
-
Une fois cette calibration de la section efficace, l’intensité corrigée peut alors être
calculée
I corr
I ref
I ech

Tr e
Trref eref
 ech ech
I plexi
I
 vide
Trplexie plexi Trvide
L’évolution de l’intensité corrigée est ensuite déterminée en fonction du vecteur
d’ondes (q).
-
Pour affiner la courbe, il convient si la nécessité se présente de retrancher le
bruit de fond et d’ajuster l’intensité corrigée. En effet, dans le domaine des grands
angles, soit le domaine du spectre de diffusion pour lequel qR >>1, R étant la
taille caractéristique des hétérogénéités à caractériser, si l’intensité corrigée tend
vers une valeur minimale à grand angle, cette valeur correspond au bruit de fond.
Dans ce domaine de valeurs de q, l’évolution de l’intensité suit une approximation
de Porod, c'est-à-dire un comportement asymptotique en q-4. Pour évaluer le bruit
de fond, il faut donc tracer Iq4 vs q4, nous obtenons une variation linéaire à grand
angle dont la pente est le bruit de fond. Les intensités brutes peuvent être
corrigées du bruit de fond et de la dépendance en q -4 initiale selon la relation
suivante:
I corrfin  I corr 
A
 Bdf
q4
Où A représente une constante et Bdf le bruit de fond.
L’évolution de l’intensité en fonction du vecteur d’onde obtenue après la correction du
bruit de fond sera comparée à différents modèles afin de déterminer les caractéristiques
76
Techniques et méthodes expérimentales
du système étudié (Figure II-50) et les caractéristiques géométriques et volumiques des
particules étudiées (rayon, fraction volumique, distance interparticulaires…) (voir
chapitre III matériaux pour les aspects théoriques).
Figure II-50 : Evolution de la courbe de diffusion en fonction de la concentration en particules et des
interférences interparticulaires.
Cas pratique d’un système semi – dilué : précipités γ’ en épitaxie dans une
matrice austénitique γ
La diffusion des neutrons par la matière est caractérisée par deux types d’interactions :
- l’interaction nucléaire résultant de la réaction entre le neutron et le noyau de
l’atome de matière est caractérisée par le paramètre b : la longueur d’onde de
l’atome. Ce paramètre représente la portée des interactions entre les neutrons
incidents et les noyaux de l’atome et correspond à l’amplitude de l’onde
neutronique diffusée par les noyaux de l’atome. b varie d’un élément à l’autre
mais le caractère quasi-ponctuel de l’interaction le rend indépendant du vecteur
de diffusion q.
- l’interaction magnétique résultant de l’interaction entre le moment cinétique de
rotation sur lui-même (spin nucléaire s) et celui de l’atome dépendant du spin des
électrons des couches non totalement remplies. Cette interaction est de nature
électronique et induit un facteur de forme magnétique dépendant du vecteur
d’onde q, contrairement à une interaction nucléaire.
Lorsque le matériau étudié possède des propriétés ferromagnétiques « marquées »
(exemple des aciers martensitiques), la contribution de l’interaction magnétique sur la
portée des interactions entre le faisceau incident et l’atome est non négligeable
puisqu’elle s’ajoute à celle de l’interaction nucléaire.
Dans ce cas précis, l’acier à durcissement structural dont les précipités ’ sont
caractérisés par cette technique est constitué d’une matrice non ferromagnétique et donc,
la contribution de l’interaction magnétique reste négligeable devant les interactions
nucléaires. Les calculs d’intensité proposés ci-dessous ne prennent en compte que la
longueur d’onde b résultant des interactions nucléaires.
Aspects théoriques
La théorie de Porod permet d’extraire la fraction volumique des précipités de la relation
suivante :
77
Techniques et méthodes expérimentales

Q   s(q)q 2 dq  2 2  2 f p (1  f p )
0
Q : Intensité diffusée
fp : fraction volumique de précipités
S(q) : intensité diffusée, par unité de volume
Δρ2 : contraste entre matrice et précipités calculé comme suit :
b
b 
 2   m  p 
v

 atm vatp 
bm ou bp = longueur de diffusion moyenne dans la matrice ou dans les précipités.
vatm ou vatp = volume atomique moyen dans la matrice ou dans les précipités matrice = γ
et précipités = γ’ Ni3Ti
Pour calculer la surface totale des précipités, soit le nombre de précipités par la surface
d’un précipité, la formule suivante est utilisée :
Ap  lim ( q) s(q)q 4  2  2 ST / V
Le rayon R des précipités est calculé comme suit :
R
3 fp
ST
Avantages de la méthode
Les avantages de la méthode sont nombreux et bien souvent liés aux caractéristiques des
particules incidentes, les neutrons. Par comparaison avec des techniques comme la
diffusion de lumière et de RX, la DNPA permet d’explorer les petits domaines de
vecteurs de diffusion (d’où le nom de diffusion aux petits angles). La technique permet
d’étudier les précipités nanométriques. La technique offre également un meilleur
contraste matrice / précipités que les RXs ou que la diffusion de lumière. Par ailleurs,
l’analyse est non destructive et fournit des données quantitatives moyennées sur de
larges volumes de matière (jusqu’à quelques mm3).
Inconvénients et limitations de la technique
L’inconvénient principal de la méthode réside dans la difficulté d’interprétation des
résultats dans la mesure où le signal diffusé peut être la résultante de la diffusion de
plusieurs populations d’objets différents présents dans l’échantillon, soit l’espace réel.
Les modèles utilisés pour l’interprétation des résultats imposent des hypothèses sur la
forme des objets diffusants, leur distribution de taille et leur nature chimique.
Cependant, les alliages industriels réels ne sont pas idéaux et comportent plusieurs
types d’inhomogénéités du point de vue de la taille, de la géométrie, ainsi que des
défauts microstructuraux. Cela rend donc aléatoire et complexe l’interprétation du signal
diffusé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la méthode est utilisée en complément de
78
Techniques et méthodes expérimentales
techniques d’observation directes telle que la microscopie électronique en transmission
afin de trancher quant aux caractéristiques géométriques des précipités à quantifier.
II.4.6.
Conclusion sur les techniques d’analyse de la
microstructure initiale
La caractérisation multiéchelle du matériau vierge est intéressante dans la mesure où
elle permet d’avoir un aperçu global de la microstructure, avant d’approfondir par des
techniques plus complexes de caractérisation telle que le MET et la diffusion de neutrons
aux petits angles (DNPA).Dans le cas particulier de l’acier à durcissement structural
A286, l’observation des particules au MET a permis de poser les hypothèses sur la
géométrie des particules pour la quantification par DNPA. Les méthodes sont donc
complémentaires.
II.5. Protocole expérimentale d’étude de la
réactivité de surface.
La réactivité de surface des aciers 304 et A286 a été caractérisée en exposant des
plaquettes avec deux états de surface différents de la nuance étudiée en milieu vapeur à
haute température et en milieu primaire REP. Les oxydes formés sont caractérisés en
MO, MEB, MET ainsi que par la Spectroscopie de Masse aux Ions Secondaires (SIMS).
Les échantillons étudiés dans la nuance A-286 sont prélevés dans le fût d’éprouvettes
cyclées par fatigue oligocyclique, elles même prélevées dans des barre de diamètre Φ
30mm. Concernant la nuance 304L, le prélèvement de plaquettes parallélépipédiques
(20mm X 20mm X 2mm) est effectué dans la face TL d’une tôle d’épaisseur 30mm ( Figure
II-51). L’ébauche de la totalité des échantillons a été réalisée par une technique d’usinage
par électro érosion. Deux préparations de surface ont ensuite été adoptées:
- la série d’échantillons H1 qui a subi en finition un usinage par rectification à la
meule dont les caractéristiques sont la rugosité Ra
- la série d’échantillons H2 qui a été polie mécaniquement. La procédure de polissage
est la suivante:
 Ebauche: papiers SiC de grade 500, 800, 1200, 2400, 4000 pendant 180 s,
 Pré finition: drap + pâte diamant 3µm, 1µm pendant 180 s,
 Finition: drap + Polissage à l’Oxyde de Silicium (OPS) pendant 60 s.
S
T
L
Figure II-51 : Plan de prélèvement des plaquettes au cœur de la tôle mère en 304L.
Les échantillons sont troués, et ils sont accrochés par l’intermédiaire d’un fil de Zircaloy
4 oxydé à un porte échantillon, qui est disposé dans un autoclave statique de 23 litres. Le
79
Techniques et méthodes expérimentales
fil permet l’isolation électrique de la plaquette dans le milieu. Cet autoclave, localisé au
SCCME / LECA à Saclay est doté de capteurs de pression et de température permettant
d’évaluer respectivement la pression totale et la température dans l’autoclave, et d’une
sonde Ag/Pd permettant d’évaluer la pression partielle d’H 2 dans l’autoclave.
Dans la première phase de cette étude, l’oxydation est menée en milieu vapeur à 400°C,
200 bars.
Par la suite, l’exposition au milieu REP simulé est réalisée à 340°C. La solution est
constituée d’une eau pure de qualité millipore, dans laquelle sont dissous 1000 mg/L de
bore sous forme d'acide borique (H3BO3) et 2 mg/L de lithium sous forme de lithine
(LiOH). La quantité d’hydrogène dissout est équivalente à 30cc/kg. Les teneurs en
pollution (chlorures, fluorures et sulfates) sont contrôlées dans la dernière eau de
nettoyage de l'autoclave et dans un prélèvement du milieu après l'arrêt de l’essai. La
quantité d’oxygène est de l’ordre de quelques ppb. La durée d’exposition est de 500h dans
les deux milieux.
Dès que la durée d’oxydation prévue est écoulée et l’autoclave refroidi, les échantillons
sont rincés à l’éthanol.
Les produits de corrosion formés à la surface de chaque échantillon sont caractérisés par
une approche multi échelle au niveau de la microstructure. Cependant, les analyses
chimiques menées ont apporté une information qualitative sur les espèces chimiques
(oxydées ou non) présentes sous la couche d’oxyde à l’interface avec le substrat.
II.5.1.
Techniques de caractérisation microstructurale
La surface des échantillons est dans un premier temps observée au microscope optique
afin d’avoir une vue d’ensemble de la face oxydée et de dégager d’éventuelles zones
d’oxydation préférentielle. La microscopie électronique à balayage est utilisée en
complément, dans le but d’observer avec une plus grande résolution des détails
visualisés au MO. La couche d’oxyde en surface a été ainsi caractérisée. Ces observations
préliminaires sont souvent utiles dans le sens où elles permettent de sélectionner la zone
d’observation adéquate dans laquelle seront prélevées les lames MET pour une
caractérisation plus fine.
Le microscope électronique en transmission complète la démarche de
caractérisation microstructurale. Cette technique apporte des informations
cristallographiques et structurales, et est intéressante dans la mesure où lorsque les
observations sont réalisées en coupe (dans la section transverse de l’échantillon), les
différentes composantes de la couche d’oxyde sont clairement distinguées. Il s’agit de
prélever une lame mince dans la coupe de l’oxyde qui est une opération complexe dans la
réalisation. Une méthode de préparation des sections transverses a été effectuée au
CIRIMAT et est présentée en annexe A1.
II.5.2.
Analyse chimique : SIMS (Secondary Ions Mass
Spectrometry)
80
Techniques et méthodes expérimentales
Principe de la technique
La spectrométrie de masse des ions secondaires est une technique analytique de
microanalyse chimique et isotopique locale permettant de déterminer la nature chimique
de la surface ou des régions proches de la surface (jusqu’à 30 µm de profondeur) dans un
solide.
Lorsque la surface d’un solide est bombardée par une sonde de particules, les
interactions ions / matière conduisent à des émissions secondaires diverses et variées :
photons, électrons, atomes, molécules neutres ou ionisées. La technique SIMS est basée
sur la production d’ions secondaires lors de l’interaction d’un faisceau énergétique
d’ions de quelques keV d’ énergie (0.5 – 20 keV) avec la surface du solide. Le faisceau
d’ions primaires est constitué d’ions Ar+, Xe+, O2-, O-, Cs+ choisis selon la nature des ions
de la cible que l’on souhaite analyser et le type d’analyse souhaité.
Le principe de la technique est décrit comme suit :
-
-
-
-
l’échantillon est bombardé, sous vide par des particules primaires de faible
énergie, ce qui conduit à une pulvérisation lente de la surface du solide. Le
bombardement est réalisé en balayant la surface de l’échantillon par une sonde de
particules focalisée, correspondant à un courant ionique instantanée de quelques
pA à quelques centaines de µA.
Les rendements de pulvérisation étant toujours fortement supérieurs à 1, un
faible flux d’ions primaires suffit à provoquer l’abrasion des couches les plus
superficielles de l’échantillon. Les rendements d’ionisation étant toujours très
faibles (de l’ordre de 10-3), les espèces secondaires produites sont essentiellement
constituées d’espèces neutres (>99%)
Les ions émis par pulvérisation ionique secondaire peuvent être de nature
monochargé, polychargé, monoatomique ou polyatomique. Ils sont extraits,
collectés et filtrés selon leur rapport masse/charge dans un spectromètre de
masse.
Ils sont ensuite détectés sous forme d’intensité. Cette détection peut s’effectuer
par une cage de Faraday, un multiplicateur d’électron ou une caméra CCD.
Les principaux types d’informations obtenus par l’analyse ionique, qui seront exploités
dans les présents travaux, sont les suivantes :
 Un spectre de masse de la zone analysée et une analyse isotopique
L’analyse en mode statique consiste à recueillir les informations correspondant aux ions
secondaires ne représentant qu’une fraction de la couche atomique pulvérisée depuis la
surface de l’échantillon. Le flux intégré des particules primaires (dose) doit être bien
inférieur à 1014 ions/cm², soit un flux très faible. La composition chimique de ces couches
de surface, correspondant à la zone analysée est obtenue par spectre de masse. Ces
spectres de masse sont obtenus par la classification des intensités d’ions secondaires en
fonction du rapport m/e, m étant la masse de l’ion considéré et e, son degré d’ionisation.
La résolution des mesures rend possible la séparation des isotopes.
 Des profils de répartition en profondeur des éléments.
Ce type d’information est obtenu en travaillant en mode d’analyse dynamique. Pour le
régime dynamique, le flux d’ions utilisé est de l’ordre de 10 15 ions/cm² (bien plus
81
Techniques et méthodes expérimentales
important que le flux approprié en régime statique). Les temps d’acquisition permettant
d’obtenir des informations précises étant assez long, l’exposition de la surface de
l’échantillon bombardée conduit à la pulvérisation de plus d’une couche atomique par
seconde. La surface de l’échantillon est constamment renouvelée au cours de
l’acquisition, cette érosion de la surface conduisant à la formation d’un cratère. Le
bombardement d’un faisceau focalisé sur la surface permet d’obtenir une ou plusieurs
images dans les plans traversés par le faisceau. Un multiplicateur d’électrons recueille
les informations, à travers un diaphragme de champ disposé en sortie permettant ainsi
de délimiter la zone analysée et de limiter les effets de bord (l’aire bombardée correspond
à un carré de 150µm x 150 µm² tandis que le diamètre du diaphragme est de 8 ou 15µm).
L’acquisition des données se fait de manière séquentielle pour chaque élément analysé.
Ainsi, l’analyseur ionique délivre instantanément la composition chimique de la surface
analysée (valeur moyenne de chaque élément sur chaque plan), et par la suite le profil de
concentrations de chaque élément chimique analysé à la surface en fonction du temps.
Grâce à l’érosion du matériau par le faisceau incident, le profil de tous les éléments
chimiques analysés en fonction de la profondeur est accessible.
La résolution latérale de la mesure est fonction du diamètre du diaphragme utilisé (plus
le diaphragme est petit et plus la résolution est améliorée) et la résolution en profondeur
dépend de l’état de surface initial de l’échantillon c’est-à-dire de la rugosité de surface.
Dans le meilleur des cas, elle peut valoir 200Ǻ.

Images ioniques de la répartition des éléments en 2D ou 3D (cartographies)
o Imagerie ionique en mode Balayage
La surface est balayée par un faisceau d’ions primaires localisés et la détection des ions
secondaires est réalisée de façon synchrone avec le balayage. Le signal détecté, à un
instant t, correspond à une position précise du faisceau primaire focalisé sur la surface
de l’échantillon. L’image obtenue, du même type que celle d’un MEB (Microscope
Electronique à Balayage), est affichée sur un écran CRT à balayage synchrone avec une
résolution latérale de 0,2µm.
o Imagerie directe en mode direct
Pour ce type d’imagerie, la surface est balayée par un faisceau d’ions primaires et le
faisceau d’ions secondaires est focalisé « optiquement » sur un détecteur à anode résistive
(FAST RAE) connecté à un système de numérisation permettant la visualisation des
images en 2D et 3D. Cette imagerie est d’autant plus intéressante qu’elle permet
l’acquisition des images au fur et à mesure de l’abrasion de la surface de l’échantillon. En
termes de précision, la résolution latérale est de l’ordre du micron (moins bonne qu’en
mode balayage) et la résolution en profondeur moins bonne qu’en mode profil.
L’acquisition des images prend cependant moins de temps qu’en mode Balayage. Un
schéma de principe est proposé en Figure II-52 .
82
Techniques et méthodes expérimentales
Figure II-52 : Schéma de principe de la spectroscopie de masse des ions secondaires
Le rendement peut être limité par la pulvérisation et par une préparation de surface
défectueuse induisant une forte rugosité de surface. En effet les principaux éléments
limitant la technique sont les suivants :
- La rugosité de surface constitue le paramètre le plus influent sur le rendement de la
technique en termes de résolution en profondeur. Sur une zone à forte rugosité, la vitesse
de pulvérisation est différente d’un point à l’autre, dans la mesure où le faible angle
d’incidence du faisceau primaire induit un rendement de pulvérisation variant avec la
position du point à la surface. Par conséquent la rugosité de la surface est évolutive
durant la pulvérisation et la rugosité initiale est « gardée en mémoire » quelque soit la
profondeur de la pulvérisation. Les informations recueillies sur une zone de forte
rugosité initiale ne proviennent pas toutes de la même profondeur, ce qui peut entrainer
des profils de concentration perturbés ou des erreurs d’interprétation quant à la
localisation des interfaces oxyde / métal de base lorsque la couche d’oxyde est de
dimension nanométrique ou est constituée de couches de différentes épaisseurs.
- Dans une analyse ionique secondaire, les effets de matrice sont définis comme étant la
formation d’ions polyatomiques résultant de la combinaison entre des constituants de la
cible et du faisceau primaire (MCs+). La présence de ces composés modifie donc le taux
d’ionisation et peut perturber les profils de profondeur ainsi que la netteté des
cartographies réalisées. Dans le cas d’un bombardement sous faisceau d’ions Cs+, il est
possible de minimiser cet effet de matrice en mettant en place la détection des ions MCs+
ou MCs2+
- La résolution en profondeur de la technique peut également être dégradée par
l’abrasion sélective résultant de la nature anisotrope de la plupart des matériaux. En
effet, les processus de collision atomique sont perturbés par l’organisation
cristallographique de la cible. Cela implique qu’il existe des directions
cristallographiques « transparentes » vis-à-vis du faisceau primaire et d’autres directions
« opaques » complémentaires qui correspondent à une pulvérisation efficace. D’un grain à
l’autre, la vitesse de pulvérisation peut être variable en fonction de l’orientation
cristallographique. Le déchaussement d’un grain par rapport à un autre conduisant à la
formation de nano-marches, la résolution en profondeur peut être dégradée.
83
Techniques et méthodes expérimentales
Les problèmes de résolution de la technique liés à l’état de surface sont difficilement
contournables lorsque le faisceau bombarde une surface escarpée et recouverte d’oxyde.
Pour s’affranchir de ces états de surface, la technique dite « de l’abrasion par la face
arrière » a été mise en place au CIRIMAT. Il s’agit d’effectuer les profils de concentration
des éléments à partir du métal de base (substrat) vers la couche d’oxyde, la face
d’attaque du faisceau au niveau du cœur du métal étant préparée de telle manière que la
rugosité de surface est améliorée (par rapport à une attaque de la face oxydée). La
préparation de l’échantillon (Figure II-53) consiste à:
- Coller la plaquette oxydée sur un plot en laiton (oxyde contre plot)
- Polir la face libre de la plaquette de telle sorte que : i) la surface soit polie miroir
b) l’épaisseur de la plaquette soit assez fine pour que les ions du faisceau primaire
puissent traverser le métal de base, l’interface substrat / oxyde et la couche
d’oxyde (moins de 10µm). Le polissage mécanique est effectué par des disques de
SiC puis à l’aide de la pâte diamantée respectivement de 3µm et 1µm.
- Décoller l’échantillon, le rincer avec soin à l’éthanol et le positionner sur la grille
de l’appareil par l’intermédiaire d’une plaquette en silicium pur.
Figure II-53 : Schématisation de la Préparation des échantillons destinés au R - SIMS
Cette méthode est avantageuse dans la mesure où elle permet d’améliorer la résolution
en profondeur, car la surface bombardée est plane et quasi parfaite. D’autre part, la
détection de l’interface métal de base / oxyde est plus aisée grâce au suivi du signal de
l’oxygène et par les informations qui peuvent être recueillies au niveau du métal de
base.
Conditions expérimentales
Dans le cadre de cette étude, nous nous intéressons à la réactivité de la surface de deux
nuances (A286 et 304L) exposées en milieu primaire REP à 340°C. Le suivi de l’oxygène
dans le métal de base et à l’interface métal / oxyde est réalisé, de même que les profils et
cartographies d’éléments seuls, (C, N, Cr) ou associés à l’oxygène (TiO, CrO). Les
analyses ont été réalisées à l’Institut National des Sciences Appliquées de Toulouse
(INSAT) par M. Armand, à l’aide d’un instrument CAMECA IMS 4F équipé d’une
électronique modifiée 6F. Les conditions expérimentales sont les mêmes pour tous les
échantillons de l’étude.
Le faisceau primaire est constitué d’ions Cs +, choisis pour leur bon rendement de
pulvérisation, pour leurs effets de matrice maîtrisés et leur propension à favoriser
l’émission d’ions oxygène négatifs dû à leur électropositivité. Une zone de 150 X 150 µm²
84
Techniques et méthodes expérimentales
est bombardée par les ions primaires. La taille de zone analysée pour une cartographie
en mode balayage est de 150 X 150 µm² tandis qu’en mode direct, la taille est définie par
le diaphragme utilisé. Dans notre cas, elle est de 30µm en surface.
II.5.3.
Conclusion sur les techniques de réactivité de surface
(oxydation statique).
Les techniques utilisées dans cette étude sont complémentaires et l’approche multiéchelle permet un gain de temps précieux pour la localisation des zones de prélèvement
pour les méthodes de caractérisation locale telle que le MET. L’apport de la
Spectrométrie des Ions Secondaires est non négligeable, dans la mesure où il contribue à
l’analyse chimique précise des produits de surface obtenus après l’immersion en milieu
REP et vapeur.
II.6. Localisation de la déformation plastique par
fatigue oligocyclique :
Pour l’alliage A286, des essais de fatigue oligocyclique ont été menés avec les objectifs
suivants :
- Dimensionnement en flambage de l’éprouvette qui sera utilisée pour les essais de
pré déformation du matériau.
- Confirmation du comportement de l’acier en mettant en évidence l’adoucissement
cyclique caractéristique de ce matériau.
- Pré déformation cyclique de l’acier à durcissement structural avant les essais de
CSC. Cette pré-déformation devrait permettre de créer dans le matériau des
bandes de localisation de la déformation plastique.
II.6.1.
Dimensionnement des essais
Le principal but des essais de fatigue oligocyclique est de pré déformer l’alliage afin
d’obtenir une microstructure pré définie. Cette nuance pré écrouie est ensuite testée en
corrosion sous contrainte en prélevant des éprouvettes de CSC à partir des éprouvettes
de fatigue oligocyclique. Le dispositif de corrosion sous contrainte impose des contraintes
géométriques, et en particulier une longueur utile de l’éprouvette Lu ne dépassant pas
20 mm (la longueur totale ne devra pas excéder 100 mm). Néanmoins, les efforts de
compression auxquels l’éprouvette est soumise lors du trajet de chargement peuvent
engendrer des instabilités de la structure et une flexion perpendiculaire à l’axe de la
sollicitation en résulterait. Ce phénomène caractérise le flambage de l’éprouvette. Les
éprouvettes utilisées sont cylindriques avec un méplat au niveau de la zone de tête
(Figure II-54). Trois longueurs utiles de fûts d’éprouvettes, 16mm, 18mm et 20mm, ont été
testées afin de déterminer celle permettant d’éviter ce phénomène de flambage. Celle des
trois qui respecte les contraintes dimensionnelles et mécaniques sera ainsi retenue pour
les essais de fatigue oligocyclique de pré déformation.
85
Techniques et méthodes expérimentales
96
10
R10
16
10
10
16
Φ13
Φ8
Figure II-54 : Plan de l’éprouvette de fatigue oligocyclique utilisée pour les essais de dimensionnement.
Les essais pour le dimensionnement de l’éprouvette ont été réalisés au Centre des
Matériaux de l’Ecole des Mines de Paris.
Le dispositif expérimental est constitué d’une machine de fatigue MTS 810 dont la
capacité de la cellule de force est de 100 KN. Elle est asservie en déformation et a ainsi
permis de réaliser les essais de fatigue oligocyclique à déformation constante. Les essais
de dimensionnement sont pilotés en déformation totale.
Les mesures de déformation ont été effectuées le long de la zone utile à l’aide d’un
extensomètre à lames. Les essais sont réalisés à différentes amplitudes de déformation
variant de 0,2% à 2% et à température ambiante. Le nombre de cycles maximal n’excède
pas 1000 et la fréquence des essais est choisie de telle sorte que la vitesse de déformation
soit constante pour tous les essais. Les fréquences sont reportées dans le Tableau II- 3.
Amplitude de
déformation Fréquence
totale
(Hz)
0,20%
0,05
0,50%
0,02
0,80%
0,0125
2%
0,0005
Tableau II- 3 : Choix des fréquences de cyclage appliquées lors des essais de fatigue en fonction de
l’amplitude de la déformation totale.
L’acquisition de l’allongement et de la force appliquée sur l’éprouvette est réalisée
toutes les secondes.
Une fois ces données obtenues, un dépouillement manuel permet de déterminer à la fin
de l’essai les évolutions suivantes :
- Evolution de la contrainte en fonction de la déformation à chaque cycle, soit la loi
de comportement de l’acier.
86
Techniques et méthodes expérimentales
-
Evolution de la demi-amplitude de la contrainte en fonction du nombre de cycle.
Après l’essai, ces éprouvettes pré - cyclées sont découpées, au niveau de la zone utile, en
plaquettes de 1 mm d’épaisseur qui serviront de prélèvement aux lames minces de
caractérisation de la microstructure de déformation au MET.
II.6.2.
Pré déformation par cyclage
Les essais de fatigue oligocyclique de pré déformation du matériau ont été réalisés au
SRMA (Service de Recherche de Métallographie Appliquée) au CEA Saclay à l’aide d’une
machine INSTRON 8801 dotée d’une cellule de charge de 100 kN. Ces essais de pré
déformation sont réalisés à déformation plastique imposée : le dispositif est asservi en
déformation plastique calculée à chaque cycle à partir d’un extensomètre virtuel piloté
par le logiciel de d’acquisition PROAC.
La géométrie d’éprouvette utilisée pour ces essais est présentée sur la Figure II-55 .
Figure II-55 : Plan de l’éprouvette de fatigue oligocyclique utilisée pour les essais de pré déformation.
Les essais de pré déformation réalisés en déformation plastique imposée et les
fréquences de cyclage des essais associés sont présentés dans le Tableau II-4.
Amplitude de
déformation Fréquence
plastique
(Hz)
0,20%
0,05
0,50%
0,02
0,80%
0,0125
Tableau II-4 : Choix des fréquences de cyclage appliquées lors des essais de fatigue de pré déformation en
fonction de l’amplitude de la déformation plastique imposée.
Les mesures d’allongement sont effectuées au moyen d’un extensomètre de type
INSTRON apposé sur la longueur utile de l’éprouvette.
Les données relatives à la valeur de l’allongement et de la force sont récupérées à l’aide
du logiciel d’acquisition. L’évolution de la force maximale appliquée sur l’éprouvette à
87
Techniques et méthodes expérimentales
chaque cycle en fonction du nombre de cycles est également enregistrée. Cette
fonctionnalité permet un suivi instantané de l’essai durant le cyclage.
II.7. Protocole expérimentale de caractérisation
de la CSC.
Dans le but de caractériser le comportement en corrosion sous contrainte de la nuance
A286 et ainsi d’étudier l’influence de la microstructure (en particulier la localisation de
la déformation plastique) sur la CSC, des essais de traction lente ont été menés au
SCCME au CEA Saclay. Dans cette section, les conditions expérimentales des essais de
traction lente sont déterminées après avoir défini le plan de prélèvement des
éprouvettes.
II.7.1.
Plan de prélèvement des éprouvettes de CSC
La même géométrie d’éprouvette a été utilisée pour les essais sans et avec prédéformation par fatigue oligocyclique. Il s’agit d’éprouvettes plates de longueur utile
16mm, de 4mm de largeur et d’épaisseur 1,5mm (Figure II-56 a)). Les éprouvettes
utilisées pour caractériser le comportement en CSC (non déformées) et le rôle de la
localisation de la déformation plastique (pré déformées) ont été prélevées respectivement
au cœur de barreaux Φ30 vierge de déformation et au cœur des éprouvettes de fatigue
oligocyclique Φ8mm ayant été pré - cyclées. Le plan de prélèvement de ce dernier type
d’éprouvette est représenté sur la Figure II-56 b).
a)
b)
Figure II-56 : Plan de prélèvement des éprouvettes plates de traction dans les éprouvettes oligocycliques de
pré déformation.
88
Techniques et méthodes expérimentales
L’épaisseur initiale des éprouvettes de traction est de 1,5mm. Après usinage par
électroérosion, toutes les faces des éprouvettes ont été mécaniquement polies à l’aide de
papiers abrasifs de grade 600, 800, 1200, 2400 et 4000 pour atteindre une épaisseur
finale de 1mm. La finition a été effectuée avec de la pâte diamant 3 µm puis 1µm.
II.7.2.
Conditions expérimentales
Les essais de CSC (traction lente) ont été conduits dans des autoclaves dits
« dynamiques » associés à une machine électromécanique équipée d’une cellule de force
de 100 kN. Deux autoclaves, en acier inoxydable 316L de capacité 0,7 L et 1,23 L ont été
utilisés pour nos essais. Une vitesse de déformation de 8 x 10-8/s est imposée à chaque
essai. Cette vitesse résulte d’un compromis entre la durée de l’essai et une vitesse
permettant une sensibilité aux phénomènes de corrosion. L’éprouvette est chargée par
l’intermédiaire d’une traverse liée à un capteur de force et dont la vitesse est contrôlée
par le moteur de la machine. Le dispositif ne possédant pas de techniques
d’extensométrie in situ, les déplacements sont mesurés par un capteur de déplacement
de type LVDT (Linear Variable Displacement Transducer) situé sur la ligne de traction
hors de l’autoclave dans laquelle l’éprouvette est immergée. Le logiciel réalise
l’acquisition des données brutes et enregistre les paramètres suivants : temps, force,
déplacement, pression. En spécifiant la géométrie de l’éprouvette (longueur utile, section
utile), la contrainte et l’allongement sont également enregistrés. Notons cependant que
la force mesurée est la somme de la force réelle appliquée à l’éprouvette, ainsi que la
force résultant de la pression interne engendrée à 340°C sur les trois tiges d’amarrage.
La deuxième composante est soustraite lors du dépouillement afin de disposer de la force
réelle appliquée sur l’éprouvette.
La solution primaire nominale est constituée d’une eau ultrapure de qualité ®millipore,
de 1000mg/l de bore sous forme d'acide borique H3BO3, de 2mg/L de lithium sous forme
de lithine LiOH et de 30cc/kg H2O de dihydrogène dissout. Le volume de milieu introduit
est calculé de telle sorte qu’en température de service, l’éprouvette soit entièrement
immergée dans le milieu simulé REP, soit des volumes initiaux respectivement de 310ml
et 480ml. La quantité d’hydrogène dissoute est contrôlée par l’intermédiaire d’une sonde
Pd/Ag. Le milieu étant réducteur, la concentration en oxygène dissous est maintenue à
quelques ppb. Pour se faire, le milieu est désoxygéné en effectuant trois bullages courts
successifs (par introduction d’hydrogène pur dans l’autoclave), puis un bullage en
continu pendant 1h30mn. Enfin, une surpression en hydrogène de 2,5 bars est
introduite, correspondant à une concentration en hydrogène dissous de 30 cc/kg d’eau à
340°C
La propreté du milieu étant indispensable, la conductivité du milieu à température
ambiante avant de démarrer un essai doit être inférieure à 5µS/cm. Après l’essai, le
milieu est analysé en chromatographie ionique pour détecter la présence éventuelle de
traces de chlorures, fluorures ou sulfates.
Les essais sont conduits jusqu’à rupture. En fin d’essai, l’éprouvette rompue est rincée à
l’éthanol puis les faciès de rupture ainsi que la longueur utile sont observés au MEB.
89
Techniques et méthodes expérimentales
II.8.
Conclusions :
Ce chapitre a permis d’appréhender, la variété des techniques expérimentales mises en
œuvre dans ces travaux. L’approche multi échelle permet d’optimiser le travail de
caractérisation, en prélevant les lames MET sur les zone pré définies après les
observations à l’échelle du grain (Microscopie Optique). Concernant la réactivité de
surface, les analyses MET permettent de caractériser la couche d’oxyde transverse et
d’en déterminer la composition mais n’apportent pas d’information quant à la
pénétration de l’élément oxygène en particulier. Le MET ne permet donc pas de
déterminer la présence d’éléments chimiques sous la couche d’oxyde. Ce type
d’informations est apporté par les analyses chimiques SIMS qui sont donc
complémentaire à la microscopie.
Les méthodes expérimentales sont donc choisies individuellement de part leur efficacité
en termes de résolution et en fonction des informations attendues à l’échelle
d’observation correspondante, mais également pour leur complémentarité dans un but
d’optimisation des durées d’analyse.
90
Caractérisation initiale des matériaux
CHAPITRE III : CARACTERISATION
INITIALE DES MATERIAUX.
91
Caractérisation initiale des matériaux
92
Caractérisation initiale des matériaux
SOMMAIRE
III.1. Introduction .......................................................................................................... 94
III.2. A286 ........................................................................................................................ 94
III.2.1.
Composition chimique ...................................................................................95
III.2.2.
Microstructure ...............................................................................................96
A.
A286 brut ...........................................................................................................97
Caractéristiques de la matrice austénitique par analyse métallographique .....97
Précipitation de carbures secondaires ..................................................................99
B.
A286 vieilli .......................................................................................................102
Précipitation durcissante γ’ ................................................................................102
Précipitation intergranulaire .............................................................................106
III.2.3.
Caractérisation mécanique ..........................................................................107
III.3. 304L ....................................................................................................................... 110
III.3.1.
Composition chimique .................................................................................111
III.3.2.
Microstructure .............................................................................................112
Caractéristiques de la matrice austénitique et de la ferrite résiduelle par
analyse métallographique et EBSD ..........................................................................112
Quantification de la ferrite résiduelle ................................................................115
Caractérisation de la microstructure par MET..................................................118
III.3.3.
Caractérisation mécanique ..........................................................................119
III.4. Conclusion ........................................................................................................... 121
93
Caractérisation initiale des matériaux
III.1. Introduction
Ce chapitre est dédié à la présentation des caractéristiques mécaniques et
microstructurales des matériaux de l’étude. Deux nuances d’aciers austénitiques
inoxydables ont été étudiées : l’acier à durcissement structural de désignation A-286 et
l’acier inoxydable austénitique 304L, leurs dénominations par la norme AFNOR sont
respectivement les suivantes : X4 CrNiTi 25-14-2 et X2 CrNi 18-8. Les dénominations
américaines seront utilisées dans toute l’étude. Les nuances 304 et 316 sont utilisées
pour la fabrication de certaines structures des internes de cuves pour les réacteurs
nucléaires à eau pressurisée français, en particulier les cloisonnements et renforts de la
structure en 304 et la visserie en 316 écroui. Ces nuances sont sensibles aux phénomènes
d’IASCC, ce qui se traduit par une fissuration en milieu primaire des REP. De plus,
l’acier 304L est sujet au gonflement résultant de l’irradiation neutronique ou la
transmutation d’espèces chimiques. De fait, la nuance 304L a été retenue dans le cadre
de cette étude. Lors de l’irradiation des nuances 304/316, les mécanismes de déformation
plastique sont modifiés et une hétérogénéité de la déformation plastique est observée.
Elle se traduit par une localisation de la déformation plastique soit dans des bandes
dépourvues de défauts d’irradiation, soit dans des micromacles le long de plans de
glissement préférentiels. L’intérêt pour notre étude du choix de la nuance A-286, utilisée
aux Etats-Unis pour la visserie au niveau des internes de cuve, réside dans sa capacité
présumée à reproduire le mode de déformation observé dans les nuances 304/316
irradiées par l’intermédiaire d’essais mécaniques de type fatigue oligocyclique.
Ces nuances sont généralement utilisées dans les applications nucléaires, précisément
dans les structures internes de cuve, et représentent un échantillonnage conséquent des
matériaux de cuve tout en ayant une contribution précise par rapport à la problématique
posée par notre étude.
Dans cette partie, la caractérisation de chacune des nuances à l’état initial a été
abordée, de la composition chimique aux caractéristiques mécaniques, en passant par la
caractérisation de la microstructure à l’état initial résultant des traitements thermiques
classiques d’hypertrempe (et de vieillissement pour l’acier A-286).
III.2. A286
L’acier à durcissement structural A-286 est un superalliage utilisé pour les applications
nécessitant des conditions sévères de fonctionnement : une forte résistance mécanique et
une tenue à la corrosion à des températures atteignant 700°C. Il s’agit d’un acier
inoxydable austénitique pouvant être durci par vieillissement jusqu’à de hautes valeurs
de résistance mécanique. Cet alliage est également utilisé pour des applications à basse
température qui requièrent un matériau ductile, non magnétique avec une bonne
résistance mécanique.
Dans le cadre des applications nucléaires, l’acier A-286 est utilisé dans la fabrication
d’éléments de liaisons tels des boulons et des vis des structures internes de réacteurs à
eau légère (REP et REB), pour des expositions à des températures variant de 300 à
94
Caractérisation initiale des matériaux
370°C. Cependant les centrales françaises n’utilisent pas cette nuance d’acier en matière
de visserie lui préférant l’acier inoxydable 316L écroui.
Son domaine d’utilisation s’élargit à l’industrie automobile et à l’aéronautique.
III.2.1.
Composition chimique
L’analyse de la composition chimique a été réalisée par deux techniques
complémentaires :
ICP-AES (Perkin-Elmer Optima 2000) pour la détermination des éléments majeurs et la
spectroscopie de masse par décharge luminescente (GDMS) pour les éléments mineurs.
Les résultats sur l’acier A286 sont présentés dans le Tableau III-5. La composition de la
nuance déterminée par le fournisseur (A-286_Ugine) est également présentée, ainsi que
la composition de la nuance de la thèse de Marylène Savoie (A-286 Msavoie) obtenue par
GDMS (tous les éléments) (Savoie 2007).
Nuance
Pb
W
Zr
S
P
C
A286_Q12
A286_Q912
3ppm
0,02
<1ppm
0,002
<0,01
0,025
-
0,035
-
-
-
0,04
-
-
-
A286_Ugine
A286
Msavoie
Spécification
AISI
Spécification
RCCM-
-
-
B
Mg
N
0,008
-
Co
Si
Cu
V
Mo
Mn
Ti
Ni
Cr
Fe
0,09
0,48
0,10
0,23
1,01
1,5
2,02
25,2
14,2
Bal
0,16
0,3
1,24
1,69
2,19
25,4
14,4
Bal
0,14
0,29
1,18
1,55
1,97
25
14,1
Bal
-
-
-
-
-
-
<0,001
-
-
-
<0,03
<0,045 <0,03
-
-
-
-
<1
-
-
<2
-
-
-
-
-
<0,03
<0,04
-
-
-
-
<1
<1
-
<2
-
-
0,02
<0,03
0,08
0,10
8 - 12 18 - 20
-
-
Tableau III-5 : Composition chimique, en pourcentage atomique, de la nuance A-286 de l’étude et celle de la
thèse de MS (Savoie 2007) et spécifications.
La nuance utilisée dans l'étude (A286_Q912) est conforme à la spécification RCC-M220
(Règles de Conception et de Constructions applicables aux Matériels Mécaniques des
îlots nucléaires des réacteurs à eau). Les teneurs en nickel et chrome, respectivement de
25,5% et 14,2 % en masse, sont relativement importantes par rapport aux aciers
inoxydables classiques qui sont respectivement de 10% pour le Ni et 18% pour le Cr. Le
chrome contribue à la résistance du matériau à la corrosion en lui conférant le caractère
inoxydable tandis que le nickel, élément γ – gène, stabilise la structure austénitique. Le
carbone appartient également à la classe des éléments γ - gène stabilisant la phase γ.
Cependant, la solubilité limitée de cet élément dans la maille cubique face centrée lors
du refroidissement conduit à sa précipitation à température ambiante sous forme de
carbures.
Le titane, élément α - gène est également en quantité non négligeable (2%) et forme par
précipitation des carbures et carbonitrure de titane.
Le molybdène augmente la résistance du matériau, par durcissement de la solution
solide, ou par son action directe sur l’énergie de faute d’empilement tandis que le
manganèse stabilise l’austénite à température ambiante.
95
-
Caractérisation initiale des matériaux
Par ailleurs, la différence de composition par rapport à la nuance de référence de l'étude
de Marylène Savoie (Savoie 2007) se situe au niveau de la teneur en silicium qui est
pratiquement cinq fois plus importante dans la nuance A-286_Q912. Cela impacte
l’énergie de faute d’empilement (EDE) de l’acier (Tableau III-6) et par conséquent induit
une variation plus ou moins sensible en terme de microstructures de déformation sur les
deux nuances. En effet, rappelons que l’énergie de faute d’empilement varie avec la
température (Lecroisey and Pineau 1972). Une faible énergie de faute conduit à une
importante dissociation des dislocations partielles résultant en un glissement planaire
favorisé et à une propension plus marquée de la déformation localisée dans les bandes de
glissement. Elle est estimée par la formule suivante (Lacombe and Béranger 1990) :
EDE (mJ/m²) = 25,7 + 2(%Ni) + 410(%C) + 0,9 (%Cr) – 77(%N) – 13(%Si) – 1,2(%Mn) (1)
Nuance
EDE (mJ/m²)
A286_Q912
66
A286 MSavoie
76
Tableau III-6 : Valeur l’énergie de faute d’empilement pour les nuances A-286.
Les ordres de grandeur de l’EDE des deux nuances sont similaires, en comparaison avec
les nuances des séries 300 (~10 mJ/m²), ou de l’aluminium (~200 mJ/m²). Cependant,
l’étude de Jiao (Jiao and Was 2008) sur l’influence du mode de déformation sur la CSC
d’aciers inoxydables en milieu oxydant a montré que le dopage en silicium contribue à
réduire l’EDE de l’acier (27,5 mJ/m² pour la nuance dopée en silicium contre 40,5 mJ/m²
pour celle de référence) tandis que le dopage en nickel et chrome l’augmente (59,7
mJ/m²). Les variations de l’EDE sont faibles (entre 10 et 20 mJ/m²) entre ces nuances
dopées, mais Jiao a montré une différence de sensibilité à l’IASCC en milieu oxydant
d’une nuance à l’autre et il apparaît que la susceptibilité à l’IASCC est d’autant plus
importante que l’EDE est faible. Il nous faut donc tenir compte de cette différence d’EDE
de 10mJ/m² entre la nuance A-286 de l’étude de MS et celle utilisée dans les présents
travaux.
III.2.2.
Microstructure
La microstructure de la nuance brute hypertrempée (mise en solution à 930°C pendant
1h30 suivie d’un refroidissement rapide dans un mélange eau + éthanol + azote liquide)
est caractérisée dans un premier temps (A-286 brut) La microstructure de la nuance
hypertrempée ayant subie un recuit de 670°C pendant 50h puis refroidi à l’air est
ensuite présentée (A-286 vieilli).
96
Caractérisation initiale des matériaux
A.
A286 brut
Avant de décrire la microstructure à l’échelle microscopique, les caractéristiques des
grains austénitiques de la matrice sont déterminées par une analyse métallographique
combinée à une étude de la désorientation intergranulaire par EBSD.
 Caractéristiques de la matrice austénitique par analyse
métallographique
L’analyse métallographique a montré que la taille moyenne des grains γ de la nuance est
de 15 µm (moyenne effectuée sur un échantillon de 850 grains) par la statistique de
Kolmogorov Smirnov (Chèze 2002) . L’histogramme de distribution des tailles de grain
indique que les grains dont le diamètre n’excède pas 20 µm représentent 70% de
l’échantillonnage (Figure III-57).
Figure III-57 : Histogramme de distribution de la taille de grain sur un échantillonnage de la nuance A-286
hypertrempée.
Caractéristiques de la matrice austénitique par EBSD
La cartographie ipf (inverse pole figure) d’orientation est représentée sur la Figure III-58
a). Les grains de direction cristallographique <111> parallèles ou proches de la direction
normale de la cartographie sont colorés en bleu, ceux de direction <001> et <101>
respectivement en rouge et vert. A première vue, il ne semble pas y avoir d'orientation
privilégiée des grains dans cet échantillon.
L’analyse EBSD a permis de déterminer la distribution de désorientation entre les
grains adjacents (Figure III-58 b)). Il en ressort que les grains sont fortement désorientés
car les grains de désorientation angulaires proche de 60° sont majoritaires par rapport à
la totalité des grains (16%). La nuance ne présente pas d’orientation cristallographique
97
Caractérisation initiale des matériaux
dominante ; elle est donc non texturée. Elle est peu maclée par rapport aux nuances de
type 304L / 316L, seulement 18 % de la totalité des joints identifiés dans l’échantillon
sont des joints spéciaux Σ3 de désorientation 60° le long des plans <1 1 1> contre environ
40% pour les aciers 304L et 316L (Cisse 2009).
a)
100µm
b)
Figure III-58 : a) Cartographie IPF d’orientation de la nuance A-286 vieillie. Pas de déplacement 1μm. b)
Distribution d’angles de désorientation entre grains adjacents. Les joints Σ3, représentatives des macles,
sont caractérisés par une désorientation intergranulaire de 60° ± 3°.
98
Caractérisation initiale des matériaux
La matrice est constituée d’une solution solide austénitique γ d’éléments d’alliage dans le
nickel. L’austénite a une structure cubique face centrée, compacte, de paramètre de
maille a = 3,595 Ǻ. Le taux de carbone étant très bas dans l’alliage et la teneur en
éléments d’addition importante (en particulier les éléments α - gènes), la teneur
minimale en nickel permettant la stabilisation de la matrice austénitique est de 25%
(Brown and Muzyka 1987). Le ratio nickel – fer détermine le prix de revient de l’alliage.
Ainsi, le fer améliore les coûts de l’alliage ainsi que la forgeabilité du matériau. Le
chrome et le molybdène sont des éléments durcissant la solution solide par expansion
du paramètre de maille de l’austénite. Leur présence réduit également la solubilité dans
la matrice des éléments d’addition (Ti, Al, Co) précipitant à température ambiante. Le
chrome améliore par ailleurs la résistante à la corrosion de l’alliage.
 Précipitation de carbures secondaires
Certains éléments tels que le chrome et le titane sont en sursaturation dans la matrice
austénitique car ils ne sont pas solubles dans la solution solide γ. La mise en solution
entre 900 et 1000°C avant tout traitement de vieillissement permet de privilégier la
phase austénitique et de retarder au maximum cette précipitation. Néanmoins, malgré
l’hypertrempe, une faible précipitation subsiste.
A l’aide de la microscopie électronique en transmission (MET), trois types de précipités
ont été caractérisés :
 Carbonitrures de titane (Ti(C, N))
Ces phases de forme ovoïde sont souvent présentes aux joints triples avec des
dimensions pouvant aller jusqu’à 3 μm. Les analyses EDX ont révélé une composition
chimique riche en titane. Deux diffractions électroniques ont pu être réalisées sur les
précipités de la Figure III-59 respectivement suivant les axes de zone [114] et [001].
L’indexation de ces deux diagrammes a permis de conclure que le précipité est un
carbonitrure de titane. C’est une phase de structure cristallographique cubique face
centrée, appartenant au groupe d’espace Fm3m et dont le paramètre de maille est a =
4,32 Ǻ (TiC) ou a = 4,24 Ǻ (TiN).
99
Caractérisation initiale des matériaux
a)
b)
Figure III-59 : Images en champ clair des carbonitrures de titane et clichés de diffractions associés a)
suivant l’axe de zone [114] b) suivant l’axe de zone [001]
Ces précipités ont déjà été observés dans ce type d’alliages. Thomas et al (Thomas and
Henry 1990) trouvent une relation d’orientation cristallographique de type :
{001}γ // {001}TiC et <100>γ // <100>TiC
 Carbures C5Fe11Mo6
Le deuxième type de carbures observé grâce au MET a une morphologie particulière
(Figure III-4). En effet, il est reconnaissable à sa forme rectangulaire dont les angles sont
irréguliers. Ces carbures sont en majorité intragranulaires et de tailles variables
pouvant aller jusqu’à 3μm.
Un diagramme de diffraction a été réalisé et est représenté sur la Figure III-4). Le
diagramme de diffraction a été indexé suivant la maille C5Fe11Mo6, figurant dans le
Handbook Pearson (Villars 1997), qui est monoclinique de groupe d’espace C2/m, dont
les paramètres de maille sont les suivants : a = 10,86 Ǻ, b = 7,76 Ǻ et c = 6,56 Ǻ avec α
=90°, β = 120°et γ = 90°. De plus, sur la Figure III-60, le diagramme de diffraction simulé
sur le logiciel Carine du carbure de molybdène est représenté à titre de comparaison
avec le diagramme de diffraction associé suivant l’axe de zone [-102] (Figure III-60).
Les proportions mesurées par EDX sont proches de la stoechiométrie du composé et ce
précipité est assimilé à un carbure de type C5(Fe,Ti,Cr)11Mo6, une partie du fer pouvant
être substituée par le chrome et le titane.
100
Caractérisation initiale des matériaux
Figure III-60: a) Image en champ clair et diagramme de diffraction associé au carbure de molybdène
suivant l’axe de zone [-1 02] auquel est associé le diagramme de diffraction simulé par le logiciel Carine selon
le même axe de zone.
 Précipités au phosphore
Des précipités de petite taille dont la composition a révélé une quantité de phosphore
non négligeable sont également présents dans l’alliage (Figure III-61). La réponse de la
matrice pour les principaux éléments chimiques telles que le fer, chrome et nickel semble
être très importante, mais n’infirme pas la présence de phosphore et de titane en
excédant dans le précipité.
1
2
Figure III-61 : Image en champ clair de phosphorures de titane (notés 1 et 2).
101
a)
a)
Caractérisation initiale des matériaux
En général, la taille des précipités qui sont localisés dans les grains est d’environ 300
nm. Il s’agit de phosphorures de titane. La diffraction n’a pas été réalisée compte tenu
des dimensions réduites des précipités.Les précipités rencontrés (TiC, carbures de Mo et
phosphorures de titane) sont présents en majorité dans le grain et sont peu présents aux
joints de grains.
B.
A286 vieilli
Les propriétés mécaniques de l’alliage A286 découlent principalement de la
précipitation durcissante de type γ’ (Ni 3(Ti,Al)) cohérente avec la matrice résultant du
traitement de durcissement industriel. Le traitement thermique standard le plus utilisé
pour cette nuance dans le domaine du nucléaire correspond à un vieillissement de 16h à
720°C. Cependant, les travaux de thèse de MSavoie se sont intéressés aux effets du
traitement de vieillissement sur la microstructure de l’alliage et sur l’analyse
quantitative de la phase γ’ formée lors du vieillissement. La microstructure de l’acier A286 correspondant à des états de sous-vieillissement, de sur-vieillissement par rapport
au traitement thermique standard ont été caractérisées, ainsi que le comportement en
corrosion sous contrainte (CSC) de l’alliage traité dans chacune de ces conditions de
vieillissement et prédéformé en fatigue oligocyclique. Il a été montré que le traitement
thermique optimal correspond à un vieillissement à 670°C pendant 50h conduisant à la
formation d’une précipitation fine de la phase γ’ avec des caractéristiques de densité et
de taille proche de celles des boucles de Franck résultant de l’irradiation. Ce traitement
thermique sera reproduit sur la nuance de notre étude. Une sensibilité de la
microstructure de vieillissement à une faible variation de la composition chimique
initiale pourrait néanmoins conduire à un comportement différent de notre nuance vis-àvis de ses propriétés mécaniques.
Nous procédons à présent à la caractérisation de la nuance A-286 vieillie. Le traitement
thermique est le suivant:
- hypertrempe à 930°C pendant 1h puis refroidissement dynamique à l’hélium gazeux.
- vieillissement sous vide primaire de 670°C pendant 50h suivi d’un refroidissement à
température ambiante.
Pour un vieillissement de 50h à 670°C, l’étude de MS (Savoie 2007) a montré la
présence dans la matrice austénitique de la phase γ’, ainsi que de précipités inter et
transgranulaires identifiés grâce au MET/EDS. Ces précipités sont : des carbures de
titane (TiC), des phosphorures, des sulfures ainsi qu’une phase riche en molybdène et
chrome, la phase χ.
 Précipitation durcissante γ’
Le traitement thermique effectué sur l’A-286 entraine la formation d’une phase
durcissante γ’ de composition (Ni3(Ti, Al)). La phase γ’ cristallise dans une structure
cubique à face centrées (groupe d’espace Pm-3m) de paramètre de maille a = 3,57
Angströms (Figure III-62).
102
Caractérisation initiale des matériaux
Figure III-62: Représentation de la maille de la phase γ’ Ni3(Ti, Al)
Le paramètre de maille augmente avec le ratio des teneurs % Ti / %Al présentes dans
l’alliage (Villars 1997) . Dans le but de maintenir la cohérence entre le précipité et la
matrice γ, c'est-à-dire de maintenir les paramètres de maille des deux structures quasi
égaux, la teneur en titane de l’alliage doit être plus importante que celle de l’aluminium.
Cependant, lorsque la teneur en titane est au moins 2 fois plus importante que la teneur
en aluminium (ratio atomique Ti/Al = 2), la phase γ’ est métastable et susceptible de se
transformer lors de long maintien en température en une phase hexagonale stable : la
phase η (Ni3Ti)
Cette phase est hexagonale compacte de paramètres de maille a = 5,09 Ǻ et c = 8,28 Ǻ
pouvant avoir une morphologie double : soit elle apparait sous forme de fines plaquettes
aux joints de grain, soit sous forme cellulaire. Sous forme de plaquettes, la phase η
précipite dans les plans {111} de la phase γ, avec la relation d’orientation suivante, en
position de Widmanstätten :
{111}γ // (0001)η et <110>γ // [1210]η
La phase η est réputée fragilisante pour le matériau et est souvent associée à une perte
de ductilité (Brown and Muzyka 1987; Ross and Sims 1987). Sa formation peut être
évitée en effectuant des traitements de vieillissement à une température en dessous de
la ligne de solvus (ligne d’apparition du premier germe solide à 915°C) (Ross and Sims
1987) et en prônant une utilisation de l’alliage à des températures inférieures à la
température de transformation γ’
η. Notons enfin que le titane améliore la formation
de cette phase tandis que l’aluminium la retarde.
La résistance des alliages à durcissement structural A-286 est générée en grande partie
par la précipitation de la phase γ’ par divers types de mécanismes de durcissement (paroi
d’antiphase, Orowan) (Blanc 1990).
Du fait du faible contraste de ces précipités γ’ par rapport à la matrice austénitique, ils
sont difficilement décelables sur des images en champ clair. Des images en champ
sombre, plus appropriées, ont donc été effectuées par sélection de la tâche de structure
(1-10) correspondant à la phase γ’ (Figure III - 63b)). La phase γ’ est cohérente et en
épitaxie avec la matrice. Les précipités γ’ apparaissent sous forme sphérique, de taille
homogène et semblant uniformément repartis dans la matrice (Figure III - 63a)).
103
Caractérisation initiale des matériaux
a)
b)
Figure III - 63 : Image en champ sombre des précipités γ’ en utilisant la tache de surstructure (1-10) sur b)
la diffraction électronique associée suivant l’axe de zone [112].
Figure III-64: Image en champ sombre des précipités ’ obtenue en utilisant la tâche de surstructure (0-10)
sur cliché de diffraction électronique associée suivant l’axe de zone [103]
Sur l’image en champ sombre de la Figure III-64, un meilleur contraste des tâches de
surstructure est obtenu sur le cliché de diffraction électronique et permet ainsi de mieux
visualiser les précipités ’. De plus, on note sur l’image la présence de contours
d’extinction liée à la courbure de l’échantillon.
Cependant, la mesure de la dimension des précipités est complexe en raison du
faible contraste des précipités ’ par rapport à la matrice austénitique. En effectuant une
mesure directe au MET, la taille moyenne obtenue pour ces précipités est de 10 nm.
Cette taille de précipités a été vérifiée sur 5 lames minces issues de 3 barres différentes
ayant subi les mêmes conditions de vieillissement. Les précipités étant de faible taille, ils
sont difficilement détectables et une analyse statistique apparait peu reproductible. Pour
104
Caractérisation initiale des matériaux
limiter ces erreurs d’interprétation, la quantification des précipités a été réalisée par la
technique DNPA (Diffusion de Neutrons aux Petits Angles) complémentaire à la
caractérisation des précipités au MET (voir chapitre II sur les méthodes
expérimentales).
Quantification de la précipitation γ’ par DNPA
Le paramètre utilisé lors de la modélisation des intensités diffusées en DNPA est la
précipitation de la phase γ’ résultant du recuit d’un échantillon à 670°C pendant 50h.
L’échantillon correspondant à ce traitement thermique est retenu comme échantillon de
référence. A titre de comparaison, la quantification des précipités est également réalisée
sur un échantillon de MSavoie prélevée dans une nuance différente de l’A-286 de notre
étude.
Pour effectuer le dépouillement des données obtenues en DNPA, les hypothèses basées
sur les observations MET sont émises :
- la taille des précipités est de l’ordre du nanomètre
- les précipités sont supposés sphériques
La Figure III-65 représente le résultat de l’ajustement du logarithme népérien de
l’intensité corrigée en fonction de q (vecteur de diffusion) pour les 2 échantillons testés.
Ln I
2
A-286 _ MS
A-286_Q912
Ln corr ref
0
-2
-1,5
q
-1
-0,5
0
0,5
1
Figure III-65 : Résultats de DNPA sur l’A286 vieilli. Evolution de l’intensité corrigée en fonction du vecteur
de diffusion (ajustement du logarithme népérien).
La présence d’un pic sur les profils de I’ intensité en fonction du vecteur de diffusion q
montre la présence d’interactions
entre les particules, dû à une fraction volumique de
-4
précipitées importantes (induisant des corrélations spatiales entre les centres de masse
des objets). Notons que la position des pics est décalée entre les deux échantillons.
Les résultats issus de la modélisation des intensités diffusées concernant les dimensions
des précipités γ’ (tailles, fractions volumiques et distance entre particules) pour
l’échantillon de référence
-6 de notre étude et celui de l’étude antérieure sont les suivants :
105
-8
Caractérisation initiale des matériaux
-
-
la population de précipités γ’ présents dans l’échantillon de référence présente un
diamètre moyen de 3,4 nm±10% et une fraction volumique de 9,3 %. La distance
interparticule est estimée à 15,3 nm±10%.
la population des précipités γ’ présents dans l’échantillon de MSavoie, soit une
nuance différente de notre étude, présente un diamètre moyen de 5 nm±10%, une
fraction volumique de 8,1 % et une distance entre les particules qui est estimée à
18±10% nm.
La taille des précipités obtenue par DPNA pour l’échantillon de MSavoie (5 nm) est en
accord avec le résultat obtenu au MET par une étude statistique sur 3 grains et 192
précipités qui est de 4,6 nm (Savoie 2007). Cette étude statistique est d’autant plus
précise que l’échantillonnage est important. Dans le cas de notre étude, la taille des
précipités est de 3,4nm (du même ordre de grandeur que la taille des précipité de
MSavoie) mais est largement inférieure aux 10nm suggérés par les estimations faites
après la caractérisation MET. Cependant, comme énoncé ci-dessus, la faible taille de
l’échantillonnage de précipités γ’, combiné au manque de contraste entre les précipités et
la matrice ont motivé les mesures en diffraction aux neutrons. Cet écart de taille entre
les deux techniques pour notre étude est donc compréhensible. Au final, la taille
moyenne des précipités de l’étude de MSavoie est supérieure à celle de notre étude et
cette particularité sera importante dans l’optique de l’étude de la localisation de la
déformation plastique (chapitre V).
Cependant, l’accord entre les deux techniques pour la nuance de MSavoie n’est plus le
même pour l’espace entre les particules et la fraction volumique qui sont respectivement
de 37nm et 0,8% en volume pour l’étude statistique au MET contre 18nm et 8,1 % en
volume obtenus par la diffraction aux neutrons. La limite des études statistique
intervient à ce moment, car l’erreur globale commise dans ce type d’analyse prend en
compte les contrastes qui ne permettent pas l’observation de tous les précipités en
volume, l’erreur induite par l’œil de l’opérateur (d’un opérateur à l’autre, les précipités
mesurés ne sont pas les mêmes). De plus, les difficultés à apprécier l’épaisseur des lames
conduisent à surestimer les dimensions des précipités. La fraction volumique obtenue
au MET apparait donc moins précise.
En conclusion, nous travaillons donc avec les dimensions déterminées par dnpa. Il faut
cependant préciser qu’en valeurs relatives, la comparaison entre les deux nuances en
terme de taille de précipités peut être réalisées sur la base des dimensions déterminées
au MET.
Selon les résultats de la diffraction, les fractions volumiques et les distances
interparticule sont quasi similaires entre notre étude (9,3% en volume et 15,3nm) et celle
de MS (8,1% en volume et 18nm).
 Précipitation intergranulaire
Les conditions thermodynamiques établies lors du recuit de durcissement conduisent à
la formation des précipités et très systématiquement aux joints de grain. La
précipitation préférentielle aux joints de grain est favorisée car ces endroits sont des
sites de forte désorientation et de forte énergie, l’énergie d’activation nécessaire à la
106
Caractérisation initiale des matériaux
précipitation y est plus facilement atteinte. Ces phases ne sont généralement pas
désirées et une connaissance de leur impact sur la corrosion sous contrainte de ces
alliages est nécessaire. Cependant peu d’études se sont intéressées à l’influence de cette
précipitation de nature intergranulaire sur les phénomènes d’amorçage en CSC. Piascik
a noté la présence de précipités de type carbonitrures de titane Ti(C, N) très rapprochés
le long des joints de grain à l’avant du front de fissure lors d’essais de CSC en milieu
REP simulé d’un acier de type A286 vieilli 719°C, 16h après une hypertrempe de 900°C
pendant 2h (Piascik, Monter et al. 1985). Il précise néanmoins que la présence des
précipités de type TiC ne peut être la cause exclusive de la sensibilité de ce matériau à la
CSC.
Le traitement de recuit participe à la précipitation de la phase ’ mais ne permet pas la
remise en solution des précipités présents dans la nuance non traitée. Au contraire, aux
joints de grains et dans les grains, les mêmes types de précipités sont rencontrés que
ceux observés avant le vieillissement (Figure III-66 a et b).
Cette précipitation intergranulaire est systématique après le traitement de recuit à
670°C 50h, quelque soit la barre de prélèvement ou la lame mince étudiée au MET.
a)
a)
b)
b)
1
4
2
3
Figure III-66 : Accumulation de précipités aux joints de grain. Les précipités 1, 2, 3 sont des phosphorures
de titane de composition : Ti + 23% at. P + 27% at. Fe+ 7,5% at. Ni+ 6% at. Cr +1,6% at. Mo. Le précipité 4
est un carbonitrure de titane (36% at. Ti).
La microstructure de la nuance A-286 brute et vieillie étant entièrement caractérisée,
nous nous intéressons aux propriétés mécaniques caractéristiques de cette nuance.
III.2.3.
Caractérisation mécanique
Les caractéristiques mécaniques de la nuance A286 vieillie à 670°C pendant 50h ont été
déterminées par des essais de traction réalisés à température ambiante et à 340°C
(température des essais de CSC) à une vitesse de déformation moyenne de 10 -3.s-1. Les
courbes de traction résultant de ces essais sont représentées en Figure III-67 et les
propriétés mécaniques résumées dans le Tableau III-7.
107
Caractérisation initiale des matériaux
Contrainte conventionnelle (MPa)
1200
1000
800
600
340°C
Contrainte conventionnelle (MPa)
.
340°C
950
Ambiante
400
850
10%
15%
200
Déformation (%)
0
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
Figure III-67 : Courbes de traction nominale de l’alliage A-286 vieilli 670°C, 50h sous air, à température
ambiante et à 340°C. Zoom en rouge de la zone plastique sur la courbe à 340°C
Température (°C)
Rp0,2%
(MPa)
Rm
(MPa)
Ag
(%)
Ar
(%)
25
657
1105
23
25,5
340
623
965
21
24
Tableau III-7 : Propriétés mécaniques en traction (limite conventionnelle d’élasticité, résistance à la
traction, Allongement uniforme et allongement à la rupture) de l’acier A 286 vieilli à 670°C pendant 50h.
L’alliage A-286 possède de bonnes propriétés en résistance, la limite d’élasticité étant
supérieure à 650 MPa et la résistance à la traction à 1100 MPa à température ambiante.
Les propriétés mécaniques en résistance de l’alliage sont légèrement inférieures à 340°C.
La capacité à l’écrouissage est notamment fortement réduite et il convient de rappeler
que les températures auxquelles sont soumis les aciers des internes de cuve varient
entre 320°C et 350°C. Il faut également noter la présence d’instabilités dans la zone
d’écoulement plastique sur la courbe à 340°C (voir zoom sur la Figure III-67)). Ces
instabilités caractérisent le phénomène PLC (Portevin Lechatelier) qui est un sous
domaine de la zone de vieillissement dynamique, et se produisant pour certains alliages
dans une gamme précise température / vitesse de déformation plastique. Ces instabilités
ont été mises en évidences par de nombreux auteurs, en particulier A. Renault (Renault,
Garnier et al. 2006) sur l’acier 304L et MSavoie pour la nuance A-286 (Savoie 2007).
Par rapport à la nuance de MSavoie, la limite d’élasticité est légèrement supérieure à
celle de notre étude (680 MPa), ainsi que la résistance à la traction (1032 MPa) à 340°C.
Les propriétés mécaniques varient peu entre les deux nuances et semblent peu affectées
par les variations de composition chimique entre les deux nuances.
Des mesures de dureté ont été effectuées pour les états brut et vieilli. Les profils de
dureté réalisés suivant le diamètre des rondins indiquent une bonne homogénéité des
propriétés mécaniques de l’alliage dans le rondin avec un léger durcissement en peau
108
20%
25
Caractérisation initiale des matériaux
pour les deux états (Figure III-68). La dureté moyenne pour la nuance hypertrempée est
Hv0,2 = 179 ± 11 tandis que celle de la nuance vieillie est Hv0,2 = 329 ± 7.
400
350
Dureté_Hv
300
A-286_brut
250
A-286_vieilli
200
150
Distance (mm)
100
0
5
10
15
20
25
30
Figure III-68: Profil de dureté de la nuance A286 suivant le diamètre de la barre de la nuance brute et
Vieillie.
Le vieillissement de la nuance 670°C pendant 50h induit une variation moyenne de la
dureté Δ Hv0,2 = 150 par rapport à l’état brut. Lorsque nous corrélons la variation de
dureté entre les deux états et la variation de la limite d’élasticité Rp 0,2 avant et après
vieillissement (ΔRp0,2%=400 MPa), nous obtenons un rapport de l’ordre de 2,7. Cette
constante est intéressante car de nombreuses études ont établi la corrélation entre la
variation de dureté résultant de l’irradiation aux neutrons de nuances d’aciers
inoxydables type 304L / 316L à des gammes de températures entre 100 et 370°C et la
variation de la contrainte. Il apparaît (voir Figure III-69) qu’il existe une relation linéaire
entre ΔHv et Δσy (la variation de contrainte d’écoulement observée avant et après
irradiation). Busby et al (Busby, Hash et al. 2005) ont défini une relation de corrélation,
indépendante de la composition chimique du matériau, de la température et des
conditions de test :
Δσy = 3,03 ΔHv
La constante de corrélation (3,03) est proche de
vieillissement de notre alliage A-286 (2,7).
109
celle obtenue en procédant au
Caractérisation initiale des matériaux
Figure III-69 : Corrélation de données expérimentales réalisées par Busby et al (Busby, Hash et al. 2005)
entre la variation de la contrainte d’écoulement et la variation de la dureté induite par l’irradiation de
nuances d’acier austénitiques inoxydables.
La nuance A286 ayant été totalement caractérisée, du point de vue de la métallurgie, de
la microstructure et des propriétés mécaniques, la partie suivante sera dédiée au second
matériau de l’étude, le 304L.
III.3. 304L
L’acier inoxydable 304 appartient à la série 300 des aciers inoxydables austénitiques de
la norme AISI américaine, contenant une teneur minimale en chrome et nickel
respectivement de 18 et 8% pour une teneur maximale en carbone de 0,08%. En fonction
de la teneur en carbone, deux catégories de 304 existent :
· 304L (Low), la version basse de la teneur en carbone (0,02% ≤ %C ≤ 0,05%)
· 304H (High) la version haute de la teneur en carbone utilisée pour des applications à
très haute température
Etant l’un des alliages d’acier inoxydable les plus utilisés, l’acier 304 offre un large panel
d’applications, commerciales ou industrielles. Dans le cas particulier de l’industrie du
nucléaire, cet acier est largement présent dans les composantes des internes de cuves, en
particulier dans l’enveloppe de cœur, les cloisons et les renforts.
A température ambiante, l’état d’équilibre pour un acier inoxydable est le mélange
biphasé +γ avec la présence de carbures de type Cr7C3 ou Cr23C6. La structure
austénitique est obtenue en figeant la solution solide dans le domaine γ par un
traitement d’hypertrempe : recuit d’austénitisation à une température comprise entre
1000 et 1100°C pendant un temps de maintien donné, qui permet la remise en solution
des éléments d’alliage interstitiels et substitutionnels dans la solution solide γ suivie
d’un refroidissement rapide permettant de figer la structure mise en solution.
110
Caractérisation initiale des matériaux
Dans cette étude, le traitement d’hypertrempe suivant a été mis en place :
 Mise en solution de 1050°C pendant 30’
 Refroidissement dynamique à l’hélium
Le traitement thermique d’hypertrempe aura pour but d’effacer le passé
thermomécanique du matériau résultant de l’élaboration de la tôle par laminage et
d’éliminer toutes les contraintes résiduelles non maîtrisées.
III.3.1.
Composition chimique
La composition chimique déterminée grâce aux analyses ICP-AES et GDMS de la coulée
304L_GV20 approvisionnées par le SCCME, ainsi que la composition chimique
fournisseur sont données dans le Tableau III- 8 (en pourcentage massique):
Nuance
Pb
W
Zr
S
304L_GV20 8ppm 0,035 12ppm 0,002
304L_GV20
fournisseur
Spécification
AISI
Spécification
RCCM-
P
C
B
Mg
0,010
0,012
- 0,003
-
-
-
0,001
0,031
0,012
-
-
-
-
-
<0,03
<0,045 <0,03
-
-
-
-
-
<0,03
<0,04
-
-
<0,03
N
0,062
Co
Si
Cu
V
Mo
Mn
Ti
Ni
Cr
Fe
8,55
18,75
Bal
-
8,50
18,18
Bal
8 - 12 18 - 20
-
<0,05 0,450 0,240 0,015 0,020 1,650 <0,05
-
0,420
-
-
-
1,700
-
-
<1
-
-
<2
-
-
-
-
<1
<1
-
<2
-
-
-
Tableau III- 8 : Composition chimique de la nuance de l’étude déterminée par ICP et GDMS (1ère partie du
tableau), de la nuance fournisseur et spécifications AISI et RCCM
Les éléments d’alliage de base dans les aciers inoxydables sont bien dans les proportions
définies par la spécification. La teneur en azote est très contrôlée car elle confère à
l’acier de bonnes qualités telles la soudabilité ou la dureté, et favorise la structure
austénitique de l’acier à basse température. Elle est présente en faible quantité dans
notre nuance et n’a pu être dosée car sa teneur dans l’alliage est inférieure aux limites
de détection par les deux techniques utilisées dans l’étude.
L’énergie de faute d’empilement est de 23 mJ/m², calculée à partir de l’équation (1) est
inférieure à la valeur de l’EDE de l’A286 (66 mJ/m²), ce qui suggère une propension plus
marquée à la déformation planaire tandis que la déformation de l’acier à durcissement
structural est régie par le glissement des dislocations parfaites dans la matrice
austénitique.
La nature des phases en présence dans un acier austénitique inoxydable dépend de sa
composition chimique ainsi que des teneurs relatives en éléments γ - gènes (éléments
stabilisant la phase γ de structure cubique face centrée (c.f.c)) ou alphagènes (éléments
favorisant la présence de la ferrite  de structure cubique centrée). De fait, la
connaissance des propriétés mécaniques des aciers inoxydables est liée à la connaissance
des diagrammes d’équilibre des aciers (binaires, ternaires ou industriels à n éléments).
Les notions de nickel et chrome équivalents sont définies afin d’ estimer, avec l’aide d’un
diagramme de Schaeffler (Blanc 1990), les phases en présence par les formules
empiriques suivantes (Lacombe and Béranger 1990) :
111
-
-
Caractérisation initiale des matériaux
( Ni) eq  (%Ni)  0,5(%Mn)  21(%C )  11,5(%N )
(Cr ) eq  (%Cr )  3(%Si)  (%Mo)
Dans le paragraphe suivant, les phases constitutives de la nuance estimées par le
diagramme de Schaeffler seront décrites.
III.3.2.
Microstructure
Les caractéristiques de la structure de la nuance à l’échelle du grain sont déterminées
par une analyse métallographique associée à une analyse EBSD.
 Caractéristiques de la matrice austénitique et de la ferrite
résiduelle par analyse métallographique et EBSD
La matrice est de structure austénitique γ classique. La teneur en éléments γ - gènes
permet la constitution de cette phase stable. En effet, les transformations de phase
classique spontanées de type γ
ε
α' ou γ
α' ne sont pas actives dans les plans
denses, la température Ms étant de -94°C. L'étendue du domaine Ms – Md30 est
cependant de 176,5°C (MS = -94°C et Md30 = 82,5 °C) et suggère que cette transformation
est rendue possible dans une large gamme de température (à température ambiante en
l'occurrence) lorsque le matériau sera sollicité mécaniquement et que la déformation
plastique cumulée critique de formation de la martensite est atteinte.
Sans sollicitations mécaniques et à température ambiante, la matrice est
majoritairement austénitique.
Les analyses EBSD ont mis en évidence la présence de grains austénitiques γ de
structure cubique faces centrées et de la phase ferritique δ de structure cubique simple.
La cartographie IPF (inverse pole figure) d’orientation est représentée sur la Figure III70.
Les grains de direction cristallographique <111> parallèles ou proches de la direction
normale de la cartographie sont colorés en bleu, ceux de direction <001> et <101>
respectivement en rouge et vert. Les grains de ferrite indexés sont représentés en noir.
Les grains de ferrite δ sont de nature lamellaire et orientés suivant le sens long L
correspondant à la direction de laminage de réception de la coulée GV20.
112
Caractérisation initiale des matériaux
Figure III-70 : Cartographie IPF d’orientation de la nuance 304L_GV20. Pas de déplacement 2,5µm. Les
deux flèches représentent la phase ferritique.
La distribution des désorientations non corrélées (deux points de mesure pris
aléatoirement sur la surface observée) a été calculée (100000 tirages aléatoires) et
comparée à la distribution théorique de MacKenzie pour un matériau non texturé. Il
s’agit de la distribution du plus petit angle de désorientation autour d’un axe
cristallographique commun de deux points choisis aléatoirement. L’échantillon étudié
apparait donc globalement non texturé, conformément à l’observation de la
cartographie ipf.
Figure III-71 : Distribution d’angles de désorientation d’un échantillon de la nuance 304L_GV20.
Comparaison de la distribution théorique de McKenzie, dans le cas d’un échantillon non texturé et de
l’histogramme expérimental. Ces deux distributions coïncident et cela implique une absence de texture dans
notre matériau.
113
Caractérisation initiale des matériaux
En considérant la ferrite δ comme étant des grains à part entière, la taille moyenne de
grains, calculée sur un échantillon contenant 1040 grains, est de 27 μm. L’histogramme
de la distribution de taille de grains indique que les grains de taille inférieure à 10 μm
représentent 34% de la population totale (Figure III-72).
Figure III-72 : Histogramme de distribution des tailles de grain en général, et des grains γ en particulier
(nuance 304L_GV20)
La proportion de ferrite est calculée par les aires relatives de chaque phase. En
considérant le matériau composé des phases ferritique et austénitique uniquement, la
proportion de la ferrite  est de 2,5% (97,50% d’austénite). Les grains austénitiques sont
équiaxes, à l’inverse des grains de ferrite lamellaires et orientés, suivant le sens de
laminage L.
La Figure III-73a) représente la distribution des joints spéciaux CSL (Coincident
Site Lattice) présents dans la matrice austénitique (la valeur de l’indice de coïncidence Σ
en abscisse). Les joints CSL sont des joints spéciaux correspondant à la coïncidence de
deux réseaux, l’indice de coïncidence Σ étant égal au rapport du volume de la maille de
coïncidence sur le volume de la maille primitive. La classification des joints de grains est
réalisée par le critère de Brandon, chaque type de joint étant défini par la désorientation
entre deux joints adjacents et le plan du joint de grain. La déviation maximale à la
coïncidence de deux grains est de 3°. Ainsi, les joints Σ3 sont caractérisés par une
désorientation intergranulaire de 60°±3°, la famille des plans du joint étant la famille
<111>. Ces joins identifient souvent les joints de macle de croissance qui sont
caractérisés par un axe commun <111> et de désorientation 60°.
L’analyse quantitative révèle que les joints de grains Σ3 représentent 42% et les joints
CSL Σ9, de plan <110> et d’angle de désorientation 39° près de 3% de la totalité des
joints de grain détectés lors de l’analyse. Cette nuance de 304L est fortement maclée,
114
Caractérisation initiale des matériaux
ce paramètre sera donc à prendre en considération dans les prochaines études de
corrosion sous contrainte.
Concernant les joints de grains, la distribution des désorientations d’angles entre
grains adjacents est représentée sur la Figure III-73 b). Les grains de désorientation égale
ou proche de 60° sont majoritaires (28%) tandis que ceux de faible désorientation sont
négligeables. Ce dernier point est cohérent avec le critère de détection angulaire de
grains de 10°.
Figure III-73 : a) Distribution des joints spéciaux selon la classification de Brandon b) Distribution d’angles
de désorientation entre grains adjacents.
 Quantification de la ferrite résiduelle
Les analyses EBSD ont donné une première estimation de la quantité de ferrite δ
résiduelle, soit une proportion volumique de 2,5%. D’autres techniques de caractérisation
et de quantification complémentaires ont été mises en place.
Les observations micrographiques confirment la présence de bandes de ferrite δ
allongées le long de la direction de laminage (L). La répartition de la ferrite est
anisotrope, la distribution étant différente d’une face à l’autre. (Figure III- 74).
115
Caractérisation initiale des matériaux
200µm
Figure III- 74 : Vue suivant 3 faces perpendiculaires aux directions métallurgiques (L, T, S) de la
microstructure du 304L.
Nickel equivalent = %Ni + 30 (%C) + 30 (%N) + 0, 5 (% Mn)
Compte tenu des teneurs respectives en équivalents de chrome et nickel et des conditions
d’équilibre thermodynamique adéquates, une quantité de ferrite δ se forme dans la
matrice austénitique lors du refroidissement de l’alliage. Le diagramme de Schaeffler
(1990) donne une estimation, dans un premier temps, en fonction des teneurs respectives
équivalentes en Ni et Cr de la phase δ.
Chromium equivalent = %Cr + %Mo + 1, 5 (%Si) + 0, 5 (%Nb)
Figure III-75 : Diagramme révisé de Schaeffler estimant la quantité de ferrite (Blanc 1990). Le cercle noir
indique la nuance de cette étude.
Ainsi, la coulée approvisionnée de 304L présenterait un taux moyen de ferrite d’environ
6% (%at Nieq = 11,8 %at Creq = 18,82), (Voir Figure III-75).
La présence de ferrite améliore la soudabilité et la forgeabilité de l’acier, mais elle peut
également avoir un effet néfaste sur la fissuration intergranulaire. En effet, l’interface
austénite/ferrite δ est la source d’hétérogénéités de déformation. La densité de
dislocations présente dans l’austénite est plus importante que celle dans la ferrite, la
116
Caractérisation initiale des matériaux
phase ferrite étant plus dure que l’austénite (Figure III-76). Les interfaces
austénite/ferrite, semi cohérentes, contribuent à la génération de cavités et constituent
des sites d’amorçage précoce de fissures dans la mesure où il existe une incompatibilité
de déformation entre les deux phases (Czerwinski, Cho et al. 1999).
Figure III-76 : Microstructure d’une plaque en 304L (Czerwinski, Cho et al. 1999) : a) morphologie de la
ferrite δ dans une matrice austénitique ; b) Concentration de dislocations au voisinage de l’interface ferrite /
austénite.
Une quantification plus précise de la teneur en ferrite a été réalisée par analyse
d’images à l’aide du logiciel de traitement et d’analyse d’images Visilog. Après
acquisition, les images sont converties en niveaux de gris. Le seuillage permet de
différencier les particules de couleur foncée de la matrice en réduisant les images de base
en image binaire (Figure III- 77). On peut, par la suite, définir des paramètres de mesure
tels que les pourcentages d’aire des particules, les dimensions et le nombre de particules.
La taille de champ à chaque estimation du taux de ferrite est de l’ordre de 15 mm², soit
des dimensions de 765 pixels x 549 pixels pour une image (la taille du pixel est de 6µm X
6µm). Pour chaque nuance, cette estimation est réalisée sur 2 champs non jointifs et le
taux reporté est le taux de ferrite moyen. Les valeurs de seuil de niveau de gris est de 0
pour le seuil inférieur et 130 pour le seuil supérieur.
200µm
Figure III- 77 : a) Acquisition, b) binéarisation et c) seuillage d’une micrographie de l’acier inoxydable
Cette analyse révèle des teneurs de l’ordre de 8% sur la face LS, 4% sur la face ST et 1%
sur la face LT. Précisons cependant que la méthode d’analyse d’images est relativement
difficile à mettre en œuvre, compte tenu du seuillage peu reproductible (chute de la
sensibilité au seuillage), d’un opérateur à l’autre, de la ferrite.
117
Caractérisation initiale des matériaux
Ces techniques, toutes différentes mais complémentaires, indiquent que les îlots de
ferrites sont de forme lamellaire, orientées dans la direction du laminage de la tôle de
prélèvement soit la direction L. La proportion volumique de ferrite δ dans la matrice
austénitique est comprise entre 2 et 8% selon la méthode de détermination utilisée. Ces
valeurs sont en accord avec les travaux de Couvant qui indiquent un taux de ferrite δ
compris entre 3 et 6% dans la matrice γ (Couvant 2003) et ceux de Maillot (Maillot 2004)
dans l’intervalle [1 – 4%] sur des nuances 304L.
 Caractérisation de la microstructure par MET
L’acier 304L présente des grains avec des morphologies différentes soit allongée dans la
matrice, soit ovale et soit sous forme d’aiguille (Figure III-78). La composition EDX de ces
grains est différente de celle de l’austénite. Cette phase s’enrichit en chrome et en
molybdène tout en perdant la moitié du nickel de la matrice austénitique. Les autres
éléments chimiques restent stables, seul le rapport Ni/Cr permet de différencier ces deux
phases. Cette phase est de la ferrite  qui cristallise dans le système cubique centré de
paramètre de maille a=2,886 Ǻ. Les diagrammes de diffraction obtenus sur cette phase
sont représentés sur la Figure III-79 et permettent son identification.
Figure III-78 : Images en champ clair de grains de ferrite présentant des morphologies différentes.
Pour la ferrite de morphologie circulaire, (Figure III-79) elle concentre les dislocations à
son interface avec la matrice γ. En effet, la variation de résistance mécanique entre les
deux phases (la ferrite étant plus dure que l’austénite) favorise une localisation des
contraintes aux interfaces et constitue un site d’amorçage pour les fissures
intergranulaires.
Figure III-79 : Diagrammes de diffraction de la ferrite suivant l’axe de zone [001], [113] et [-153]
118
Caractérisation initiale des matériaux
III.3.3.
Caractérisation mécanique
Contrainte nominale (MPa)
Les caractéristiques mécaniques de la nuance 304L ont été déterminées par des essais de
traction simple à température ambiante et à 340°C, menés à une vitesse de déformation
moyenne de 5 x 10-4s-1. Les résultats sont présentés dans le Tableau III-9.
à l’ambiante
340°C
Déformation nominale (%)
Figure III- 80 : Courbes de traction de l’alliage 304L hypertrempé, sous air, à température ambiante et à
340°C
Température
(°C)
Rp0,2%
(MPa)
Rm
(MPa)
Ag
(%)
Ar
(%)
25
315
682
72
77
340
205
433
35
40
Tableau III- 9 : Propriétés mécaniques en traction (Limite d’élasticité conventionnelle, Résistance à la
traction, Allongement uniforme, Allongement à la rupture) de l’acier 304L.
Le matériau possède de très bonnes propriétés en ductilité, ténacité et une forte capacité
de durcissement par écrouissage. A contrario par rapport à la nuance A-286, les
propriétés de résistance du matériau sont plus faibles, la limite d’élasticité à la
température ambiante est de l’ordre de 315 MPa (contre 657 MPa pour l’acier à
durcissement structural A-286). La montée en température entraîne comme pour l’A286
une dégradation nette de toutes les propriétés du matériau, comme en atteste la chute
des valeurs de résistance et de ductilité à 340°C.
La dureté moyenne à l’état brut de réception de la nuance est de 187 Hv tandis que la
même nuance hypertrempée a une dureté moyenne de 186 Hv. Nous notons un faible
gradient de dureté dans l’épaisseur avec les bords qui sont plus durs pour la nuance
brute de réception. Le traitement thermique réalisé en laboratoire permet d’obtenir un
119
Caractérisation initiale des matériaux
niveau de dureté plus faible près des faces de la plaque mais ne modifie pas globalement
la valeur de la dureté moyenne la long de l’épaisseur de la plaque (Figure III-81).
Notons que le niveau de dureté de la nuance 304L hypertrempée est équivalent à celui
de l’acier A-286 avant vieillissement. Le niveau de dureté de l’acier à durcissement
structural vieilli ne devient équivalent à celui de l’acier 304L que lorsque celui-ci est
240
irradié à des doses variant de 1 à 5 dpa.
220
Dureté_Hv
200
180
160
140
304L_Hypertrempee
304L_brute
120
Distance (mm)
100
0
5
10
15
20
25
30
Figure III-81 : Profils de dureté suivant l’épaisseur de la tôle des nuances 304L_GV20 brute de réception et
hypertrempée
120
Caractérisation initiale des matériaux
III.4.
Conclusion
Dans ce chapitre, les deux nuances de l’étude, A286 et 304L, ont été présentées et
caractérisées afin de maîtriser tous les paramètres spécifiques à chaque nuance. Cette
partie « caractérisation des matériaux » est la première brique de la démarche de l’étude
dédiée à la localisation de la déformation plastique et son influence sur la CSC des aciers
austénitiques inoxydables. En déterminant et comparant les états métallurgiques
initiaux de chaque nuance, les différences de microstructures observées après une
caractérisation multi échelle sont explicitées. La caractérisation mécanique de chaque
nuance après le traitement thermique approprié est également une source d’information
précieuse, quant aux propriétés et au comportement mécanique de chaque alliage.
La composition chimique de l’A286 est conforme aux spécifications RCCM des matériaux
du nucléaire. Cependant, les teneurs en titane, molybdène sont non négligeables (2% et
1% respectivement), ce qui favorise la formation de phases secondaires de type carbures
lors du retour à l’équilibre de la microstructure après le traitement de vieillissement.
La teneur en silicium de notre nuance est cinq fois plus importante que celle de l’étude
de MSavoie, ce qui impacte la valeur de l’énergie de faute d’empilement (66 mJ/m² pour
notre nuance contre 76 pour celle de MSavoie). La matrice est globalement austénitique,
avec des grains de taille moyenne 15µm, peu maclés (18% sur la totalité des joints de
grain). Les résultats de caractérisation de la microstructure de l’acier à durcissement
structural A-286 révèlent généralement une matrice austénitique γ et une précipitation
plus ou moins marqué selon la nuance. A l’état brut, des carbonitrures de titane (TiN,
Ti(C, N), des carbures de chrome et de molybdène sont mis en évidence en position inter
et intragranulaire. Des phosphorures sont également présents mais seulement à travers
les grains. Le traitement thermique de vieillissement (670°C, 50h) conduit à la création
de la phase γ’ (Ni3Ti), cohérente avec la matrice de taille de l’ordre de 3,6 nm de
diamètre, en plus des précipités précédemment cités systématiquement alignés aux
joints de grain. Pour les mêmes conditions de vieillissement, les mêmes caractéristiques
microstructurales sont observées pour la nuance de MS, les précipités ’ étant de taille
légèrement plus importante (5 nm).
Les caractéristiques mécaniques sont améliorées après le vieillissement de l’alliage,
comme en atteste la dureté Hv0,5 qui croît de 179 en moyenne à 329 après le traitement
thermique. Cependant, la valeur de la dureté à l’état vieilli est du même ordre de
grandeur que la dureté obtenue après irradiation des nuances de type 304/316 en milieu
REP, ce qui est intéressant dans l’optique de la reproduction de la géométrie de la
microstructure caractéristique des nuances 304 / 316 après irradiation aux neutrons sur
la nuance A-286.
Par ailleurs, les propriétés mécaniques sont très élevées et plus proches de valeurs
obtenues sur les inconels et les base nickel que sur les aciers inoxydables classiques, les
valeurs de résistance à la traction atteignent à température ambiante 1100 MPa et la
limite élastique 657 MPa. Ces propriétés sont cependant légèrement abaissées (la
capacité d’écrouissage en particulier) à 340°C, température à laquelle les essais de CSC
seront réalisés par la suite.
121
Caractérisation initiale des matériaux
Dans le cas de la nuance 304L, la microstructure est caractérisée par la présence
d’ilôts de ferrite δ lamellaires et orientés dans le sens de la direction L de laminage. Les
teneurs respectives en équivalents de chrome (éléments α-gènes) et nickel (γ-gène)
favorisent la présence de cette ferrite résiduelle à l’état stable à température ambiante
dans la matrice austénitique. Malgré le traitement d’hypertrempe appliquée à la nuance,
la remise en solution des éléments d’alliage interstitiels et substitutionnels dans la
solution solide γ n’est pas totale. Cependant, le pourcentage de grains de ferrite
résiduelle est compris entre 2,5 et 6%, et affecte peu les propriétés mécaniques du
matériau. En effet, la dureté du matériau est quasi identique avant et après le
traitement thermique. La taille des grains est de 27 µm en moyenne et cette nuance est
globalement non texturée et fortement maclée (42% sur la totalité des joints de la
matrice). Nous notons que la microstructure initiale du matériau est spécifique avec la
présence d’îlots de ferrite et de macles de croissance. Cette nuance possède de bonnes
propriétés de ductilité (l’allongement à la rupture est de 77% à température ambiante) et
une forte capacité d’écrouissage.
Dans la suite de l’étude, ces données sur la microstructure initiale des nuances sont
confrontées à celles de la microstructure de déformation résultant des essais mécaniques
de prédéformation. Ces essais ont pour but de créer une microstructure de déformation
particulière, simulant la géométrie de la microstructure en bandes dépourvues de
défauts obtenue sur les nuances 304 / 316 irradiées aux neutrons. Dans le cas de la
nuance A286, des essais de fatigue oligocyclique à déformation plastique imposée sont
dimensionnés afin d’atteindre cet objectif.
Dans le chapitre suivant, nous abordons la notion de réactivité de surface et d’oxydation
sur la nuance 304L. La stabilité du film passif formé lors de l’exposition en milieu REP
des aciers inoxydables est un élément moteur des phénomènes de corrosion. Nous nous
proposons de caractériser les films de surface développés en milieu REP, ainsi que
l’influence de l’état de surface sur les mécanismes de croissance.
122
Lire
la seconde partie
de la thèse
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