MUSIQUE ET PHILOSOPHIE Musicologie

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MUSIQUE ET PHILOSOPHIE
Musicologie
Modernité et postmodernité
La modernité et postmodernité amènent la notion de progrès, à partir du XVIIIe siècle jusqu’à nos
jours. Modernité et postmodernité constituent en une opposition qui traverse les époques. « Modo »
en latin signifie récemment, synonyme de contemporain. Le moderne est ce qui est de notre temps.
La modernité en tant que projet philosophique a un sens différent. Elle démarre avec Descartes
(1630) et le triomphe de la raison. C’est une rupture dans la conception des arts, et du monde en
général. Rien n’existe qui ne puisse être démontré, ainsi cela remet en cause les écritures, puisque
c’est une parole donnée qu’on ne peut contester et que l’on doit partager. L’idée est par conséquent
d’analyser le sensible. Cette raison s’affirmera surtout au siècle des Lumières.
En histoire, l’époque moderne désigne une période assez claire, qu’est celle comprise entre 1492 et
1789. La révolution constitue un renversement de l’établi. La modernité a été accompagnée au XVIIIe
siècle de progrès techniques et de progrès social, une foi dans l’homme acteur de sa destinée, le
sujet pensant, une foi en l’avenir. La modernité est une vision de l’histoire comme étant un progrès
perpétuel.
La postmodernité désigne étymologiquement quelque chose qui dépasse, qui vient après. La
postmodernité peut aussi s’opposer à la modernité. La postmodernité ne croit plus en l’utopie d’un
monde meilleur grâce au progrès ; elle ne croit plus en la science. Elle voit aussi l’histoire comme une
succession de pertes, d’abandons et d’échecs.
Deux grands penseurs du XXe siècle sont à noter. Il s’agit de Théodore Adorno (1903-1969), l’un des
principaux philosophes de la modernité dans l’art, particulièrement en musique. Musicien qui a
étudié avec Berg, il compose de la musique, d’une façon sérielle avec une dimension lyrique. Il
écrit Philosophie de la nouvelle musique aux États-Unis pendant la guerre de 1939-1945. Cette
œuvre place deux camps, dans les deux chapitres qui suivent une longue introduction. Le premier
chapitre s’intitule « Schoenberg et le progrès », le second « Stravinsky et la restauration » inspiré du
titre d’un article éponyme de Schoenberg. Le second penseur est Jean-François Lyotard (1924-1998),
écrit en 1979 un livre qui fonde le principe de postmodernité La Condition postmoderne, qui la décrit
d’une manière philosophique sans trop d’artistique. Il décrit la postmodernité comme la fin des
« Grands Récits », la fin d’une utopie. Néanmoins, il n’est pas un philosophe postmoderne, puisqu’il
pense pouvoir réécrire et revisiter la modernité, comme quelque chose qui la dépasserait sans s’y
opposer en la débarrassant de son projet d’émancipation de l’humanité grâce à la science et à la
technique, bien que le progrès existe toujours.
I.
LA MODERNITE
1) Une Esthétique de la raison
a) Les Lumières
Le concept de la raison appliquée au sensible et aux actions humaines vient de Descartes. On
s’aperçoit qu’au XVIIIe siècle fleurit toutes sortes de traités : c’est l’époque de la théorisation. On
veut comprendre de façon rationnelle le sensible, en le décrivant. Notamment, la musique est
théorisée également, avec par exemple le traité de Rameau L’Harmonie réduite à ses principes
naturels (1722). La nature est envisagée à l’époque comme étant un objet de raison. La rationalité
est appliquée en musique avec l’accord parfait, les enchainements d’accords, l’acoustique, ou encore
le tempérament égal. Il y a également une volonté de simplification, une préférence à ce qui est
intelligible.
à Haydn – Quatuor en Mib Majeur, Op. 33 No. 2 (1781), Mvt 1.
Exposition d’un thème simple accompagné par des accords simples, rythmés simplement, des
carrures classiques, des cadences fréquentes, avec une idée de la proportion et de la symétrie. Haydn
écrit dans une lettre que c’est un genre « nouveau et tout à fait particulier ». Il a conscience de la
nouveauté de son écriture. C’est quelque chose que l’on peut considérer comme le début de la
modernité en musique La modernité en question, F. Decarsin.
Dans La Création (1798), Haydn, on trouve le passage du chaos, jusqu’à l’organisation rationnelle. Le
Divin ne s’oppose pas à la raison, mais c’est l’organisation de la fonction rationnelle ; l’obscurantisme
seul était critiqué. Cet Oratorio sacré raconte les six premiers jours de la Genèse. L’organisation de la
musique fait sentir un chaos très organisé, puis le rayonnement humain. Ainsi sur des sujets sacrés
on applique l’idée de la raison.
à Ernst Cassirer – La Philosophie des Lumières (1932), Texte support
« Les Arts ont cela de commun avec les sciences, qu’ils sont comme elles, fondées sur la
raison ». Traité du poème épique, Le Bossu
b) Le Culte du progrès
Il faut voir la modernité comme une orientation vers la sécularisation, vers le progrès, vers la
nouveauté. Le moderne est désormais maître de son destin, il cherche le progrès, moyen par lequel
le monde sera meilleur. Hegel dit dans son ouvrage L’Introduction à l’Esthétique (1815) que « Tout ce
qui vient de l’esprit est supérieur à ce qui existe dans la nature (…) c’est pourquoi le beau artistique
est supérieur au beau naturel. ». On trouve une rupture forte sur la question de l’imitation de la
nature. L’art ne doit plus avoir pour mission d’imiter la nature. La nature n’est plus parfaite, l’art la
supplante, grâce à son émanation de l’esprit humain. L’homme est au dessus de la nature, et s’en est
échappé ; l’homme invente pour maîtriser la nature, le progrès permet cette domination de la nature
hostile. Cette idée rejoint le mythe de Prométhée, voulant dérober aux Dieux le pouvoir du feu qu’il a
enseigné aux hommes. Zeus furieux l’attache à rocher où un aigle venait chaque jour manger un
morceau de son foi, qui repoussait chaque jour. Ainsi, les Dieux, maîtres des sciences et des arts,
punissent les hommes qui veulent aller vers le progrès ; Prométhée va se libérer de ses chaines grâce
à la science et à la technique. Beethoven, compositeur majeur de ce courant, écrit le ballet Les
Créatures de Prométhée (1801). Il écrit dans une lettre à l’archiduc Rodolphe « Dans le monde de
l’art comme dans la création toute entière, la liberté et le progrès sont notre principal but ». Chez
Beethoven, on voit plusieurs éléments qui illustrent le progrès. Tout d’abord, une idée d’hybridation
des formes, comme les scherzos en forme sonate, mais au-delà la forme sonate investit la majorité
des genres. Aussi, on trouve une pratique de la variation qui s’affranchit petit-à-petit de l’élément
mélodique initial. Les Variations Diabelli (1821) propose un thème insignifiant, qui dès la seconde
variation n’est plus présent.
àVariations Diabelli – Beethoven
Au fur et à mesure des variations le thème s’éloigne. Diabelli avait demandé aux compositeurs de son
époque de composer des variations sur son thème. Beethoven en fit 33. La variation mène à tout.
Avec Beethoven, l’œuvre est unifiée. Le Quatuor à cordes No. 14 Op. 131 montre bien cette
dimension. Au lieu d’avoir quatre mouvements distincts, Beethoven propose un enchainement de 7
mouvements enchainés. Quatre mouvements véritables séparés par des transitions intercalées entre
les grands mouvements, qui créent une continuité de mouvement.
Mais pour des écrivains tels que Chateaubriand, la modernité est péjorative ; il veut restaurer la
tradition, la royauté, la religion. Après la chute de Napoléon 1er en 1815, la Restauration ramène la
monarchie. Le XIXe siècle du progrès, celui de Liszt, Beethoven, Wagner s’oppose au XIXe siècle de
Chateaubriand, de Nerval, qui sont des penseurs nostalgiques.
2) L’Art du vrai
« Dans l’art nous n’avons pas à faire à un jeu simplement agréable et utile, mais au déploiement de la
vérité ». Hegel considère que l’art est une manifestation forte de la vérité de l’homme malgré les
principes de créations. Le beau artistique est supérieur au beau naturel puisque l’esprit est porteur
de vérité. On a donc une idée de recherche de la vérité dans l’œuvre d’art. Il y a une tendance dans la
musique du XXe siècle à rechercher d’avantage la vérité que le beau. A l’époque des Lumières, vérité
et beauté étaient toujours associés. La vérité n’est pas forcément belle, et toute beauté n’est pas
forcément vraie. La vérité peut être l’expression d’idées sombres qui ne doivent pas être embellie.
Schönberg est intéressé par cette pensée, qui s’échappe de la tonalité et de l’accord parfait, créant
des œuvres qui font preuve d’une violence, avec des contrastes brutaux, des dissonances âpres. L’art
ne va plus transcender la société, mais se fondre en elle. « Les dissonances qui effraient les auditeurs
leur parle de leur propre condition, c’est uniquement pour cela qu’elles leur sont
insupportables »,Philosophie de la nouvelle musique, Adorno.
à Klavierstücke No. 3 Op. 11 – Schönberg
C’est une musique éclatée dans le registre, un rythme non pulsé. Beaucoup de silences qui
interrompent la matière musicale. Il n’y a pas d’illustration précise, mais la musique est très
expressive, avec beaucoup de violence. La forme n’est pas difficile à percevoir, la première partie est
éclatée, la seconde plus lente avec un soupçon de mélodie, puis un retour à l’éclatement.
Adorno va beaucoup critiquer la musique Classique et Romantique, qui est souvent réduite dans
l’image qu’en ont les auditeurs à des « thèmes faciles », ou d’une « beauté néfaste ». L’apparence
n’est pas la vérité (Platon et le mythe de la caverne). Les associations d’images sont fallacieuses. La
musique, comme Nietzsche ou Hanslick, se grandit quand elle n’exprime pas quelque chose de
précis, quand elle reste un art de l’abstrait. Pour Adorno, les œuvres du passé sont devenues des
objets de consommation du capitalisme culturel, « du genre décoration ». Il n’attaque pas l’œuvre en
soit, mais les conditions de représentation de cette œuvre. Il juge cette approche superficielle. Il
dénonce également des attitudes très répandues au tournant du XIXe siècle et au début du XXe siècle
à l’utilisation de musiques populaires qui représenteraient une image très bourgeoise du peuple, par
le mélange symphonique des thèmes populaires. « Tout ce que, après Chopin, la musique a contenu
de national est empoisonné tant socialement qu’esthétiquement », Introduction à la sociologie de la
musique (1962). Le renfort de l’identité national est néfaste. Le mélange entre le savant et le
populaire n’est pas un mélange réussi. Boulez considère que ça ne donne aucune identité propre.
Pour Adorno, faire appel au folklore est régressif. La musique moderne doit expliquer le réel dans sa
vérité et dans sa complexité, mais sans l’exprimer concrètement. Plus la musique va avoir une
expression concrète, descriptive, narrative, moins elle sera expressive, car elle n’exprimera que
l’apparence des choses. La vérité se situe au-delà de ça, dans ce qui est ineffable. Elle dépasse le réel
en même temps qu’elle l’exprime. Le réel ne doit pas être exprimé de trop près pour être exprimé
justement. La musique instrumentale, car elle est musicalement pure réinvente des moyens
d’expressions par des nouveaux canaux détachés des canaux sémantiques classiques.
Schopenhauer avait intégré ces pensées. La musique est contemplative, un art du temps. Le
dépassement du réel et du concret.
La beauté peut-elle être néfaste ? Deux concepts s’affrontent, le beau et le bien. Pour Kant, le beau
et le bien sont liés. Pour Adorno, seul le vrai est bien, le beau est un accessoire complémentaire ;
bien que le beau puisse être suspect, et détourner les autres de la réalité. Les compositeurs de
l’école de Vienne considéraient que la recherche du beau avait quelque chose de facultatif, voir
inutile. Berg confie à un journaliste en parlant des mélodies de Schönberg « J : Peut-être qu’on les
trouvera belles un jour. B : Pourquoi pas, mais continuons. ». Jusque là, l’idée de beauté était
fondamentale pour un artiste.
« Une dissonance ne doit pas être acceptée ou rejetée sur un critère de beauté. La cohérence, la
logique, la finalité du discours, voilà ce qui permet essentiellement de comprendre de quoi il s’agit »
Schönberg, Le Style et l’idée.
La musique est une science, et l’acoustique y est liée (Varèse). Dans les années 1970, des centres
sont créés pour explorer et travailler le son (le GMEM, l’IRCAM). Pour Adorno, l’art est une activité
humaine qui doit conserver la subjectivité, sans devenir un mécanisme « Si l’art accepte
inconsciemment l’élimination de l’angoisse et se réduit à un pur jeu, il se coupe de la vérité, perdant
son unique droit à l’existence ». La Tragédie de l’homme est le propre de l’art. Le jeu peut être en
tant que divertissement, soit en tant que juste assemblage de matériaux, comme la musique sérielle.
Une œuvre est juste si dans sa réalisation technique elle est l’expression authentique du temps
présent, sans être le langage du passé. La musique du temps doit être une musique non énoncée
auparavant.
3) Progrès et avant garde
a) Définition du progrès en esthétique
Selon le musicologue Fétis (XIXe siècle) « Ce qu’on appelle en général progrès n’est que
transformation ». Le progrès peut engendrer de l’espérance d’un avenir meilleur. Schönberg définit
le progrès en musique comme « Un perfectionnement des méthodes de présentation des idées ». Il y
aurait des idées communes aux époques, sans être forcément nouvelle, mais en l’utilisant
différemment. Il y a une distinction entre le style qui évolue et qui marque le temps, et l’idée qui est
hors du temps. Boulez reproche à Schönberg d’exprimer des idées anciennes avec des moyens
nouveaux. Il s’attaque en particulier à ses premières œuvres ; la génération de Boulez prendra
comme modèle Webern. Le progrès est très souvent l’image d’un perfectionnement illusoire de
l’œuvre, en essayant de dépasser les œuvres du passé. Alors qu’en science, le progrès améliore et
remplace une invention précédente, ce ne peut être le cas pour la musique, et pour l’art en général.
à Essais sur la nouvelle musique – C. Dahlhaus
Pour Dahlhaus, le progrès artistique est proche du progrès philosophique. La philosophie d’une
époque évoque une manière de pensée, qui peut inspirer.
La vision de progrès s’est souvent apparentée en tant que vision de perte et profit. Le moderne
pense qu’il a plus gagné que perdu ; le néoclassique estime qu’il a plus perdu que gagné.
à Sonate pour cor, trompette, trombone, Mvt. 3 (1922) – F. Poulenc
à Troisième pièce pour orchestre (1913) – A. Webern
Dans le premier extrait est évoquée une fanfare de village, par l’originalité de la formation, et la
mélodie très simple. Petit à petit, les dissonances se font entendre en contraste avec la musique
tonale, comme si les musiciens se trompaient. C’est un patrimoine à la fois encensé, mais aussi
moqué. Chez Webern, il n’y a plus de tonalité, mais une plus grande recherche de contrastes de
timbre. On peut remarquer des percussions singulières, comme des cloches de troupeaux, une
mandoline. On trouve une discontinuité ; les instruments joue souvent trois notes par trois, élément
stylistique propre à Weber. Aussi, beaucoup de silences, de résonnances.
b) L’avant garde
Ce terme est emprunté au terme militaire, renvoyant à un groupe d’éclaireurs explorant un terrain
inconnu. Pour les artistes, on considère qu’il sont en avance sur leur temps et prospecter sur un
terrain encore vierge. Le mot apparaît en Art pour la première fois chez Saint Simon en 1825 ; Saint
Simon est un penseur scientiste, qui a développé une mystique, entre temples et rituels. Cette
religion de la science propose une vision déterministe de l’histoire, qu’on peut appeler historicisme,
où elle n’emprunte qu’une seule voie, celle du progrès, qui doit conduire l’humanité au bien, à une
société parfaite. Les libéraux comme Barthélemy ou Napoléon III, les positivistes comme Comte, ou
Renan, rejoignent cette idée. Pour eux, l’idéal du progrès se rattache au progrès économique, et
l’enrichissement individuel et collectif par extension. Cette pensée a aussi été récupérée par les
communistes ou les anarchises tels que Marx, Proudhon, Fourrier. Parallèlement à cela, Saint Simon
représente la société sous la forme d’un triangle isocèle dans lequel la masse la plus importante,
celle du peuple se retrouve en bas, puis celle, intermédiaire des industriels, puis les scientifiques,
puis enfin au-dessus les artistes, qui sont supposé être en contact avec Dieu, au-dessus de la société
et en avance sur leur temps. A la pointe de ce triangle se situe l’artiste d’avant garde, seul face au
vide, qui tire tout le reste que Kandinsky appellera le chariot récalcitrant. Une fois que le triangle
avance dans le sens de l’histoire, celui qui un temps était à l’avant garde, se retrouve dans la
moyenne des artistes.
à Homo Aestheticus – Luc Ferry
Kandinsky a repris ce triangle en mettant l’accent sur les artistes, en rajoutant la notion romantique
de génie isolé face aux masses. Pour lui, identifier un artiste d’avant garde se remarque par son
caractère scandaleux. Un artiste qui ne provoque aucun scandale, trop aimé de son public, n’est pas
un artiste d’avant garde. L’art doit provoquer et dépasser les attentes de la société en étant rejeté de
prima bord avant d’être accepté et encensé par la société. En musique, c’est Schönberg qui joue ce
rôle alors qu’en peinture ce serait Picasso. « L’art dans son ensemble n’est pas une vaine création
d’objets qui se perdent dans le vide, mais une puissance qui a un but et doit servir à l’évolution et à
l’affinement de l’âme humaine au mouvement du Triangle » Du Spirituel dans l’Art et dans la
peinture en particulier. L’idée du spirituel semble être ainsi une idée de progrès, avec cette théologie
de la science toujours présente. L’avant garde devient synonyme d’élitisme. Schönberg pense qu’il
est « provisoirement refusé à {ses} œuvres de gagner la faveur des masses ». A partir de Schönberg,
cette coupure du public est vraiment assumée.
à Programme des sociétés privées de concert
Elle part du principe que le public n’est pas adapté à l’œuvre. Le public fait fausse route. Elle refuse la
compétition commerciale des œuvres. L’échec ou le succès ne veut pas dire qu’une œuvre est bien
ou non.
« L’avant garde est liée à l’idée de révolution » Ferry. Une révolution individuelle réalisée par un
homme seul et génial qui propose une vision du monde nouvelle et moderne. L’avant garde est aussi
le culte de l’individu pensant et agissant ; l’individu au sens le plus fort du sujet, acteur de sa destinée
et de celle de la société par l’invention. Tout ceci vient de la philosophie des Lumières. L’avant garde
en art a été la plus forte au début du XXe siècle.
4) L’avant garde après 1945 : Doutes et certitudes
Après la seconde guerre mondiale, l’essor de l’avant garde en musique s’explique par le fait qu’elle se
situe comme la seule alternative face au totalitarisme vaincu. A partir de 1946 à Darmstadt accueille
une université d’été des compositeurs, orienté au départ vers le retour des courants bannis par la
guerre. Il s’agit de redonner un souffle nouveau à une certaine vision du monde. Darmstadt aurait
été financée en grande partie par les services secrets américains parmi d’autres actions pour essayer
de couper le public Allemand de ses habitudes nazies. Cependant, ce n’est pas des compositeurs
comme Schönberg qui au départ était encensé par ce processus, pour une transition en douceur. A
partir de 1949, Leibowitz, élève de Schönberg, apprend à la génération suivante comme Boulez à
écrire de la musique sérielle ; il arrive à Darmstadt, ce qui amène l’essor de la musique sérielle, avec
Boulez, Stockhausen, Nono. La génération jeune et nouvelle a besoin de s’exprimer et de passer à
autre chose. On a reconstruit la musique presque avant de reconstruire le matériel. Le modèle pour
cette nouvelle génération n’est pas Schönberg, mais Webern, avec le mythe qui accompagne sa mort
accidentelle. L’époque est marquée par une radicalisation de certaines habitudes. Adorno va
dénigrer tous les classiques dans Philosophie de la nouvelle musique. Cette idée d’une musique
néoclassique compromise se lie aux politiques totalitaires : il faut donc s’en débarrasser.
à Première sonate pour piano, Mvt. 2 – Boulez (1946)
C’est une œuvre sérielle, mais ce qui caractérise plus profondément cette œuvre, c ‘est son
éclatement des notes, dispersées dans l’espace et dans le temps, avec des rythmes inégaux et des
interruptions de silences qui dissipent l’impression de pulsation rigoureuse. Il n’y a pas de métrique
dans la mesure. La série est exposée au début, mais avec une petite irrégularité, on entend deux fois
le Fa dièse avant la fin de la série. La série se décompose par un chromatisme retourné, un triton,
une quarte, un chromatisme, puis un second chromatisme retourné, ce qui donne un miroir
rétrograde. La section centrale est ainsi composée d’intervalles plus grands, et le motif conclusif par
le triton presque inverse du premier, contenant le second Fa dièse.
A partir du rapide, la série est condensée sur une seule octave. Le Fa dièse ici intervient avant le Fa
naturel. Cette même exposition contient en superposition une sorte de rétrograde de la série, qui
débute après la première. De manière générale, on trouve les procédés très systématiques de
développement. Ce mouvement rapide perpétuel est plus pulsé par la succession de croches.
Ainsi, la première partie apparaît plus moderne que la seconde partie, plus classique. On trouve une
volonté intervallique particulière propre au style éclaté que veut Boulez, qui dans son brouillon avait
écrit « penser à enlever les octaves », avec également peu de tierces mineures, au profit des tritons,
et surtout des septièmes majeures, et intervalles supérieurs à la double octave, ce qui enlève aussi
cette notion d’intervalles.
Contemporain de Boulez en France, des compositeurs comme Baraqué se retrouvent exclusivement
sérielle. Aujourd’hui encore, des compositeurs conçoivent l’écriture de systèmes issus de la
dimension sérielle, mais au-delà du dodécaphonisme.
En effet, la musique sérielle repose plus sur le système que sur l’agencement musical particulier ; la
mathématique et l’aspect rigoureux prend le pas sur le bon goût intolérable pour les compositeurs
qui se rattachent à cette musique et à cette enveloppe rationnelle, en recherchant cette modernité
de langage, qui a tendance à aller vers l’abstraction. L’avant garde refuse le métissage, le collage
incohérent, tout ce qui ne serait pas fondu, travaillé, fusionné, sans influences, sans coutures
invisibles.
Une part de la modernité est une modernité qui a un goût pour l’usine, l’industrie. On appelle cela le
modernisme, par opposition à la modernité par courant philosophique. Le modernisme est l’art qui
s’inspire du progrès technique et technologique. On trouve chez Varèse cette dimension moderniste.
Ce modernisme est plutôt incarné par l’architecture, notamment au centre Beaubourg. L’architecte
Renzo Piano a déclaré pour les trente ans du centre Beaubourg « J’aime les usines ». Le modernisme
a été freiné par la crise pétrolières et les prétentions écologistes. Luigi Nono avec sa « fabbrica
illuminata » s’inscrit également dans ce courant. Ce sont des bruits de machines transformées par
l’électroacoustique avec des citations en textes parlés, criés, des tracts syndicaux qui sont déclamés.
C’est une musique exigeante dans la création, mais qui doit refléter les conditions sociales.
Célestin Deliège écrit 50 ans de modernité, de Darmstadt à l’IRCAM un bilan de cette modernité,
avec quelquefois des jugements de valeurs « Berg n’est pas nécessaire à l’histoire, mais sans lui elle
serait singulièrement appauvrie ». Berg ne ferait pas partie de l’élite qui tirent le chariot récalcitrant,
mais étoffe par l’extérieur. L’histoire construit un progrès linéaire et nécessaire. Xénakis s’est
toujours considéré à l’avant garde, contre le sérialisme ; puisque le sérialisme donne l’impression
d’être éclatée de façon aléatoire, il souhaite le faire de façon totalement aléatoire en utilisant des
statistiques pour déterminer des masses sonores qui seront évolutives. Pour lui, l’idéal de l’avant
garde est décrit dans un article intitulé « Musique et originalité » en disant que la modernité est
« faire quelque chose d’original à partir de règles non observées, c’est à dire n’ayant aucune
similitude ou ressemblance avec du déjà observé. Engendrer de l’inengendré ». Inventer des règles
de compositions, des systèmes nouveaux qui réinventeront des œuvres radicalement neuves. « On
ne peut exprimer des idées originales en utilisant des matériaux anciens, les idées nouvelles doivent
êtres exprimées avec des matériaux nouveaux (…) la musique doit faire des propositions
intéressantes, voire nouvelles, tout en restant perceptible par l’auditeur » Tristan Murail. La
nouveauté doit cependant rester dans le son. « La modernité musicale au XXe siècle refuse toute
incompatibilité de langage » Deliège.
II.
LA POST-MODERNITE
1. Définitions
Le post souligne quelque chose qui est après. C’est la thèse défendue par Lyotard. C’est cependant
une terminologie délicate. En effet, le post dépasse l’objet mais ne le supprime pas. Les Post
romantiques comme Rachmaninov sont toujours romantiques mais dépasse les effets romantiques,
comme un synonyme de romantisme tardif. En ce qui concerne la postmodernité, elle va prendre
dans les années 1980 un sens d’anti modernité, une opposition à cette dernière. Le terme apparaît
en architecture dans les années 1960 chez les Américains, et se fige en 1975. Charles Jencks, critique
en architecture est peut-être l’un des premiers à l’avoir utilisé, publie en 1977 Le Langage de
l’architecture postmoderne, dans lequel est analysé ce mouvement centré sur le mélange des styles,
l’hétérogénéité du matériau et les emprunts à différents passés. Des constructions comme la Piazza
d’Italia par Charles Moore se réfère à l’antiquité grecque en même temps que l’art moderne avec un
bassin à rayures blanches et noires, et des matériaux nouveaux. Le Postmoderne aime
l’anachronisme, l’émotion esthétique créée par la superposition incohérente, contrairement à la
modernité. Dans le Sony Bulding, Philip Johnson créé un portail de type roman avec une voute très
haute ; le toit est un fronton, inspirée d’une basilique de Florence construite au XVe siècle, qui elle
même est une référence à l’antiquité grecque, le tout dans le centre de New-York.
2. Postmodernité philosophique
a) La fin des grands récits
Terme utilisé par Jean-François Lyotard, il montre que la postmodernité arrive après une période de
modernité qui était caractérisée par la foi envers de grands récits, mythes modernes ayant supplanté
les mythes antiques, dans leur capacité à exploiter la société au travers d’utopies et idéologies
dominantes. Au XIXe siècle, on peut relever le Christianisme, le Marxisme, le Scientisme, le
Capitalisme, le Syndicalisme. Tous promettent le bonheur, à condition qu’il faille souscrire à leur
théorie de progrès et d’amélioration.
La postmodernité est l’expression de la satire de tous les genres, la saturation, et même des genres
que l’on peut inventer. En France, la science est fondée sur l’expérience, sur la validation par le
sensible, ce qui n’est pas le cas en Allemagne, qui est peut-être plus sérieuse, et moins humaniste et
émancipatrice. Il faut relever le caractère diachronique de la postmodernité, qui peut se manifester
presque à toutes les époques.
En 1974, le début de l’effritement du grand récit propre aux trente glorieuses commence avec la
crise pétrolière. Au XIXe siècle, des compositeurs comme Czerny sont néoclassiques. Spohr écrit une
symphonie historique dont chaque mouvement est un exemple d’une époque passée. Au XXe siècle,
des compositeurs se demandent s’ils ne puissent pas réintégrer certaines choses du passé en les
transformant, ce qui peut sembler homogène avec les sphères politiques et philosophiques.
« A leur zénith ces grands discours ont su soumettre les individus au poids de l’histoire, les
contraindre à adopter des comportements de classe et à reporter leurs attentes et leurs espoirs à
plus tard ». Sébastien Charles,L’Hypermoderne expliqué aux enfants (2007) est une théorie sur
l’hypermodernité et non plus la postmodernité. Le progrès existe toujours, mais sa foi s’absente.
La fin des grandes idéologies marque le début de l’individualisme, l’acceptation de l’hédonisme, de la
quête du bonheur et l’épanouissement personnel.
Nietzsche, dans Humain trop humain indique que « dans le monde des œuvres d’art, il n’y a pas de
progrès. (…) mais bien dans la morale parce que dans la connaissance et dans la science. ». Il oppose
la connaissance et la science à l’œuvre d’art.
b) Une nouvelle vision de l’histoire
Le postmoderne voit dans l’histoire plus de perte que de profit. La foi dans la science, vecteur
principal du progrès, et par conséquent du bonheur. La Bombe atomique, solution d’autodestruction
pour l’homme a mis un coup dans cette foi progressiste. Cette vision pessimiste de l’avenir change le
rapport au temps et à l’histoire. Le postmoderne ne croit plus au futur et n’est pas satisfait du
présent. Un point très important de la postmodernité consiste en la multiplicité des voies de
développement. Le terme développement est par ailleurs un terme plus accrédité aujourd’hui que le
terme progrès.
à « Le Temps, la musique et l’histoire » – Jean Molino (Musiques, une encyclopédie pour le XXIe
siècle)
Selon lui, le cheminement de l’histoire n’est plus univoque et déterminé, mais pluriel et sans finalité.
En musique, on a tendance a illuminer les grands noms de l’histoire, les plus grands noms de
l’histoire. Les compositeurs principaux dessinent à travers eux l’histoire de la musique comme un
progrès. La postmodernité prendra appui sur des compositeurs moins essentiels au progrès absolu.
Le temps apparaît « multiple, ouvert, hétérogène ». La ramification du futur touche ainsi également
le passé. Les compositeurs du passé ont énoncé des voix qui on été moins ou pas suivies, mais qui
ont énoncé malgré tout des spécificités « Il n’y a dans aucun domaine des savoirs qui permettent de
connaitre l’histoire et découvrir la voie unique du progrès ». Selon Sébastien Charles « le
postmodernisme prétend conserver un sens à l’histoire, mais dépourvu de toute finalité ». La
postmodernité n’est pas la répétition totale du passé, mais sa transformation. Il existe un refus d’y
voir un déterminisme pour l’avenir. Le futur ne serait pas nécessairement la musique atonale, tonale,
ou globale.
3. La musique postmoderne
a) Prémices aux États-Unis
Des musiques remettent en cause la musique avant gardiste telles que les musiques répétitives
marquées par Steve Reich, Terry Riley, Philip Glass.
à In C – Terry Riley
53 formules superposables, volonté planante inspirée de l’Inde. Rupture avec le côté ultra changeant
de la musique sérielle et atonale. Une immobilité qui avance malgré tout. In C, en Do majeur a un
côté provocateur, qui revient peut-être pas à une tonalité mais qui serait non fonctionnelle, en
modalité, avec pulsation claire.
Il existe un minimalisme un peu plus tardif avec John Adams dans les années 1970. Il va reprendre le
type d’écriture répétitive.
à China Gates / Phrygian Gates – John Adams
Pour le plaisir du son, refus de la complexité. Effet de fascination propre à des cultures extraEuropéenne : Refus du système.
Il existe aussi du minimalisme atonal, qui n’est pas forcément répétitif. Feldman et La Monte Young
en sont des exemples. Il y a toujours un matériau très limité.
Ce courant là est tout de même un espace réduit de la postmodernité, et ce sont plutôt les premières
tendances postmodernes.
b) La postmodernité comme hétérogénéité
Le fait d’avoir des mélanges musicaux est une des caractéristiques essentielles de la postmodernité
dans la première période, non seulement en musique, mais aussi en architecture. La modernité en
revanche ne veut pas voir les coutures, afin que tout soit fondé et fusionné. Le postmoderne
Européen veut quant à lui montrer ces coutures. « L’hybridité est une donnée des temps
postmodernes » Ramaut-Chevassus. L’hybridité réside dans le mélange populaire-savant,
contemporain-classique, tonal-atonal, Occidental-extra européen. Toutes autres confrontations
brutes. Aux États-Unis, le clivage populaire savant est moins net qu’en Europe. Les compositeurs
comme Bernstein, Gershwin, Barber ou Ives ont souvent des multicultures, juives, jazz, latino,
européen.
à America – West side Story
Influences Jazz dans la grille d’accord, influences latino dans le rythme, influences Européennes dans
le traitement polytonal.
La pluralité implicite se retrouve au travers de la micro-citation. La pluralité explicite est au contraire
une citation musicale bien assumée. Dans la pluralité implicite, on peut noter György Ligeti qui a
beaucoup utilisé cette pluralité, notamment dans son concerto pour violon ou pour cor. On peut
trouver dans la dimension hétérogène, le hoquet à la Machaut, des effets d’orchestration de
Chostakovitch, un choral joué aux cuivres inspiré de Stravinsky lui même inspiré du choral luthérien.
Il s’inspire aussi des polyphonies africaines dans ses études pour piano.
Il utilise autant des accords tonals que atonals, pourquoi ne pas l’utiliser au même titre qu’un autre
accord sous prétexte qu’il a été beaucoup utilisé autrefois ? La dernière étude s’intitule « canon » ce
qui montre ce renouveau avec les anciennes méthodes, qui d’ailleurs se conclue par un accord
parfait. Son trio pour cor, violon et piano est un hommage à Brahms, qui utilise des procédés que
Brahms lui même avait écrit dans son propre trio. La plupart des emprunts de Ligeti sont souvent
fusionnés à son style propre ce qui leur donne une personnalité différente de l’original.
La pluralité explicite est le principe du collage et de la citation qui caractérise la première période
postmoderne, des années 1965 aux années 1985, en Europe. Ce choc anachronique résulte de la
confrontation de deux univers. Stockhausen, bien que compositeur de la modernité, participe de ce
procédé de collage. C’est le cas dans Hymne, collage d’hymnes nationaux de plusieurs pays qui
servent de matériaux de bases pour un travail électroacoustique. Cela dit, il réfute l’idée du collage,
mais voit ceci comme une fusion travaillée. Arvo Pärt écrit une œuvre intitulée « pro et contrat » qui
suggère dans le titre cette idée d’opposition. On trouve à la fin un enchainement magistral d’accord
parfait, qui semble presque plus dur que la musique qui était au paravent entendue. Berio également
dans ses œuvres se permet quelques citations. L’anamnèse est présente dans ce genre de musique,
contrairement à la modernité qui refuse de revenir en arrière.
à Sinfonia, Mouvement 3 de Berio
Citation du Scherzo de Mahler
Berio est un moderne, a travaillé à Darmstadt et a fait du sériel. Dans les Sequenza, on peut trouver
dans les premières un travail sériel. Petit à petit, un travail sur la voix se développe, et le côté éclaté
disparaît.
à Quintette avec piano – Schnittke
On retrouve le principe de la valse, et l’ironie à la Chostakovitch. Le piano joue la valse, très tonal,
alors que le quatuor évolue sur un cluster qui découle d’entrées en canon. Le thème est celui du
B.A.C.H.
à Quatuor à Cordes No. 83 – Schnittke
On trouve une citation du Stabat Mater de Rolland de Lassus, avec un retard 4.3. Immédiatement
après, on trouve le sujet de la grande fugue de Beethoven, avec en superposition une citation du
D.S.C.H de Chostakovitch (Ré/Mib/Do/Si). Par la suite se superpose des accords parfaits à des cluster
et glissando propre à l’école Polonaise de Penderecki.
Ainsi, le postmoderne met sur le même plan des éléments d’époque et de culture différente. Rien
n’est à priori illégitime dans l’œuvre d’art. Adams parle de « Grande poubelle ». L’éclectisme et la
tolérance acceptent les différents niveaux de langage.
c) La postmodernité comme repli de la modernité
Parmi les diverses réactions contre l’avant garde, il y a celle de Ligeti, Berio ou Lutoslawski, qui était à
la lisière des deux courants. Dans le grand Macabre, l’unique Opéra de Ligeti, on trouve plusieurs
citations, et des éléments musicaux singuliers comme un concert de Klaxon. Après ce, il n’écrit plus
pendant 5 ans à part deux petites pièces de clavecin qui sont déjà postmoderne. La Passacaglia
Ungharese et le Hungarian Rock. Il mélange des genres musicaux à la Hongrie, références au passé et
au présent. Il considéra ces deux pièces comme une blague ironique contre la postmodernité, bien
que ces dernières œuvres rejoindront ce chemin esthétique. Dans la passacaille, on retrouve presque
la basse du canon de Pachelbel (Do-Sol-La-Fa#-Sol-Mi-Fa-Mi), avec cependant de nombreuses
dissonances mélodiques et rythmiques. Les voix se rajoutent et forment une sorte d’organum à
intervalles d’accords parfaits sans enchainement de logique tonale. On trouve une illusion acoustique
de la basse qui descend puis retourne dans le haut, typique de Ligeti. Dans son article « Pensées
Rhapsodiques de la musique » parmi ses écrits, il parle de son point de vue par rapport à la
modernité, à la fois sur l’idée que la musique sérielle est tout autant dépassée que la musique tonale,
soit ni chromatique, ni diatonique. Il croit en une voie nouvelle qui rassemblerait les deux procédés,
en recourant à des attributs qui étaient rejetée par l’avant garde tels que la pulsation, l’accord
parfait, la mélodie partielle, les intervalles justes. Dans son trio pour cor violon et piano, la
postmodernité est particulièrement incarnée, avec une mélodie claire, des polarités fortes sans
système tonal cependant, une sensation de pulsation marquée, des formes très simples (A.B.A), la
formation Brahmsienne de par son titre « Hommage à Brahms », et le mouvement Lamento qui
réfère aux compositeurs anciens.
d) Les contre scandales postmodernes
La postmodernité a parfois renversé l’idée de scandale, et quelque fois rompt radicalement sa liaison
avec la modernité. Une œuvre à scandale est une œuvre à beaucoup de surprises, des bruits, un
langage inattendu. On peut parler du Sacre du Printemps de Stravinsky, Déserts de Varèse, Le Nez de
Chostakovitch. A l’époque de la postmodernité, les scandales sont dépassés, on se demande ce qui
peut être matière à nouveau scandale. En revanche il y a des contre scandales, des œuvres qui par
leur simplicité et leur dépouillement extrême, tonal, modal, mélodique et pulsé. En 1976-1977, deux
contre scandales apparaissent, dans des lieux dévolus à la programmation d’avant garde. C’est ce
qu’a fait Hans Jürgen von Bose (1953) avec une sonate pour violon seul. L’année suivante, Henryk
Gorecki (1933-2010) écrit sa troisième symphonie « Symphonie des chants de deuils ». Dans cette
œuvre, une voix soliste se détache et chante des anciennes mélodies polonaises, dans une
atmosphère planante de contemplation avec un temps très lisse sur un mode de la sur mi intégral.
Peu à peu, les festivals de musique d’avant garde disparaissent pour manque d’argent ou
désaffection du public. Ces attitudes dites réactionnaires ont été partagées par les compositeurs de
l’école Russe et Est. On peut noter Arvo Pärt, qui écrit des œuvres sous inspiration qui se rapporte
presque toujours à la religion, tout comme Penderecki, ou encore Sophia Goubaïdoulina. Ce retour à
la foi pour se libérer de l’emprise communiste, contrairement à l’Occident. Au-delà de la religion, on
peut trouver dans les Postmodernes Est-Européens (contrairement au postmoderniste Américain
avec leur musique répétitive, ou les postmodernes Ouest-Européen allégé, avec un compromis de la
modernité), une évocation importante du Moyen-Âge, et, au-delà, une musique atemporelle. Arvo
Pärt dit en 1968 « Je ne suis pas sûr qu’il puisse y avoir du progrès en art. Beaucoup d’objets
artistiques du passé apparaissent plus contemporain que l’art actuel ».
à Miserere – Arvo Pärt
On trouve le procédé propre au compositeur de la tintinnabulation, principe qui consiste à égrener
les accords parfaits pour leur donner une dimension tubulaire. On trouve toujours une opposition
entre la voix mélodique conjointe (ici représenté par le chant) et la voix tintinnabulante, qui est une
voix plus disjointe.
4. Vers l’hypermodernité
Certains auteurs ont dépassé le concept de postmodernité, en estimant qu’aujourd’hui qu’il est, au
mieux, dépassé, voire qu’il n’a jamais existé. Lipovetsky et Charles estiment dans les années 2000
que ce qui caractérise l’époque n’est pas la fin du progrès, mais plus précisément le triomphe de
l’individualisme, du marché, de la société de consommation. En ce sens, c’est une radicalisation de la
modernité, avec un sujet plus assujetti, plus individuel, en proie à la mondialisation, et non pas un
retour à la tradition et au passé. Le progrès n’a jamais cessé. On trouve un renforcement des lois du
marché, et ainsi la fin des utopies malgré tout ; c’est l’idéal par défaut. C’est le drôle, l’amusement, le
divertissement et la starification qui remplace la conscience d’autrui et qui fait entrer la société dans
une conscience de l’instant. En ce sens la musique savante va rejoindre cette idée de divertissement,
comme c’est d’ailleurs le cas dans Techno parade ou Disco toccata de Conesson. Le ludisme est une
manière de traiter l’art comme un jeu de formes, de sons. Il est caractérisé par l’humour, qu’il peut
être possible de ne pas apercevoir, et peut se substituer à la provocation ou le cynisme de la fin du
XXe siècle. Cette postmodernité de divertissement n’est pas immédiate, mais vient dans les années
1990. Cela amène à une remise en question de l’art, car l’art est peut-être art quand il est tragique.
L’épuration du tragique va-t-il amener peu à peu la société à ne plus avoir besoin de l’art ?
à Quatuor No. 2 - Régis Campo
La citation développée n’est plus dans le pathos des postmodernes, mais plus comme une
déconstruction à l’image d’un jeu. On trouve la deuxième partie de l’ouverture de La Flûte
enchantée de Mozart.
La notion d’amusement ramène à l’enfance. Le passé n’est plus collectif, mais devient individuel.
Ligeti, dans son œuvre Sippal, Dobbal, Nadihegedüvel, contine enfantine avec fifre, tambours et vièle
écrite en 2000, fait provenir son titre d’une contine Hongroise, avec 40 percussions, entre
instruments classiques et jouets pour enfants (vibra-slap, crécelle…). Elle possède 7 mouvement très
courtes ; le qui caractérise le ludisme sont les œuvres brèves.
à Sippal, Dobbal, Nadihegedüvel, Mouvements 6 ; 7 – Ligeti
Philosophie
1) Prémices de la post-modernité
John Adams : dans les années 1970. Il va reprendre le
type d’écriture répétitif.
Il existe un type de minimalisme atonal ; et ça peut durer 1h30 (.
Riley/Reich => autour de la modalité, mais matériaux d’inspiration = des gammes à 7 sons.
Norton FELTMAN : n’est pas répétitif. Matériau très limité (quelques accords/notes),
fascination autour du son, avec des tenues très longues (musique de grande longueur, peut atteindre
7 heures). C’est perçu comme une continuité absolue.
La Monte Young : ils prennent en considération l’héritage Schoenbergien. Y a une volonté de
mélanger.
Le monde moderne / le progrès / réussite = La flèche tendue vers l’avenir. => Y a un postmodernisme bien visible.
ECOUTE : Phrygian Gates ; imitation, simulacre de la transe, qui se démarque.
C’est répétitif, mais cool, progression. Perte de pulsation (quand on croit qu’on l’a il vole en éclat).
Tendance progressive à l’abstraction depuis que la musique pure s’est imposée.
Dans les années 80 y a des trucs.
2)
La postmodernité comme hétérogénéité
Hétérogénéité : une des caractéristiques essentielles de la postmodernité, non seulement musique,
mais = en architecture. Philip Johnson = portail-roman
« La modernité musicale au XXème [XIXème dixit Kippelin] refuse toute incompatibilité des
langages ». (Célestin Deliège). Dans l’imaginaire des viennois : taper sur une casserole = musique
turque.
Il faut pas qu’on voit les coutures, qu’on voit pas la marque du compositeur. LE MODERNE REFUSE CE
TYPE DE CHOSE ; Le postmoderne européen APPRECIE ça, il apprécie cette pluralité.
« L’hybridité est une donnée des temps postmodernes » (Rameau-Chevassus).
Mélange populaire savant.
Mélange contemporain classique.
Tonal/atonal/extra-européen. TOUT CE QUI PEUT PARAITRE « BRUTE » COMME CONFRONTATION
EST APPRECIE.
Copland, Barber, Gershwin… Tous ces compositeurs ont une DOUBLE-CULTURE TRES FORTE (parfois
triple ou quatre). Culture juive, puis culture jazz, ou même latino-américaine.
Ex : Gershwin, chanson américaine : musique jazz, musique blues, musique portoricaine, etc.
Ainsi, les musiciens se rencontrent entre eux : Reich + Bowie.
A_ Pluralité implicite
- On distingue ce qui est de l’ordre de la micro-citation dans la musique moderne (copié-collé).
LE compositeur qui s’y est donné à cœur-joie : György LIGETI (hongrois, et grands-parents HAUER, ils
sont allemands) : Concerto pour violon (1993) et Concerto pour Cordes (1999), plus courte. Grande
hétérogénéité, très volontaire. Effets d’orchestration piquées à Chostakovitch.
= un choral joué aux cuivres, et assez inspiré par Stravinsky (qui est inspiré par le choral luthérien).
Il s’inspire de chants africains pour ses Etudes pour Piano (y en a 18 d’études pour piano), écrites
entre 1993 et 2001. Marquées par la musique pygmée.
Ces pièces pour piano sont en mouvement perpétuel.
ECOUTE : Désordre (G. Ligeti).
Difficulté de battre la pulsation.
Ligeti : il termine sa dernière œuvre par un accord parfait. Symbolique. Elle s’intitule « Canon ». Ce
sont ses premières et grandes amoures. [Ecouter Tallis puis Ligeti derrière, ça ressemble beaucoup !].
A certains endroits y a des citations : 1982, Trio hommage à Brahms. Y a des montées
Monteverdiennes, avec des trucs, Gesualdo pareil. Puis les Adieux de Beethoven dans le Ligeti, sous
forme d’une fanfare.
Empreints. Souvent fusionnés à d’autres empreints chez Ligeti, c’est pas seulement Je prends, je
colle.
L’IRCAM date de 1977. En 1987, un élève de Messian va dehors écouter les chants péruviens (c’était
l’époque). Et va utiliser les modes de la flûte de pan pour matériau de base pour créer des morceaux.
Œuvre mixte.
Pluralité explicite = principe du collage, qui caractérise la 1ère période postmoderne (64-65 jusqu’en
1985), en Europe Occident et Orientale. C’est ce qui va être en lien avec l’architecture. On va prendre
deux éléments et on va les agglutiner.
1 compositeur : Karl von Stockhausen, va utiliser un matériau étranger pour le laisser totalement
perceptible. DansHymnen, en 1967, il se sert d’hymnes nationaux en leur donnant des timbres
différents. Pour lui il a pris un matériau qu’il a travaillé et fusionnés.
IL REFUSE LE PRINCIPE DU COLLAGE, de MULTI-CITATION ; il essaye de se justifier.
Perte écrit en 1964 Pro et Contrat.
Puis arrêt, et accords parfaits soudains, crus. Il y a une crudité dans l’accord parfait.
Musique et Philosophie
Il s'agit de comprendre certaines idées esthétiques qui émanent plutôt du
XXe siècle.
Dans un premier temps, il faut aborder la question du génie au XIXe et XXe
siècle.
Le XIXe siècle dans sa pensée va parfois décréter la mort de Dieu, et prétend
qu'il devient une pensée matérialiste scientiste. Mais derrière cela, l'Occident
cache peut-être un polythéisme, un culte des génies artistiques. Jean-Marie
Schaeffer dit que "(...) c'est le mouvement Romantique qui fut donc le lieu de
jeunesse de la sacralisation de l'art" L'Art de l'âge moderne.
En musique, on parle de Divin Mozart à l'époque Romantisme ; "Jean
Sébastien Bach, Dieu bienveillant auquel les musiciens devraient adresser
une prière avant de se mettre au travail pour se préserver de la médiocrité"
Debussy ; Kagel écrit la Passion selon Saint Bach (1985). Le génie a donc
l'air de relayer la liturgie. En 1831, Schumann, critique musical écrit à propos
du jeune Chopin "Chapeaux bas messieurs, un génie". Chopin était lui même
vu par ses contemporains comme un pur créateur, un animal créateur. Dans
Chopin de Liszt, le compositeur est décrit comme une génie, qui "comprend
ce qui va se passer dans le futur avant son époque", un oracle, un être
surnaturel. Liszt le décrit aussi rien que dans le titre de son premier livre
Chopin, il n'appartenait qu'à un égal de pénétrer ainsi les mystérieux
comportements du génie. Berlioz, dans Euphonia, ou la ville musicale écrit
une vraie nouvelle de science fiction, où les êtres circulent en ballon
dirigeable, dans le cratère d'un volcan Italien. Les hommes sont souvent
compositeurs, et ils dirigent le monde. Le pouvoir est donné aux génies. Dans
ce livre, on trouve un certain Xilef (Félix à l'envers pour citer Mendelssohn).
On fête les Gluck, Beethoven ; on trouve des ministres des instruments à
vent, à cordes. Dans le même sens, tandis qu'Haydn est dévoué au prince
Esterazy, Louis II de Bavière est dévoué à Wagner un siècle plus tard.
Est-ce que le début du XXe siècle, par l'expressionnisme et le primitivisme
n'est pas une mise en abyme où la violence du son représente la musique
qui cherche la violence de son esthétique? L'accès au génie par la radicalité.
Est-ce qu'en rompant avec les règles, on ne cherche pas directement le
génie, qui lui même rompt avec les règles? Selon Kant, dans le génie se
trouve une transgression de la règle, ce qui lui permet d'inventer une nouvelle
règle, qui est immédiatement acceptée par son époque. Mais Kant imagine
des gens qui transgresseront des règles, mais sans en inventer "Des esprits
peu profonds qui s'imaginent ne pouvoir mieux faire montre de ce qu'ils
seraient des génies florissants qu'en rejetant toute contrainte scolaire, et
croient qu'on parade mieux sur un cheval furieux que sur une bête de
manège". Critique de la faculté de juger. Varèse écrit que "la base même de
la création est l'irrespect". Une recherche de destruction perpétuelle du déjà
construit. Plus tard, Xénakis pense tout en termes d'originalité, pour devenir
surhumain.
Mais Adorno dans sa Théorie de l'esthétique, bien que lui même soit un
grand défenseur de la musique moderne, met en doute l'évidence de la
démarche modernisme en disant que l'élargissement de ses possibilités
pourrait être en même temps un rétrécissement du champs des possibles de
la musique.
Paul Valery pense que "le désordre est essentiel à la création en tant que
celle-ci se définit par un certain ordre". Le génie part du chaos pour
construire un nouvel ordre.
Barthes doute que les avants gardes se doivent de paraître
spectaculairement subversifs.
Si le génie n'est pas forcément divinisé, il peut être l'oracle du Dieu Histoire.
Pour Hegel, l'Histoire fonctionne par dialectique (il se passe quelque chose,
puis une crise, puis une synthèse qui la dépasse, tandis que l'histoire se
dirige vers un but) Dans Cours d'esthétique, il parle de l'art. L'Historicisme est
lié avec le sens de génie, puisque le génie doit sentir le sens de l'histoire.
Karl Popper critique l'historicisme en disant que l'histoire croit au Destin, et
par conséquent en la magie. Boulez remarque qu'il y a incompatibilité entre la
volonté de faire histoire et le fait de l'importance historique elle même. On ne
peut pas faire l'histoire bien qu'on veuille la faire ; il vaut mieux être
inconscient de son propre génie pour être génial. Dans l'idée du génie se
trouve une prétention, un désir d'immortalité. Il n'est pas anti-historiciste, car
le futur se réalise, sans que toutefois l'homme peut y faire quelque chose.
Pour Xénakis, si un génie prévoit quelque chose, l'histoire doit être fabriquée
pour que le génie ait raison. Pour Adorno "Il est concevable sans que ce soit
une simple éventualité abstraite, que la grande musique (...) ne fût possible
que dans une période limitée de l'humanité".
Les génies pourraient être invalidés à partir d'un certain moment. L'esthétique
du génie est une esthétique de l'être, que l'on peut opposer à l'esthétique du
faire. Varèse se place comme un artisan modeste de la musique "Ne me
voyez pas comme un compositeur, je suis un artisan qui spécule sur des
fréquences". Adorno parle de fausseté de l'esthétique du génie qui enlève la
question du travail, de la technique, de l'effort. la "fausseté du génie, qui
supprime le moment de faire final, de technè dans les oeuvres d'art. Le
concept du génie est faux parce que les oeuvres ne sont pas des créations,
ni les hommes des créateurs".
Au delà de l'historicisme, le génie peut être rattaché au positivisme d'Auguste
Comte, puis au scientisme. Le génie incombe autant à l'art qu'aux sciences.
Pour Varèse "la musique est l'art-science". Dans l'idée de création, il y a une
idée d'expérimentation.
- Mort de Dieu par Nietzsche
- Apparition d'un Dieu musique
- Magie dans l'histoire / Magie dans les sciences
Il est question de parler de l'idéalisation de la musique dans la pensée des
philosophes Allemand.
Nous allons voir comment la pensée du génie a influencé la pensée du
monde philosophique Occidental. Comment l'idéalisation de la musique
apparaît progressivement dans la pensée Allemand, de Kant jusqu'à
Nietzsche, en passant par Hegel et Schopenhauer. Entre ces quatre
philosophe, la musique est le dernier au rang des arts.
Dans Critique de la faculté de juger (1790), "La musique ne parle que par
pures sensations sans concept", le concept étant le principal pour Kant. Dans
l'oeuvre de Kant, la musique, ou en tous cas sa résultante sonore n'a pas de
pensée. Il la met à la dernière place.
Hegel, dans ses Cours d'esthétique (1818-1829, publication en 1838). La
musique arrive à la seconde place derrière la poésie. "La musique renferme
en soi en fond spirituel". Il parle de la musique qui s'associe au mouvement
de l'âme. La pensée de Hegel semble mise en crise par la musique, qui perd
sa capacité rationnelle de penser. "La musique c'est l'esprit, l'âme qui chante
immédiatement". On imagine la musique comme une allégorie, un
personnage. "La musique, comme la contemplation de la pure lumière par
elle-même, nous donne l'idée la plus haute de la félicité et de l'harmonie
divine". On a l'impression d'un recul de la pensée, on retrouve une pensée
divine. La poésie est avant, car elle est plus immatérielle, plus tournée vers
l'esprit, les derniers arts étant l'architecture, la sculpture, le matériel. Aussi, la
poésie propose un champ sémantique qui renvoie à la philosophie.
Schopenhauer, dans Le Monde comme volonté et comme représentation
(1818) a une pensée qui s'impose après celle de Hegel. (Chapitre 39, Tome
2). La musique prend la première place. Il imagine qu'avant le monde est une
volonté, et que le monde est sa représentation. Les pensées sont créatrices.
La musique se place plus dans la volonté que dans la représentation, donc
elle se place plus à la racine de la métaphysique. "Elle est le plus puissant de
tous les arts, elle atteint ses fins uniquement par ses propres moyens". On
trouve une autonomie de la musique, primordiale, loin de la représentation.
La musique est encore idéalisée, personnifiée. "La musique semble parler de
mondes différents et meilleurs que le nôtre". "La musique, puisqu'elle passe
au-dessus des idées est aussi assez indépendante du monde des
phénomènes. L'ignore résolument et dans une certaine mesure pourrait
exister encore s'il n'y avait pas de monde du tout, ce qui ne peut être dit des
autres arts". Il détaille la technique musicale de la façon suivante : "Les
quatre voix, ou parties de toute harmonie, que sont basse, ténor, alto,
soprano, ou notes fondamentales, tierces quintes et octaves, correspondent
aux quatre degrés dans les séries des existence" Les règnes minéral (basse,
ça bouge pas) végétal (ténor), animal (alto), humain (soprano).
------------------------------------------------------------------------------------------------------Nietzsche s'inspire de Wagner, donc Schopenhauer. Il écrit Schopenhauer
comme professeur. Il prend comme influence un musicien et un philosophe à
part égale. L'esthétique du génie est déjà ancrée dès la première pensée de
Nietzsche. Dans La Naissance de la Tragédie (1872), il explique que la
musique existe avant la philosophie, chronologiquement, et
onthologiquement. Dans Le Cas Wagner, il s'oppose à la fin de sa vie à
Wagner, il écrit que "Plus on devient musicien, plus on devient philosophe".
La musique est un préalable à la philosophie. Dans Le Crépuscule des
idoles, il écrit que "Le bonheur est fait de riens! Le son d'une cornemuse,
sans musique la vie serait une erreur, l'Allemand s'imagine Dieu lui-même
chantant des cantiques!". L'Allemand idéalise la musique d'après le
philosophe. Dieu doit pratiquer la musique, comme s'il avait besoin
d'entretenir sa divinité grâce à la musique. Dieu, s'il existe encore, a l'air
d'avoir un rôle plus modeste. Schiller appelle Dieu "l'artiste divin". Dieu
descend jusqu'à l'art et l'art monte jusqu'à Dieu. Pour Nietzsche, "Dieu est
mort", mais le divin existe encore, grâce à l'art. Dans Nietzsche contre
Wagner écrit que "l'âme n'existe pas" ; il écrit cependant après "mon âme, un
luth". L'âme n'existe qu'à travers la musique. Dans Le Cas Wagner "On ne
peut servir deux maîtres quand l'un d'eux s'appelle Wagner", en référence à
la Bible "Tu ne peux servir Dieu et Mamone (Démon de l'argent).
Chez Nietzsche, le concept de danse est très importante. C'est encore une
façon de se placer en aval de la musique. Zarathustra est un danseur selon
Nietzsche. "Celui qui s'approche de son but, celui-là danse". Dans Le Gai
savoir, il dit "je ne sais rien qu'un philosophe souhaite plus qu'être un bon
danseur, car la danse est son idéal, son art aussi, sa seule piété, enfin, son
service divin". Dans Ainsi parlait Zarathustra, il conclue "Je ne pourrai croire
qu'à un Dieu, qui saurait danser".
Au XXe siècle, Alain Badiou (dernier philosophe Marxiste à l'heure actuelle),
dans Petit précis d'inesthétique, il parle des arts, théâtre, cinéma, danse,
poésie, mais il n'est pas question de musique. La matière s'intéresse à tous
les arts sauf à la musique, tout comme Marx, car la musique est peut-être le
moins matériel des arts.
Heidegger au centre du XXe siècle, considérait que l'être se dévoile mieux
par la poésie que par la philosophie. Il ne parle pas non plus de musique. Il
place la poésie au dessus de la philosophie.
La pensée du XXe siècle est majoritairement athée ; mais la musique garde
encore une connotation de frontière, de cas limite, d'idéal, d'infini.
Deleuze considère que la musique est le cosmos.
Pour Cage, la musique est l'écologie.
Dans L'Imaginaire, Sartre considère que la musique est irréelle, imaginaire,
un idéal. Il n'y a pas d'entité musicale fixe et matérielle, réelle.
Alain poétise davantage la musique. Il parle "d'allégresse montante d'une
volonté toujours jeune". "La musique, c'est la forme humaine la plus pure, la
plus fragile et la plus forte". La musique est le paradoxe, car elle est dans
cette forme limite ; et pour toucher la limite par les mots, il faut toucher le
paradoxe, afin que la raison se mette en crise, niant la logique, se retourne
contre elle-même, pour court-circuiter la pensée. "Le propre de la musique
est de ne rien exprimer qu'elle même".
Adorno écrit que "le fait de la musique est de nommer le Nom lui-même"
"Comparé au langage, la musique est un langage d'un genre complètement
différent. C'est là que se cache son aspect théologique (...). Son idée est la
forme du nom de Dieu. C'est une prière démystifiée, libérée de la magie de
faire survenir quoi que ce soit, le fait humain (futile comme toujours), pour
nommer le Nom lui-même". La musique est une sorte de divin qui ne se dit
pas.
------------------------LA MUSIQUE ET L'ÉMOTION
L'émotion est suffisamment importante pour définir des catégories. L'Opéra
Séria se différencie de l'Opéra bouffa car chacun ne procure pas la même
émotion. Dès l'antiquité, au Ve siècle avant J.C, il est question de parler des
différentes émotions que suscite tel ou tel mode. "Le mode Phrygien (Mi)
suscite l'enthousiasme et l'exaltation Dionysiaque" Aristote. Platon parle pour
les modes ioniens (Do) et lydiens (Fa) d'une harmonie molle pour les
banquets.
Les autres arts véhiculent des émotions, mais la musique à l'air non
seulement de pouvoir qualifier les émotions, mais même de les quantifier. Il
semble que l'on soit dans une classification scientifique des émotions, de la
plus joyeuse à la plus triste, notamment dans les modes (Du mi super mineur,
en passant par La, Ré, Sol, Do, Fa, super majeur). Dans le système tonal,
avec son principe de tension détente, on peut faire renvoyer cette attraction
par les sentiments d'émotion, paix. Dans ce sens, Wagner, qui ne fait que
s'enchainer les tensions par les Ve degrés incessants serait toujours dans
l'émotion. Schopenhauer "On a toujours appelé la musique la langue des
sentiments et de la passion (...) la musique ne peint pas telle ou telle joie,
telle ou telle affliction, telle ou telle douleur, effroi, allégresse, gaité, ou calme
d'esprit. Elle peint la Joie même, l'affliction même, et tous ces autres
sentiments pour ainsi dire abstraitement". La musique ne s'approche pas des
émotions, elle est toutes ces émotions.
LE DÉBUT DU XXe SIÈCLE : Critique de la musique comme émotion
Cette critique de l'émotion se retrouve particulièrement dans la culture
française. Le Romantisme est un problème ; il faut sortir du romantisme que
Wagner a pris comme hégémonie, sortir de la Prusse, l'hégémonie esthétique
et politique. Les affects particuliers que l'on essaie de dépasser sont les
affects du romantisme, qui exalte des émotions évidentes, longues, tenaces.
Dans Le Coq et l'Arlequin, pamphlet de 1918 de Jean Cocteau qui parle de
comment la musique française doit devenir, il dit que "l'émotion qui résulte
d'une oeuvre d'art ne compte vraiment que si elle n'est pas obtenu par un
chantage sentimental." La pensée du positiviste d'Auguste Comte dans son
Cour de philosophie positive "tout état de passion très prononcée, c'est à dire
précisément celui qu'il serait le plus essentiel d'examiner, est nécessairement
incompatible avec l'état d'observation". Les grandes sciences fondamentales
ne peuvent pas s'encombrer d'un état de passion et doivent rester objectives.
Selon Varèse, la musique est "l'art science", l'art objectif. Quand Ravel écrit
Bolero, il voulait écrire de la "non musique", une machine imparable et non
romantique. Il faut selon les avant-garde s'affranchir des émotions les plus
significatives. Stravinsky dans Chronique de ma vie, écrit la chose suivante
" (...) car je considère la musique par son essence impuissante à exprimer
quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un
phénomène de la nature. L'expression n'a jamais été la propriété immanente
de la musique." Ainsi, la musique conduit à des émotions musicales, mais
non humaines. Schönberg rejoint la pensée de Stravinsky en disant que "La
musique parle dans sa propre langue de matière purement musicale".
Hanslick dans Du beau dans la musique parle d'autonomie de la musique
dans ses émotions "La beauté d'une oeuvre musicale est spécifique à la
musique, c'est à dire qu'elle réside dans le rapport des sons.".
Mais pour Cocteau, "Toute bonne musique est ressemblante, la bonne
musique émeut par cette ressemblance mystérieuse avec les objets et les
sentiments qui l'ont motivé". Il faut malgré tout du sentiment. "La
ressemblance en musique ne consiste pas en une représentation, mais en
une puissance de vérité masquée".
Cette critique de l'émotion des avant-gardes se poursuit après la seconde
guerre mondiale. En plus de la critique du Romantisme et du Scientisme
s'ajoute une aversion au Nazisme. On va accuser une certaine musique de
s'être associée aux régimes totalitaires. Le sentimentalisme va
éventuellement s'associer à ces régimes.
Pascal Quignard dans La Haine de la musique "La musique est un hameçon
qui saisit les âmes et les mène à la mort." La musique est amorale, ni bonne,
ni mauvaise, selon la façon dont on s'en sert.
Le scientisme des avant-gardes créé des musiques de laboratoire, avec
l'IRCAM. Xénakis écrit que "L'artiste concepteur devra se doter d'une
connaissance nécessaire en mathématiques, en physique, en logique (...) en
histoire". L'artiste doit être un humaniste qui doit connaître toutes les
sciences "Il est nécessaire de se considérer comme amnésique et de laisser
à l'entrée ici les charges émotionnelles et qualitatives que nous lèguent les
traditions musicales." Il note pourtant que par la musique l'homme arrive à
"l'exaltation totale (...) face à une vérité immédiate, rare, énorme et parfaite."
Il faut arrêter les émotions tonales, sans pour autant délaisser le principe de
l'émotion, qui se manifestera différemment avec les nouvelles musiques.
Les avant-gardes ne critiquent pas les émotions, mais critique leur propre
critique, la critique de l'anti-émotion. Boulez accuse les "fétichistes" de
l'émotion qui considèrent que la musique des avant-gardes possède trop de
science, et pas de sensibilité, "trop d'art, pas de coeur". Il est devenu
allergique aux expressions humaines, à l'échelle humaine. C'est en quelque
sorte un retrait de l'émotion car l'émotion est trop aimée. Il faut abandonner
l'émotion qui a été capturée, et la rendre à la musique, telle qu'elle doit
simplement être. Boulez veut penser sensiblement sa musique, pour la
rendre vraie, malgré tous les principes techniques qu'il a développé. Adorno,
dans Philosophie de la nouvelle musique (1941) critique cet intellectualisme
de Schönberg.
François Nicolas, avant-gardiste actuel, considère en 1991 que "L'émotion se
déclenche de soi quand la pensée est bien faite". Il n'y a pas un manque
d'émotion, mais un manque de pensée "le temps où la science était la norme
de toute pensée est dépassée". La pensée ne se confronte plus à l'émotion.
Lachenmann, compositeur avant-gardiste écrit en 1980 qu'il ne faut pas
opposer sentiments et pensées, car les deux vont de pair, et de même leur
absence peut aller de pair.
Mais au lieu de parler de suppression émotionnelle, ne peut-on pas parler de
déplacement émotionnel. De nouvelles émotions pourraient exister, plus
immédiates, plus sexuelles, plus pures, plus violentes ou plus subtiles.
Les émotions plus immédiates peuvent s'illustrer dans le domaine des
musiques improvisées, vraies parce que non travaillées, non travesties par
l'intellect. L'idée d'une émotion sexuelle musicale se développe au XXe siècle
initiée par Freud, comme le considèrera Horas ou Howard dans Musique et
sexualité. Kierkegaard au XIXe siècle écrit Ou bien, ou bien (1843) avec un
chapitre sur Don Giovanni de Mozart, qui est selon lui le chef d'oeuvre de
toute musique. Mozart exprime dans cet Opéra le génie de l'érotisme, le
génie de la musique, au travers du personnage de Dom Juan. "La musique
trouve son objet absolu dans la génialité érotico-sensuel. Il va sans dire
qu'elle ne puisse nullement exprimer autre chose, mais c'est là son véritable
objet". Les émotions pures concordent avec l'idée au XXe siècle de
rechercher les émotions originelles, les émotions de l'enfance, de la naïveté,
peut-être absente du romantisme. Cette dimension englobe les musiques de
Satie pour le XIXe siècle avec ses gymnopédies, recherche de maladresse,
d'amateurisme, de naïveté, ancêtre du minimalisme. "L'esprit nouveau
enseigne à se diriger vers la simplicité émotive" Cocteau. Nyman,
compositeur postmoderne anglais dans Contre la complexité intellectuelle en
musique explique qu'il faut "composer une musique naïve, innocente, et
simple d'esprit".
L'immédiat, la sexualité, la pureté ne sont peut-être qu'une seule même
émotion, celle qui consister à aller aux sources même de cette émotion.
------------------------------------------------------------------------------------------------------Les musiques obligatoires
La musique est omniprésente. Dans La Haine de la musique, Pascal
Quignard parle de noise. La question qui se pose est la politisation de la
musique, la musique de la polis, de la cité, de la police, qui exerce une
violence légale. La question qui se pose avec l'industrialisation du son et la
désesthétisation de la musique. La "Muzak" est un terme fabriqué comme un
jeu de mot entre musique et la marque "Kodak" ; c'est une marque déposée
inventée en 1922. En 1955, le président Eisenhauer intègre la musique à la
maison blanche ; en 1968 elle vient même dans le programme Apollo. Dans
les années 1970 se tisse un concept nouveau appelé "L'ambiant music",
sorte de courant esthétique. En parallèle à l'art plastique où l'art devait aller
dans la rue, aller dans du populaire, il fallait faire une musique pour partout,
comme une démocratisation de la musique.
Muray Schafer dans Océan de sons, considère les sons comme une nature,
un phénomène qu'on ne serait pas susceptible de critiquer, sont là par un état
de droit. "L'empreinte sonore caractérise une communauté". Le silence est
donc une non société, donc une sorte de mort. Le silence est le désert dans
une esthétisation de ce qu'il appelle le "paysage sonore" (Soundscape). Le
silence n'existe pas, et ne doit pas exister. La musique d'ambiance étant
inévitable (la musak) doit être réesthétisée.
Tocqueville, dans De la démocratie en Amérique, observe que le pouvoir
tutélaire (qui s'occupe de tout ce que l'Américain n'a pas envie de s'occuper)
opère une pacification généralisée. La révolution n'est pas possible non pas
parce que le peuple est opprimé, mais qu'il est drogué, satisfait par des
moyens précis du pouvoir tutélaire. "Que ne peut-il (le pouvoir tutélaire) nous
ôter entièrement le trouble de pensée et la peine de vivre?". La musique
opère cette pacification ; le pouvoir manipule les sons. Le citoyen est vu
comme un patient, la musak étant une sorte d'extension subliminale du
paternalisme social généralisé. Le peuple est supposé stressé, malade, alors
qu'en réalité c'est peut-être la musique qui le rend dans cet état. Le soin
obligatoire peut aggraver la maladie. Dans la musak, on trouve 4 grands
types de musique : Jazz, Rumba, Classique et Pop.
On trouve aussi le problème des musiques dans les magasins, avec la notion
de stupéfiant sonore. On est conduit à acheter par la musique. Dans les
boutiques de vêtement, on trouve la dimension de mode, qui se répercute
dans la musique. "Les acheteurs s'approprient des paramètres musicaux en
effectuant des mouvements propre à la musique pendant leurs essayages"
Tia de Nora. "Musak s'adresse indifféremment aux hommes ou aux vaches"
Muray Schafer.
Cela pose la question de la manipulation opérée par la musique elle-même.
Platon, dans La République (III, 401d) "La musique pénètre à l'intérieur du
corps et s'empare de l'âme, elle plonge dans l'obéissance celui qu'elle
tyrannise en le prenant au piège de son chant". Au-delà, la musique dirige
des foules parce qu'elle va organiser dans la même direction des individus
qui ne le sont pas au départ, en imposant une direction commune à un
groupe.
À partir des années 1930, la radio a pu rendre la musique bien plus
omniprésente. Le problème de la musique est lié au haut-parleur. "la musique
viole les corps humains ; à la rencontre de la musique l'oreille ne peut se
ferme (...) Ouïe et obéissance sont liés" Quignard. La notion de pouvoir est
lié fondamentalement à la notion de musique.
Selon Toop, la musique est un état liquide qui peut s'introduire partout, et qui
peut submerger les lieux où elle s'écoule, qu'elle nous sature.
Yehudi Menuhin, dans une convention à l'O.N.U, parle du droit au silence, et
que l'absence de ce droit individuel nuit à la liberté de chacun. "Quand la
musique était rare, sa convocation était bouleversante, comme sa séduction
vertigineuse ; quand la convocation est incessante, la musique devient
repoussante et c'est le silence qui vient ailler et devient solennel". Quignard
pense que Webern est le premier à avoir compris que le silence était un luxe,
par son minimalisme, et ses petites pièces économiques en moyens, à une
époque où le silence se raréfiait, le convoquait.
Le voeu de silence s'associe à la rigueur et à la seule spiritualité dans la
société Occidentale. D'après Paul Valery, la nature Occidentale a horreur du
vide. La musique est devenue omniprésente, sacrée pendant l'ère
romantique ; elle s'est désacralisée quand elle s'est associée à l'électricité,
comme un principe qui s'est retourné contre lui même, qui est peut-être lié à
la décontextualisation de la musique, qui amènerait à sa dénaturalisation.
Hesse, dans Le Loup des steppes parle de la désadéquation de la musique
"La radio, tuyau loufoque qui jette la plus belle musique du monde dans des
locaux impossibles". Il remarque que la radio "flanque la musique dans un
endroit étranger qui ne lui convient pas". Les manipulations musicales
scientistes de la radio font penser aux musiques dégénérées, anti-écologique
pour l'ouïe.
Cage dit que la musique est l'écologie. Il écrit des musiques pour branches,
pour coquillage remplis d'eau. Cette notion de musique naturelle pose un
problème d'idéologie, obscurantiste qui renvoie à la religion qui considérait la
voix comme supérieur à la musique instrumentale. En 1949, voulait composer
une oeuvre d'un silence sans interruption pour la vendre à Musak, comme
une provocation. Il voulait qu'elle fasse de 3 à 4,30 minutes pour respecter le
format radio. Au départ du nom de "Silent Prayer", la musique est devenue
4,33.
Émily Carre, peintre et écrivain, pense que pour quelqu'un qui semble vierge
de toute voix et musique radiophonique, la première écoute est comme une
colère, une furie, comme "des abeilles qui pénètrent mon système nerveux".
L'Occidental est peut-être devenu drogué de dimensions sensorielles,
devenu insensible. Mais est-ce que face à l'agression sonore permanente,
une musique obligatoire, on arriverait pas à une musique consentie,
sédimentaire, pour combattre les stratifications sonores, comme un parfum
sonore pour masquer le bruit nuisible grâce à des perfusions sonores?
------------------------------------------------------------------------------------------------------MUSIQUE ET POLITIQUE
L'esprit Dionysiaque et Apollinien qu'il y a dans Naissance de la tragédie de
Nietszche, est antérieur à l'idée de morale, et donc plus antérieur encore à
l'idée de politique. Selon Marx, l'homme est un "animal politique", donc la
musique qu'est le reflet de l'homme ne peut pas exister sans politique. Mais
si comme Schopenhauer on pense qu'il existe une musique sans homme, il
existe une musique sans politique. On peut considérer que la musique peut
être apolitique en première vue, mais se politise à posteriori. La musique
s'associe ainsi à une sémiotique particulière. La musique peut en fait être
manipulable à l'infini, c'est "l'oiseau inconscient de ce qu'il chante" selon St
Augustin ; il y a donc une innocence et une non raison dans la musique, ce
qui fait d'elle qu'elle est naïve, manipulable.
La musique et la politique sont toujours dans une transversalité. La musique
atonale, d'après Adorno, est la musique de la révolution, révolution
esthétique, révolution du peuple. La musique atonale devrait être la musique
du peuple. Jdanov et Staline pensent à l'inverse que la musique du peuple
doit être tonale, contrairement à la musique atonale, formaliste bourgeoise.
Hitler pense quant à lui que la musique tonale doit être celle du peuple, mais
que du peuple Allemand, Aryen "être Allemand, c'est être clair" ; la clarté
s'associe à la tonalité pour ces dictateurs. On peut ainsi manipuler la
musique. Du point de vue des politiques eux-mêmes, la musique atonale de
Schoenberg n'est revendiquée par aucune politique ; Zigler dit qu'elle est
dégénérée. Dans un article de 1947, Schoenberg explique qu'il ne faut pas
employer de jargon politique : on lui reproche que sa série est fasciste, et
bolchévique. Un habit musical peut ainsi être retourné à l'envie. Heisler avait
composé des chants de marche communiste, tandis que les nazis se les sont
appropriés pour la jeunesse Hitlérienne.
L'engagement politique du musicien : tous les compositeurs sont concernés
par une musique nationale, mais sans que la nation soit contre les nations.
La nation doit s'édifier. Il y a eu des engagements plus guerriers, comme
Debussy, avec le choeur "Un Nöel pour les enfants qui n'ont plus de maison",
pour les enfants dont les pères mourraient. Il y a un engagement ici pour le
pouvoir. Dans les années 1960 il est presque obligatoire de s'engager
politiquement. On s'aperçoit que plus la musique est populaire, plus elle est
susceptible de s'engager. Pour la musique, on peut observer qu'elle peut se
mettre contre les problèmes en prenant le rôle de pleureuse d'évènements.
Le War Requiem de Britten pleure sur toutes les guerres en général.
Penderecki dans son Requiem Polonais (1880-1993) est une oeuvre
commandée, engagée, pour un mouvement non toléré par le pouvoir.
L'engagement n'est pas clair, mais implicite.
L'engagement peut exister avec un titre d'oeuvre. Il écrit 8 minutes 37. La
musique n'a pas eu de succès, et c'est devenu "Thrène à la mémoire des
victimes d'Hiroshima", la musique eut aussitôt du succès. Le musicien donne
un titre qui inscrit son oeuvre dans l'histoire attendue, donc dans l'histoire de
la musique. C'est peut-être aussi la manipulation du pouvoir en lui même qui
en primant cette oeuvre fait rentrer les esthétiques difficiles dans son champ
d'action. Pour Stravinsky, il s'agit d'engager la musique non pas par les
paroles, mais par l'harmonie. Il réarrange l'hymne national Américain avec
des accords plus élaborés.
Quels peuvent être les engagements esthétiques du pouvoir? En France au
XIIe siècle commence l'Ars Antiqua avec l'école de notre dame. Ne serait-ce
pas le pouvoir à travers le clergé, et la noblesse pour les troubadours qui ont
engendré les musiques? Ne serait-ce pas la force de l'état nation qui a
permis cela? D'autre part, la musique de la renaissance n'a-t-elle pas été
créée par les vainqueurs ou neutres de la guerre de 100 ans, soit la musique
franco-flamande, l'Italie ou les Anglais? L'importance de Lully ne doit pas être
due à Louis XIV, qui a lui même initié la tradition de danse Baroque?
Debussy et Ravel ne sont pas les produits de l'Empire français de la belle
époque, la France ayant à cette époque un rayonnement international? La
musique pourrait être le modèle d'un pouvoir. Selon Feneyrou, "l'oeuvre d'art
totale ont été le modèle de l'État Nazi". Tous les arts ensemble est le modèle
de l'état nazi comme toute la nation unie. Selon Goebels, "la politique est
aussi un art, peut-être la plus élevée de toutes les formes d'art" ; "la politique
est l'art plastique de l'État". Puisque la politique s'esthétise, l'art doit se
politiser. Staline glisse de chef d'état à critique musical ; il écrit "le chaos
remplace la musique" en 1936, après l'écoute de Lady Macbeth de Zenks de
Chostakovitch ; il appelle ça de la pornophonie. Il devient une sorte de
critique musical exécutif.
Le rapport de l'opéra et du pouvoir. Ils sont lié par le cout économique de sa
réalisation. Aujourd'hui un opéra est si cher que c'est l'état qui le commande.
Un opéra est la vitrine du grandiose, du faste. Il faut venir se montrer sur la
scène, mais également dans la scène. Quand tel ou tel pays a eu un opéra
dans sa langue pour la première fois? Ne serait-ce pas un marqueur fidèle de
la puissance significative culturelle ou politique? En France, c'est du Cambert
en 1659, La Pastorale d'Issy. Plus la nation met du temps à s'ériger, plus son
opéra naît tardivement, soit l'Allemagne, La Bohème, les États-Unis, la
Hongrie, etc. Les opéras ont transporté les foules et les grands esprits tels
que les philosophes comme Nietzsche avec Carmen. En 1830 on représente
la muette de Portici de Auber ; à la fin le choeur dit "Viva la liberta", une foule
se forme devant l'opéra pour faire la révolution, à cause d'un opéra. L'Opéra
est le coeur de la société. Les Allemands ne s'intéressent qu'aux récits tandis
que les Italiens ne s'intéressent qu'aux arias selon Hegel ; la salle d'opéra
reflète la société. La censure a été très vigilante avec Offenbach, très
populaire par ses opéras comiques. La grande duchesse de Gerolstein,
devait porter le titre d'une principauté Allemande, au vu des tensions de
l'époque entre France et Allemagne. Wagner est un cas où le pouvoir a suivi
un musicien. Bayreuth a été financé par le prince de Bavière. La
transdisciplinarité de l'opéra répond à la transversalité de la dialectique
musique politique. Lachenmann écrit "La Petite fille aux allumettes" (1999)
------------------------------------------------------------------------------------------------------LA MUSIQUE DES ANNÉES 2000
L'an 2000 était un fantasme de science fiction du XXe siècle, qui interrogeait
des problématiques historicistes. Cet optimisme semblait relancer l'optimisme
du modernisme, de la confiance dans le futur. Le Postmodernisme des
années 1980 ne croyait en effet plus à l'histoire. Mais selon time magazine,
les années 2000 ont été "la décénie de l'Enfer". Le Spiegel allemand a titré
"la décade perdue". Libération décrète que "la décénie fut celle des
conservatistes". Mais d'un point de vue musical, les choses semblent s'être
libérées, car quand le monde va mal, il y a d'autant plus besoins de palliatifs
musicaux. On trouve une liberté de la musique savante par la mort de
grandes figures savantes comme Xénakis, Bério, Ligeti, Stockhausen, Boulez
n'a rien créé de nouveau. La place semble libre. les "ismes" n'existent plus.
L'ancienne avant garde est morte, mais non pas pour être remplacer car il n'y
a pas d'esthétique sclérosante, par l'insufflation de la mondialisation. Via
internet, la planète se retrouve avec elle-même. Des compositeurs savants
émergent autre part qu'en Occident, autre qu'exotiques ou nationaux.
Le dégel esthétique
On trouve l'idée de mélange, d'hybridation. De vieux fantasmes esthétiques
ou techniques sont enfin réalisables. Laurent Korcia enregistre un C.D où l'on
entend dans le même disque une interprétation d'une sonate de Debussy, en
parallèle d'un arrangement des parapluies de Cherbourg, en même temps
que Grapelli, du Jazz, une mélodie de Massenet chanté par Jean-Louis
Aubert. Mais ne serait-ce pas user de libéralisme au nom de la liberté?
Derrière ces disques se trouvent les firmes, qui vont développer ces disques
d'interprètes, car ils sont plus manipulables que les créateurs. Dans Mozart
l'Égyptien, on trouve des oeuvres qui ne sont ni de Mozart, ni de musique
traditionnelle. L'arrangeur qui a fabriqué cette oeuvre n'est pas mise en
avant, et on a l'impression que le créateur du disque est la firme de disque.
On a ainsi une capitalisation de l'esthétique, fabriquée par la maison de
disque. Ainsi, on trouve l'interprète et l'arrangeur bien plus mis en avant que
le compositeur. Il y a une sorte d'âge d'or.
L'influence du dégel populaire dans la musique savante de création. On ne
dis plus musique contemporaine, mais musique actuelle, même pour les
musiques savantes. Ferneough, dans "In nomine a 3" (2001) commence de
façon monodique et modale, ce qui est strictement impossible dans ses
oeuvres antérieures. Ce mélange entre modernisme est postmodernisme
semble être la nouvelle tendance des musiques actuelles. Il faut ainsi trouver
une synthèse possible et une réconciliation esthétique.
On trouve un mélange entre populaire et savant. Il n'y a plus d'idée du
protocole, plus rien n'est solennel. Bourriaud pense que dans un univers
postmoderne, tout se vaut. On ne parle plus ainsi de postmodernisme, mais
de postmodernité. Le populaire vaut autant que le savant. Il y a aussi une
mise à mal de l'étiquette, qu'elle soit celle du concert, de la tenue, dans la
représentation scénique et plastique. On peut avoir un auteur qui devient un
collectif, soit plusieurs compositeurs associés dans un groupe de
compositeur, sur le modèle du groupe de rock.
Sarhan est un compositeur savant avec un son de populaire, notamment
dans "L'Nfer" où le son est jazz.
L'influence de la saturation des guitares électriques a influencé un groupe de
musiciens savants qui travaillent sur la saturation de tous les instruments ;
c'est une école internationale, et non pas nationale comme le groupe des 6
ou des 5 en France et en Russie dans le début du XXe siècle. On peut noter
"Transmissions" de Bedrossian, où la musique devient gênante, comme un
néobruitisme et néoprimitivisme avec les nouveaux moyens techniques.
Schopenhaeur
Nietzsch est Wagnerien et aussi Schopenhaeurien. Tradition idealisation de la musique.Influences
d`un musicien et d`un philosophe. Esthetique du genie des le debut. Le genie cherche la saintete, le
budhisme. Idealisation du genie musical des le depart. La naissance de la tragedie 1872 a l`epoque la
musique existe avant avec la Grece pre-Socratique. Nietzsch vers la fin s`est retournee contre
Wagner. Plus on est musicien plus on est philosophe. Le crepuscul des aurores, le bonnheur est fait
de rien le son d`une cornemuse sans musique, la vie serait une erreure. L`allemand s`imagine Dieu lui
meme chantant des cantiques. La musique est de part egale avec Dieu.
Lire <<Voyage au bout de la nuit>>, << Celine>>. Que signifie Dieu chez Nietzsch, l artiste divain.
Nietzsch a dit plusieurs fois que <<Dieu est mort!>> l`homme l`a tuer , mais ce qui est divain existe
encore.''Ce qui est bon et leger , tout ce qu`est divain marche d`un pas delicat.''
''L`ame n`existe pas, plus loin ``mon ame un luth''. Nouvelle formulation de tout ce qui est divain,
peut etre ce qui est chretien est mort ? Wagner devient le travestisseur, qui imite mais qui detourne
comme le mal. Nietzsch : On ne peut servir deux maitres quand l`un deux s`appel Wagner. Dans la
bible, tu ne serviras pas de maitres, l`argent et Dieu. Il reprend des ecritures saintes.
L` antisemetisme de Wagner, il avait propos tres violents sur les juifs. Wagner etant jeune etait
influence par Proudon ``la propriete, c`est le vol`` qui etait francais.
La danse dans la pensee de Nietzsch est tres importante. Il faut etre leger pour faire de la danse.
Zaratoustra le danseur est dans la legerte. Il a vu 23 fois Carmen de Bizet a l`opera.
Celui qui s`approche de son but celui la danse. Ceci est mon alpha et mon omege que tout ce qui est
lourd devient leger. Je ne sais rien qu`un philosophe souhaite plus d`un bon danseur ,car la danse est
son ideal, son art aussi sa seule pieter,enfin, son service divain. Nietzsch debut de la philosophie
poetique. La philosophie devient plus musicale.
Je ne pourrai croire qu`a un Dieu qui saurait danser.
Marx n`a aucune pensee musicale, au XIX m siecle , le materialiste historique. Il a une pensee
materialiste et ne parle pas de musique. Il n`est pas idealiste. Il part de litterrature de classes
differrentes. Alain Badiou philosophe Marxiste , il croit en la revolution. Un des derniers philosophe a
avoir fait un systeme. ''Petit precis d`esthetique'', il parle d`esthetique des arts mais il ne parle pas de
musique. Il est question de serialisme. Est ce encore de tradition materialiser cette pensee Marxiste.
Badiou est encore romantique, il y a des verites dans l`amour, l`art, les mathematiques et la
politique. Empire democratique.
Hiedegher philosophe allemand, l`etre se traduit par la poesie. Ces silences sur la musique trahissent
la pensee romantique. L a musique reste l`ultime limite, reste associee a la limite, la frontiere...
Deleuse dit que la musique c`est le cosmos, un devenir animal dans certaine ritournelle. Chez Mozart
un devenir cheval.
Chez John Cage la nature, notre environnement est musique.
Sartre philosophe, marxiste communiste. La pensee de Satre est communiste. L`imaginaire est
important pour Sartre, ideal sartrien. Plutot valorisant pour la musique, l`imaginaire. Le resonnement
philosophique aime se perdre avec la pensee sur la musique. Alain il poetise d`avantage la musique,
l`alegresse montante d`une volonte toujours jeune. La musique c`est la forme humaine la plus pure.
La plus fragil est la plus forte le sens c`est que la musique c`est le paradoxe. Formulation reflexive,
quand un element est en relation avec lui meme. Chez Hegel contemplation de la pure lumiere. La
passion est passionnee pour elle.
Le propre de la musique est de rien exprimer elle meme. <<Le fait de la musique est de nommer le
Non lui meme.>> Adorno. Vrai philosophe de la musique. (Marxiste idealiste).
Comparer au langage la musique est une langue d`un genre complaintement different, c`est la que se
cache son aspect tehologique.(...)Son idee est la forme du nom de Dieu.C`est une priere d`emistifier,
liberer de la magie, de faire survenir quoi que ce soit le fait humain , (futil comme toujours) pour
nommer le nom lui meme.
La musique comme nouvel art.
Jauss a ecrit un ouvrage "l`esthetique de la reception", l`horizon d`attente du public.
Moins de jouissance dans l`art. Voir la souche d`un nouvel art.
Danielle Cohen Levinas ecrit la musique n`est plus un art que l`on ecoute, la musique n`est plus
autonome. Par exemple des commentaires sur la musique en question.
La question du jouissif. Rene Labowitz delocalisation de la musique. Autant d`oeuvres qu`il y a
d`interpretes. La musique peut etre un art collectif, il y aune jouissance autour de cette musique a
laquel on peut associer un autre art. Au XX m siecle, il y a une sorte d`explosion de la philosophie de
la musique, de l`esthetique. La musique est masquee par beaucoup de commentaires. Tous les
compositeurs du XX m siecle on eu envie d`ecrire sur leur musique. Beaudelaire rappel que Delacroix
ete preocuper car il arriver pas a peindre ses pensees. Il y a un besoin chez l`artiste de faire un
commentaire sur son oeuvre. L`artiste de genie est pedagogue par nature, ce que ecrit Berg.
A lire Marc Jimnese. L`esthetique contemporraine. L`esthetique serait plus un art qu`une science.
Prouver que l`esthetique est un art. Les scientifiques peuvent etre
aussi un artiste. Xenakis. Theorie de Darwin. Christophe Monke; la negativite esthetique, montre
que le beau et le vrai ne sont plus ensemble. Le beau ; l`art la musque et le vrai l`esthetique dans
l`oeuvre. "La beaute du penser" l`idee qu`on peut penser en beaute. L`art s`associe a la beaute.
L`esthetique parle des arts. Les anglosaxons, par exemple Nelson Goodman a essayer de retrouver
une rationnalite. L`art de diviser le concepte de rationnalite respective. Hugue Dufour, il critique les
commentaires des oeuvres du XX m siecle. Critique de la cegetation autour des oeuvres, autant de
simulacre autour des oeuvres. L`esthetique est elle un art elle meme? l`esthetique ne cherche pas la
rationnalite. Adorno a ete accuse de subjectivisme. Le Mahler d`Adorno. Dans Mahler il y a des
catastrophes. Pourquoi l`esthetique a l`air de mepriser les musiques de varietes, le rock? Ce sont des
categories encore autonomes. Peter Burger pense que Adorno n`a pas vu que les avants gardes ont
tout bonnement concut l`echec comme faisant parti de leur projet. Cette oeuvre esthetique serait
musique et commentaires. Universsalite orale sur une oeuvre. Commentaire universselle autour de
l`oeuvre. "Le marteau sans maitre "de Boulez, oeuvre vocale petit effectif. Oeuvre pointilliste. Dans
cette crise de l`art contemporain, elle cache peut etre un epanouissement, l`epanouissement d`un
nouvel art qui aurait tuer la musique. L`art du discourt d`esthetique generalise. Le moteur de cette
epanouissement, la cause du retranchement de l`art, si l`art est devenu complexe car on a aimer
parler de lui. Epanouissement issu du genie. Boulez: On n`echappe pas a la bienveillance des autres.
Deja cette bienveillance il faudrait y echappe. Cage lui avait exprimer pour son concerto de piano
qu`il n`y ai pas assez de gens qui se soient indigne.
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