RAPPORT SPÉCIAL Suppression de la résistance endocrine Afinitor ® et l’exémestane doublent la survie sans progression Une partie non négligeable des patientes avec cancer du sein au stade précoce souffrent de récidive. Pour ces patientes avec cancer du sein avancé positif pour les récepteurs hormonaux (HR+), le traitement endocrine représente la pierre angulaire de la thérapie. Chez les patientes post-ménopausées, les inhibiteurs de l’aromatase non stéroïdiens (NSAI) comme le létrozole et l’anastrozole sont les médicaments de choix pour le traitement de première intention. Les inhibiteurs de l’aromatase se sont révélés supérieurs au tamoxifène en termes de taux de réponse et de durée jusqu’à la progression. Néanmoins, une large majorité de patientes avec cancer du sein HR+ avancé souffrent de progression sous traitement par des inhibiteurs de l’aromatase. Quelles sont les options thérapeutiques à la disposition des patientes ayant développé une résistance au traitement par un NSAI? (1–3). En raison de l’absence d’options thérapeutiques spécifiques pour les patientes endocrinorésistantes, ce sont surtout d’autres traitements endocrines comme le fulvestrant, un antagoniste des récepteurs aux œstrogènes qui, contrairement au tamoxifène, ne présente pas d’activité agoniste, ou exémestane, un inhibiteur stéroïdien de l’aromatase, qui sont utilisés. L’efficacité clinique de ces traitements, examinée au cours de plusieurs études, est apparue similaire. Au cours de deux 2 études, l’efficacité clinique du fulvestrant et de l’exémestane a été testée auprès de patientes souffrant de progression sous traitement par des NSAI. Chez ces patientes post-ménopausées avec un cancer du sein HR positif et résistant à un traitement par NSAI, le fulvestrant est apparu aussi efficace que l’exémestane au cours de l’étude EFFECT(4), avec une survie sans progression moyenne de 3,7 mois dans les deux groupes. Au cours de l’étude SoFEA, le fulvestrant en association avec l’anastrozole est apparu aussi efficace que le fulvestrant seul, ou l’exémestane (durée jusqu’à la progression: 4,4 mois contre 4,8 mois contre 3,4 mois) (5). En revanche, dans l’étude CONFIRM, au cours de laquelle deux dosages différents de fulvestrant (250 mg contre 500 mg) ont été comparés, seulement 42,5% des patientes avaient reçu un inhibiteur de l’aromatase en tant que dernier traitement antérieur. Bien que toute la population de patientes de l’étude ayant reçu 500 mg ait profité d’une différence d’un mois au niveau de la survie sans progression (5,5 contre 6,5 mois; HR = 0,80; IC à 95%: 0,68 à 0,94; P=0,006), une différence importante a été notée en fonction du traitement antérieur. L’analyse des sous-groupes montre que ces différences significatives sont observées seulement chez les patientes prétraitées par un médicament anti-œstrogénique et non chez celles ayant suivi un traitement antérieur par un inhibiteur de l’aromatase (6). La survie globale n’a pas été significativement différente sur le plan statistique entre les deux groupes. Il a été montré au cours d’études que des interactions étroites entre la voie de signalisation par les œstrogènes et la voie de signalisation PI3K-mTOR ainsi que son hyperactivation représentent des mécanismes importants pour l’apparition de la résistance endocrine. Une stratégie thérapeutique prenant les deux voies de signalisation en compte semble donc être une approche prometteuse pour les patientes. Fig. 1: Représentation schématique du double mécanisme d’action 22 L’évérolimus est un inhibiteur allostérique de mTOR et peut donc prévenir l’activation oestrogénodépendante du récepteur aux œstrogènes par mTOR (fig. 1). Les premières études précliniques ont confirmé que le blocage de ce circuit important de résistance endocrine conduit à la suppression de cette dernière par l’évérolimus et donc au renforcement de l’efficacité du traitement endocrine (7). Étude BOLERO: amélioration hautement significative de la survie sans progression La réussite clinique de la stratégie de suppression de la résistance endocrine par le blocage de mTOR a été démontrée par deux études de phase II (8,9), suivies par une étude de phase III appelée BOLERO-2 (Breast cancer trials of OraL EveROlimus-2) (10). Au cours de cette dernière, l’efficacité et la sécurité de l’évérolimus en association avec l’exémestane ont été comparées avec celles du traitement par exémestane seul chez des femmes post-ménopausées avec cancer du sein métastatique positif pour les récepteurs aux œstrogènes (ER-positif) et HER2-négatif ou local avancé avec récidive ou progression sous un traitement antérieur par létrozole ou anastrozole (10). Les patientes avaient reçu à 74% ou 75% un NSAI comme dernier traitement antérieur et 21% des patientes n’avaient reçu encore aucun traitement contre leur maladie en progression. Seulement 54% ou 53% des patientes avaient reçu plus de trois traitements antérieurs, y compris des traitements d’appoint. 16% des patientes avaient été traitées par le fulvestrant, 47% avaient reçu également du tamoxifène et seulement 26% des patientes avaient déjà suivi une chimiothérapie contre leur maladie en progression. Le cri- Fig. 2: PFS après évaluation centrale dans BOLERO-2 (10) 03 _ 2013 _ info@onkologie RAPPORT SPÉCIAL tère primaire était la survie sans progression (PFS). Les résultats concernant la PFS sous évérolimus + exémestane contre l’exémestane seul sont représentés dans la figure 2. Le critère primaire (PFS) a été atteint au cours de cette étude. Selon l’évaluation centrale, la PFS a été de 11 mois pour l’évérolimus plus exémestane contre 4,1 mois sous placebo plus exémestane (HR 0,38; 0,27–0,47, p<0,001). La réduction du risque de progression a donc été de 62%. Ces résultats signifient pour les patientes une multiplication par plus de 2 de la PFS sous le traitement par évérolimus et presque un an de survie sans progression. Les résultats ont été homogènes et significatifs avec une réduction du risque presque identique dans tous les sous-groupes. Concernant la qualité de vie en relation avec la santé, le traitement associé par évérolimus et exémestane a également donné de meilleurs résultats par rapport au monotraitement par exémestane au cours de BOLERO-2. La durée moyenne jusqu’à une aggravation définitive (Time to Definite Deterioration, TDD) a été de 8,3 mois sous l’association évérolimus plus exémestane contre 5,8 mois sous placebo plus exémestane (HR 0,74, p=0,0084) (11). Ces observations suggèrent que l’augmentation claire de l’efficacité clinique a amélioré la qualité de vie en relation avec la santé dans le groupe sous EVE + EXE en dépit de l’incidence accrue des toxicités de grade 3 ou 4 observées dans ce groupe. Le tableau 1 donne une vue d’ensemble des résultats des différents traitements. Sécurité du traitement par l’évérolimus La plupart des effets indésirables ont été légers et de grade 1 ou 2. Le profil de sécurité est compatible avec les autres indications d’Afinitor®. On a observé surtout des stomatites, des diarrhées, une fatigue et des éruptions cutanées. Le tableau 2 donne une vue d’ensemble des effets indésirables les plus fréquents. Médicament contre comparateur Durée jusqu’à la progression (mois) Etude Fulvestrant + anastrozole contre fulvestrant 4,4 vs 4,8 SoFEA (5) Fulvestrant contre exémestane 4,8 contre 3,4 SoFea Fulvestrant contre exémestane 3,7 contre 3,7 EFECT (4) Evérolimus contre exémestane 11 contre 4,1* BOLERO-2 (10) *Survie sans progression (PFS) Tab. 1: Durée jusqu’à la progression ou survie sans progression dans diverses études sur le cancer du sein HR+ avancé Effets indésirables Afinitor® + exémestane Tous les grades (%) Exémestane + placebo Grades 3/4(%) Tous les grades (%) Grades 3/4(%) Stomatite 56 8/0 11 1/0 Diarrhée 30 2/<1 16 1/0 Fatigue 33 3/< 1 26 1/0 Hyperglycémie* 13 4/<1 2 <1/0 Diminution de l’appétit 29 1/0 10 0/0 Eruptions cutanées 36 1/0 6 0/0 Pneumonie non infectieuse* 12 3/0 0 0/0 Toux 22 1/0 11 0/0 Diminution du poids 19 1/0 5 0/0 *Effet indésirable cliniquement important avec une incidence < 25% Tab. 2: BOLERO-2 – Effets indésirables les plus fréquents (incidence 25%) sous Afinitor® plus exémestane (10) Le taux d’interruptions à cause des effets indésirables associés à Afinitor ® a été de 10% (11). Outre la pneumonie non infectieuse, la stomatite est également un effet de classe: il a en effet pu être démontré que les ulcères étaient plutôt similaires aux aphtes et qu’ils différaient de la mucosite induite par la chimiothérapie. Ils sont moins profonds et guérissent plus rapidement (12). Afin de les minimiser, une bonne hygiène buccale et le renoncement aux plats/boissons épicés, acides, durs et chauds sont recommandés. Les stratégies de gestion du traitement telles qu’une bonne information des patientes sont bénéfiques pour la réussite optimale de la thérapie (13). Conclusion L’évérolimus en association avec un inhibiteur de l’aromatase prolonge significativement la survie sans progression de presque un an des patientes avec cancer du sein HR+ avancé ayant souffert d’une progression ou d’une récidive sous traitement par un inhibiteur de l’aromatase. Avec cette multiplication de la survie sans progression par plus de deux par rapport au monotraitement endocrine, la qualité de vie a été conservée en dépit de l’augmentation partielle de l’incidence des effets indésirables. Les résultats de cette étude posent un véritable jalon dans le traitement des patientes avec cancer du sein HR+, ce qui devrait être envisagé comme un changement de paradigme (13). Références: 1. Bonneterre J et al Anastrozole is superior to tamoxifen as first-line therapy in hormone receptor positive advanced breast carcinoma: Results from two randomized trials designed for combined analysis. Cancer 2001; 92: 2247-2258 6. Di Leo A et al. Results of the CONFIRM Phase III trial comparing fulvestrant 250mg with fulvestrant 500mg in postmenopausal women with estrogen receptor-positive advanced breast cancer. J Clin Oncol 2010;28:4594-4600 2. Mouridsen H et al. 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