Urgences hyperglycémiques chez l`adulte

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ARTICLE DE REVUE
723
Acidocétose diabétique et état hyperglycémique hyperosmolaire
Urgences hyperglycémiques
chez l’adulte
Sarah Sigrist a , Michael Brändle a,b
Kantonsspital St. Gallen
a
Klinik für Endokrinologie, Diabetologie, Osteologie und Stoffwechselerkrankungen; b Klinik für Allgemeine Innere Medizin und Hausarztmedizin
Les épisodes hyperglycémiques tels que l’acidocétose diabétique et l’état hyper­
glycémique hyperosmolaire représentent des situations d’urgence potentiellement
létales qui se rencontrent régulièrement au sein des services d’urgence, mais aux­
quelles les collègues installés en cabinet peuvent également être confrontés. Le
présent article donne un aperçu de la pathogenèse et de la présentation clinique
des deux entités, ainsi que de leur diagnostic et traitement d’urgence.
Introduction
Tant l’acidocétose diabétique (ACD) que l’état hyper­
glycémique hyperosmolaire (EHH) sont associés à une
mortalité élevée (ACD 1–5%, EHH 10–20%), même en cas
de traitement rapide et adéquat. Avec les hypoglycémies
aiguës sévères, ils représentent les principales urgences
diabétologiques.
La figure 1 illustre la pathogenèse de l’ACD et de l’EHH. Il
en ressort que les deux entités peuvent se chevaucher,
ce qui est le cas pour env. 30% des épisodes hyper­gly­
cémiques aigus rencontrés dans la pratique clinique
quotidienne.
Acidocétose diabétique
L’ACD est en premier lieu la conséquence d’une carence
absolue en insuline, qui s’accompagne de la triade hyper­
glycémie, acidose métabolique et formation de corps
cétoniques. Elle est caractéristique du diabète sucré
de type 1 et survient soit dans le cadre de sa première
manifestation (env. 15%) soit au cours de la maladie,
lorsque les apports exogènes d’insuline sont absents
Sarah Sigrist
ou insuffisants.
croissance), et entraîne ainsi une aggravation de l’hy­
La carence en insuline empêche la métabolisation des
perglycémie. Les mêmes mécanismes sont également
glucides et du glucose et leur absorption dans les cel­
responsables de la libération accrue d’acides gras libres
lules. En outre, la néoglucogenèse n’est pas bloquée
à partir du tissu adipeux (lipolyse) avec oxydation des
dans le foie. Il en résulte une hyperglycémie avec diu­
acides gras, ce qui entraîne la formation de corps céto­
rèse osmotique et déshydratation consécutive.
niques dans le foie, avec pour conséquence une acidose
En plus de la carence absolue en insuline, une résistance
métabolique. Dans ce contexte, les corps cétoniques re­
(passagère) à l’insuline se développe, en partie causée
présentent une importante source d’énergie, car le glu­
par l’élévation des taux d’hormones de contre-régula­
cose ne peut plus être absorbé et exploité dans les tissus
tion (glucagon, catécholamines, cortisol, hormone de
de l’organisme en raison de la carence en insuline.
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Article de revue
Carence absolue
en insuline
Lipolyse ↑
AGL dans le foie↑
Cétogenèse ↑
724
Hormones de contre‐
régula�on ↑
survient la plupart du temps en cas de diabète sucré de
Carence relative
en insuline
type 2 préexistant, généralement non contrôlé de ma­
nière optimale. Cependant, il peut également représen­
ter la première manifestation d’un diabète sucré de
Synthèse protéique ↓
Dégrada�on protéique ↑
Absence d’acidocétose
ou acidocétose minime
sante par une consommation abondante de boissons.
Glycogénolyse ↑
En cas d’EHH, le déficit hydrique s’élève généralement à
Hyperglycémie
7–12 litres (correspondant à une perte de poids corporel
Acidocétose
de 10–15%).
Glycosurie (diurèse osmotique)
Hyperlipidémie
La pathogenèse de l’EHH est moins claire. La diurèse
Perte hydrique et électrolytique
osmotique joue un rôle décisif, avec la survenue d’une
Hyperosmolarité
Déshydratation
ACD
d’une altération de la sensation de soif, ne compensent
pas (ne peuvent pas compenser) la déshydratation crois­
Néoglucogenèse ↑
U�lisa�on du glucose ↓
type 2, en particulier chez les patients âgés qui, en raison
déshydratation sévère. La carence en insuline est moins
marquée qu’en cas d’ACD. Les taux d’insuline peuvent
Dégradation de la fonction rénale
même être accrus, mais les sujets présentent une forte
EHH
insulinorésistance. Cependant, en cas d’EHH, la pré­
Figure 1: Pathogenèse de l’acidocétose diabétique (ACD) et de l’état hyperglycémique
hyperosmolaire (EHH). AGL = acides gras libres. (Adapté d’après Kitabchi AE et al.
Diabetes Care. 2009;32:1335.)
Pour les deux entités, d’autres facteurs déclenchants
ACD
Heures à jours
cétogenèse.­
Facteurs de risque
Tableau 1: Présentation clinique de l’ACD et de l’EHH.
(Adapté d’après Maletkovic, Endocrinol Metab Clin N Am 42, 2013).
Evolution des symptômes
sence d’insuline dans la circulation sanguine empêche
généralement la survenue d’une lipolyse, et ainsi la
EHH
Jours à semaines
Polyurie/polydipsie
+
+
Nausées/vomissements
+
+
Douleurs abdominales
+
-
Perte de poids / anorexie
+
+
sont la plupart du temps présents ou nécessaires à l’ap­
parition d’épisodes aigus. Tous ces facteurs de risque
sont des états de stress métabolique aigu, tels que les
infections aiguës, les événements cardiovasculaires, la
pancréatite, l’alcoolisme, les traumatismes ou les opé­
rations. C’est la raison pour laquelle on retrouve, pour
les deux entités, une augmentation liée au stress du
Fatigue / malaise général
+
+
Troubles neurologiques, diminution de la vigilance
±
++
taux d’hormones de contre-régulation, qui aggrave en­
Hyperventilation
+
–
core plus l’hyperglycémie. Il convient de ne pas oublier
Déshydratation
+
++
les médicaments qui, de par leur influence sur le méta­
bolisme des glucides et/ou l’induction d’une insulino­
L’ACD dans le cadre d’un diabète sucré de type 2 (dé­
résistance, peuvent entraîner une hyperglycémie et
signé en anglais comme «ketosis-prone type 2 diabetes»)
ainsi augmenter le risque de survenue d’une ACD ou
représente une forme particulière. Hormis le fait que
d’un EHH: il s’agit des corticoïdes, des diurétiques thiazi­
ces patients sont la plupart du temps en surpoids ou
diques et des antipsychotiques (classiques et atypiques).
obèses et ont une anamnèse familiale évidente de dia­
bète de type 2, ils se présentent comme des diabétiques
de type 1 classiques, avec polyurie, polydipsie, perte de
poids, hyperglycémie et acidocétose. Mais après une
Présentation clinique et diagnostic
Manifestations cliniques
courte période, leur insulinodépendance disparaît à
Contrairement à l’EHH, qui se développe habituelle­
nouveau et avec le temps, ils peuvent se passer de tout
ment sur plusieurs jours à semaines, l’ACD est un évé­
médicament ou prendre seulement des antidiabétiques
nement aigu se manifestant souvent en l’espace de
oraux, même sur le long cours. Ce tableau clinique
moins de 24 heures. En cas de diabète sucré de type 1
concerne le plus souvent des personnes d’origine afri­
connu, l’ACD est souvent précédée d’un mauvais
caine, afro-américaine ou hispanique.
contrôle de la glycémie (le plus souvent dû à une admi­
nistration d’insuline inexistante ou insuffisante), mais
Etat hyperglycémique hyperosmolaire
elle peut également survenir sans «signes avant-cou­
L’EHH se caractérise par une hyperglycémie marquée,
reurs». Les patients souffrant d’EHH et d’ACD affichent
une hyperosmolarité, une déshydratation sévère et l’ab­
des symptômes cliniques similaires, comme le montre
sence de grandes quantités de corps cétoniques. L’EHH
le tableau 1. Les symptômes typiques de l’ACD sont les
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Article de revue
725
­hémoglobine glyquée, protéine C réactive (CRP), formule
Tableau 2: Critères diagnostiques de laboratoire pour l’ACD et l’EHH.
(Adapté d’après Kitabchi AE et al. Diabetes Care. 2009;32:1335.)
ACD
légère
sanguine et bilan urinaire. Dans de nombreux hôpitaux,
la détermination des corps cétoniques dans le sang
EHH
modérée
sévère
Glucose plasmatique
>14 mmol/l
>14 mmol/l
>14 mmol/l
>33 mmol/l
pH artériel
7,25–7,30
7,00 – <7,24
<7,00
>7,30
Bicarbonate sérique
15–18 mmol/l
10 – <15 mmol/l
<10 mmol/l
>18 mmol/l
Corps cétoniques dans +
l’urine + dans le sérum
++ à +++
++ à +++
– ou (+)
Osmolalité sérique
Variable
Variable
Variable
>320 mosm/kg
Trou anionique
<10 mmol/l
10–12 mmol/l
>12 mmol/l
Variable
n’est pas réalisable en urgence, de sorte qu’il est néces­
saire de procéder à leur détermination dans l’urine. Il
convient alors de tenir compte du fait que les bande­
lettes urinaires usuelles ne permettent pas de détecter
le bêta-hydroxybutyrate (le corps cétonique dominant
en cas d’ACD) et que le test peut donc se révéler négatif
malgré la présence d’une acidocétose.
Comme le montre le tableau 2, l’EHH s’accompagne
­généralement de valeurs glycémiques très élevées. A
nausées, les vomissements et les douleurs abdominales
l’inverse, une ACD peut déjà se développer en cas d’hy­
diffuses («pseudo-appendicite», «abdomen aigu»). Il n’est
perglycémie modérée. Une ACD peut même survenir
alors pas toujours évident de faire la distinction entre
en cas de valeurs glycémiques tout à fait normales, en
un problème abdominal comme cause de l’ACD et des
particulier dans le cadre d’une grossesse. Les patients
symptômes survenant dans le cadre de l’ACD. Plus par­
présentant une insuffisance rénale terminale affichent
ticulièrement, une persistance des symptômes abdo­
généralement des valeurs glycémiques élevées, car la
minaux après une optimisation initiale de l’ACD devrait
clairance rénale du glucose est réduite.
donner lieu à des examens diagnostiques plus précis
L’ACD donne souvent lieu à une (légère) hyponatrémie,
(échographie ou tomodensitométrie abdominale).
à une kaliémie et phosphatémie normales-hautes à
L’examen clinique révèle des signes de déshydratation
­élevées (passage d’intra- à extracellulaire) et à des para­
(diminution de la turgescence cutanée, muqueuses
mètres de la fonction rénale normaux à légèrement
sèches, veines du cou plates, tachycardie, hypotension)
élevés (créatinine, urée). Par ailleurs, une leucocytose
et, en cas d’ACD, une dyspnée de Kussmaul comme ex­
modérée est le plus souvent présente sous forme de
pression typique de l’acidose métabolique. Les altéra­
leucocytose de stress; cependant, une recherche minu­
tions de la vigilance ne sont pas systématiques mais
tieuse d’un foyer infectieux devrait tout de même être
peuvent se manifester sous des formes allant d’une lé­
réalisée, surtout en cas de CRP élevée. En tant qu’­ex­
gère confusion jusqu’au coma, en passant par la som­
pression de la déshydratation substantielle, l’EHH
nolence. Le coma est plus fréquent en cas d’EHH: on
s’accom­pagne le plus souvent d’une dégradation pré-
parle alors de coma hyperosmolaire. En présence d’une
rénale de la fonction des reins, et parfois d’une hyper­
diminution de la vigilance sans mise en évidence d’une
natrémie, indiquant un déficit volumique très sévère.
osmolarité élevée, il convient de rechercher une cause
Une élévation de l’amylase sérique et éventuellement
neurologique (par ex. accident vasculaire cérébral, hé­
de la lipase sérique est également relativement fré­
morragie cérébrale).
quente, sans qu’une pancréatite soit nécessairement
Laboratoire
activement en tant que potentiel facteur déclenchant
présente. Cette dernière doit néanmoins être recherchée
En plus de l’anamnèse et de la présentation clinique, le
d’une ACD ou d’un EHH (échographie ou tomodensito­
diagnostic de laboratoire est décisif pour la différencia­
métrie).
tion de l’ACD et de l’EHH. Le tableau 2 présente les ano­
Différents paramètres de laboratoire doivent être cor­
malies typiques pour ces deux entités.
rigés ou calculés dans le cadre d’une hyperglycémie afin
Le diagnostic de laboratoire complet comprend toujours
que la situation métabolique puisse être correctement
une gazométrie sanguine (veineuse ou artérielle),
interprétée (pour les formules, voir tab. 3).
qui est généralement uniquement disponible au sein
des unités d’urgence et de soins intensifs. Au cabinet du
Diagnostic élargi
­médecin de famille, il est également recommandé, pour
Le diagnostic élargi pour l’identification des causes à
déterminer la glycémie (glycémie capillaire en situation
l’origine de l’ACD ou de l’EHH s’oriente en fonction de
aiguë), de procéder à une analyse des urines par bande­
l’anamnèse et de l’examen clinique (recherche étendue
lettes urinaires afin de détecter la présence de corps cé­
d’infections au moyen de cultures sanguines, ponction
toniques. En outre, les paramètres suivants doivent être
lombaire, etc., investigations cardiaques incluant la
déterminés de manière routinière: électrolytes (sodium,
troponine, ECG, examens d’imagerie).
potassium, chlorure, si possible phosphate et magné­
Le diagnostic différentiel de l’acidocétose comprend,
sium), glucose veineux, urée, créatinine, osmolalité,
outre l’acidocétose diabétique, également l’acidocétose
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Tableau 3: Formules destinées au calcul des paramètres de laboratoire, qui doivent être corrigés ou calculés dans le cadre
de l’hyperglycémie afin de permettre l’interprétation correcte de la situation métabolique.
Paramètre
Formule
Sodium sérique corrigé en cas d’hyperglycémie
Nacorrigé = Namesuré + 0,3 × (glycémiemesurée – 5 mmol/l) ou
Nacorrigé = Namesuré + (2,5 mmol pour 5 mmol glucose >10 mmol/l)
Trou anionique
Trou anionique (mmol/l) = Namesuré – (Cl + HCO3)
Norme: 12 ± 4 mmol/l
Osmolalité (calculée)
Osmolalité (mmol/kg) = 2 × Na (mmol/l) + glycémie (mmol/l) + urée (mmol/l)
Norme: 288–290 mmol/kg eau
Trou osmotique
Trou osmotique (mmol/l) = osmolalitémesurée – osmolalité calculée
Norme: <10 mmol/kg eau
Déficit en eau libre
Déficit en eau libre (litres)
= K × poids corporel (kg) × { (natrémiemesurée / 140) – 1}
K = proportion d’eau par rapport au poids corporel chez les patients
déshydratés: K hommes = 0,5; K femmes = 0,4
alcoolique ainsi que l’acidocétose induite par le jeûne.
des volumes indiqués dans la figure 2; une surveillance
A cet effet, l’anamnèse est le principal moyen d’orien­
étroite et, le cas échéant, invasive est alors indispen­
ter le diagnostic. En tant qu’acidose métabolique avec
sable.
agrandissement du trou anionique, l’acidocétose doit
Une administration volumique trop brutale doit être
en outre être différenciée de l’acidose lactique, de l’aci­
évitée en raison du risque d’œdème cérébral, qui s’ac­
dose d’origine médicamenteuse (salicylate, méthanol,
compagne d’une mortalité et d’une morbidité élevées.
éthylène glycol, paraldéhyde) et de l’acidose en cas d’in­
Les enfants présentant une ACD en sont particulière­
suffisance rénale aiguë.
ment menacés.
Prise en charge d’urgence
Insulinothérapie / contrôle de la glycémie
L’administration d’insuline doit être initiée dans les
Les ACD modérées et sévères ainsi que l’EHH néces­
30 à 60 minutes suivant le début du traitement volu­
sitent un traitement et une surveillance stationnaires.
mique. Pour ce faire, une insuline d’action rapide, en
En cas de bonne coopération du patient et de garantie
général Actrapid®, ou un analogue de l’insuline d’action
d’un suivi étroit, une ACD légère peut éventuellement
rapide tel que par ex. NovoRapid® est utilisé. Ce faisant,
être traitée en ambulatoire.
l’apport continu en insuline au moyen du perfuseur
En plus de la normalisation de la glycémie, l’objectif du
Actrapid®, ou éventuellement par administration de
traitement aigu en cas d’ACD est la correction de l’aci­
l'insuline d’action rapide toutes les 2 heures par voie
dose métabolique et, autant en cas d’ACD que d’EHH,
sous-cutanée, est d’une importance capitale. L’admi­
le rétablissement de l’équilibre hydrique.
nistration initiale d’un bolus intraveineux de Actrapid®
La prise en charge initiale est basée sur la protection
semble ne présenter aucun avantage. L’administration
des fonctions vitales ainsi que sur les quatre piliers sui­
sous-cutanée d’une insuline d’action rapide doit avant
vants: thérapie liquidienne, insulinothérapie / contrôle
tout être mise en œuvre chez les patients pouvant être
de la glycémie, substitution électrolytique (principale­
pris en charge en service de soins classique ou en am­
ment potassium et phosphate) et, éventuellement, ad­
bulatoire en raison de symptômes cliniques légers.
ministration de bicarbonate (fig. 2).
L’objectif est d’obtenir une baisse de la glycémie d’au
max. 3–4 mmol/l par heure, la fourchette glycémique
Thérapie liquidienne
visée devant initialement être de 10–12 mmol/l. En cas
L’administration de liquides ou le traitement volumique
d’ACD, l’insulinothérapie doit être poursuivie en continu
est la mesure primaire la plus essentielle et doit être
même en cas de normalisation des valeurs glycémiques,
initiée avant même de débuter l’insulinothérapie. L’ob­
jusqu’à ce que l’épisode mé­ta­bolique se soit résolu (pH
jectif est le rétablissement d’un volume normal sous
normal, bicarbonate >18 mmol/l, patient adéquat).
24 heures. Il est nécessaire de poser au minimum deux
C’est seulement ensuite que l’utilisation du perfuseur
abords veineux (éventuellement, pose d’un cathéter
Actrapid® peut être délaissée au profit de l’administra­
veineux central) et de réaliser un bilan des apports/
tion sous-cutanée. Il convient de noter que la première
pertes (le cas échéant, pose de cathéter permanent).
administration sous-cutanée devrait avoir lieu 1 à
Chez les patients souffrant de problèmes cardiopulmo­
2 heures avant l’arrêt du perfuseur Actrapid® (adminis­
naires ou rénaux, il peut s’avérer nécessaire de s’éloigner
tration concomitante) afin d’éviter un rebond de l’acido­
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Article de revue
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Apport hydrique: démarrage avec NaCl 0,9% 1000 ml au cours de la 1ère heure
Insuline
Potassium, phosphate
Actrapid 0,1 U/kg PC en
bolus intraveineux
K sérique Substitution
mmol/l mmol/h
‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐‐
<3,3
40 + pause insuline
jusqu’à K >3,3
Thérapie liquidienne
Choc
hypovolémique
Légère
déshydratation
NaCl 0,9% 1000
ml/h
Sodium sérique*
normal‐haut
NaCl 0,45%
250‐500 ml/h **
normal
Choc
cardiogénique
Surveillance de
la circulation,
utilisation
éventuelle de
vasopresseurs
bas
NaCl 0,9%
250‐500 ml/h **
Aussitôt la glycémie <12 mmol/l: passage à
Glc 5% + NaCl 0,45% 150‐250 ml/h
Actrapid‐Perfusor
0,05‐0,1 U/kg PC/h
ou
Actrapid sous‐cutané
0,1 U/kg PC ttes les 2h
Insuline toutes les 2h x2, au cas où
la glycémie ne baisse pas de 3‐
4mmol/l/h
3,3‐5,2
20‐30
>5,2
0
Au cas où le pH <0,3 mmol/l:
phosphate de potassium 1 mmol/ml
0,16‐0,24 mmol/kg PC pdt 6h en i.v.
Bicarbonate
pH <6,9
pH ≥6,9
Pas de bicarbonate
NaBic 100 mmol pdt
2h en i.v.*** dilué
dans 400 ml d’eau
d’injection,
Répéter toutes les 2h
jusqu’à pH≥7
Passage à insuline sous‐cutanée dès que:
• Glycémie <12‐15 mmol/l, HCO3 ≥18 mmol/l, pH veineux >7,3, patient éveillé:
Insuline d’action rapide 0,1 U/kg PC sous‐cutané toutes les 2h. Attention: 1h de concomitance avec le perfuseur!
• Mise en place de l’insulinothérapie basal‐bolus: 0,5‐0,8 U/kg PC/j chez les patients naïfs d’insuline
* Sodium sérique corrigé: voir texte
** En fonction de l’état d’hydratation, max. 50 ml/kg PC au cours des 4 premières heures, 10% du PC au cours des 12 premières heures
*** 1 ml NaBic 8,4% = 1 mmol → dont 100 ml
Figure 2: Prise en charge d’urgence des épisodes hyperglycémiques. (Adapté d’après Kitabchi AE et al. Diabetes Care. 2009;32:1335.)
cétose et de l’hyperglycémie en raison d’un apport in­
Administration de bicarbonate
Avec le pH, le taux de
suffisant en insuline. Par la suite, il convient de mettre
bicarbonate reflète le degré de sévérité de l’ACD. Une
en place une insulinothérapie ­basal-bolus (insuline ba­
substitution en bicarbonate ne doit être envisagée
sale d’action longue 1 à 2 fois par jour et i­ nsuline bolus
qu’en cas d’acidose métabolique sévère accompagnée
d’action rapide, y compris correction au moment des
d’un pH <6,9 et d’un taux de bicarbonate <10 mmol/l.
repas). La prise en charge ulté­rieure, et plus particuliè­
rement le traitement antidiabétique au long cours, dé­
pend du type de diabète, des comorbidités, etc.
Autres mesures
Une infection sous-jacente devrait être traitée sans tar­
der, même en cas de doute lorsque le foyer infectieux
Substitution électrolytique
n’est pas encore connu, et ceci tout de suite après prélè­
Une carence en potassium est généralement présente
vements pour détermination des paramètres de labo­
lors des épisodes hyperglycémiques, les taux sériques
ratoire correspondants.
pouvant initialement être normaux. Avec le début de
La déshydratation augmente le risque de survenue
l’insulinothérapie s’opère un passage du potassium vers
d’une thromboembolie. Il est dès lors recommandé de
l’intérieur des cellules, entraînant une hypokaliémie. Il
mettre en place une prophylaxie thromboembolique
en va de même pour le phosphate, qui est éliminé par les
par héparine de bas poids moléculaire.
reins dans le cadre de la polyurie. Une surveillance
étroite de ces électrolytes et une substitution généreuse
Surveillance et contrôles
(pour les dosages, voir fig. 2) sont dès lors impératives. Le
Il convient de contrôler: glucose plasmatique ainsi que
risque d’une hypokaliémie et d’une hypophosphatémie
potassium et phosphate sériques toutes les 1 à 2 heures;
de survenue brutale est très élevé, en particulier en cas
sodium sérique toutes les 2 heures; pH veineux toutes
de taux initiaux déjà trop bas. En cas d’hypokaliémie
les 2 à 4 heures. Il est également nécessaire de contrôler
préexistante, il est nécessaire d’initier la substitution
la diurèse, et éventuellement de surveiller le rythme
potassique avant l’insulinothérapie. Les patients souf­
cardiaque (surtout en cas d’hypokaliémie et/ou de
frant d’une acidose sévère sont particu­lièrement mena­
cardiopathie préexistante) et la pression veineuse cen­
cés par le développement d’une hypophosphatémie.
trale.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(33):723–728
Article de revue
Correspondance:
Dr Sarah Sigrist
Oberärztin mbF
728
Prise en charge diabétologique
et prévention
Klinik für Endokrinologie,
Si cela est possible, un endocrinologue/diabétologue
Diabetologie, Osteologie und
devrait être impliqué dans la prise en charge dès la pé­
Stoffwechselerkrankungen
Kantonsspital St. Gallen
riode d’hospitalisation, ou sinon, dès la sortie de l’hôpi­
CH-9007 St. Gallen
tal. Il est également judicieux de recourir à des conseils
sarah.sigrist[at]kssg.ch
en diabétologie et en diététique.
L’objectif de la prise en charge pluridisciplinaire doit
être de pallier aux manques de connaissances, de discu­
ter des erreurs de prise en charge et le cas échéant, d’op­
timiser le traitement afin de prévenir les récurrences.
Chez les diabétiques de type 1, les points suivants,
entre autres, doivent être discutés:
– Connaissance et reconnaissance des situations à
risque favorisant l’apparition d’une ACD, et mise en
place de mesures préventives dans ces situations;
– Fréquence des mesures de la glycémie et adaptation
Chez les diabétiques de type 2, l’attention doit se
concentrer sur les points suivants:
– Sensibilisation aux situations à risque dans lesquelles
un EHH peut survenir (fièvre, gastro-entérite, infec­
tions, opérations, etc.);
– Marche à suivre en cas de survenue de situations à
risque, par exemple intensification des mesures de
la glycémie, arrêt de certains antidiabétiques oraux
(principalement metformine et sulfonylurées), uti­
lisation d’insuline, apports de liquides, consultation
précoce du médecin de famille;
– Reconsidération et, le cas échéant, adaptation du
traitement antidiabétique en place en tenant compte
de l’hémoglobine glyquée et des comorbidités (par
ex. présence d’une insuffisance rénale).
Résumé
de l’insulinothérapie, en particulier dans les situa­
tions (de stress) exceptionnelles telles que fièvre,
Autant l’ACD que l’EHH représentent des situations dia­
gastro-entérite, voyages, etc.;
bétologiques d’urgence s’accompagnant d’une mortalité
– Chez les porteurs de pompe à insuline: vérification
élevée. Chaque médecin doit être en mesure de les dé­
des gestes techniques et paramètres ainsi qu’ins­
tecter et de les traiter de manière adéquate. A cet effet,
truction quant au comportement à adopter en cas
les algorithmes thérapeutiques standardisés s’avèrent
de dysfonctionnement de la pompe;
utiles et sûrs.
– En cas de problèmes graves lors de la mise en œuvre
de la prise en charge diabétique, par exemple chez
En règle générale, une hospitalisation est inévitable,
les jeunes atteints de diabète de type 1, le cas échéant
aussi bien en cas d’ACD que d’EHH. Les piliers du traite­
mise en place d’un soutien psychothérapeutique (ac­
ment comprennent l’administration de liquides / le
ceptation de la maladie, élaboration de stratégies de
traitement volumique, l’administration d’insuline, et
résolution des problèmes, détection et traitement des
la substitution en électrolytes et en bicarbonate.
comorbidités psychiatriques telles que dépression,
Une fois le trouble métabolique résolu, il est impératif
troubles de la personnalité borderline et troubles
de procéder à une évaluation minutieuse afin de pré­
des conduites alimentaires).
venir l’apparition de nouveaux épisodes.
L’essentiel pour la pratique
•Les épisodes hyperglycémiques tels que l’acidocétose diabétique (ACD)
ou l’état hyperglycémique hyperosmolaire (EHH) représentent des situations d’urgence associées à une morbidité et une mortalité élevées.
•Qu’elle soit la première manifestation d’un diabète sucré de type 1 ou
qu’elle résulte d’une erreur de prise en charge d’un diabète sucré de
type 1 connu, l’ACD se caractérise par une carence absolue en insuline,
s’accompagnant d’une acidocétose.
•En cas d’EHH, une carence relative en insuline est le plus souvent présente, si bien que la plupart du temps, aucune acidocétose sévère ne
se développe. La déshydratation (généralement) sévère est de premier
ordre et s’accompagne d’une hyperosmolarité.
•Il existe quatre piliers pour le traitement de l’ACD et de l’EHH: administration de liquides, insulinothérapie, substitution électrolytique et,
éventuellement, administration de bicarbonate. Les algorithmes thérapeutiques s’avèrent utiles et augmentent la sécurité thérapeutique.
SWISS MEDICAL FORUM – FORUM MÉDICAL SUISSE 2015;15(33):723–728
Remerciements
Nous tenons à remercier le Docteur Christian Häuptle, de Gossau
et Saint-Gall, et le Docteur Patrick Lehmann, d’Arbon, pour leur revue
du manuscrit et leurs précieux conseils.
Disclosure statement
Les auteurs n’ont déclaré aucun lien financier ou personnel en rapport
avec cet article.
Photo de couverture
© Konstantins Visnevskis | Dreamstime.com
Références
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­Hyperosmolar State. Endocrinol Metab Clin N Am 2013;42:677–95.
2 Corwell B, et al. Current Diagnosis and Treatment of Hyperglycemic
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3 Kitabchi A, et al. Hyperglycemic Crisis in Adult Patients With
­Diabetes. Diabetes Care 2009;32(7):1335–43.
4 Vavricka SR, et al. Diabetische Ketoazidose und Hyperosmolare
Hyperglykämie – 24 konsekutive Fälle. Deutsche Medizinische
Wochenschrift 2002;127:2441–6.
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