musiques pour luth - Médiathèque de la Cité de la musique

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cité de la musique
François Gautier, président
Brigitte Marger, directeur général
musiques pour luth
Du luth médiéval au grand luth baroque à treize chœurs, nul autre
instrument n’aura contribué de plus éloquente manière à l’expression des civilisations européennes de la Renaissance et du siècle des
Lumières. Cette série de concerts tente d’en retrouver les principales
essences : pour chaque époque, luth soliste, luth et voix, luth et
ensemble instrumental évoquent les richesses de la virtuosité et de la
contemplation à travers l’esthétique d’un monde humaniste. Un
concert consacré au oud permet de se souvenir de la parenté du luth
occidental avec le luth oriental, tout en évoquant les musiques du
monde d’aujourd’hui.
Le 16 mai, un forum musical invite le public à suivre le voyage du luth
occidental du XIIe au XVIIIe siècle. Pour les spécialistes et les fervents
amateurs, un colloque (13, 14 et 15 mai) vous convie à participer aux
débats des toutes dernières recherches scientifiques - musicologie,
esthétique, organologie, iconographie - sans oublier les techniques de
l’interprétation, les réflexions sur l’enseignement et l’avenir du luth.
Pascale Saint-André
responsable du service culturel
du musée de la musique
samedi 9 mai 16h30 / amphithéâtre du musée
le luth baroque
Ennemond Gaultier dit le Vieux (ca. 1575-1651)
Pièces en ré mineur
prélude, courante, canaries, tombeau de Mesangeau,
courante, gigue La Poste
Jean-Sébastien Bach (1685-1750)
Sonate en sol mineur
(version pour luth d’après la sonate pour violon seul BWV 1001)
adagio, fuga, siciliana, presto
Sylvius-Leopold Weiss (1686-1750)
Partita en sol majeur
prélude, toccata, fuga, sarabande/un poco andante, allegro
Hopkinson Smith, luth Joël van Lennep (1980)
durée du concert : 1 heure
musiques pour luth
le luth baroque
Le premier tiers du XVIIe siècle marque un tournant décisif dans l’histoire du luth en France. Au cours de cette époque de recherches,
l’instrument, transformé dans sa facture, son accord et son style
d’exécution, donna naissance à un langage idiomatique en parfaite
harmonie avec la sensibilité précieuse du temps. La dévotion que
suscita le luth chez nos compatriotes fut telle que l’école française
exerça une sorte d’hégémonie sur l’Europe entière. Pourtant, vers
la fin du siècle, l’évolution du goût aura raison de cet art qui demeurait hermétique au non initié. C’est donc dans un esprit bien différent
que le luth dut poursuivre sa carrière lorsque les pays germaniques
lui offrirent une nouvelle terre d’élection.
Ennemond Gaultier dit le Vieux (ca. 1575-1651), pour le distinguer
de son cousin Denis, peut être considéré comme le père fondateur et
l’inspirateur de l’école française du luth du XVIIe siècle. Originaire
du Dauphiné, il naquit vers 1575, et demeura pendant plus de trente
ans au service de Marie de Medicis dont l’exil définitif, en 1631, mit
un terme à sa carrière parisienne.Toutes les hyperboles ont été épuisées pour célébrer l’artiste et perpétuer le souvenir de ce personnage
haut en couleurs. Il était, dit-on, fort chiche de ses pièces, mais on doit
au soin de ses disciples et admirateurs d’en connaître aujourd’hui
près de cent cinquante de sa façon.
De par sa date de naissance, Gaultier fut à la fois le témoin et l’acteur
d’une évolution dont son œuvre reflète toutes les étapes. Les pièces
que l’on va entendre sont destinées à l’instrument à onze rangs de
cordes adoptant le nouvel accord (ré mineur) introduit en France
vers 1635. Le prélude non mesuré qui ouvre cette « suite », d’une
harmonie riche et serrée, teintée de chromatismes, provient d’une
source relativement tardive où il figure sans nom d’auteur. Certaines
allusions fugitives au Tombeau qui va suivre semblent suggérer le
nom de Gaultier : il n’en est pas indigne - et l’on ne prête qu’aux
riches. Après une fluide courante et les canaries au rythme capricant,
succède l’émouvant hommage que le luthiste rend à son confrère
René Mesangeau († 1638), allemande grave « qu’on ne se lassait pas
d’entendre », et dont le motif initial évoque celui de célèbres Lacrimae.
La Poste, enfin, va entraîner l’auditeur sur les routes cahoteuses qui
le conduiront hors de nos frontières.
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musiques pour luth
Les prodiges par lesquels s’illustra Gaultier, Sylvius-Leopold Weiss
(1686-1750) les égala, les surpassa même, si l’on en croit les récits de
ses contemporains. Les quelque six cents pièces qu’il nous a laissées
- non comprises les œuvres pour ensemble dont seule subsiste la partie de luth - justifient l’admiration que, longtemps après sa mort, on
portait encore à « ses compositions écrites dans un style pur et dense,
proche de celui des pièces pour clavier du défunt J. S. Bach ».
Issu d’une famille de Breslau (Wroclaw),Weiss attira l’attention de plusieurs princes en raison de sa maîtrise instrumentale. Le long séjour
qu’il fit à Rome, dans la suite du prince Aleksander Sobieski et de sa
mère, l’extravagante « Regina di Polonia », côtoyant les Scarlatti, son
compatriote Haendel et probablement Corelli, sera d’une influence
décisive sur son évolution artistique. Lorsqu’en 1718 il accède au
poste très convoité de Cammer Lautenist de la Chapelle d’Auguste
le Fort, à Dresde, il appartient déjà au gotha musical de l’Empire.
Les œuvres de cette époque, écrites pour luth à treize « chœurs »,
font voisiner les éléments de la suite classique française (allemande,
courante, sarabande, gigue) et les mouvements abstraits issus de la
sonate italienne auxquels Weiss accordera une importance croissante.
Ici, un court Prélude d’allure improvisée sert d’introduction au diptyque Toccata e Fuga, d’autant plus évocateur de Bach que le thème
de cette fugue fera immédiatement songer au « Gratias » de la Messe
en si mineur. La Sarabande, portée par le mouvement régulier de la
basse, est un long arioso défiant la nature même de l’instrument,
rebelle au cantabile. L’œuvre s’achève par un morceau de bravoure
digne des virtuoses de l’archet auxquels, dit-on,Weiss n’hésitait pas
à se mesurer.
Tout aura été dit à propos des Sei Solo à Violino senza Basso accompagnato composés par Bach en 1720. Ce monumental microcosme de
science musicale qui épuise toutes les ressources théoriques et techniques jamais imaginées pour les quatre cordes d’un instrument à
archet, dut cependant attendre la fin du siècle dernier pour que
Joseph Joachim mette un terme au statut d’études d’exécution transcendante ou d’œuvre abstraite qui, pendant longtemps, avait été le
sien. La richesse des compositions est telle que Bach lui-même les
jouait souvent au clavicorde et réalisa une version pour clavier de
certaines de ces pages. Dès lors, on comprendra le désir bien légitime des luthistes de considérer les œuvres pour violon ou pour vio-
notes de programme |3
musiques pour luth
loncelle seuls dans la perspective de leur instrument - d’autant que la
voie avait déjà été tracée par leur lointain prédécesseur, Johann
Christian Weyrauch, que Bach connut à Leipzig. Un exemple de sa
main provient précisément de la première sonate du recueil, dont la
fugue, en dépit des maladresses du transcripteur, figure au catalogue
des œuvres originales de Bach (BWV 1000).
Au terme d’une longue fréquentation de l’œuvre de Bach, Hopkinson
Smith s’est penché à son tour sur le problème de l’adaptation au
luth des compositions originellement destinées au violon ou au violoncelle. Les versions qu’il a réalisées jusqu’ici se caractérisent par leur
fidélité au texte (fut-ce au prix de redoutables difficultés techniques)
comme à l’esprit de l’œuvre. De telles versions sont de véritables
recréations au cours desquelles la musique apparaît sous un nouvel
éclairage : le contrepoint y gagne en clarté, l’harmonie en plénitude,
les basses une présence qui n’était alors que virtuelle. En outre, l’expérience acquise au contact permanent des luthistes contemporains
de Bach - et de Weiss en particulier - contribue pour une bonne part
à l’aspect idiomatique du résultat, et donc à l’expression naturelle
de la musique.
Claude Chauvel
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dimanche 10 mai - 15h / amphithéâtre du musée
le luth et la musique de chambre
Carl Kohaut (1726-1784)
Concerto en fa majeur pour luth, deux violons et violoncelle
allegro, adagio, tempo di minuetto
Johann-Friedrich Fasch (1688-1758)
Concerto en ré mineur pour luth, deux violons, alto (et basse
continue)
[ allegro moderato ] , andante, un poco allegro
Joseph Haydn (1732-1809)
Cassation en ut majeur pour luth, violon et violoncelle, Hob. III : 6
presto, minuetto/trio, adagio, finale/presto
Joachim-Bernhard Hagen (ca. 1720-1787)
Concerto en la majeur pour luth, deux violons et violoncelle
allegro moderato, largo, allegro
Hopkinson Smith, luth Joël van Lennep (1980)
Chiara Banchini, David Plantier, violons
David Courvoisier, alto
Roel Dieltiens, violoncelle
durée du concert : 1 heure
musiques pour luth
le luth et la musique de chambre
Alors que s’annonçait son propre déclin dans une France qui lui
avait rendu un véritable culte pendant le XVIIe siècle, le luth connut
une nouvelle existence dans les pays germaniques au cours des générations suivantes. D’abord héritiers des maîtres français, les luthistes
succombèrent à l’engouement général pour l’italianità, puis aux
charmes de ce que l’on a appelé le gemischter Stil : les derniers éléments
de la « suite » cédèrent le pas aux sonates et la voix délicate du luth se
mêla volontiers à celle d’autres instruments lors de conversations,
voire de joutes concertantes souvent audacieuses. Qu’elles soient
expressément écrites pour l’instrument ou adaptées d’œuvres contemporaines, les œuvres de ce programme constituent un panorama éloquent de ce que fut la musique de chambre avec luth jusqu’à l’aube
du classicisme viennois.
Tempérament inquiet et solitaire, Johann-Friedrich Fasch (16881758) fut reconnu de son vivant comme l’un des créateurs les plus originaux de son temps. Ses nombreuses pérégrinations le conduisirent
en 1727 à la cour de Dresde, et c’est probablement au contact de
S.-L.Weiss que naquit l’idée du présent concerto. Sans doute pressé
par le temps, il choisit de remodeler très librement l’un de ses concertos pour hautbois de type vénitien. La partition autographe trahit
l’urgence et permet de suivre presque pas à pas les étapes de cette
transmutation. Le luth (dont la partie est rédigée en notation usuelle
et non en tablature), tour à tour accompagnateur et soliste, joue de
volubiles figurations qui ne sont pas sans rappeler, parfois, celles que
confiait Vivaldi à ce même instrument.
La biographie du luthiste hambourgeois Joachim-Bernhard Hagen
(ca. 1720-1787) demeure d’une regrettable pauvreté. A Bayreuth
où il se rendit afin d’étudier auprès du Capellmeister Johann Pfeiffer,
il trouva un climat propice à l’épanouissement de son art au sein de
la chapelle musicale dont l’âme était la margravine Wilhelmine, sœur
de Frédéric II, elle-même compositrice de talent et fervente luthiste.
La musique de Hagen est injustement négligée par la plupart des
interprètes d’aujourd’hui. Pourtant, la vingtaine d’œuvres qu’il nous
laisse, d’une grande virtuosité instrumentale, révèle un musicien à
l’invention mobile, dont le lyrisme est annonciateur des subtilités du
classicisme. Ces qualités se retrouvent dans le Concerto en la, daté
6 |cité de la musique
musiques pour luth
du 20 janvier 1759, où l’intérêt est constamment maintenu en éveil
par la manière dont Hagen sait conduire le discours des quatres instrumentistes autour du personnage principal.
Carl Kohaut (1726-1784), natif de Vienne, hérita par son père de la
riche tradition des luthistes bohémiens groupés autour de la figure
emblématique du comte Losy. Sa position de secrétaire à la chancellerie de la cour impériale lui ouvrit les portes de l’aristocratie
mélomane et lui permit d’étudier les partitions de Bach et de Haendel
grâce à la protection de Gottfried van Swieten - auquel Mozart devra
plus tard une expérience analogue. Kohaut n’est pas seulement l’ultime et le plus célèbre des luthistes viennois : outres les œuvres écrites
pour son instrument, il est l’auteur de symphonies, de cantates et de
musique de chambre qui attendent encore leur résurrection. Parmi
la dizaine de concertos pour luth de Kohaut, celui-ci, composé vers
1760, est très représentatif de son style élégant comme de l’esprit
du divertimento qui animait ses contemporains viennois. Les triolets, dont les compositeurs font alors un ample usage, impriment ici
un élan irrésistible aux syncopes de l’allegro et retiennent doucement
la mélodie de l’adagio dans un climat de langueur pudique. Le Tempo
di menuetto apporte une touche piquante à ce divertissement plus
soucieux de vivacité que de virtuosité.
En dépit d’un tableau fameux censé le représenter jouant du luth,
tandis que Mozart compose à sa table, saurons-nous jamais quels
rapports Haydn entretint avec l’instrument ? Quoi qu’il en soit, six
œuvres (dont deux d’une authenticité problématique) viennent enrichir le catalogue de sa musique de chambre. A vrai dire, il s’agit
d’adaptations qui ont pu voir le jour dans l’entourage du Baron van
Swieten « chez lequel se réunissaient souvent le violoniste Starzer et
le luthiste Kohaut pour jouer de la musique de Haydn ». La Cassation
en ut, sans doute la plus réussie parmi ces nouvelles moutures, a pour
modèle le Quatuor à cordes op 1, n° 6 (ca. 1757/59), de même tonalité,
amputé du second menuet et de son trio. La sonorité claire de l’ensemble fait admirablement ressortir le caractère naturel et enjoué de
cette brève sérénade, lui donne une délicate couleur nocturne dans
l’adagio (violon con sordina sur fond de pizzicati) qui est l’une des
plus belles pages du jeune Haydn.
C. C.
notes de programme |7
mercredi 13, jeudi 14 et vendredi 15 mai / amphithéâtre du musée
colloque
Les luths en Occident
communications :
Hommes et œuvres (mercredi 13 à 11h et 14h30)
Les sociétés de luth (mercredi 13 à 17h45)
Sources (jeudi 14 à 9h)
L’interprétation (jeudi 14 à 11h45)
Organologie (jeudi 14 à 14h30)
La vihuela (jeudi 14 à 16h45)
Iconographie musicale (vendredi 15 à 9h)
Esthétiques, formes et styles (vendredi 15 à 11h30 et 14h30)
L’avenir du luth et l’enseignement (vendredi 15 à 15h45)
présidents de séances :
Victor Coelho, Joël Dugot, Dinko Fabris, François Lesure
jeudi 14 mai - 20h / amphithéâtre du musée
la vihuela à la cour d’Espagne
Luys Milan
El Maestro (Valencia, 1535-36) (extraits)
Fantasia 4 del segundo tono
Fantasia 3 del primer tono
Fantasia 13 de consonancias y redobles del primer tono
Fantasia 12 de consonancias y redobles del tercero y quarto tono
Pavana 2 del tercero y quarto tono
Fantasia 18 de consonancias y redobles del septimo y octavo tono
Pavana 4 del septimo y octavo tono
Alonso Mudarra
Tres Libros en Cifra para Vihuela (Sevilla, 1546) (extraits)
Tiento del tercero tono
Fantasia del tercero tono
Glosa sobre el Kyrie postero de una Misa de Josquin que va sobre Pange
Lingua, del tercero tono
Fantasia que contrahaze la harpa en la manera de Ludovico
Hopkinson Smith, vihuela (instrument de Joël van Lennep, 1975)
l’archicistre
improvisation
sur La Spagnoletta
Girolamo Frescobaldi
Aria
Claudio Monteverdi
L’Orfeo (extrait)
Anne Quentin, soprano
Lucien Kandel, ténor
Pascale Boquet, archicistre
entracte
chansons et danceries
à la cour de François I er
anonyme
Ta bonne grace roquelay (1536)
Basse danse Ta bonne grace et tourdion (1542)
Gosse
Je file quand Dieu me donne de quoi (1545)
anonyme
Gaillarde (1530)
Dominique Phinot
Si le mien cœur (1548)
anonyme
Pavane et gaillarde (1530)
Du fond de ma pensée (Psaume 130, texte de Clément Marot)
Didier Lupi
Susanne un jour (1548)
Jan-Pieterszoon Sweelinck
Susanne un jour
John Dowland
Susanna gaillard
Claudin de Sermisy
Jouissance vous donneray (1528)
Thoineau Arbeau
Basse danse Jouissance
Pierre Certon
O Madame perds je mon temps
Pierre Sandrin
Puisque vivre en ser vitude (1550)
Claude Ger vaise
Allemande (1557)
Jacotin
Mary je songeois (1532)
anonyme
Branle gay Mary (1547)
Tourdions (1547)
Doulce Mémoire :
Denis Raisin-Dadre, direction, flûtes à bec
Anne Quentin, soprano
Lucien Kandel, ténor
Pascale Boquet, luth et guitare Renaissance
Freddy Eichelberger, clavecin
durée du concert : 1 heure 40
musiques pour luth
vihuela
L’année 1536 marque une étape importante dans l’histoire de la
musique pour luth. Plusieurs éditions portent à la connaissance du
public les œuvres de Francesco da Milano, Albert de Rippe, Pietro
Paolo Borrono et Marco dall’Aquila en Italie, et d’Hans Newsidler à
Nuremberg. A Valence, Luys Milan publie son Libro de musica de
vihuela Intitulado El maestro.
Premier ouvrage consacré à la vihuela, El maestro est singulier à maints
égards. Milan y classe les pièces pour instrument seul en fonction
de leur modalité. Il définit la fantaisie comme une production de
l’imagination (contrairement à la transcription et à la glose ornementale absentes du Maestro). En ce sens, les pavanes et les tientos sont
aussi des fantaisies. Milan fournit des indications de tempo et de
rubato, particulièrement précieuses pour l’interprétation des fantaisies. Certaines reposent sur l’écriture en imitations, d’autres sur les
enchaînements d’accords (consonancias). Dans les fantasias de redobles,
les guirlandes de diminutions dominent. Un genre mixte oppose et
combine consonancias et redobles, que Milan recommande de jouer
respectivement lentement et rapidement.
Par sa façon de construire les mélodies, de varier les textures, de
répartir les voix, par sa couleur instrumentale, le vihueliste se distingue de ses contemporains européens et de ses successeurs espagnols. Son style témoigne d’une tradition disparue, dérivée de
l’improvisation et de l’emploi du plectre. Dans le même temps, les
techniques compositionnelles tendent à se rapprocher de celles du
contrepoint savant, et le jeu de la main droite sur l’instrument gagne
en habileté. L’œuvre de Milan participe aussi de cette évolution.
Dix ans après El maestro, Alonso Mudarra publie à Séville Tres libros
de musica en cifra para vihuela. Par rapport à Milan, il appartient à
une seconde génération d’instrumentistes, s’inspirant davantage de
l’écriture vocale dans leurs compositions. L’œuvre de Mudarra est
considérable, tant par sa qualité que par sa variété.
Les deux premiers des Tres libros contiennent des tientos, des fantaisies, des diferencias, des danses, des gloses et des transcriptions de
polyphonies vocales, le troisième étant consacré aux pièces pour voix
et vihuela comme l’était déjà une partie du Maestro. Dans le second
12 |cité de la musique
musiques pour luth
livre, les compositions sont groupées par mode. Au sein de chaque
série, la succession tiento - fantaisie - glosa - éventuellement fantaisie
finale suggère une exécution enchaînée. Le tiento, très court, prélude
à la fantaisie, dans laquelle Mudarra provoque souvent la dissonance
et fait preuve d’une certaine audace sur le plan modal.Tirée du premier livre, la fantasia que contrahaze la harpa en la manera de Ludovico
est unique en son genre. Dans ces variations sur la folia, Mudarra
rend hommage au harpiste de Ferdinand II, célèbre pour son jeu
chromatique sur la harpe diatonique.
Les Tres libros de musica en cifra para vihuela révèlent un compositeur
complet, alliant la connaissance du contrepoint vocal et la maîtrise instrumentale, l’innovation et le raffinement. En 1555, Juan Bermudo
le considère comme l’un des meilleurs vihuelistes de son temps.
chansons et danceries au temps de François I er
« Les Français connaissent seulement la noblesse des armes [...], ils
n’apprécient pas les lettres », déplorait Castiglione dans son Livre du
Courtisan. Mais « si la bonne fortune permet que Monseigneur
d’Angoulême [...] succède à la couronne [...], de même que la gloire
des armes fleurit et resplendit en France, de même celle des lettres
devra y fleurir pareillement avec un éclat comparable ». Et en effet, le
règne de François Ier (1515-1547) sera celui de la Renaissance française, née de la fusion entre les cultures de la France gothique et de
l’Italie de la Renaissance. Le Roi exerce ainsi sur les Lettres, les Arts
et les Sciences une influence légendaire. Il attire des artistes aussi
grands que Léonard de Vinci et Benvenuto Cellini, forme l’Ecole de
Fontainebleau ainsi que le Collège de France et la Bibliothèque
Royale. C’est aussi à cette époque que des poètes tels que Clément
Marot, Mellin de Saint-Gelais et Pierre de Ronsard témoignent d’un
intérêt renouvelé pour les modèles classiques.
La vie musicale est également florissante, en particulier dans la capitale. Les musiciens du Roi occupent une place considérable : membres
de l’Ecurie, les Trompettes jouent surtout lors des grands rassemblements ; les Hautboys (joueurs de chalémies, italiens pour la plupart) accompagnent les danses de cour. La Chambre se compose
d’un organiste, un luthiste, de chanteurs et éventuellement de violistes.
notes de programme |13
musiques pour luth
Sans doute exécutent-ils les chansons nouvelles de Sermisy, Janequin
et leurs contemporains. La musique instrumentale de soliste connaît
aussi un développement sans précédent, en particulier avec le luthiste
Albert de Rippe.
La Chapelle est l’institution royale la plus sollicitée. Les chanteurs
assurent le service des messes quotidiennes et des autres cérémonies
religieuses. De nombreux compositeurs de chansons, parmi les plus
grands, occupent un poste à la Chapelle Royale à un moment de leur
vie. On peut citer Sandrin, Certon et surtout Sermisy qui en obtient
la direction en 1532. La carrière de ces deux derniers passe aussi par
la Sainte-Chapelle, l’autre grande institution ecclésiastique de Paris.
La renommée des « chansons nouvelles » doit beaucoup à Pierre
Attaingnant, imprimeur du Roi et premier éditeur de musique en
France. Les meilleures d’entre elles sont mises en tablatures de luth
et de clavier (« orgues, espinettes et manicordions »). Elles inspirent
des basses danses, des tourdions ou encore des branles. Grâce à
Attaingnant, les premières mises en musique des psaumes traduits en
français par Clément Marot sont portées à l’attention du public.
Pendant le règne de François Ier, un second foyer musical d’importance
se développe à Lyon, avec notamment Pierre Colin, Dominique
Phinot, Pierre de Villiers et Didier Lupi. Œuvre de ce dernier, la
chanson spirituelle Susanne un jour connaît une fortune exceptionnelle
en Europe. Des compositeurs tels que Lassus ou Sweelinck utilisent
son ténor (voix intermédiaire). A son tour, parmi d’autres, Dowland
emprunte la chanson de Lassus. Cette façon de faire revivre un matériel en le transformant est une attitude musicale caractéristique de la
Renaissance.
Véronique Lafargue K
14 |cité de la musique
samedi 16 mai - 15h / amphithéâtre du musée
forum musical
Petite histoire du luth des origines au
XVIII
e
siècle
Le luth semble descendre en filiation directe de l’instrument persan ou
arabe appelé oud, introduit en Espagne aux XIIe et XIIIe siècles, à la faveur des
Croisades puis des relations commerciales entre Venise et le Proche-Orient.
Sa forme définitive fut adoptée à la fin du XIVe siècle. Nul autre instrument
n’aura contribué de plus éloquente manière à l’expression des civilisations
européennes de la Renaissance et du siècle des Lumières. Ce forum musical
vous propose un voyage à travers le passage du luth en Occident, le luth
médiéval, le luth de la Renaissance, le luth de l’école française baroque et
le luth baroque allemand. Débats, commentaires, documents visuels et
sonores et moments musicaux accompagneront ce voyage, tant organologique
qu’historique.
avec la participation de :
Claude Chauvel, Dinko Fabris, Philippe Gonnaud, musicologues
Joël Dugot, technicien de restauration du musée de la musique
Bernard Revel, luth médiéval
Eugène Ferré, luth Renaissance
Hopkinson Smith, luth baroque
Pascal Monteilhet, théorbe
dimanche 17 mai - 15h / amphithéâtre du musée
le luth médiéval
« autour du Codex Faenza »
Istampitta Ghaetta (anonyme italien XIVe siècle, Ms de Londres, British
Museum) (instrumental)
Non avrà ma’ pietà (Francesco Landini, ballata) (vocal)
Non ara may pietà (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
De toutes flours (Guillaume de Machaut, ballade) (vocal)
De tout flors (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
Che pena è quest’al cor (Francesco Landini, ballata) (vocal)
Che pena questa (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
Or sus, vous dormés trop (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
[Or sus, vous dormés trop] (anonyme XIVe siècle) (vocal)
Constantia (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
Honte, paur (anonyme, Codex Faenza) (instrumental)
Honte, paour, doubtance (Guillaume de Machaut, ballade) (vocal)
[estampie] Isabella (anonyme italien XIVe siècle, Ms de Londres, British
Museum) (instrumental)
La plus belle (Nicolas Grenon) (vocal)
Mit ganczem Willen (anonyme, Staatsbibl. de Berlin) (instrumental)
Ensemble Faenza :
Marcot Horvat, direction, chant, luth, citole, vièle
Malcolm Bothwell, chant, vièle
Raphaël Boulay, chant
Marion Fourquier, harpe
Magali Imbert, flûte à bec, percussions
Bernard Revel, luth, guiterne
Karl Heinz Schickhaus, dulcimer
concert sans entracte, durée : 1 heure
concert enregistré par France Musique (diffusion le 29 juin à 20h)
musiques pour luth
a utour du Codex Faenza
Les manuscrits musicaux du Moyen-Age, du moins jusqu’au XIVe
siècle inclus, nous ont transmis un répertoire essentiellement vocal,
sacré ou profane, de sorte que l’on connaît très peu de sources de
musique proprement instrumentale avant le début du XVe siècle. Le
codex conservé en Italie à la Bibliothèque de Faenza peut être considéré comme le plus important de ces premiers témoignages de notation instrumentale, tant par le nombre de pièces que par la diversité
des répertoires qui s’y trouvent représentés. En marge d’ajouts tardifs,
il contient en effet à la fois quelques pièces liturgiques, parmi lesquelles les premiers fragments de messe pour orgue, mais surtout
de nombreuses paraphrases de chansons polyphoniques françaises
et italiennes du XIVe siècle, connues par d’autres sources dans leur
version vocale. La reconstitution de l’ordre initial de ce corpus, qu’un
mauvais assemblage des feuillets a rendue nécessaire, révèle d’ailleurs
que les pièces étaient initialement regroupées selon une distinction de
styles nationaux : la première partie était consacrée au répertoire
français, la seconde au répertoire italien. Ces deux ensembles, comprenaient en outre chacun une messe incomplète sur le même cantus
firmus emprunté au plain-chant grégorien, et se concluaient respectivement par un Benedicamus Domino, confirmant le projet d’une
organisation précise du recueil.
Les principales formes de la poésie lyrique du XIVe siècle y sont représentées, à commencer par la ballade, dans le groupe des chansons
françaises : genre majeur de ce que les théoriciens de l’époque nommaient « Seconde Rhétorique » (pour désigner la poésie, par opposition
à la prose), elle comporte généralement trois strophes, finissant chacune par le même vers, appelé refrain. Le sujet est presque toujours
issu de la thématique de l’amour courtois, selon divers registres
(plainte, louange, espérance...). Lorsqu’elle est « notée », c’est-à-dire
mise en musique, la ballade, comme toute chanson polyphonique,
comporte au moins deux voix : un cantus porteur du texte, et un
ténor de tessiture généralement inférieure, dépourvu de texte. Ce
dernier est inventé pour soutenir la première. Une ou deux voix peuvent s’ajouter aux précédentes : souvent un contratenor, dont la tessiture
oscille entre cantus et ténor, plus rarement un triplum, plus aigu que le
notes de programme |17
musiques pour luth
cantus, mais, tout comme le ténor, elles sont dépourvues de texte, à de
rares exceptions près.
Les dispositifs les plus riches sont représentés ici dans les deux ballades de Machaut : Honte, paour, doubtance (à trois voix) et De toutes
flours (à quatre voix). Précisons toutefois qu’une même chanson peut
être conservée dans un effectif vocal différent selon les sources, et
qu’en tout état de cause, la version polyphonique minimale est toujours le couple cantus-ténor.
C’est précisément sur ce bicinium que se fonde chaque version du
Codex Faenza, prétexte à une ornementation de la ligne mélodique.
Dans les deux compositions de Machaut dont on pourra entendre la
variation instrumentale, un premier niveau de changement voit le
binaire du modèle vocal se muer en ternaire, ce qui contribue à provoquer une accélération du mouvement. Hormis son adaptation à
ce nouveau cadre rythmique, la ligne du ténor est généralement reprise
telle qu’elle apparaît dans l’original vocal, ou à peine modifiée. En
revanche si les incises et certains segments de phrases de la partie
supérieure sont parfois conservés, celle-ci est retravaillée : la ligne
mélodique est ornée au point de s’affranchir du dessin qu’elle connaissait initialement. L’ambitus s’élargit, les cadences mélodiques surviennent plus tard que dans la version vocale, l’enchaînement des
phrases musicales se resserre, et de longues arabesques se développent
parfois qui ne boudent pas la virtuosité (diminutions rapides, notes
répétées alertes...). Une dimension ludique peut même transparaître,
par exemple dans le virelai Or sus vous dormés trop ma dame joliete,
dont le texte humoristique jouait déjà sur des répétitions de mots,
comme dans de nombreux virelais. La version instrumentale amplifie ici l’effet de ces répétitions par une ornementation en valeurs
rapides et des déplacements rythmiques.
Les œuvres italiennes sont représentées par des ballate de Landini, dont
la forme se calque sur celle du virelai français où le refrain ne sert
pas seulement de conclusion à chaque strophe, mais les encadre véritablement. Les pièces du compositeur florentin décédé en 1397,
vingt ans après Machaut, côtoient dans le manuscrit celles d’autres
auteurs italiens, et des œuvres anonymes. Ces variations instrumentales présentent une ornementation tout aussi prolixe que dans les
pièces issues d’un modèle lyrique précédemment évoquées, en par-
18 |cité de la musique
musiques pour luth
ticulier Che pena è quest’al cor qui s’achève sur un effet d’accélération noté, usant de valeurs de plus en plus courtes.
Après de nombreuses conjectures sur la destination instrumentale
des pièces du Codex Faenza, on a proposé qu’il s’agissait plus vraisemblablement de l’orgue, tout particulièrement à cause de la disposition des voix en partition (c’est-à-dire superposées), ce qui le
distingue radicalement des manuscrits de musique vocale dans lesquels les voix sont copiées séparément, les unes à la suite des autres.
En tant que recueil pour clavier, il préfigure le Buxheimer Orgelbuch,
le plus important manuscrit de musique pour orgue après celui de
Faenza, qui contient lui aussi des pièces liturgiques et des arrangements de chansons profanes d’origines diverses.
Cette destination au clavier ne doit pourtant pas occulter la possibilité d’interpréter ce répertoire selon des dispositifs vocaux et instrumentaux variables, dont on conserve des témoignages iconographiques
mais aussi littéraires, comme on peut en lire chez Eustache
Deschamps : « Et ainsi puet estre entendu des autres instrumens (...)
comme rebecs, guiternes, vielles et psalterions, par la diversité des
tailles, la nature des cordes et le touchement des doiz, et des fleutes
et haulx instrumens semblables (...) ».
En marge des pièces dérivées des chansons, le répertoire instrumental
médiéval est constitué de danses, parmi lesquelles l’estampie occupe
une place prépondérante. Elle pouvait ne pas être sans lien avec la poésie, le terme désignant à l’origine aussi bien un genre poétique appelant la danse qu’une pièce dansée dénuée de paroles. De caractère
assez rythmé et virtuose, elle pouvait être accompagnée de frappement
des pieds ou des mains, comme semble l’indiquer son étymologie,
dérivée du germanique « stampjan », qui signifie « frapper ». Ici monodiques, constituées de plusieurs sections parfois reprises qui en font
des pièces assez longues, ces estampies, animées d’une grande énergie rythmique par leur tempo, la variété des figures et les changements de métrique, témoignent aussi d’une remarquable richesse
mélodique et ornementale.
Gilles Dulong
notes de programme |19
musiques pour luth
De toutes flours
Il n’y avait ni fleurs…
De toutes flours n’avoit et de tous fruis
En mon vergier fors une seule rose :
Gastes estoit li seurplus et destruis
Par Fortune qui durement s’oppose
Contre ceste doulce flour
Pour amatir sa colour et s’odour.
Mais se cueillir la voy ou trebuchier,
Autre apres li ja mais avoir ne quier.
Il n’y avait ni fleurs ni fruits
Dans mon verger, excepté une rose,
Elle était toute abîmée et maltraitée
Par la Fortune qui cruellement
Attaque cette douce fleur
Pour ternir sa couleur et nuire à son parfum.
Mais si je la vois cueillir ou tomber à terre
Nulle autre après elle je ne désirerai.
Mais vraiement ymaginer ne puis
Que la vertus, ou ma rose est enclose,
Viengne par toy et par tes faus conduis,
Ains est drois dons natureus ; si suppose
Que tu n’avras ja vigour
D’amanrir son pris et sa valour.
Lay la moy donc, qu’ailleurs n’en mon vergier
Autre apres li ja mais avoir ne quier.
Non vraiment je ne puis imaginer
Que la vertu, où ma rose est enclose,
Vienne de toi et de tes chemins trompeurs,
Mais plutôt de vrais dons de naissance ; je
[suppose
Que tu n’auras pas maintenant la force
De détruire sa réputation et sa valeur.
Laisse-la moi donc, car ailleurs qu’en monverger
Nulle autre après elle je ne désirerai.
He ! Fortune, qui es gouffres et puis
Pour engloutir tout homme qui croire ose,
Ta fausse loy, ou riens de biens ne truis
Ne de seür, trop est decevans chose ;
Ton ris, ta joie, t’onnour
Ne sont que plour, tristesse et deshonnour.
Se ty faus tour font ma rose sechier,
Autre apres li ja mais avoir ne quier.
Hé ! Fortune, toi qui es un gouffre
Engloutissant tout homme qui ose croire,
Ta fausse loi, où je ne trouve rien de bien
Ni de sûr, est chose trop décevante,
Ton rire, ta joie, ton honneur
Ne sont que pleurs, tristesse et déshonneur.
Si tes fallacieuses dispositions dessèchent
[ma rose
Nulle autre après elle je ne désirerai.
Che pena è quest’al cor
Quel tourment se cache
dans mon cœur
Che pen’è quest’al cor che si non posso
Usar cortesemente
Con questa mala gente,
Ch’i’ non sia pur dalla’nvidia perchosso.
Ma veramente ma’ non mi torranno
Dal proposito mio quest’invidiosj.
Quel tourment se cache dans mon cœur
que je ne puisse
Me montrer courtois
Avec ces méchantes gens
Et ni même par leur jalousie être atteint.
Car vraiment jamais ces envieux
Ne me détourneront de ma résolution.
Ben potranno dir mal, se dir vorranno
Ch’i’ non seguiti quel ch’io mi dispuosj.
Ils pourront bien médire, s’ils prétendent
Que je ne poursuivrais pas mon but.
Già lungo tempo e faro gli dogliosi
Non già con villania
Longtemps encore je ferai des malheureux,
Non par vilenie
20 |cité de la musique
musiques pour luth
Ma per tener tal via
Che far non mi potran diventar rosso.
Mais pour suivre mon chemin,
Car ils ne pourront pas me faire rougir.
Che pen’è...
Quel tourment…
Or sus, vous dormés trop
Debout, vous dormez trop
Or sus, vous dormés trop, ma dame joliete.
Il est jours, levés sus, escotés l’aloete :
Que dit Dieu, que dit Dieu, que dit Dieu,
Que te dit Dieu, que te dit Dieu, que te dit
Dieu, que te dit Dieu ?
Il est jours, il est jours, jours est, si est.
Il est jours, il est jours, jours est, jours est,
Il est jours, il est jours, il est jours, jours
[est, si est.
Dame, sur tos en biauté souverayne,
Pour vous, joli et gay, ou gentil mois de may,
Suy et seray et vi vuil metre payne.
Debout, vous dormez trop, ma gracieuse dame.
Il est jour, levez-vous, écoutez l’alouette :
Que dit Dieu, que dit Dieu, que dit Dieu,
Que te dit Dieu, que te dit Dieu, que te dit
Dieu, que te dit Dieu ?
Il est jour, il est jour, jour est, il est.
Il est jour, il est jour, jour est, jour est,
Il est jour, il est jour, il est jour, jour est, il
[est.
Dame, beauté sur toute autre souveraine,
Pour vous, joli et gai, au gentil mois de mai,
Suis et serai et veux vous tourmenter.
Or tost, naquaires, cornemuses, sonnés.
Lire, lire, lire, liliron liliron, lire,
Tititon, tititon, tititon, tititon.
Compaignons, or alons et dansons liement.
Tititon, tititon, tititon... ton.
C’est pour vous, dame, a cuy Diex croisse
[honnour.
Allez, cymbales, cornemuses, jouez.
Lire, lire, lire, liliron liliron, lire,
Tititon, tititon, tititon, tititon.
Compagnons, allons maintenant et dansons ensemble.
Tititon, tititon, tititon… ton.
C’est à vous, dame, que Dieu fait honneur.
Si vous suplie qu’aveuc nous jouer venés.
Lire, lire, lire, liliron liliron, lire,
Tititon, tititon, tititon, tititon.
Or sonnons et tutons et cornons gayament.
Tititon, tititon... ton.
C’est doulce vie, il n’est point de meillour.
Je vous supplie de venir jouer avec nous.
Lire, lire, lire, liliron liliron, lire.
Tititon, tititon, tititon, tititon.
Or sonnons et tutons et cornons gaiement.
Tititon, tititon, tititon… ton.
C’est douce vie, il n’en est point de meilleure.
Car je vis en espoir d’avoyr joye par ser[vice.
Chantés, melle et maulvis, aveuc la car
[donnete :
Chireli, chireli, chireli,
Fait il chant, fait il chant... fant.
Robin dort, il est mort, Robin dort,
[endormi est :
Or dansera seurement, coqu coquin.
Allon lon de Paris, cha du lait, cha du lait.
De vous, que j’aime sur créature humaine,
Car je vis dans l’espoir d’avoir joie par mon
[mérite.
Chantez, mésange, coucou et chardonne
[ret :
Chireli, chireli, chireli,
Ainsi le chant fait-il, il fait le chant… fant.
Robin dort, il est mort, Robin dort, il est
[endormi :
Mais il dansera sûrement, le coquin.
Allons loin de Paris, coule le lait, coule le lait.
Pour vous, que j’aime plus que toute autre
[créature humaine,
J’ai composé ce virelai ; Dame, recevez ce lai,
Ay fait ce virelay ; dame, ressevetz lay,
notes de programme |21
musiques pour luth
Car en cuer vray vous sers d’amour cer[tayne.
Or sus, vous dormés trop, ma dame joliete...
Car dans un cœur véritable il vous servira
[d’amour certaine.
Debout,vous dormez trop,ma gracieuse dame…
Honte, paour, doubtance
Honte, doute et peur…
Honte, paour, doubtance de meffaire,
Attemprance mettre en sa volente,
Large en refus et lente d’octroy faire,
Raison, mesure, honneur et honnesté
Doit en son cuer figurer,
Et mesdisans seur toutes riens doubter
Et en tous fais estre amoureus couarde,
Qui de s’onneur wet faire bonne garde.
Honte, doute et peur de mal faire,
Il faut tempérer son désir,
Etre prodigue en refus et lente à accorder
[ses faveurs,
Raison, modération, honneur et honnêteté
Doivent en son cœur figurer,
Des médisants plus que tout se méfier
Et toujours en amour se montrer prudente
Pour qui de son honneur veut faire bonne garde.
Etre sage dans sa conduite, prendre exemple
[sur le bien,
Bien cacher son amour et son secret,
S’habiller simplement et ne pas vouloir
[séduire
Plusieurs personnes par une feinte amitié
Faite pour étourdir ses amants :
Garder la foi, la paix, l’amour et la loyauté,
Ce sont là les points qu’une dame en son
[cœur garde
Pour qui de son honneur veut faire bonne garde.
Car, quand l’amour siège dans un cœur noble,
Jeune, vaillant, généreux,
Empli de sentiments et de plaisantes pré[occupations,
Ainsi que de désir par le plaisir engendré,
Lesquels sagesse et modération font sou[vent dépasser,
Il est fort difficile de s’y opposer.
C’est pourquoi à ces points sans cesse doit penser
Celle qui de son honneur veut faire bonne garde.
Sage en maintieng, au bien penre exem[plaire,
Celer a point s’amour et son secre,
Simple d’atour et non vouloir attraire
Pluseurs a li par samblant d’amitie,
Car c’est pour amans tuer ;
Foy, pais, amour et loyaute garder,
Ce sont les poins que dame en son cuer
[garde,
Qui de s’onneur wet faire bonne garde.
Quar quant amour maint en cuer debon[naire,
Jone, gentil, de franchise paré,
Plain de cuidier et de joieus afaire
Et de desir par plaisence engenré,
C’est trop fort à contrester,
Qu’ils font souvent senz et mesure outrer ;
Pour ce ades pense a ces poins et resgarde
Qui de s’onneur wet faire bonne garde.
La plus belle et doulce figure
La plus belle et douce figure
La plus belle et doulce figure,
La plus noble, gente faiture,
C’est ma chiere dame et mestresse :
bon an, bon jour, joye et liesse
Li doinst dieux, et bone aventure.
La plus belle et douce figure,
La plus noble et courtoise créature,
C’est ma chère dame et maîtresse :
Que Dieu lui donne bon an,bon jour,joie et liesse
Et bonne aventure.
C’est tout mon bien, c’est ma déesse
C’est tout mon bien, c’est ma déesse,
22 |cité de la musique
musiques pour luth
Celle par qui ma dolour cesse
En qui je preing ma noreture ;
Celle par qui ma douleur cesse,
En qui je puise ma nourriture ;
Qui servir vueil sans nul destresse
De cuer tant que voglie melesse,
N’en ce monde d’autre en ay cure.
Celle que je veux servir sans nulle défaillance
De cœur si longtemps qu’elle m’en laisse le désir,
Car d’autre en ce monde je n’ai cure.
Former la sut dieux de nature,
Blans, blond, belle, tout par mesure,
Playsanment y jouta jesnesse,
Largesse, honour, toute noblesse
En fais, en dis et en parleure.
La plus belle et doulce figure...
Former là-haut par le dieu de nature,
Blanche, blonde, belle, tout avec mesure,
Plaisamment s’y rassembla jeunesse,
Générosité, honneur, toute noblesse
En actes, en dires et en paroles.
La plus belle et douce figure…
Non avrà ma’ pietà
Ma dame n’aura jamais pitié
Non avrà ma’ pietà questa mia donna,
Se tu non faj, amore,
Ch’ella sia certa del mio grande ardore
Ma dame n’aura jamais pitié,
Si tu ne fais en sorte, Amour,
Qu’elle ne soit certaine de mon ardeur.
S’el s’ella sapesse quanta pena i’ porto
Per onestà celata nella mente
Si elle savait toute la peine que je porte
Par honnêteté cachée dans mon esprit
Sol per la sua bellecça, chè conforto
D’altro non prende l’anima dolente,
Pour sa seule beauté, car nul autre réconfort
Ne trouve l’âme souffrante,
Forse da lej sarebbono in me spente
Le fiam me che la pare
Di giorno in giorno a crescono’l dolore.
Peut-être par elle s’éteindrait
La flamme qui semble-t-il
De jour en jour fait croître ma douleur.
Non avrà ma’ pietà questa mia donna...
Ma dame n’aura jamais pitié...
traduction Dominique Albrespy
notes de programme |23
samedi 23 mai - 16h30 / amphithéâtre du musée
le luth Renaissance
Joanambrosio Dalza
Pavana alla venetiana (1508)
Saltarello
Piva
(durée : 7 minutes)
Francesco Canova da Milano (1497-1543)
O bone Jesu (d’après Antonio de Ribera, arr. Milano)
Ricercari 3 et 51
Tu discois que je mourroye (d’après Claudin de Sermisy, arr. Milano)
Ricercari 33 et 34
(durée : 14 minutes)
Pietro-Paolo Borrono
Fantasia (1548)
Pavana chiamata la Gombertina (1536)
Salterello della ditta
Salterello chiamato el Mazolo
Tocha tocha La Canella
(durée : 10 minutes)
John Dowland (1563-1626)
Farewell
Lady Hunsdons Puffe
La Mia Barbara
Queen Elizabeths Galliard
Alo
Fantaisie
(durée : 20 minutes)
Paul O’Dette, luth Paul Thomson d’après Magno Tieffenbrucker (c. 1550
collection Beare, Londres), luth Vendelio Venere (1582 Bologne), théorbe
musiques pour luth
le luth Renaissance
Bien que le luth soit connu et pratiqué en Occident depuis le MoyenAge, il faut attendre la fin du XVe siècle pour connaître les premières
musiques spécifiquement notées en tablature. En 1501, Ottaviano
Petrucci ouvre l’histoire de l’édition musicale à Venise. L’Intabulatura
de Joan Ambrosio Dalza, imprimée en 1508, est le quatrième volume
que l’éditeur consacre au luth, après les deux livres de Francesco
Spinacino et un de Giovan Maria, aujourd’hui disparu.
A côté des ricercari et des tastar de corde, Dalza compose surtout des
danses qu’il groupe par trois : pavane (pour la première fois), saltarello,
piva. Au sein de chaque ensemble, l’unité modale, les similitudes
harmoniques et mélodiques témoignent des schémas d’improvisation. En effet, au début du XVIe siècle, les musiciens prenaient rarement
la peine de noter les danses qu’ils improvisaient couramment.
Cela sera encore vrai dix-huit ans plus tard, lorsque Pietro Paolo
Borrono publiera ses premières œuvres. Il écrit quelques fantaisies et
toccatas, quelques mises en tablature de chansons et de motets, mais
il accorde lui aussi une attention particulière à la danse. Si Dalza
affichait une simplicité délibérée, Borrono développe un art privilégiant l’ornementation. Il élabore diversement ses compositions :
Tocha tocha La Canella est construite sur une chanson populaire,
mais La Gombertina et El Mazolo apparaissent comme des créations
originales.
Au contraire de Dalza et Borrono, Francesco Canova da Milano
(1497-1543) ne laisse aucune danse à la postérité. Ses mises en tablature de motets, chansons et madrigaux, généralement peu ornées,
restituent le contrepoint de leur modèle et en soulignent les reliefs. Ses
ricercari constituent l’essentiel de son œuvre. Synthèse inspirée des
techniques de la musique vocale contemporaine et des exigences de
l’écriture pour luth, ils révèlent le contrapuntiste génial qu’est Milano.
Surnommé « Il Divino » par ses contemporains, Francesco sera le
maître de référence pour des générations de luthistes et le premier
musicien italien de renommée internationale.
A la charnière des XVIe et XVIIe siècles, John Dowland (1563-1626) laissera à son tour une empreinte profonde, en Angleterre et sur le continent.
Formé dans son pays, il voyage en France, en Allemagne et en Italie. Sa
musique se nourrit de ces expériences.Ainsi La Mia Barbara n’est pas sans
notes de programme |25
musiques pour luth
évoquer le style d’un Giovanni Terzi. Dowland hérite du goût anglais
pour la variation, à partir de mélodies connues (Alœ) ou de danses telles
que la pavane (La Mia Barbara), la gaillarde (Queen Elizabeths Galliard)
ou l’allemande (Lady Hunsdons Puffe). De même que William Byrd au virginal, il porte cet art au sommet du raffinement. La richesse contrapuntique de ses fantaisies est également remarquable. Dans Farewell, les
lignes chromatiques ascendantes et les dissonances poignantes expriment la mélancolie profonde du musicien.
V. L. K
26 |cité de la musique
dimanche 24 mai - 15h / amphithéâtre du musée
« enfin la beauté »
John Dowland
In darkness let me dwell
Far from triumphing court
Lady, if you so spite me
(durée : 10 minutes)
Pierre Guédron
Si le parler ou le silence
(durée : 2 minutes)
John Dowland
The Right Honourable The Lord Viscount Lisle, his Galliard
(durée : 3 minutes)
anonyme es pagnol
Passava amor su arco desarmelo
Vuestros ojos tienen d’amor
Sta notte mi sognava
(durée : 5 minutes)
Giulio Caccini
Dovró, dunque, morire
Amarilli mia bella
(durée : 4 minutes)
airs de cour français
Pierre Guédron
Cesses mortels de soupirer (texte de G. Bataille, 1613)
Quel espoir de guarir (texte de G. Bataille, 1611)
Amour est un plaisir si doux (texte de G. Bataille, 1608)
(durée : 12 minutes)
Nicolas Vallet
Passemeze
(durée : 3 minutes)
Etienne Moulinié
Airs à Uranie (3e livre, 1629) (durée : 6 minutes)
Je suis ravi de mon Uranie
Le sort me fait souffrir
Quelle rigueur me sépare
Airs espagnols (3e livre) (durée : 5 minutes)
Quando borda el campo verde
Repicavan las campanillas
Por la verde orilla
Airs à boire
(durée : 4 minutes)
Amis enivrons-nous (5e livre, 1635)
Quelque mer veilleuse chose (3e livre)
Enfin la beauté (1er livre, 1624) (durée : 6 minutes)
Nigel Rogers, ténor
Paul O’Dette, luth (instrument de Paul Thomson d’après Magno
Tieffenbrucker (c. 1550 collection Beare, Londres), luth Vendelio Venere
(1582 Bologne), théorbe
concert sans entracte, durée : 1 heure
musiques pour luth
« Enfin la be auté »
Fils du grand John Dowland, Robert Dowland (c.1586-1641) est
également luthiste. En 1610, il édite deux anthologies de premier
ordre : Varietie of Lute-Lessons consacrée à la musique pour luth seul,
et A Musicall Banquet contenant, outre la gaillarde placée en ouverture,
des airs accompagnés « des meilleurs auteurs en Anglais, Français,
Espagnol et Italien ». Les trois ayres de John Dowland révèlent ses
dons de mélodiste (Lady if you so spite me) et de rhétoriqueur (Far
from triumphing court). In darkness let me dwell, longue plainte angoissée, est une merveille du répertoire pour voix et luth. D’entrée l’instrument y joue un rôle d’importance. En général, la richesse
contrapuntique des tablatures chez Dowland contraste avec les accompagnements en accords des airs français tels que ceux de Guédron.
Recréée par Robert Dowland, l’anthologie A Musicall Banquet offre
les nouveautés et les succès du continent au public anglais. Sta notte
mi sognava fournit un exemple d’ornementation vocale à l’italienne.
Si le parler et le silence, Passava amor et Vuestros ojos sont empruntés aux
deux premiers livres d’Airs de differents autheurs de Gabriel Bataille
(1608 et 1609), et les arie de Caccini le sont aux Nuove Musiche de
1602. Ces dernières revêtent un intérêt particulier puisque Dowland
remplace la basse continue initiale par un accompagnement écrit,
dans un style plus anglais qu’italien comparé aux réalisations manuscrites de la péninsule.
En France, la grande époque de l’air de cour pour voix et luth s’ouvre
en 1608 avec le début des publications de Gabriel Bataille. Le premier
grand compositeur en est assurément Pierre Guédron (c.1570/75c.1619/ 20). Il consacre toute sa carrière à la Cour de France, de la
Chapelle Royale à la Chambre du Roy et de la Reyne Mère. En 1608,
plusieurs de ses pièces portent encore l’empreinte de la musique
mesurée à l’antique (Amour est un plaisir). Guédron en conservera
une attention particulière pour la prosodie (Cesses mortels). Il affectionne les lignes vocales déclamatoires soutenues par un accompagnement sobre (Quel espoir de guarir). L’ensemble de son œuvre se
caractérise par une extrême souplesse mélodique et rythmique.
La période faste pour l’air de cour s’achève avec la génération
d’Etienne Moulinié (1599-1676), maître de la musique du Duc
notes de programme |29
musiques pour luth
d’Orléans. Moulinié publie ses cinq livres pour voix et luth au début
de sa carrière (1624-35). Le troisième, dédié à une mystérieuse
Uranie (muse ou courtisane ?), se distingue par sa diversité. Il inclut
les premiers airs à boire du compositeur, qui suggèrent une certaine
joie de vivre à la cour de Gaston d’Orléans. Les airs italiens et espagnols comportent un accompagnement de guitare - ou luth - particulièrement original : leur écriture en accords, qui requiert la
technique du rasgueado (arpègement rapide proche de l’actuel flamenco), témoigne d’une recherche stylistique (une certaine « couleur locale ») habituellement absente.
V. L. K
30 |cité de la musique
samedi 6 juin - 16h30 / amphithéâtre du musée
le luth oriental
Cinuçen Tanrıkorur
Improvisation instrumentale d’introduction (dans le makam Mâhûr)
Prélude instrumental (pesrev), op 143 (cycle rythmique : 28/4)
Chant lyrique en forme large (besté), op 224
(cycle rythmique : 28/4 ; poème de Nesâtî, XVIIIe siècle)
« Gittin ammâ ki kodun hasret ile cânı bile » (Tu es partie en laissant
mon cœur en désespoir)
Chanson lyrique (sarkı), op 215
(cycle rythmique 9/8 ; poème de Memduh Cumhur, XXe siècle)
« Söyleyin, n’eyleycek halk-ı cihan yâdımızı » (Quel sera l’intérêt du
monde de se rappeler de nous, dites-moi ?)
Chant lyrique (yürüksemâî), op 128
(dans le makam zâvil-asîrân, créé par l’artiste, cycle rythmique 6/4 ; poème
de Sabahaddin Ergi, XXe siècle)
« Gel, gel, dil-i hasretzede dürdâneyi görsün » (Viens, viens que mon
cœur ruiné par ton amour voie la perle de ton visage)
Postlude instrumental, op 129
(dans le makam zâvil-asîrân, cycle rythmique 10/8 et 7/16)
Improvisation de transition au makam Hüseynî
Chant lyrique (sarkı), op 197
(cycle rythmique 9/4 ; poème de Mustafa Tahralı, XXe siècle)
« Söyle bülbül güle, sevdâ-yı dilârâyı yine » (Va dire à la rose, o rossignol, l’amour qui décore les âmes)
Chant folklorique (türkü), op 84
(cycle rythmique 2/4 ; poème de Re’fet Körüklü, XXe siècle)
« Turnalar » (Aux oies sauvages)
Hymne soufi (ilâhi), op 292
(cycle rythmique 10/16 ; poème de M. Turan Yarar, XXe siècle)
« Nedir bülbül bu çıglıklar, bu ahlar ? » (Pourquoi tu pleures comme ça,
o rossignol ?)
Improvisation de transition au makam Hicazkâr
Postlude instrumental, op 276 (cycle rythmique 10/8 et 10/16)
« A mon petit pur sang cheval arabe »
Chanson lyrique (sarkı), op 187
(dans le makam Kürdîli-hicazkâr, cycle rythmique 9/8 ; poème de M. Nafiz
Irmak, XXe siècle)
« Bana çok gördü felek külbe-i ahzânı bile » (Pour cet univers ruiné et
malin, je ne mérite même une cave pour y pleurer)
Elégie à la mémoire de Tanburî Cemil Bey (mersiye), op 269
(dans le makam Kürdîli-hicazkâr, cycle rythmique 10/16 ; poème de Nazım
Hikmet, XXe siècle)
« Elâ gözleri dalgın, genis alnı sarar mıs » (Deux yeux châtains qui
rêvent, un large front tout pâle)
Chanson lyrique, op 34
(dans le makam Kürdîli-hicazkâr, cycle rythmique 9/8 ; poème de Cenab
Sahabeddin, XIXe siècle)
« Yaz kusu » (A un oiseau d’été)
Cinuçen Tanrıkorur, oud, chant, composition
concert sans entracte : durée 1 heure
concert enregistré par France Musique
dimanche 7 juin - 15h / amphithéâtre du musée
le luth oriental
Improvisation introductive au ney
Neyzen Yusuf Pasa (1821-1883)
Prélude (dans le makam Segâh ; cycle rythmique 28/4)
Sadi Isılay (1899-1969)
Poslude (dans le makam Segâh ; cycle rythmique 10/8 et 6/4)
Improvisation alternée de deux instruments en forme de « conversation musicale » (transition au makam Ferahfezâ)
Tanburî Cemil Bey (1871-1916)
Postlude (dans le makam Ferahzâ ; cycle rythmique 10/8 et 3/4)
Cinuçen Tanrıkorur (1938- )
Improvisation introductive (dans le makam Hüzzam)
Postlude (dans le makam Hüzzam ; cycle rythmique 10/8 et 9/8)
Jardin de roses
Postlude (cycle rythmique 10/8 et 3/4, Evç)
Aux deux colombes
Postlude (cycle rythmique 10/8 et 9/8, Arazbar-bûselik)
Postlude (cycle rythmique 10/8 /4 et 9/8, Evcârâ)
Etude de concert, n° 2
Air de danse (cycle rythmique 2/4, Kürdîlihicazkâr)
Refik Fersan (1892-1965)
Air de danse (cycle rythmique 2/4, Nikrîz)
Cinuçen Tanrıkorur, oud
Murat Salim Tokaç, tanbur, ney
concert sans entracte, durée 1 heure
concert enregistré par France Musique
musiques pour luth
m usiques turque et ottomane
Le musicien interprète et compositeur Cinuçen Tanrıkorur (né en
1938), s’inscrit dans la grande tradition savante turque appelée ottomane. Cette tradition s’est développée dans le passé à la cour même des
sultans d’Istanbul où elle a été appelée enderûn. C’est-à-dire une
musique enseignée, pratiquée et faite à l’intérieur du palais et à l’intention de la noblesse. Cette école s’est caractérisée par son cosmopolitisme, puisque des musiciens de toutes origines, recrutés dès leur
plus tendre enfance, suivaient auprès des maîtres du palais l’enseignement qui leur permettait d’obtenir cette transmission indispensable à la survie de l’art. Ces jeunes apprentis, devenus à leur tour
maîtres émérites, iront enrichir l’art de créations pensées dans l’esprit des anciens, comme ils lui inoculeront des idées nouvelles. C’est
ainsi que le répertoire du palais s’est étoffé pour constituer un corpus
volumineux de pièces. L’on cite ainsi le fameux prince moldave,
Kantemiroghlu, qui a laissé un très précieux traité de musique ottomane
rédigé dans le premier quart du XVIIIe siècle, et qui consigne de façon
précise les principales formes musicales qui se pratiquaient à l’époque.
l’expression
Si sur le plan de son expression cette musique s’est définie par sa
lenteur, sa magnificence et sa majesté, eu égard au souverain, à qui elle
était destinée, elle a véhiculé également une expression fortement
liée au mysticisme. Ce stade atteint par l’âme, touchant à l’extase,
interdisait ainsi les épanchements excessifs et désordonnés. Il faisait
de son auditeur quelqu’un de très réservé, d’abord en raison de l’étiquette du palais à qui le liait de nombreuses contraintes, mais surtout
en raison de la nature solennelle de cette musique qui en développait
l’introspection : cet état a beaucoup frappé les voyageurs occidentaux tels qu’en témoignent leurs relations de voyage.Toujours est-il
que cette atmosphère de retour à soi, d’intimité, reste la couleur
dominante de la musique savante ottomane, et par delà, de la musique
savante turque d’aujourd’hui.
34 |cité de la musique
musiques pour luth
De la musique aussi bien instrumentale que vocale (pour petit
ensemble), tel était le mot d’ordre appliqué à la cour ottomane. La
musique vocale recourait aux poèmes en langue osmanlı. Ils s’alimentaient très souvent d’une certaine préciosité et cultivaient surtout les images symboliques. Les pièces composées ont été aussi bien
chantées que jouées instrumentalement, et l’art de l’improvisation,
dénommé taksim, s’est considérablement étoffé.
C’est à la cour ottomane que prend naissance et de façon saisissante, sans
doute à partir du XVIIIe siècle, l’art de la modulation secondaire. Cette
technique consistait à passer d’un mode à un autre dans le courant du
discours musical, de manière très subtile, sans que jamais à aucun
moment cette transition ne vienne entraver l’allure générale, faite de
respect. Les modes qui se succédaient dans l’enchaînement étaient soigneusement choisis en fonction de leur comptabilité réciproque et
jamais une modulation brusque, comme on la trouve souvent dans la
musique populaire turque, ne venait se greffer sur ce cadre rigoureux.
La subtilité de la modulation secondaire, comme sa complexité, a été
telle que dans certains poèmes, les textes indiquent, comme ils les
citent, le nom du mode vers lequel le musicien s’achemine.
les genres musicaux
Les pièces qui ont figuré au répertoire de la musique ottomane relèvent généralement de pechrev, de besté, de semâî ou de variantes de
celle-ci, le yürük semâî. Le XIXe siècle assiste à l’apothéose des sharkı
(lire « charkeu ») : pièce chantée où le lyrisme l’emporte et donnera
naissance, au XXe siècle, à la chanson turque.
Pechrev et besté sont des compositions lentes ou moyennement rapides,
qui peuvent être aussi bien chantées qu’instrumentées, alors que le
semâî frappe par sa vivacité. Traditionnellement transmises par la
méthode directe orale du maître au disciple appelée mesk (lire
« mechk »), ces pièces se compliquent par la suite dans leur organisation structurelle telles qu’elles sont parvenues jusqu’à nous.
Comme les Ottomans avaient aussi inventé plusieurs systèmes de
notation, la majorité des pièces du répertoire classique s’est donc
conservée. En outre et fait rare pour une tradition qui relève essentiellement des règles de l’oralité, le nom des compositeurs ainsi que
notes de programme |35
musiques pour luth
celui des auteurs des poèmes est souvent connu et enregistré. D’où
cette tradition du compositeur-interprète que perpétue de nos jours
et avec panache Cinuçen Tanrıkorur. Ce dernier s’ouvre toutefois
vers des horizons autres et intègre à son répertoire des pièces empruntées aux domaines sacré (âyin, ilâhi, mersiye) ou populaire (türkü).
Par la suite la coutume a voulu que ces pièces différentes où alternaient
des improvisations libres avec des pièces composées, se trouvent
réunies sous un dénominateur commun : la modalité principale. Ces
collections de pièces viendront former l’idée de « suite », dénommée
en turc fasıl (lire fasseul). La suite constitue le fer de lance de la
musique savante ottomane, et se maintiendra de la sorte jusqu’à nos
jours où elle est devenue l’essence de la musique classique turque.
Christian Poché
36 |cité de la musique
musiques pour luth
glossaire
oud
Les Turcs écrivent ud, mais au
début de ce siècle la graphie ut
s’est avérée courante. Ce luth à
manche court et à corps volumineux piriforme, originaire du
monde arabe d’où il détient son
nom, n’a pas été très prisé sous
l’empire ottoman où on lui connaît
diverses éclipses. Il a surtout été
concurrencé par la lauta, instrument similaire mais à frettes, et au
manche beaucoup plus allongé. Ce
n’est que dans la seconde moitié
du XIXe siècle que les Turcs reviennent en force vers cet instrument
monté en Turquie de 5 ou 6 cordes
doubles. Ils se signalent également
par la naissance d’une école de
lutherie célèbre à Istanbul, qui
donnera naissance au fameux
Onnik (signataire du luth joué par
Cinuçen Tanrıkorur), dont les
modèles sont aussi recherchés de
nos jours que les stradivarius crémonais. Ils se signalent aussi par
l’émergence d’une école de solistes
de grande classe qui, en développant le jeu de cet instrument, tend
à en faire un instrument concertant. L’école du ud turc se caractérise par la recherche de la belle
sonorité, sa rondeur, son volume.
Cette école qui a tant essaimé se
distingue éminement du jeu de oud
picoré, autrefois très répandu dans
le monde arabo-islamique. Les
Turcs ont maintenu la présence de
la voix chantée comme le montre
Cinuçen Tanrıkorur, alors qu’il y a
une nette tendance à l’heure
actuelle à séparer le chanteur de
l’accompagnateur.
tanbur
Ce luth à long manche et à caisse
hémisphérique s’est essentiellement développé à Istanbul dans le
cadre de la musique savante des
XVIIe et XVIIIe siècle. Par la suite il a
été intégré au répertoire des
Mevlevi-s ou Derviches Tourneurs.
Instrument typiquement istanbouliote, il n’a plus rien à voir avec la
famille des luths à long manche
dont il s’en distingue désormais.
Son manche est reconnaissable au
nombre de ligatures (de 48 à 54),
permettant de jouer tous les
makam (modes) possibles et inimaginables. Le tanbur est monté de 3
ou 4 paires de cordes en acier
jouées au moyen d’un plectre. Son
jeu est lent et grave. Il n’admet pas
la virtuosité. C’est par excellence
l’instrument des pechrev et semâî.
ney
Terme dérivé du persan, ney signifie roseau. C’est la flûte turque par
excellence et à l’origine l’instrument des Mevlevi-s, ordre des
Derviches Tourneurs. Jusqu’à une
période récente, tous les grands
notes de programme |37
musiques pour luth
joueurs de ney, les neyzen, ont été
des mevlevi-s ou de descendance
mevlevi-s. Bien qu’instrument de la
musique sacrée, le ney a rapidement été assimilé par la musique
savante ottomane, où l’usage a
voulu qu’à une certaine époque,
on ait multiplié les joueurs de ney
durant le concert, comme l’attestent bon nombre de miniatures
ottomanes du XVIIIe siècle. Mais il
n’empêche que l’instrument
demeure foncièrement rattaché à
l’idée de soliste. Si le ney turc est
percé de six trous répartis trois par
trois et d’un trou supplémentaire
sur la partie antérieure du
cylindre, il se différencie de ses
confrères arabe et persan par la
présence d’une embouchure spécifique, d’aspect tronçonique en
corne de bœuf, appelée bashparé,
fixée à l’intérieur du tube de
roseau. Cette particularité permet
au ney turc une plus grande exactitude dans la science des modes. Il
existe toutefois une série de ney de
différentes grandeurs, que l’interprète change durant sa prestation
et selon la tessiture de l’œuvre exécutée. Ces différentes transactions
sont là pour pallier la déficience
instrumentale qui reste cependant
d’une facture primitive.
38 |cité de la musique
makam
Mode, formule mélodique, trame
modale ou mélodique fortement
marquée par un état d’esprit relevant soit de la psychologie affective, soit du monde ambiant, et se
traduisant par un développement
improvisé ou par un embellissement d’une pièce composée.
C. P.
musiques pour luth
biographies
Hopkinson Smith
Venu en Europe en
1973 après d’importantes études de musicologie à Harvard
poussé par un vif intérêt pour les instruments d’époque,
Hopkinson Smith étudie auprès des plus
grands : Emilio Pujol,
Eugen MullerDombois ou encore
Jordi Savall avec qui il
collaborera pendant
plus de dix ans et qui
lui permettra d’acquérir une très solide
expérience de
musique de chambre.
Depuis le milieu des
années 80, Hopkinson
Smith se consacre tout
particulièrement aux
différents répertoires
solistes des instruments anciens :
vihuela, luth, luth
Renaissance, théorbe,
guitares baroque et
Renaissance et surtout
le luth baroque. Au
travers de ses récitals
dans le monde entier,
il a ainsi contribué à
redécouvrir et à mettre
au jour des œuvres qui
sont parmi les plus
expressives et les plus
personnelles de l’ensemble du répertoire
de musique ancienne.
Nous lui devons
notamment la redécouverte des fantaisies
de la Renaissance, des
variations et danses
des répertoires de
vihuela (Milan,
Narváez, Mudarra, de
Rippe), des toccatas
de la première période
baroque (Kapsberger),
des luthistes du XVIIe
siècle français (Denis
Gaultier,Vieux
Gaultier, Mouton,
Dufaut, Gallot, de
Visée), de la musique
espagnole pour guitare
à 5 chœurs (Sanz), ou
encore du luth
d’Europe centrale à
l’apogée de la période
baroque (Sylvius
Weiss). Parallèlement
à ces découvertes
majeures, la musique
de J. S. Bach demeure
au cœur de la
démarche
d’Hopkinson Smith et
inspire ses projets les
plus personnels. Ainsi,
après avoir enregistré
l’intégrale de la
musique pour luth de
J.S. Bach, a-t-il adapté
pour le luth, les Suites
pour violoncelle et des
Sonates et partitas pour
violon solo.
Parallèlement à sa carrière d’instrumentiste,
H. Smith joue en
concert et dirige des
master-classes à travers l’Europe et
l’Amérique. Il vit
actuellement à Bâle
(Suisse) et enseigne à
la Schola Cantorum.
Parmi ses enregistrements les plus remarquables (chez Auvidis
Astrée), citons l’œuvre
de luth et les suites
pour luth baroque, les
pièces de luth
d’Ennemond Gaultier
et les partitas de
Silvius Leopold Weiss.
Le dernier disque
édité, Portrait
d’Hopkinson Smith,
réunissait des œuvres
de Milan, Narvaez,
Galtier, Sanz, Gallot,
Weiss et Bach.
notes de programme |39
musiques pour luth
Chiara Banchini
est l’invitée des festivals importants de
musique ancienne.
Après un prix de virtuosité au
Conservatoire de
musique de Genève
dans la classe de
Corado Romano, elle
se perfectionne chez
Sandor Vegh et
Sigiswald Kuijken, et
obtient le diplôme de
soliste au
Conservatoire de La
Haye. Chiara Banchini
a enseigné au Centre
de musique ancienne
de Genève avant de
devenir titulaire d’une
chaire de violon
baroque à la Schola
Cantorum de Bâle.
Des cours d’interprétation musicale dans
toute l’Europe complètent son engagement pédagogique. En
1981, elle fonde son
propre orchestre de
chambre, l’Ensemble
415.
David Plantier
obtient son diplôme
de fin d’études de violon avec félicitations
40 |cité de la musique
au Conservatoire de
Genève. Il se consacre
ensuite au violon
baroque et à son
répertoire, à la Schola
Cantorum de Bâle, où
il obtient son diplôme
de soliste dans la
classe de Chiara
Banchini. Au cours de
stages et masterclasses, il a bénéficié
de l’enseignement de
S. Kuijken, J. Savall et
E. Gatti. Il a donné de
nombreux concerts
dans toute l’Europe, et
a participé à des enregistrements avec
l’Ensemble 415, La
Fenice, Elyma,
Akademia et Arcadia.
David Courvoisier
Après avoir étudié le
violon avec Mireille
Mercanton et Thomas
Füri, David
Courvoisier choisit
l’alto dont il préfère la
sonorité chaleureuse.
En 1987, il obtient un
diplôme d’enseignement dans la classe de
Nicolas Pache, puis
une virtuosité avec
Christoph Schiller au
Conservatoire de
Zürich en 1990.
Parallèlement, David
Courvoisier s’est intéressé puis initié au
« style baroque » dont
il apprécie la souplesse
et la pureté. Il se produit actuellement dans
différentes formations,
en Suisse ainsi qu’à
l’étranger. A côté de
son activité musicale,
il prépare l’ouverture
d’un centre de rencontres musicales et
culturelles dans une
région magnifiquement préservée du
Jura français appelée
Petite Montagne.
Roel Dieltiens
A l’âge de quinze ans,
il délaisse ses études
de piano au profit du
violoncelle. Il apparaît
très vite comme un
musicien expérimenté
qui ne se laisse pas
enfermer dans une
catégorie quelconque.
C’est en autodidacte
qu’il apprend à jouer
le violoncelle baroque.
Il s’intéresse à toutes
les musiques, sans
pour autant se vouloir
un généraliste dénué
musiques pour luth
de tout esprit critique.
Il est tantôt soliste
auprès d’un grand
orchestre symphonique, tantôt membre
de l’Orchestre du
XVIIIe siècle auprès de
Frans Brüggen. Il se
produit régulièrement
au Japon et aux EtatsUnis où il possède son
propre ensemble
(Context).
Doulce Mémoire
Fondé en 1990 par
Denis Raisin-Dadre,
l’ensemble Doulce
mémoire se consacre
aux musiques vocales
et instrumentales de la
Renaissance, telles que
Léonard de Vinci
Henri VIII
d’Angleterre ont pu
les entendre et les
interpréter. Pour restituer l’image sonore
multiple de la
Renaissance, Doulce
Mémoire a recréé les
diverses formations
impliquées dans la vie
musicale des cours
aux XVe et XVIe
siècles, telles qu’elles
existaient notamment
à la cour de François
Ier. La « Bande de
hautbois », emblématique de la puissance
princière ou municipale, rassemble les
hauts instruments
(cornet, chalémie,
bombarde, sacqueboute et percussions)
pour l’exécution des
musiques solennelles
de plein air, de bal ou
de procession ; l’ensemble de bas instruments (flûtes à bec,
luth, violes de gambe,
épinette, lira da
braccio) pour les pratiques plus intimistes
de la musique d’intérieur. Enfin, l’ensemble des chanteurs,
organisés en Chapelle
autour du lutrin ou en
« petite compagnie »
autour de la table, permet la restitution, en
collaboration avec
l’une ou l’autre de ces
formations instrumentales, des répertoires
sacrés et profanes.
Invité de plus grands
festivals européens
(Lyon, Beaune,
Ambronay, Uzès,
Montreux, Utrecht,
Anvers, Genève,
Dubrovnik, Liège),
Doulce Mémoire partira en tournée à
l’étranger en 1998 :
USA, Pays-Bas et
Europe centrale.
L’ensemble est soutenu par la Fondation
d’entreprise France
Telecom.
Ensemble Faenza
L’ensemble tire son
nom d’un célèbre
manuscrit du XVe
siècle contenant des
transcriptions instrumentales de pièces
vocales italiennes et
françaises du siècle
antérieur, ainsi que
des arrangements sur
des ténors liturgiques.
Ce choix de nom n’est
pas fortuit : comme les
musiciens de l’ensemble, le compilateur
de ce manuscrit se
trouve entre deux
mondes : la France et
l’Italie, les XIVe et XVe
siècles, le vocal et l’instrumental, le sacré et
le profane. L’éventail
sonore du Faenza est
encore plus large puisqu’il s’étend à toute
l’Europe, du Xe au XVIe
notes de programme |41
musiques pour luth
siècle. Sa situation est
cependant comparable, ainsi que - plus
modestement - son
statut d’arrangeur en
musique médiévale
(un répertoire où la
liberté d’interprétation
reste plus grande que
dans les répertoires
ultérieurs). Par une
pratique assidue de ce
répertoire et son intériorisation, Faenza
cherche à en dégager
la vitalité afin de
dépasser l’aspect
documentaire, musicologique ou même
anecdotique trop souvent attaché à la vogue
grandissante de la
musique médiévale.
L’Ensemble Faenza
regroupe, autour de
Marco Horvat, des
musiciens de tendances différentes
mais complémentaires.
Chanteurs et instrumentistes, certains
sont expérimentés
dans le domaine des
musiques traditionnelles ou improvisées.
La formation varie
selon les répertoires et
peut mobiliser de une
à huit personnes. Les
42 |cité de la musique
musiciens de l’ensemble se connaissent
de longue date et travaillent ou ont travaillé
ensemble dans
d’autres formations.
Créé en 1996, Faenza
a enregistré la partie
médiévale du cédérom
Les châteaux de la Loire
(ODA) et s’apprête à
collaborer au projet
Vasco de Gama du
même éditeur. Il s’est
déjà produit à
Francfort, Munich et
Paris.
Paul O’Dette
est considéré comme
« le plus grand génie
qui ait jamais touché
cet instrument »
(Toronto Globe and
Mail). Ses concerts
dans la plupart des festivals internationaux
de musique ancienne
sont considérés
comme les moments
forts de ces événements. Bien connu
pour ses récitals et
enregistrements de
musique virtuose, Paul
O’Dette poursuit également une carrière
internationale en tant
que continuiste sous
les directions de
Gustav Leonhardt,
Nikolaus
Harnoncourt, Jordi
Savall,William
Christie, Christopher
Hogwood, Sylvia Mc
Nair, Andrew Parrott,
Nicholas McGegan,
Nigel Rogers,
Tragicomedia,
Tafelmusik,The Parley
of Instruments et The
Harp Consort. Il est
co-directeur de l’ensemble The Musicians
of Swanne Alley,
ensemble de musique
elizabéthaine particulièrement apprécié
dans le répertoire pour
consort de cette
époque. Paul O’Dette
a participé à plus
d’une centaine d’enregistrements, dont plusieurs ont été nominés
au prix Record of the
Year Award de
Gramophone. Il participe à de nombreux
programmes radiophoniques BBC, Radio
France, RAI,
Westdeutscher
Rundfunk, Bayerischer
Rundfunk...
Parallèlement à son
activité d’interprète,
musiques pour luth
Paul O’Dette est un
chercheur passionné
et a réalisé un travail
considérable sur l’interprétation et les
sources vocales du
luth en Italie et en
Angleterre au XVIIe
siècle, sur l’art du
continuo et sur la
technique du luth, ce
dernier sujet faisant
l’objet d’un livre à
paraître, co-signé par
Patrick O’Brien. Il a
également publié de
nombreux articles sur
l’interprétation historique. Paul O’Dette
est directeur du département de musique
ancienne de l’Eastman
School of Music
depuis 1976. Il est
également directeur
artistique du Festival
de Musique Ancienne
de Boston. L’année
dernière, on l’a vu
diriger des opéras
baroques à Boston,
Tanglewood et au
Drottningholm Court
Theater de
Stockholm.
Nigel Rogers
a commencé à chanter
dans la maîtrise du
King’s College de
Cambridge. Après sa
formation, il part étudier en Italie, puis en
Allemagne à la
Hochschule de
Munich. Il participe, à
cette époque, à la fondation du Studio der
frühen Musik et parcourt le monde avec
cet ensemble. Il
retourne ensuite en
Grande-Bretagne où il
se spécialise dans l’interprétation des
œuvres de
Monteverdi. Dans les
années 1970, ses interprétations avec
Harnoncourt à
Vienne, avec
Leonhardt à
Amsterdam et avec
Jurgens à Hambourg
ont eu un impact
énorme sur les différents courants
baroques. La technique particulière qu’il
a mise au point pour
la musique baroque
italienne s’inspire en
effet des techniques
vocales des chanteurs
de l’Inde et du
Moyen-Orient qu’il a
pu découvrir au cours
de ses nombreux
voyages. Outre le fait
d’avoir chanté comme
soliste avec les principaux ensembles
baroques, il s’est aussi
consacré aux répertoires classique et
romantique (Lieder de
Schubert accompagnés au pianoforte par
Richard Burnett).
Nigel Rogers est
actuellement professeur au Royal College
of Music de Londres
et professeur invité à la
Schola Cantorum de
Bâle.
Cinuçen Tanrıkorur
Joueur de oud (luth
turc), chanteur et
compositeur de
musique classique
turque de renommée
mondiale, Cinuçen
Tanrıkorur est né à
Istanbul en 1938.
Après avoir terminé
ses études d’architecture, il s’est entièrement consacré à la
musique qu’il avait
déjà commencé à l’âge
de quatre ans avec sa
mère, d’abord avec le
notes de programme |43
musiques pour luth
chant, ensuite avec le
oud et la composition.
Après huit ans de travail comme architecteurbaniste auprès du
ministère du
Réétablissement à
Ankara, il a été directeur du Département
de musique pour la
radio et télévision pendant neuf ans. Après
avoir démissionné de
son poste, il a continué sa carrière musicale comme professeur
de musique à l’université de Konya, comme
conférencier et surtout
comme compositeur
et artiste donnant des
récitals de oud et
chant dans 23 pays du
monde, y compris la
France, l’Allemagne et
l’Italie. Cinuçen
Tanrıkorur est l’auteur
à l’heure actuelle de
412 compositions
musicales dans des
formes variées qui
vont des petites chansons pour les enfants à
de simples hymnes
religieuses aux compositions de musique
instrumentale soufie
(pour les derviches
44 |cité de la musique
tourneurs). Il est aussi
l’auteur de nombreux
articles sur la musique
turque parus dans différentes revues de
musicologie du monde
entier. M.Tanrıkorur
parle couramment
cinq langues et est le
seul artiste-compositeur de musique classique turque à figurer
dans la collection
Ocora de RadioFrance (C 580045, HM
80 ADD).
Murat Salim
Tokaç
est né à Samsun,
Turquie, en 1969. Il a
commencé l’étude du
ney (flûte de roseau
turque) à l’âge de 7
ans sous la direction
de son père qui est
aussi un médecin
musicien, et à l’étude
du tanbur (luth turc à
long manche pourvu
de ligatures) à l’âge de
11 ans. Après avoir
terminé ses études de
médecine, en 1992,
M.Tokaç s’est presqu’entièrement consacré au tanbur et au ney,
donnant avec le maître
Tanrıkorur, des
concerts de grand succès non seulement en
Turquie, mais aussi en
Europe et aux EtatsUnis avec ses deux
instruments. Murat
Tokaç qui joue dans le
même style du grand
génie de Tanburî
Cemil Bey (18711916), est considéré
comme le meilleur
joueur de tanbur de la
nouvelle génération. Il
est à présent membre
de l’Ensemble d’Etat
de musique classique
turque du ministère de
la Culture de Samsun.
technique
Olivier Fioravanti
régie générale
Eric Briault
régie plateau
Jean-Laurent
Parisot
régie lumières
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