Positionnement cyclique des économies

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Conjoncture et prévision
Positionnement cyclique
des économies
par Jacques Anas et Laurent Ferrara
Cet article récurrent de la revue Diagnostic(s) vise à fournir chaque trimestre
une évaluation actualisée du positionnement cyclique des grandes économies.
Nous rappelons quelques concepts méthodologiques utilisés pour obtenir
une première datation des points de retournement récents et une détection
rapide des points de retournement en cours ou imminents. L’article se clôt
par un « focus » sur les caractéristiques du cycle classique.
évaluation périodique du positionnement cyclique des économies est
naturellement sujette à des incertitudes, même s’il s’agit d’une appréciation du présent et non d’une projection. Pour s’en rendre compte, il suffit d’observer que, même sur le passé, il existe une
incertitude entourant la datation ex post que
l’on peut faire des points de retournement
cycliques.
L’
La datation des cycles passés n’est réalisée
« officiellement »1 que par quelques pays
dans le monde comme le NBER aux EtatsUnis, l’IESR au Japon et l’ISAE en Italie.
Encore faut-il préciser que seul le cycle classique est daté. Par contre, pour la grande
majorité des pays et notamment pour la zone
euro, il n’existe pas de datation « officielle ».
Concernant la datation des cycles de la zone
euro, il existe depuis 2000 de nombreuses études dont nous avons essayé d’extraire le
consensus2 (une vingtaine de datations sont
recensées). Coe-Rexecode, lui-même, propose
des datations que l’on trouvera en page 15. Il
est intéressant de constater une incertitude non
négligeable d’environ un semestre sur les datations passées mais aussi des divergences d’appréciation sur l’existence de certains cycles.
1
2
Il n’y a pas en vérité de datation « officielle » mais
des datations d’organismes publics à forte notoriété et dont la légitimité est reconnue des
experts.
Dans le cadre d’une étude pour le compte
d’Eurostat.
Dans le cas du cycle classique de la zone
euro, on observe une divergence sur la datation du début de la récession liée au premier
choc pétrolier : entre le premier et le troisième trimestre 1973. De même, la sortie de
cette récession est localisée entre le premier
et le troisième trimestre 1975. Ces divergences peuvent être dues aux méthodes ou aux
bases de données (les séries officielles pour
la zone euro remontent à 1990 et même à
1995 avec les nouvelles séries du PIB à prix
chaînés). Il existe un débat sur l’existence
d’une seule récession sur la période 1980-82
ou d’une double-récession. Le creux de la
récession de 1992-93 est localisé entre le premier trimestre et le troisième trimestre 1993.
Enfin, certains auteurs identifient une récession en 2001 et 2003, mais en se basant sur
l’indice de production industrielle ou l’indice
de confiance industriel, ce qui nous semble
contestable (voir Bengoechea et al., 2006).
Dans le cas du cycle de croissance de la zone
euro, les datations sont moins nombreuses
(moins d’une dizaine). Il existe une grande
incertitude sur les premières années de la
décennie 80 à cause, en particulier, de la
reprise contra-cyclique en France due à la
politique de relance économique après les
élections de 1981. Le début des années 1990
est aussi difficile à dater du fait de la réunification allemande qui décale l’économie allemande par rapport au cycle conjoncturel de
la zone euro. Même sur le pic de 2000 lié au
ralentissement américain, on observe une
9
Conjoncture et prévision
incertitude entre le deuxième et quatrième
trimestre 2000. Sur la période récente, le
creux de 2003 est très rarement identifié.
Approche ABCD
Le cycle économique peut être défini de plusieurs façons avec, pour chacune de ces définitions, une chronologie forcément différente
des « points de retournement ». Dans le suivi
empirique des cycles, on retient généralement trois définitions : le cycle classique, le
cycle de croissance et le cycle d’accélération.
Coe-Rexecode se concentre sur le suivi
conjoncturel des pics et creux des deux premiers types de cycles, dans le cadre d’une
approche intégrée dite ABCD. Depuis 1995,
Coe-Rexecode a développé un système d’indicateurs mensuels probabilistes permettant de
détecter en temps réel les pics et les creux
des cycles classique et de croissance. Ainsi,
les indicateurs avancés de retournement
conjoncturel (IARC) permettent d’anticiper
les points A et D du cycle de croissance. Ils
sont calculés pour la France, l’Allemagne,
l’Italie, la zone euro et les Etats-Unis. D’autre
part, les indicateurs d’entrée et sortie de
récession (IESR) fournissent une probabilité
d’occurrence des points B et D, délimitant les
phases de récession économique pour les
Etats-Unis et la zone euro. Enfin, plus récemment, Coe-Rexecode a mis au point un indicateur statistique du rythme de croissance
(IRC), qui fournit tous les mois une estimation instantanée de la vitesse de croissance
de la France et de la zone euro.
Nous rappelons rapidement la définition des
trois types de cycles, représentés sur la figure
de la page 12.
Le cycle classique
Le cycle classique (business cycle) reproduit
le cycle du niveau d’activité global d’une économie. C’est la définition la plus répandue
10
dans la littérature. Les points de retournement (nommés B et C dans la figure page 12)
de ce cycle délimitent les périodes de croissance négative, ou récessions, des périodes
de croissance positive. Bien entendu, dans la
réalité, une période de croissance négative
sera reconnue comme une récession si elle
obéit aussi à des critères minimum de durée
et/ou d’intensité ainsi qu’à une diffusion suffisante au sein de l’économie. Par exemple,
bien que la croissance en zone euro soit
devenue négative en 2001 et 2003 dans plusieurs grands pays dans le sillage de la récession américaine de 2001, cet épisode n’a pas
été suffisamment diffusé pour que l’on puisse
parler de récession globale. Les pics et creux
de ce cycle classique étant les moments où la
croissance s’annule pour devenir négative ou
positive, on les appellera respectivement
entrées et sorties de récession.
Le cycle de croissance
Le deuxième cycle, très largement évoqué
notamment en Europe, est le cycle de croissance (growth cycle). Ce cycle est défini
comme l’écart de la série utilisée (généralement le PIB) à sa tendance de long terme. Ce
cycle de croissance possède des points de
retournement (nommés A et D sur la figure
page 12) qui peuvent s’interpréter assez facilement. En effet, le pic A du cycle de croissance
est le moment où le taux de croissance repasse
au-dessous du taux de croissance tendanciel.
De même, le creux C représente le moment où
il repasse au-dessus. En effet, le pic est atteint
lorsque la dérivée de l’écart à la tendance s’annule, donc lorsque la dérivée de la série (assimilable au taux de croissance instantané) égale
la dérivée de la tendance (soit la pente de la
tendance si celle-ci est linéaire). Comme il faut
donner un nom aux phases baissières et haussières, nous parlerons respectivement de ralentissement conjoncturel et de reprise (ou
rebond) conjoncturelle. De même, nous
dénommerons les pics A et les creux D, les
points de retournement conjoncturels.
Positionnement cyclique des économies
Le cycle d’accélération
Le troisième cycle est le cycle d’accélération ou
cycle du taux de croissance. Le pic du cycle
d’accélération (point α sur la figure page 13)
représente le maximum atteint par le taux de
croissance, et le creux (point β sur la figure
page 13) indique que le taux de croissance est
passé par son point bas. Il est difficile de donner un nom aux phases de ce cycle. Il est en
tout cas périlleux de parler de ralentissement
lorsque le taux de croissance franchit un pic.
Par exemple, lorsque la croissance trimestrielle
du PIB de la France, passe de 4 % l’an à 3 %,
on ne peut parler de ralentissement conjoncturel car le PIB continue de croître à un rythme se
situant au-dessus de sa croissance tendancielle.
Il est aussi contestable de parler de reprise
conjoncturelle lorsque la croissance passe de
– 2 % l’an à – 1 % : même si le taux augmente,
il reste négatif, ce qui correspond à une baisse
d’activité, donc à une période récessive.
Paradoxalement, le cycle d’accélération est le
plus populaire auprès des praticiens. Il est
approché par le glissement annuel ou le taux de
croissance trimestriel (du PIB en général).
Datation des cycles
La mise au point d’une chronologie officielle
des points de retournements des cycles économiques d’un pays représente un outil
d’une grande utilité pour les analystes économiques. Une telle chronologie permet par
exemple de comparer des pays ou des zones
dans une optique cyclique, ou bien de classifier des indicateurs conjoncturels en fonction
de leur avance ou de leur retard par rapport
au cycle de référence. A ce jour, peu de pays
possèdent une chronologie officielle des
cycles. La plus populaire est sans nul doute la
datation du cycle classique des Etats-Unis,
établie depuis 1854 et maintenue à jour par le
comité de datation du NBER composé de sept
experts. Leurs conclusions sur les dates d’entrée et de sortie des récessions américaines
ont un impact fort sur les agents économi-
ques, en particuliers les marchés financiers,
la Federal Reserve ou les décideurs politiques. D’autres instituts américains s’intéressent également à la datation des cycles, tels
que par exemple l’ECRI (Economic Cycle
Research Institute) ou The Conference Board.
Au Japon, le ESRI (Economic and Social
Research Institute), organe du gouvernement,
a également effectué une datation du cycle
classique japonais.
En Europe, où il n’existe pas encore de datation officielle des cycles, le CEPR (Center for
Economic Policy Research) s’est inspiré de
l’expérience du NBER et a formé en 2003 un
comité de huit experts pour déterminer les
dates du cycle classique de la zone euro.
L’office européen de statistiques, Eurostat,
s’est également penché sur la question et a
engagé de nombreux travaux de recherche sur
le sujet, mais sans encore publier de datation
officielle. Enfin, un nombre croissant de travaux académiques ont également contribué à
la mise au point de méthodologies adaptées à
la datation des cycles passés au sein de plusieurs pays et/ zones économiques. S’agissant
du cycle de croissance, l’OCDE propose également une chronologie des cycles de croissance pour ses ressortissants.
Coe-Rexecode propose de son coté ses propres datations des cycles classiques et de
croissance pour différents pays ou zone. Pour
effectuer ces datations, nous avons travaillé
sur l’indice de la production industrielle (IPI)
manufacturière et le PIB trimestriel, en se
basant sur un algorithme simple de Bry et
Boschan (1971), modifié par Harding et
Pagan (1999). Par la suite, des mesures de
sévérité du cycle, définie comme le produit
de l’amplitude par la durée, ont permis d’éliminer certains faux cycles. De plus, pour la
zone euro dans son ensemble, nous avons
assuré la cohérence entre les cycles des pays
et le cycle commun agrégé. S’agissant du
cycle de croissance, il a été estimé à l’aide
d’un double filtre de Hodrick-Prescott pour
ne recueillir que les fluctuations de moyenterme comprises entre 1,5 an et 8 ans.
11
Conjoncture et prévision
Les fluctuations de la production
Cycle des affaires
. .
B
A
. ..
β
C D
.
α
niveau
tendance
Cycle des
affaires ou cycle
classique
(business cycle ),
représenté par
le niveau de la
production.
Cycle de croissance
.
A
0
.
écart à tendance
D
phase de ralentissem ent
phase de récession
Cycle du taux de croissance
.
α
.
0
B
taux de croissance instantané
Source : Coe-Rexecode
12
Cycle de
croissance
(growth cycle
ou deviation
cycle ),
représenté par
l'écart du
niveau de la
production à sa
tendance.
.
β
.
C
Cycle du taux
de croissance
ou cycle
d'accélération
(accelation
cycle ),
représenté par
le taux de
croissance
instantané de la
production.
Positionnement cyclique des économies
Principaux résultats
Nous présentons les principaux résultats relatifs aux datations des cycles classiques et de
croissance, issus des calculs de CoeRexecode, pour les Etats-Unis et la zone euro,
depuis 1970 jusqu’au troisième trimestre
2006.
Toutefois, il ne semble pas que la zone euro
ait connu une récession au sens traditionnel
du terme. Le débat sur la datation de la zone
euro porte sur le second choc pétrolier qui
aurait entraîné, selon les études, une seule
longue période de récession de trois ans entre
1980 et 1982 ou deux périodes entrecoupées
d’une phase de reprise. Pour notre part, nous
plaidons plutôt en faveur du second scénario.
Depuis le début des années 1970, les récessions sont des phénomènes rares. Jusqu’à ce
jour, les Etats-Unis ont connu cinq périodes
de récessions : le premier choc pétrolier
(1973-75), le second choc pétrolier ayant
entraîné deux récessions consécutives (1980
et 1981-82), la récession de 1990-91 et enfin
en 2001, liée en partie à l’éclatement de la
bulle boursière et au sur-investissement technologique. La zone euro dans son ensemble
en a connu seulement quatre, retardées de
quelques mois par rapport aux Etats-Unis, la
dernière récession américaine ne s’étant pas
propagée à la zone monétaire européenne.
Certes, depuis fin 2000, plusieurs pays de la
zone ont connu des épisodes récessifs,
notamment l’Italie et l’Allemagne, entraînant
à plusieurs reprises l’ensemble de la zone
dans un climat économique quasi-récessif.
S’agissant du cycle de croissance, les EtatsUnis ont connu depuis 1970 sept cycles de
croissance, seuls les cycles de 1984 et 1994
ne s’étant pas transformés en récession. Le
délai moyen entre un pic A et un pic B est
d’environ sept mois, alors que ce délai est
beaucoup plus court pour les sorties de cycle.
On l’estime à environ un mois, sauf pour les
deux dernières sorties de récession qui ont
été marquées par une phase de croissance
sans emploi. Sur cette même période, la zone
euro a connu sept cycles de croissance, seuls
les pics A de 1977, 1986, 1995 et 1998 n’ont
pas été suivis par un pic B. Par comparaison
avec les Etats-Unis, ceci montre que la zone
euro est plus marquée par les ralentissements, qui ont tendance à persister, que par
les récessions, soulignant ainsi une moindre
amplitude cyclique (voir tableau page 15).
Présentation de l’IRC
L’indicateur de rythme de croissance (IRC) est un indicateur mensuel permettant d’évaluer, en
temps réel, le « rythme de croissance » d’une économie. Il est calculé sur la base des enquêtes
de conjoncture. Il a été calculé pour l’instant pour la France et la zone euro. Le « rythme de
croissance » correspond à la croissance sous-jacente de l’économie. En effet, il apparaît que le
taux de croissance trimestriel du Produit intérieur brut (PIB) publié par les différents instituts
de statistiques officiels est bruité. De plus, celui-ci n’est disponible que trimestriellement avec
un délai d’un à trois mois et parfois avec des révisions non négligeables. Il ne permet donc pas
un suivi optimal, en temps réel, de la conjoncture. L’indicateur mensuel proposé a pour objectif de cerner chaque mois la pente « réelle » de la croissance et d’en repérer les inflexions. Il
constitue donc un outil précieux pour valider les signaux des indicateurs avancés IARC. De
plus, il permet de calculer chaque mois un acquis de croissance.
Le rythme de croissance s’obtient par lissage de la variation trimestrielle glissante d’une estimation du PIB mensuel. Il est exprimé en rythme annualisé. Contrairement aux indicateurs de
croissance publiés par d’autres organismes, l’’indicateur IRC ne vise pas à estimer la variation
trimestrielle du PIB telle qu’elle est publiée par l’INSEE ou Eurostat, mais à évaluer le rythme
de croissance sous-jacent qui, par définition, est moins volatil. Cependant, d’une année à l’autre, le bruit se compense, si bien que les taux de croissance annuels de l’indicateur de CoeRexecode et celui du PIB officiel sont proches.
13
Conjoncture et prévision
Présentation de l’IESR
L’indicateur probabiliste d’entrée et de sortie de récession construit par le COE est basé sur un
modèle à changements de régimes markoviens. Il fournit en sortie une probabilité instantanée
d’appartenance à un régime de récession de l’économie, connue comme étant la probabilité
filtrée. C’est cette probabilité estimée que nous récupérons en sortie pour construire notre indicateur probabiliste.
Le modèle de Hamilton est appliqué sur un nombre fini K de séries coïncidentes avec le cycle
d’affaires de référence. Pour les Etats-Unis par exemple, les séries sélectionnées sont le taux de
chômage, la production industrielle, l’indice des annonces d’offres d’emploi parues dans la
presse et les dépenses de construction du secteur privé. A chaque temps t, on obtient ainsi en
sortie K probabilités conditionnelles d’appartenance au régime de récession. Ces probabilités
conditionnelles sont alors agrégées en tenant compte des risques de première et de seconde
espèce estimés empiriquement par le nombre de faux signaux et de signaux manqués. A chaque temps t, l’indicateur instantané d’entrée et de sortie de récession est alors défini comme
étant l’agrégation des ces probabilités. Le signal de changement de régime est donné lorsque
l’indicateur franchit le seuil de 0,5.
Présentation du IARC
L'indicateur avancé IARC combine l'information fournie par des séries qui ont une avance sur le
cycle (elles se retournent avant que l'économie globale ne passe par son point de retournement). Pour la zone euro par exemple, les cinq séries qui composent l'indicateur sont un indicateur synthétique des principales bourses en zone euro, l'écart de taux d'intérêt (taux de rendement des obligations d’Etat à dix ans moins EURIBOR à trois mois), l'indicateur avancé du
cycle économique aux Etats-Unis, un indicateur des prix de vente prévus dans le commerce de
gros (biens intermédiaires industriels) et une variable synthétique des enquêtes d’opinion mensuelles en zone euro dans l'industrie des biens intermédiaires (résumé des réponses sur la production passée et prévue, les carnets de commandes global et étranger et le niveau des
stocks).
Les séries ont été sélectionnées parmi un inventaire de séries qui se sont révélées avoir une
capacité prévisionnelle des points de retournement. Les propriétés suivantes ont été prises en
considération : avance, pertinence économique, obtention rapide des données, faiblesse des
révisions et de la volatilité. Chaque mois est calculé la probabilité que chacune des six séries
soit passée par un point de retournement, suivant la formule des probabilités séquentielles de
Neftçi. L'hypothèse est faite que la probabilité d'occurrence d'un point de retournement est
indépendante de la durée de la phase en cours qui s'est déjà écoulée. Ces probabilités sont
ensuite agrégées avec une pondération qui tient compte, pour chaque série, du risque de faux
signal ou de celui de rater le cycle économique.
14
Positionnement cyclique des économies
Datation des cycles
Zone euro
Roy.-Uni
Méthodologie
Etats-Unis
Japon
1997:01
1997:02
1997:03
1997:04
1998:01
1998:02
1998:03
1998:04
1999:01
1999:02
1999:03
1999:04
2000:01
2000:02
2000:03
2000:04
2001:01
2001:02
2001:03
2001:04
2002:01
2002:02
2002:03
2002:04
2003:01
2003:02
2003:03
2003:04
2004:01
2004:02
2004:03
2004:04
2005:01
2005:02
2005:03
2005:04
2006:01
2006:02
2006:03
La datation récente des points de retournement ne peut être que provisoire, comme cela
a été souligné précédemment. Il est difficile a
priori d’affirmer combien de temps il faut pour
valider de manière définitive en « datation
finale » ces points de retournement provisoires. En tout cas, si l’incertitude sur leur existence peut être levée assez rapidement, il n’en
est pas de même pour la fixation de la date car
les données sont souvent révisées et les effets
de bord des filtres, lorsqu’ils sont utilisés,
ajoutent une imprécision supplémentaire.
Evaluation du passé récent
La méthode non paramétrique de Bry et
Boschan, complétée par une mesure de la
sévérité (degré combiné de durée et d’intensité), est utilisée pour identifier les points de
retournement provisoires sur le passé récent.
Concernant le cycle de croissance, nous utiliserons en supplément d’appréciation, l’indicateur de rythme de croissance IRC (voir
encadré page 13) qui permet d’apprécier si la
pente de croissance a croisé ou non la pente
tendancielle, ce qui est le signe d’un changement de phase. Notons dès à présent la difficulté à identifier les « trous d’air » qui ne sont
que des pauses dans la croissance et qui se
caractérisent par le caractère « transitoire »
du croisement de la pente tendancielle.
Trou d’air
Ralentissement conjoncturel
Récession
Evaluation en temps réel
Source : Coe-Rexecode
Positionnement cyclique
Il s’agit dans cette partie d’évaluer, dans le
cadre de l’approche ABCD, le positionnement
cyclique des Etats-Unis et de la zone euro.
Dans un premier temps, nous rappelons la
méthodologie utilisée pour mener à bien
cette évaluation et notamment les indicateurs
cycliques de Coe-Rexecode.
La détection en temps réel s’appuie sur des
indicateurs élaborés sur la base d’une modélisation non-linéaire à changement de régimes (pour plus d’information, voir Anas et
Ferrara, 2004). Pour anticiper les points A et
D du cycle de croissance, nous utilisons l’indicateur avancé de retournement conjoncturel (IARC) créé par le COE en 1996.
Pour détecter en temps réel les points B et C
du cycle d’affaires (il est difficile de trouver
un indicateur avancé pour les récessions),
15
Conjoncture et prévision
Etats-Unis
12000
Produit intérieur brut
en milliards de dollars 2000, CVS
Zone euro
1900
Produit intérieur brut
en milliards d'euros 2000, CVS
1700
10000
1500
8000
1300
6000
1100
900
4000
3000
700
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
2500
FBCF totale
en milliards de dollars 2000, CVS
1970
400
2000
350
1500
300
1975
1980
1985
1990
1995
2000
2005
2000
2005
2000
2005
FBCF totale
en milliards d'euros 2000, CVS
250
1000
200
500
150
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
140
Emploi salarié non agricole
en millions de personne, CVS
1970
140
1975
1980
1985
1990
1995
Emploi total
en millions de personne, CVS
135
120
130
100
125
120
80
115
60
110
1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005
Source : Coe-Rexecode
16
1970
1975
1980
1985
1990
1995
Positionnement cyclique des économies
nous utilisons l’indicateur d’entrée-sortie de
récession (IESR) créé par le COE en 2000, à
partir d’un modèle à changements de régimes
markoviens.
Pour la zone euro, une mesure du degré de
diffusion et de synchronisation des mouvements cycliques peut expliquer pourquoi au
niveau global on identifie ou non un changement de phase du cycle classique ou de croissance. Il est possible que des sous-ensembles
cycliques persistants empêchent l’européanisation du cycle (voir par exemple Bovi, 2005)
A un niveau international, il est intéressant
d’examiner la diffusion et la synchronisation
cyclique (voir les papiers de Harding et
Pagan, 2005, ou Chauvet et Yu, 2006).
Position cyclique des Etats-Unis
Il existe en ce début d’année 2007 un large
consensus sur l’hypothèse d’un ralentissement en cours aux Etats-Unis (d’après le
Consensus Forecast de janvier 2007, la croissance annuelle reviendrait à 2,4% en 2007).
La question est de savoir quel en sera le
degré. Pour cela, il est possible d’envisager
d’ores et déjà des projections économiques
basées sur des modèles ou des raisonnements. Pour notre part, nous nous appuyons
sur le suivi de nos deux indicateurs cycliques : le IARC et l’IESR.
Indicateur avancé de retournement
conjoncturel aux Etats-Unis (IARC)
100
Etats-Unis
Indicateur d'entrée-sortie en récession
1.0
IESR
Récession
0.5
Non-récession
0
2004
2005
2006
Source : Coe-Rexecode
L’indicateur avancé de retournement
conjoncturel IARC a émis un signal de ralentissement en mars 2006 lorsque le seuil de 80
a été largement franchi, impliquant alors un
retour de la croissance en-dessous du rythme
tendanciel estimé à 3,1%. L’indicateur avait
flirté avec ce seuil depuis la mi-2004, indiquant que la croissance était revenue aux
abords de cette croissance tendancielle. Le
renversement de conjoncture sur le marché
immobilier initié fin 2005 en a été l’élément
déclencheur.
De fait, la croissance du PIB américain a été
de 2,6% en rythme annualisé puis de 2,0%,
respectivement aux deuxième et troisième trimestres 2006. Ce ralentissement peut être
temporaire. S’il ne l’est pas, on pourra l’identifier comme une nouvelle phase baissière du
cycle de croissance. Dès lors, trois scénarii
sont envisageables :
80
60
40
20
0
-20
-40
-60
-80
-100
2004
2005
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
Source : Coe-Rexecode
2006
- Le ralentissement est léger et n’est pas
durable. C’est, semble-t-il, le nouveau scénario de plusieurs institutions dont le
Conference Board même si leurs indicateurs avancés pointent toujours vers une
croissance molle dans le futur proche.
Dans ce cas, il n’y aura pas de remise en
cause de la phase haussière du cycle de
croissance et l’économie rebondira vite audessus de son taux de croissance tendanciel estimé à 3,1%.
17
Conjoncture et prévision
Etats-Unis
Cycle des affaires (milliards $ 2000, CVS)
12000
11000
A B
10000
D
C
9000
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2005
2006
Cycle de croissance en %
2
A
1
0
-1
D
-2
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Cycle du taux de croissance en %
6
α
α
4
α
2
β
0
β
-2
1999
2000
2001
Source : Coe-Rexecode
18
Taux de croissance tendanciel
Taux de croissance du PIB (mm3)
2002
2003
2004
2005
2006
Positionnement cyclique des économies
pèse négativement sur la probabilité. Le
seuil de 0,5 doit être franchi pour signaler
une entrée en récession. Mais, comme
l’approche ABCD le signale, avant d’avoir
un signal de récession (point B), il faudra
diagnostiquer un pic du cycle de croissance (point A), correspondant au
deuxième scénario évoqué ci-dessus.
Indicateur avancé de retournement
conjoncturel de la zone euro
100
creux du cycle de croissance
80
60
40
20
0
-20
-40
-60
-80
-100
2003
2004
2005
2006
Possibilité de retournement
Forte probabilité de retournement
Source : Coe-Rexecode
- Le ralentissement est plus intense et durable, la croissance repassera en-dessous de
3,1 % de manière plus nette. Le suivi de
l’indicateur IARC dans la recherche du prochain creux conjoncturel permettra de dire
si l’on sort rapidement de la phase actuelle
ou non. La dernière valeur du IARC vaut
- 42 en décembre contre - 40,8 en novembre. Même s’il s’en rapproche, il est donc
encore éloigné des seuils de - 60 et - 80 dont
le franchissement indiquerait une sortie du
régime bas actuel. Des premiers signent
positifs existent toutefois pour trois des
composantes du IARC : l’indicateur ISM
manufacturier a rebondi au-dessus de 50, la
confiance des ménages est repartie à la
hausse, sans toutefois susciter encore un
retournement, et la bourse n’a jamais
perdu de sa vigueur, signe d’un optimisme
des marchés sur la conjoncture future.
- Le ralentissement s’approfondit pour
déboucher sur une récession. Ce scénario,
envisagé par certains économistes il y a
quelques mois, semble moins d’actualité.
En effet, l’indicateur IESR n’indique pas
d’entrée en récession de l’économie américaine. Cet indicateur, développé en 2001
au COE est un indicateur probabiliste coïncident permettant de repérer rapidement
l’entrée en récession aux Etats-Unis. Après
une légère tension jusqu’à l’automne dernier (0,34 en octobre), il est revenu à 0,28
en novembre. C’est surtout la composante
relative aux dépenses de construction qui
En conclusion, si l’on se fie au cycle de croissance tel qu’il peut être calculé actuellement,
il est trop tôt pour confirmer l’occurrence
d’un pic à la mi-2006. D’ailleurs, les données
peuvent être révisées et les effets de bord des
filtres nous incitent à la prudence.
Il faut rappeler que les récessions sont devenues plus espacées et moins intenses aux
Etats-Unis. Une analyse historique de Romer
avait indiqué que les récessions faisaient toujours suite à une hausse des taux à court
terme suscitée par des tensions inflationnistes, mais cela n’a pas été le cas lors de la dernière récession américaine de 2001. Ainsi,
plus que les fièvres inflationnistes, il semblerait que les dérapages excessifs des prix des
actifs constituent un des principaux déterminants des récessions.
Position cyclique
de la zone euro
Trois indicateurs permettent de suivre et évaluer le positionnement cyclique de la zone
Indicateur de rythme de croissance
de la zone euro
6
rythme annuel, en %
IRC
taux de croissance tendanciel
4
2
0
-2
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Source : Coe-Rexecode
19
Conjoncture et prévision
Zone euro
Cycle des affaires (milliards d'euros 2000, CVS)
1900
1800
A
D
1700
1600
1999
2000
2001
2002
2003
2004
2005
2006
2005
2006
Cycle de croissance en %
2
A
1
0
D
-1
1999
2000
2001
2002
2003
2004
Cycle du taux de croissance en %
6
α
Taux de croissance tendanciel
Taux de croissance du PIB (mm3)
4
α
α
2
β
0
β
β
-2
1999
2000
2001
Source : Coe-Rexecode
20
2002
2003
2004
2005
2006
Positionnement cyclique des économies
Zone euro
Indicateur d'entrée-sortie en récession
1.0
IESR
Récession
0.5
Non-récession
IARC est repassé en-dessous de ce seuil, suggérant ainsi qu’il n’existe aujourd’hui aucun
signe de retournement pour le futur proche.
Ceci ne veut pas dire que la croissance ne va
pas diminuer mais signifie qu’elle restera en
tout cas supérieure à son taux de croissance
tendanciel estimé actuellement à 1,5% l’an.
D’ailleurs, l’indicateur du rythme de croissance IRC de la zone euro, même s’il a légèrement reculé ces derniers mois, est estimé à
2,8% en décembre 2006, soit bien au-dessus
du rythme tendanciel.
0
2001
2002
2003
2004
2005
2006
Source : Coe-Rexecode
euro : les indicateurs IARC, IESR et IRC. Une
question préalable reste celle de la convergence des cycles en zone euro. Si cette
convergence avait eu tendance à s’accroître à
la fin des années 1990, en vue notamment de
l’application des critères de Maastricht, il est
probable qu’elle a diminué depuis 2001 avec
des performances cycliques différenciées suivant les pays, notamment parmi les plus
grands pays de la zone. Plusieurs études ont
tenté d’analyser ce phénomène, en particulier
dans des documents de travail de la Banque
centrale européenne (voir par exemple
Giannone et Reichlin, 2006). Cependant,
nous continuons de soutenir l’hypothèse
qu’une convergence suffisante est atteinte
pour pouvoir continuer de parler d’un cycle
agrégé zone euro, que ce soit pour le cycle de
croissance ou le cycle classique.
L’indicateur avancé de retournement
conjoncturel IARC de la zone euro est utilisé
depuis fin 2005 pour anticiper le prochain pic
du cycle de croissance. Pendant trois mois, de
juillet à septembre 2006, il avait dépassé le
seuil de 60, ce qui indiquait une possibilité
de retournement conjoncturel à la baisse
dans les neuf mois. Mais, depuis octobre, le
Depuis la fin de l’année 2000, l’économie de
la zone euro a frôlé, mais évité, une récession
à deux reprises, fin 2001 et début 2003.
D’ailleurs, l’indicateur IESR s’est stabilisé
autour de 0,5, seuil d’entrée en récession,
pendant quelques mois fin 2001. Au cours de
cette période, on note l’occurrence d’une
récession industrielle qui pourtant, dans le
passé, s’était toujours transformée en une
récession globale. On observe également plusieurs épisodes récessifs dans certains pays
de la zone, dont l’Allemagne, l’Italie et les
Pays-Bas. S’il n’existe pas de récession perceptible lorsqu’on s’intéresse à la zone euro
dans son ensemble, c’est parce que les récessions qui ont touché certains pays membres
ne se sont diffusées que partiellement au sein
de la zone et qu’elles n’étaient pas parfaitement synchrones.
Actuellement, l’indicateur d’entrée et sortie
de récession (IESR) de la zone euro se situe à
son seuil minimal de zéro depuis déjà trois
ans, impliquant ainsi une probabilité nulle
d’une entrée en récession.
Achevé de rédiger le 23 janvier 2007
Jacques Anas
[email protected]
Laurent Ferrara
[email protected]
21
Conjoncture et prévision
Focus sur les caractéristiques du cycle classique
Les travaux originaux menés au NBER, depuis
sa création en 1920, sur les méthodes descriptives des cycles économiques, en particulier par
Burns et Mitchell (1946), ont permis de définir
des concepts sur les cycles qui restent encore
aujourd’hui d’actualité. Ainsi, le cycle classique,
ou business cycle, est défini comme la succession des phases de récession et d’expansion
économiques, délimitées par des pics (plus haut
niveau d’activité, i.e. point B dans l’approche
ABCD utilisée par Coe-Rexecode) et des creux
(plus bas niveau d’activité, i.e. point C dans
l’approche ABCD). Les auteurs ont souligné
trois caractéristiques principales de ce cycle : la
durée, l’amplitude et la diffusion au sein de
l’économie. C’est la règle dite des « 3D » :
Duration, Depth et Diffusion. D’autres caractéristiques du cycle classique ont également été
mises en évidence telles que la forme du cycle,
par exemple plus ou moins abrupt, ou le comportement asymétrique des phases. Dans ce
focus, nous revenons sur ces caractéristiques,
en laissant de côté le phénomène de diffusion
qui fait appel à un cadre multivarié auquel nous
nous intéresserons ultérieurement.
Faits stylisés
La durée d’une phase d’expansion correspond
au temps entre le creux d’activité, qui marque la
fin de la récession, et le pic d’activité, qui marque la fin de la phase d’expansion. La durée
d’une phase de récession est définie inversement. Dans leur définition séminale, Burns et
Mitchell notent que les phases du cycle doivent
durer au moins quelques mois, sans préciser
cependant de durée minimale. Par exemple,
dans l’algorithme de Bry et Boschan (1971), la
durée minimale d’une phase est de cinq mois et
la durée minimale d’un cycle complet, de pic à
pic ou de creux à creux, est de quinze mois. On
retrouve généralement ces valeurs empiriques
22
dans certains papiers de recherche ou des articles de presse qui considèrent qu’un pays est
en récession si le taux de croissance de son PIB
reste négatif deux trimestres de suite. De nombreuses études (voir Diebold et Rudebush,
1999) se sont posé la question de savoir si la
probabilité qu’une phase s’achève augmentait
avec le temps, c'est-à-dire si le cycle présentait
la propriété de dépendance à la durée (duration dependence). A partir de données américaines depuis 1946, il semblerait que seules les
phases de récession présentent cette propriété.
L’amplitude d’une phase d’expansion correspond à l’écart entre la valeur de la série (qui
peut être prise en logarithmes) au creux et celle
au pic d’activité. L’amplitude d’une phase de
récession est définie inversement. Pour être
reconnue comme telle, une phase de récession
doit avoir une amplitude suffisante mais, là
encore, il n’existe pas de valeur minimale théorique.
Certains auteurs ont proposé d’utiliser une
combinaison de la durée, notée Di, et de l’amplitude, notée Ai, pour caractériser une phase i
du cycle. Par exemple, la sévérité Si d’une
phase est définie comme le produit 0,5 x Ai x
Di, cette valeur est aussi connue comme « l’approximation triangulaire des mouvements
cumulés » (triangle approximation to the cumulative movements). La sévérité d’une récession
mesure la perte totale en supposant que cette
phase est décrite par un triangle rectangle dont
la base est la durée et la hauteur l’amplitude ; la
perte est ainsi l’aire de ce triangle. Cependant,
les vrais mouvements cumulés de la phase i,
notés Ci, diffèrent généralement de la sévérité
Si. L’écart entre ces deux valeurs constitue une
mesure de la forme de la phase. Harding et
Pagan (2002) proposent d’utiliser comme indicateur l’excess cumulated movements défini
par : Ei = (Si–Ci+0,5xAi) / Di. Cette valeur per-
Positionnement cyclique des économies
met de mettre en évidence des phases concaves et convexes. Dans des expansions convexes
et des récessions concaves, on observe une
évolution lente au début suivie d’une pente
plus abrupte, alors que le contraire prévaut
dans des expansions concaves et des récessions
convexes.
L’asymétrie du cycle classique se caractérise par
un comportement différent selon la phase du
cycle. Par exemple, aux Etats-Unis depuis 1970,
la durée moyenne d’une phase de récession est
de un an et celle d’une phase d’expansion est
de seize ans. De même, depuis 1970, la durée
moyenne d’une phase de récession dans la
zone euro est de un an et celle d’une phase
d’expansion est de vingt-huit ans. On souligne
ainsi l’asymétrie au niveau de la durée des phases d’expansion et de récession. De même, une
asymétrie entre les phases existe au niveau de
l’amplitude, les phases d’expansion étant, heureusement, plus amples. Enfin, il semble que le
phénomène de dépendance à la durée soit présent uniquement dans les phases de récession,
ce qui se traduit par le fait que la probabilité de
sortir de la récession augmente au fur et à
mesure que cette phase avance dans le temps,
mais pas celle de sortir d’une expansion.
Méthodes de mesure
Bien évidemment, le choix des pics et des creux
conditionne la mesure des caractéristiques du
cycle. Dans la littérature, il existe deux types de
méthodes pour mettre en évidence ces pics et
ces creux : d’une part des méthodes de type
non-paramétrique et, d’autre part, des méthodes de type paramétrique basé sur des modèles
de séries chronologiques non-linéaires.
Les méthodes non-paramétriques découlent
des méthodes graphiques de recherche des
maxima et minima locaux. Il existe plusieurs
algorithmes de reconnaissance de forme permettant de traduire une simple inspection graphique, mais le plus connu est sans nul doute
celui proposé par Bry et Boschan (1971), utilisé
dans les offices statistiques ainsi que dans de
nombreux travaux académiques. Cet algorithme a été largement plébiscité grâce à sa
facilité d’utilisation et à sa transparence, le rendant ainsi reproductible par d’autres personnes,
sur diverses données. Trivialement, si on note
Y(t) la série d’intérêt à la date t, sur laquelle on
aura déjà procédé à des traitements statistiques
adéquats, l’algorithme détecte un pic à la date
t si :
{ Y(t) > Y(t-k) , Y(t) > Y(t+k) , k=1,…, K },
et un creux à la date t si :
{ Y(t) < Y(t-k) , Y(t) < Y(t+k) , k=1,…, K },
où K=2 pour des séries trimestrielles et K=5
pour des séries mensuelles.
Les méthodes paramétriques sont principalement basées sur des modèles non-linéaires de
séries chronologiques, issus des récents développements en économétrie et statistique. En
particulier, les modèles à changements de régimes markoviens, popularisés en économie par
James Hamilton en 1989, ont prouvé être bien
adaptés à la mesure des caractéristiques des
cycles et ont donné lieu à des extensions assez
raffinées permettant de prendre en compte la
plupart des caractéristiques du cycle observées
sur les données. Ce modèle fournit à chaque instant la probabilité d’appartenance à un régime
ainsi que la probabilité non conditionnelle de
passer d’un régime à l’autre, ce qui permet d’inférer sur les caractéristiques des phases. En particulier, Clements et Krolzig (2003) ont proposé
des tests de mesure des caractéristiques du cycle
basés sur un tel modèle.
23
Conjoncture et prévision
Références
Anas J. et Ferrara L., (2004), « Detecting cyclical turning points: the ABCD approach and two probabilistic indicators », Journal of Business Cycles Measurement and Analysis, Vol. 1, n° 2, OCDE. (disponible sur www.coe.ccip.fr sous avis experts /contributions colloques).
Bengoechea P., Camacho M., Perez-Quiros G., (2006), « A useful tool for forecasting the Euro-area
business cycle phases », International Journal of Forecasting, vol. 22, n° 4, pp. 735-749.
Bovi M., (2005), « Economic clubs and European commitments. A business cycles race », Working
Paper, ISAE.
Bry G. et Boschan C., (1971), « Cyclical analysis of time series: Selected procedures and computer programs », Technical Paper, n° 20, NBER.
Burns A.-F. et Mitchell W.-C., (1946), Measuring Business Cycles, Columbia University Press, NBER.
Chauvet M. et Yu, (2006), International Business Cycles: G7 and OECD countries, Economic Review,
Federal Reserve Bank of Atlanta.
Clements M.-P. et Krolzig H.-M., (2003), « Business cycle asymmetries: characterization and testing
based on Markov-Switching autoregressions », Journal of Business and Economic Statistics, Vol. 21, n°.
1, pp. 196-211.
Diebold F.-X. et Rudebusch G.-D., (1999), Business Cycles: Durations, Dynamics and Forecasting,
Princeton University Press, Princeton.
Giannone D. et Reichlin L. (2006), « Trends and cycles in the Euro area. How much heterogeneity and
should we worry about it ? », Working Paper, n°. 595, BCE.
Hamilton J.-D., (1989), « A new approach to the economic analysis of non stationary time series and
the business cycle », Econometrica, vol. 57, n° 2, pp. 357-384.
Harding D. et A. Pagan, (2006), Journal of Econometrics, « Synchronisation of cycles », à paraître vol.
132, n° 1, pp. 59-79.
Harding D. et Pagan A., (2002), « Dissecting the Cycle: A Methodological Investigation », Journal of
Monetary Economics, vol. 49, n° 2, pp. 365-381.
Romer C., (1999), « Changes in business cycles: Evidence and explanations », Journal of Economic
Perspectives, vol. 13, n° 2.
24
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