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L’Encéphale (2010) Supplément 5, S117–S122
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
Dépression récurrente : facteurs de risque,
facteurs de vulnérabilité
Major depressive disorder: factors of risk, vulnerability
and protection
E. Olié, P. Courtet*
Université Montpellier, Département Hospitalo-Universitaire d’Urgences et Post-Urgences Psychiatriques, INSERM U888,
CHRU Montpellier, France
MOTS CLÉS
Dépression ;
Récurrence ;
Vulnérabilité ;
Traitement
KEYWORDS
Depression;
Recurrence;
Vulnerability;
Treatment
Résumé La dépression est une maladie dont l’évolution est souvent chronique en raison de la forte
prévalence de récurrences thymiques. Il est donc important de connaître les facteurs de risque de ces
récurrences (nombre d’épisodes antérieurs, persistance de symptômes résiduels…). D’autre part, la mise
en évidence de facteurs de vulnérabilité permet de repérer les sujets porteurs d’un terrain prédisposant
et donc relevant d’une attention toute particulière. De nombreuses pistes sont explorées : système
sérotoninergique, axe du stress, structures cérébrales. Enfin, la mise en place d’un traitement
antidépresseur est un facteur de protection vis-à-vis de la chronicisation du trouble dépressif.
L’Encéphale, Paris, 2010.
Summary Major depressive disorder is a disease whose course is often chronic because the prevalence
of recurrence is high. Therefore, it is important to know the risk factors of relapse (number of previous
episodes, persistence of residual depressive symptoms…). Moreover, identifying factors of vulnerability
of the disease may help to detect very-high-risk subjects in order to prevent the disease onset. Many
hypothesis are explored : serotonin dysfunction, axis of stress, alteration of brain structures. Finally,
antidepressant treatment is a protective factor and is efficient to limit the risk of chronicity.
L’Encéphale, Paris, 2010.
Un des aspects cliniques de la dépression est son caractère
récurrent. Après un premier épisode dépressif, plus d’un
patient sur deux présente un second épisode et le taux de
rechute augmente ultérieurement après chaque décompensation. En effet, la fréquence de survenue d’une récurrence dépressive est de 64 % à 5 ans, 80 % à 10 ans et 85 %
à 15 ans [28]. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS)
considère qu’en 2020, la dépression sera l’affection qui,
* Correspondance.
E-mail : [email protected] (P. Courtet)
© L’Encéphale, Paris, 2010. Tous droits réservés.
après les maladies cardiovasculaires, entraînera les plus
gros coûts de santé. Toujours selon l’OMS, le trouble dépressif majeur sera la première cause d’incapacité en 2030. Si
l’attention se porte sur la prise en charge des épisodes
aigus, la prévention des récurrences dépressives est encore
insuffisante. Il s’avère donc capital d’identifier les paramètres, de différentes natures, impliqués dans le risque de
récidive, en la favorisant ou en la limitant.
S118
E. Olié, P. Courtet
Conséquences potentielles des récidives
des épisodes dépressifs majeurs
La répétition des épisodes dépressifs n’est pas dénuée de
conséquences tant cliniques (qualité de vie, réponse thérapeutique, suicide) que neurobiologiques (sensibilisation au
stress, modifications hippocampiques) même en période
d’euthymie. Par exemple, il a été démontré que des troubles cognitifs tels que les troubles mnésiques, persistent
après obtention d’une rémission [34]. Certains auteurs ont
retrouvé qu’ils étaient associés au nombre d’épisodes
dépressifs, au stress, à l’hypercortisolémie et à la réduction du volume de l’hippocampe. Bien que cette hypothèse
soit discutée, ces symptômes seraient donc plus une conséquence qu’un facteur étiologique du trouble dépressif [23,
24]. La succession d’épisodes dépressifs et l’absence de
traitement antidépresseur efficace favoriseraient la réduction du volume hippocampique, responsable de troubles
mnésiques et d’apprentissage [38].
Kendler et al. [19] ont rapporté que plus le nombre
d’épisodes dépressifs était grand, plus l’influence des événements de stress sur la survenue d’un nouvel épisode était
faible. Au-delà du neuvième épisode, l’influence environnementale reste inchangée. Une durée accrue des épisodes
dépressifs est alors associée à un risque de chronicisation
du trouble [20]. La réduction du volume de l’hippocampe
[6] serait sous-tendue par la neurotoxicité glutamatergique, l’hypercortisolémie et la réduction de la neurogenèse
induite par le stress [38]. Ces modifications cérébrales ont
à leur tour des répercussions cognitives pouvant favoriser
l’émergence de nouveaux épisodes dépressifs (Fig. 1).
Facteurs de risque : données cliniques
Taille (cm3)
Les facteurs de risque déjà identifiés sont principalement
cliniques. Leur présence majore la probabilité, pour un
1
0,9
0,8
0,7
0,6
0,5
0,4
0,3
0,2
0,1
0
Patients avec symptômes résiduels (n = 17)
Patients sans symptômes résiduels (n = 40)
3 fois moins de rechute en l’absence
de symptômes résiduels (p < 0,001)
1
2
3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15
Mois entre la rémission et la rechute
(ou la fin de l’étude)
* Étude prospective longitudinale de 15 mois d’une cohorte de 64 patients
adultes hospitalisés ou non, présentant une dépression unipolaire selon les
critères RDC (Research Diagnostic Criteria). Étude menée en Angleterre.
Objectif : évaluation des taux de rechute et de rémission et de leurs
facteurs prédictifs.
1. Proportion de patients qui rechutent après la rémission (p < 0,001)
Figure 1 Symptômes résiduels et rechutes*(1).
individu, de présenter un nouvel épisode dépressif. Selon
une revue de la littérature de Hardeveld et al. [13], les
deux principaux facteurs prédictifs de récidives sont le
nombre d’épisodes dépressifs antérieurs et la persistance
de symptômes résiduels. En revanche, le sexe et le niveau
socioéconomique ne sont pas retenus comme facteurs prédictifs de récurrence thymique.
Toutes les études s’accordent à dire que le facteur le
plus prédictif de récurrence dépressive est le nombre d’épisodes dépressifs antérieurs [4, 13, 44]. Le risque de rechute
est significativement augmenté à partir du troisième épisode thymique. La répétition des épisodes dépressifs modifie également l’évolution de la maladie dépressive. Le délai
de survenue de la récurrence est modifié par la répétition
des épisodes. En effet, après un premier épisode, le délai
moyen de rémission jusqu’à l’épisode suivant est de 4 ans et
il se réduit à 18 mois chez les sujets ayant présenté au
moins 3 épisodes préalables. L’évolution de la maladie tend
donc à être caractérisée par de longs intervalles entre les
premiers épisodes dépressifs, mais les périodes de rémission
entre les épisodes deviennent de plus en plus courtes avec
la répétition des décompensations [18].
Jusqu’à 80 % des patients traités pour un épisode
dépressif aigu présentent une réponse au traitement, tandis que seuls 50 % progressent vers une rémission et/ou une
guérison complète. En revanche, environ 30 % des sujets
traités n’atteignent qu’une rémission partielle avec persistance de symptômes résiduels dépressifs [3, 17]. La qualité
de la réponse conditionne le devenir des patients à moyen
et long terme. Ainsi, dans la large étude STAR*D, l’obtention d’une rémission de l’épisode dépressif s’accompagne
d’un risque moindre de rechute. Après rémission, les taux
de rechutes à un an sont de 34 % à 50 % selon la séquence
thérapeutique, tandis qu’ils sont de 59 % à 83 % en l’absence de rémission [36]. Chez 943 patients issus de la
cohorte STAR*D en rémission seulement partielle, c’est-àdire laissant persister des symptômes dépressifs, les symptômes résiduels les plus fréquents sont l’augmentation de
l’appétit, la prise de poids, les troubles du sommeil et la
tristesse de l’humeur. En outre, plus le nombre de symptômes résiduels est important, plus le risque de rechute est
élevé [29]. Dans une étude longitudinale menée chez
91 sujets de plus de 55 ans, il a été observé que la persistance de symptômes résiduels était un facteur prédictif de
récurrence dépressive [41]. Les symptômes résiduels associés au risque de récurrence à 2 ans sont une diminution de
la libido et de l’appétit, des plaintes somatiques et l’anxiété [42] en particulier l’intensité de la symptomatologie
anxieuse [47] indépendamment du traitement.
La question de la nature des symptômes résiduels a suscité différentes hypothèses. Ces symptômes pourraient
être liés à la persistance de la dépression notamment en
cas de traitement insuffisant, aux effets secondaires du
traitement, à un état dysthymique ou à une comorbidité.
Ils pourraient également représenter une cicatrice dépressive ou révéler un état prémorbide qui demeure une fois la
dépression amendée. Ormel et al. [32] rejettent l’hypothèse de la cicatrice, relevant que les dimensions de personnalité mesurées ici (neuroticisme, estime de soi,
Dépression récurrente : facteurs de risque, facteurs de vulnérabilité
maîtrise, coping) ne changent pas après la dépression,
même si les symptômes résiduels peuvent les affecter.
Les événements de vie stressants sont associés au risque de récurrence dépressive. Les décompensations survenant lors des premiers épisodes dépressifs sont davantage
liées à des facteurs de stress aigus (deuils, séparations,
pertes d’emploi, etc.) que celles survenant dans les épisodes ultérieurs. Dans le déclenchement d’une décompensation, le rôle des événements de vie stressants diminue donc
progressivement après chaque épisode. La succession
d’épisodes dépressifs de plus en plus indépendants des facteurs de stress environnementaux correspond au phénomène bien connu du « kindling ».
Les caractéristiques de l’épisode index peuvent être
également des indicateurs de survenue d’un nouvel épisode. Il s’agit de la sévérité de l’épisode [25], ou de l’intensité de l’humeur dépressive et de l’augmentation de
l’appétit [33].
Enfin, l’existence de comorbidités psychiatriques augmente le risque de récidive [25]. C’est ce qu’ont montré
Holma et al. [15] qui ont suivi 163 patients déprimés pendant 5 ans. Au terme de l’étude, 84 % des patients étaient
en rémission (délai d’obtention d’un an). Un tiers des sujets
ne rapportaient pas de récurrences au cours du suivi. La
sévérité de l’épisode dépressif lors de l’inclusion, et la présence de comorbidités (en particulier phobie sociale)
étaient associées au nombre de récurrences et à un court
délai de récidive. Le sevrage tabagique a également été
identifié comme un facteur de risque de récurrence dépressive [10]. L’enjeu du choix du traitement visant l’abstinence tabagique est important, d’autant que la dépression
est une maladie fréquente chez les fumeurs.
Précisons que Goodwin et Jamison [11] ont défini un
sous-type de trouble dépressif récurrent, « highly recurrent
unipolar depression », comme une entité se rapprochant
du spectre bipolaire, et incluse dans l’entité « maladie
maniaco-dépressive ». Le délai entre deux épisodes ne
dépasse pas deux ans. Les facteurs de risque identifiés sont
un âge précoce de survenue et des antécédents familiaux
de manie. L’utilisation d’un thymorégulateur est alors préconisée.
Facteurs de vulnérabilité
De nombreuses études ont tenté de déterminer des marqueurs de vulnérabilité des récurrences dépressives. La
vulnérabilité correspond au terrain prédisposant à la survenue d’un trouble.
Le risque de récidive dépressive lié aux événements de
vie dépend des capacités qu’a l’individu à s’adapter à la
situation, ce qui fait intervenir en particulier la personnalité. Le neuroticisme, traduit par certains par « névrosisme », et qui représente la propension à être fatigué,
anxieux et triste lors de la survenue d’un événement stressant, est un bon médiateur de la relation entre adversité
sociale et dépression [31]. Une étude récente menée chez
91 sujets a retrouvé qu’un niveau de neuroticisme élevé
est associé au risque de survenue de récurrence à 6 ans
S119
[41]. Mais ce résultat n’est pas uniformément admis dans la
littérature [1, 47].
Il est classique en psychiatrie de considérer que le poids
de l’environnement familial est important. Ceci est très
clairement le cas dans la maladie dépressive. Les sujets
ayant des antécédents familiaux de trouble de l’humeur
sont plus à risque de dépression. Par ailleurs, un score élevé
à la Child Trauma Questionnaire (CTQ) reflétant le niveau
de maltraitance dans l’enfance est associé au trouble
dépressif majeur [12]. Le niveau d’expression émotionnelle
est une mesure des attitudes familiales vis-à-vis d’un parent,
incluant le niveau de critique et de surinvestissement émotionnel à l’égard de ce membre de la famille. Silk et al. [39]
ont étudié l’expression émotionnelle (à l’aide du Five
Minute Speech Sample) dans 57 dyades mères – enfants
réparties en 4 groupes, selon que l’enfant était à faible risque de dépression, à haut risque de dépression, anciennement déprimé, actuellement déprimé. Les mères d’enfants
ayant une histoire actuelle ou passée de dépression et les
mères d’enfants à haut risque de dépression exprimaient
significativement plus de critiques à l’encontre de leur
enfant que les mères d’enfants à faible risque. Le niveau de
critique était similaire entre les mères d’enfants actuellement ou anciennement déprimés et à haut risque de dépression. Le niveau de critique était associé à la survenue d’un
nouvel épisode dépressif [39]. Le lien entre niveau de critique et survenue d’un épisode dépressif peut s’expliquer de
plusieurs manières : autodévalorisation de l’enfant, altération des processus de régulation émotionnelle chez l’enfant,
mise en place de cognitions dysfonctionnelles.
En outre, la recherche psychiatrique a adopté les outils
des neurosciences permettant d’identifier des traits neurophysiologiques, neuro-anatomiques, biochimiques et génétiques dans la vulnérabilité dépressive. Ainsi, sur le plan
neurophysiologique, O’Brien-Simpson et al. [30] ont étudié
le réflexe de sursaut (startle reflex) chez 25 sujets en phase
de rémission d’un épisode dépressif majeur. Les sujets
ayant rechuté à 2 ans présentaient initialement une diminution significative de cette mesure [30].
Des études d’induction d’humeur ont permis de mettre
en évidence d’autres facteurs de vulnérabilité. D’une part,
Segal et al. [37] ont rapporté l’existence d’un lien entre
réactivité cognitive lors de l’induction de tristesse et risque de rechute à 18 mois. Ont été inclus 127 patients
déprimés et traités par antidépresseurs ou psychothérapie
cognitivo-comportementale. Les 99 patients remplissant
les critères de rémission ont été soumis à l’induction de
tristesse. L’intensité de la tristesse provoquée était évaluée à l’aide d’une échelle visuelle analogique et les cognitions par la Dysfunctional Attitudes Scale (DAS). Les
patients présentant une rechute dans les 18 mois évaluaient
plus fortement (mais de manière non significative) leur
niveau de tristesse après induction émotionnelle en comparaison des sujets qui n’ont pas rechuté. De plus, les modifications de pensées dysfonctionnelles entraînées par
l’induction de tristesse, reflet de la réactivité cognitive,
étaient significativement plus importantes chez les patients
qui rechutaient à 18 mois, en comparaison de ceux qui ne
rechutaient pas. Ce résultat était indépendant du traite-
S120
ment entrepris et du nombre d’épisode dépressif antérieur
[37]. D’autre part, Ingram et al. [16] ont démontré que les
patients ayant des antécédents de dépression étaient plus
attentifs aux mots en rapport avec la dépression lors d’une
induction de tristesse, ce qui n’était pas le cas en l’absence de tristesse. Les sujets sains ne présentaient pas de
différence sur le plan attentionnel dans les deux conditions
d’humeur (triste ou neutre) [16]. Enfin, Timbremont et al.
[44] ont soumis 44 adolescents à un test de vocabulaire
après induction d’humeur triste. Les adolescents répartis
en 3 groupes (euthymiques sans et avec antécédents de
dépression, et actuellement déprimés) devaient dire quels
mots leur correspondaient. Les adolescents ayant une histoire de dépression et ceux qui étaient déprimés s’attribuaient significativement plus de mots à valence négative
comparativement aux témoins sains [44].
Les études des systèmes biologiques, communément
impliqués dans la physiopathologie dépressive, ont permis
elles aussi d’identifier certains facteurs de vulnérabilité.
Concernant le système sérotoninergique, une déplétion
aiguë en tryptophane est à l’origine de symptômes dépressifs chez des sujets en rémission d’un épisode dépressif
ainsi que chez leurs apparentés sains, contrairement à des
sujets sains [35]. En tomographie par émission de positon
(PET), Bhagwagar et al. [2] ont mis en évidence une diminution du potentiel de liaison aux récepteurs 5HT1A postsynaptiques chez 14 hommes euthymiques non traités
ayant une histoire personnelle d’au moins deux EDM, comparés à des hommes sains. Ce résultat est retrouvé chez
des sujets déprimés en comparaison de témoins sains. Le
potentiel de liaison n’est pas corrélé au nombre d’épisodes
dépressifs ni au temps cumulé passé en phase dépressive
[2]. De manière contradictoire, Miller et al. [26] ont rapporté une élévation du potentiel de liaison chez les sujets
euthymiques souffrant de dépression récurrente. La différence de résultats entre ces deux études de PET s’expliquerait par des techniques d’analyse différentes. Dans les
deux cas, on note une différence de potentiel de liaison
chez les sujets euthymiques et déprimés en comparaison
de sujets sains [26]. Une modification de disponibilité des
récepteurs sérotoninergiques 5HT1A est démontrée dans les
deux cas. L’ensemble de ces résultats suggère l’implication
du système sérotoninergique dans la vulnérabilité au trouble dépressif récurrent.
Pour ce qui est de l’axe adrénergique (HPA, axe du
stress), une dysrégulation de la sécrétion cortisolique est
retrouvée chez les sujets déprimés et leurs apparentés
sains, avec perturbation du test à la dexaméthasone [27].
Ce résultat est un facteur trait et non un facteur état.
Bouhuys et al. [5] ont tenté de mettre en évidence un lien
entre sécrétion de cortisol, reconnaissance de la peur et
récurrence dépressive ; 77 patients en rémission d’une
dépression ont été inclus et suivis sur 2 ans. Les patients
caractérisés par l’association « cortisol faible/reconnaissance faible » ou « cortisol élevé/reconnaissance élevée »
étaient significativement plus à risque de récurrence
dépressive, alors que les variables « sécrétion cortisol » et
« reconnaissance de la peur » n’étaient pas à elles seules
des facteurs prédictifs de récurrence. Une altération des
E. Olié, P. Courtet
circuits de la peur pourrait être un des mécanismes soustendant la survenue de récurrences dépressives [5]. Il a été
rapporté une hyperactivation amygdalienne chez des sujets
euthymiques non traités avec antécédents personnels et
familiaux de dépression vs sujets contrôles en PET [7].
De nombreuses modifications cérébrales, tant fonctionnelles qu’anatomiques ont été mises en évidence dans le
cadre du trouble dépressif majeur. Une réduction du volume
de l’hippocampe est constamment retrouvée chez les sujets
déprimés en aigu ou en rémission [14]. Ceci pourrait être à
l’origine d’une hypersensibilité au stress et à des troubles
mnésiques. Il existe une corrélation entre diminution du
volume hippocampique et nombre d’épisodes dépressifs.
En outre, le volume hippocampique des sujets présentant
une récidive dépressive à 2 ans était significativement
diminué en comparaison de sujets sans récidive, lors de la
mesure initiale [21].
De plus en plus de données suggèrent qu’une altération
de la voie du BDNF, facteur neurotrophique, est impliquée
dans les modifications cérébrales observées chez les
patients déprimés. Son expression est diminuée par le
stress et majorée par les traitements antidépresseurs [22].
Le BDNF jouerait donc un rôle dans la réduction du volume
hippocampique [8]. D’ailleurs, la faible expression du gène
BDNF exposerait au risque de dépression. Chez la souris, le
lien entre dépression et polymorphisme Val66Met du BDNF
est bien connu. Une méta-analyse a récemment retrouvé
un lien entre allèle Met et dépression chez les hommes
mais non chez les femmes [45].
Traitement médicamenteux et risque
de récurrence
Le risque de récurrence est diminué de 25 % par le maintien
d’un traitement antidépresseur vs placebo [9]. Cependant,
50 % des patients répondant aux critères DSM-IV de trouble
dépressif récurrent feront l’expérience d’une rechute malgré le maintien d’un antidépresseur à dose efficace. Le risque de rechute est inversement corrélé à la durée de
rémission [40].
Conclusion
La maladie dépressive est une maladie chronique et récurrente, les épisodes étant appelés à se répéter au cours de
l’existence d’un individu. Aussi, il est difficile de distinguer
les facteurs de risque ou de vulnérabilité du premier épisode de ceux qui favorisent la répétition. Retenons que
l’adversité sociale et les traits de personnalité comme le
neuroticisme représentent des cibles d’intervention à coté
de la prise en charge de la dépression. L’évidence du phénomène de kindling justifie que le but du traitement du
premier épisode soit la prévention effective de la rechute/
récidive. Cette prévention passera par le maintien au long
cours d’un traitement efficace. Insistons également sur la
nécessité d’obtenir une rémission complète de l’épisode,
sans symptôme résiduel.
Dépression récurrente : facteurs de risque, facteurs de vulnérabilité
Conflits d’intérêt
P. C. : l’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
E. O. : l’auteur n’a pas déclaré de conflit d’intérêt.
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