1. Comment expliquer une telle diminution de mortalité alors qu’il n’y a pas de réduction significative des infarctus du myocarde ni de diminution des accidents vasculaires cérébraux ? L’empaglifozine a des effets hypoglycémiques indépendants de l’insuline et semble avoir des effets pléitropiques vasculaires, rythmiques, volémiques et tensionnelles et rénaux. Ces effets se traduisent par une baisse spectaculaire et précoce de la mortalité cardiovasculaire de 38 % (p < 0,01), tandis que l’IDM et l’AVC ne sont pas diminués. Cette baisse de la mortalité se répartit entre réduction de la mortalité par insuffisance cardiaque, des morts subites et des autres causes de mortalité cardiovasculaire qui ne sont pas décrites par les auteurs. En effet les auteurs rapportent des effets cardiaque et vasculaire dus à l’empagliflozine qui pourraient être dû à l’augmentation de la diurèse osmotique et de la natriurèse. Une réduction similaire de la mortalité et de l’insuffisance cardiaque est rapportée dans des essais cliniques utilisant des diurétiques chez des patients hypertendus. Il se pourrait qu’en réduisant le volume extracellulaire, la pression vasculaire ainsi que la pression ventriculaire pré et post charge, l’empaglyflozine améliore les performances cardiaques (réduction de 35% des hospitalisations pour insuffisance cardiaque). Les auteurs rapportent également une légère hyperglycémie qui pourrait être due à l’activation du glucagon par les i-SGLT2. Le glucagon améliore la capture du glucose par le myocarde, ce qui se traduit par une amélioration des fonctions cardiaques et une diminution des hypoglycémies réduisant ainsi le risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. 2. Quelle est la part de la réduction de la mortalité observée qui peut être attribuée à une diminution modeste, mais simultanée, de plusieurs facteurs de risque (HbA1c, poids corporel, tour de taille, pression artérielle, acide urique) ? Le bénéfice de l’empagliflozine n’est généralement pas attribué à ses propriétés hypoglycémiantes, car la différence entre les deux bras de l’étude étaient volontairement faible. La forte baisse des hospitalisations pour insuffisance cardiaque, qui pèse dans les bénéfices constatés plaide en faveur d’effets pléiotropes, vasculaire, rythmiques, volémiques, tensionnels et rénaux de l’empagliflozine. La réduction de la mortalité de 38% observée sous empagliflozine serait donc la résultante de la diminution des différents facteurs de risque. 3. La réduction de mortalité observée précocement peut-elle s’expliquer, et pour quelle part, par l’effet diurétique osmotique et une diminution des risques liés à l’insuffisance cardiaque (diminution des hospitalisations de 35 %) ? L’hyper-uricémie étant un facteur indépendant de maladie cardiovasculaire, la réduction de l’acide urique plasmatique par l’empagliflozine pourrait être un élément bénéfique pour le patient diabétique à haut risque cardiovasculaire. Une réduction de 2-3% de l’hématocrite augmente le risque d’insuffisance cardiaque, avec l’empagliflozine les auteurs rapportent une augmentation de l’hématocrite de 5% ce qui pourrait contribuer à la réduction du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque. La perte pondérale (environ 2kg) et la réduction de la PAS (environ 4mmHg) sont également deux éléments clés pour la réduction de l’insuffisance cardiaque chez le patient diabétique. Au regard de tous ces éléments nous pouvons estimer que les effets combinés de ces différents facteurs sur la réduction de la mortalité observée seraient équivalent à la réduction de 35% des hospitalisations pour insuffisante cardiaque. 4. Faut-il faire appel à un autre mécanisme encore inconnu, comme par exemple, un effet anti-arythmique (éventuellement suggéré par la diminution notable des morts subites) ? La rapidité avec laquelle les effets bénéfiques de l’empagliflozine sur la mortalité cardiovasculaire apparaissent, ainsi que le manque d’effet sur l’infarctus du myocarde et des AVC laissent croire l’absence d’un effet sur l’athérosclérose. La diminution des morts subites observée avec l’empagliflozine pourrait être l’une des évidences de l’amélioration de la fonction cardiaque et pourrait trouver une explication si l’on tient compte du fait de la diminution des risques d’hypoglycémies observée. En effet les i-SGLT2 augmentent modérément le glucagon et la production du glucose hépatique. Le glucagon présente des propriétés anti-arythmiques. Le glucagon se lie à un récepteur glycoprotéique membranaire, stimulant ainsi l'adénylcyclase, ce qui entraîne une augmentation de la transformation de l'ATP intracellulaire en AMP cyclique (surtout dans le foie, les tissus adipeux et le muscle cardiaque). L'AMPc accélère la phosphorylation des canaux calciques de type L, ce qui augmente l'influx de Ca dans la cellule. Des concentrations intracellulaires accrues de Ca suscitent une augmentation de la contractilité des cellules du muscle cardiaque (effet inotrope). L'effet chronotrope s'explique avec la haute densité de canaux calciques de type L‐/T dans les cellules de Purkinje et les cellules sino-auriculaires. Ainsi le glucagon entraine une amélioration de la fonction du myocarde, une augmentation du rythme cardiaque, sans provoquer de dysrythmies qui selon toute vraisemblance sont bénéfiques pour le patient diabétique à haut risque cardiovasculaire. 5. La protection observée avec l’empagliflozine dans EMPA-REG OUTCOME est-elle spécifique à ce médicament ou s’agit-il d’un effet de classe partagé par les autres inhibiteurs des SGLT2 (ceux-ci sont actuellement testés dans d’autres essais toujours en cours) ? Les inhibiteurs SGLT2 diminuent l’HbA1c, en moyenne d’environ 0,7 % (pour une valeur de base de 8 %), sont d’une certaine manière des diurétiques, et entraînent aussi une perte de poids modérée, et une baisse de la pression artérielle systolique de l’ordre de 3 à 4 mm Hg. A ce jour certes seulement les résultats de l’étude EMPA-REG sont disponibles, ceux des études CANVAS (pour la canagliflozine) et DECLARE-TIMI58 (pour la dapagliflozine) étant attendues pour 2018 et 2019 respectivement. Mais les données disponibles à ce jour pour la canagliflozine et la dapagliflozine semblent indiquer les mêmes tendances que celles obtenues avec l’empagliflozine. Nous pouvons donc conclure en un effet de classe propre aux i-SGLT2 6. Les résultats bénéfiques observés en prévention secondaire dans EMPAREG OUTCOME pourraient-ils être également observés dans une population diabétique de type 2 à un stade plus précoce de la maladie, en prévention primaire ? L’activité hypoglycémique de l’empagliflozine n’est pas dépendante de l’insuline, mais plutôt à l’augmentation de la glucosurie. L’état de la fonction rénale du malade diabétique est fondamental pour l’effet des i-SGTL2. Dans l’étude EMPA-REG OUTCOME, l’empagliflozine n’avait pas d’effets cardiovasculaires bénéfiques pour les patients diabétiques dont l’âge est inférieur à 65 ans. En l’absence d’études validées sur une population diabétique de type 2 a un stade précoce, nous ne pouvons affirmer avec cette certitude un effet bénéfique de l’empagliflozine pour cette population. 7. Comment expliquer qu’il n’y a aucune différence observée entre les deux doses d’empagliflozine testées, 10 et 25 mg par jour et quelle est l’avenir de la dose de 25 mg? L’effet de l’empagliflozine n’est semble-t-il pas dose dépendant ; une fois que la dose nécessaire pour inhiber les SGLT2 (co-transporteur sodium glucose de type 2) est atteinte (ce qui est le cas avec 10 mg d’empagliflozine) nous observons un effet plateau quel que soit la dose administrée. Dans le futur la dose de 25 mg d’empagliflozine pourrait ne plus être utilisée car n’ayant pas d’effets bénéfiques supplémentaires. 8. Comme l’effet observé ne peut s’expliquer par la faible diminution d’HbA1c (semblable diminution a montré une non-infériorité mais pas de supériorité dans trois essais avec des inhibiteurs de la DPP-4), la perspective n’est-elle pas d’explorer rapidement les effets protecteurs de l’empagliflozine dans une population non diabétique à haut risque cardiovasculaire, en particulier chez des patients avec une insuffisance cardiaque? Les inhibiteurs de la DPP-4 exercent une série d’effets favorables, susceptibles de réduire le risque cardiovasculaire accru des patients diabétiques de type 2. Mais les résultats de l’étude SAVOR TIMI58 avaient soulevé une problématique sur l’augmentation du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque avec les inhibiteurs de la DPP-4. Aussi l’activité des i-DPP-4 est en relation avec l’état de la production et de l’utilisation de l’insuline par les cellules du diabétique. Par contre l’activité des i-SGLT2 n’est pas dépendante de l’insuline, et l’empagliflozine réduit la mortalité cardiovasculaire et l’hospitalisation pour insuffisance cardiaque des patients diabétiques. Oui une étude clinique de l’empagliflozine sur une population souffrant d’insuffisance cardiaque pourra apporter des éléments d’informations supplémentaires pour une meilleure compréhension du mécanisme d’action de l’empagliflozine.