Liaison Carbone Oxygène page 1/4 La liaison Carbone-Oxygène simple On rencontre cette liaison dans les alcools R-O-H et les étheroxydes R-O-R'. I Caractéristiques de la liaison C-O dans les alcools '' 1 Données expérimentales C-O O-H longueur de liaison (nm) 0,143 0,096 -1 Energie de liaison (kJ mol ) 358 459 O C H H O H + µ = 1,85 D O +' CH3 H 1,69 D H3C ') O CH3 1,29 D Les liaisons C-O sont polaires mais moins que les liaisons O-H. 2 Réactivité des alcools: généralités Voici la cartographie des charges des alcools. Les réactifs nucléophiles seront attirés par O ou H, (l'alcool se comporte alors comme un électrophile) L'alcool est également un nucléophile à cause des doublets non liants de O, et pourra attaquer un centre électrophile (positif) II Propriétés acido-basiques des alcools Nucléophile (centre négatif) Base H C O + + (centre positif) H 1 Acidité R O Les alcools présentent une acidité très faible pKa >> 14, qui acide très faible diminue avec la classe d'alcool, la base associée, l'ion alcoolate étant déstabilisé par les effets inductifs donneur des groupements. H H3C O H3C O H3C H H C O H3C Electrophile H3C H C O H3C R O + H base très forte H3C H H3C C O H3C H3C C O H3C H3C pKa = 17,2 pKa = 16,8 pKa = 15,9 Préparation des ions alcoolates: Une base comme la soude est trop faible, on utilise une base plus forte l'ion amidure NH2 (plus exactement l'amidure de sodium NaNH2): ROH + NH2⊖ RO⊖ + NH3 On peut également utiliser une réaction d'oxydoréduction, grâce à un réducteur puissant, le sodium : ROH + Na RO⊖ + Na⊕ + ½ H2 2 Basicité De même, les doublets non liants de l'oxygène H H donnent une basicité très faible aux alcools. Là encore la basicité des alcools diminue avec la R O H + H R O classe des alcools. Cette évolution de la basicité acide très fort base très faible vient de deux effets opposés: + les effets donneurs des groupements qui stabilise l'acide associé (ion alkyloxonium ROH2 ) et qui rend donc l'alcool de plus en plus basique à mesure que le nombre de groupements augmente. + l'effet de stabilisation de ROH2 par le solvant, affaibli si le nombre de groupements est important, ou si leur taille est importante. Cet effet rend l'alcool d'autant moins basique que l'alcool est de classe élevée. C'est le deuxième effet qui l'emporte. CH3 H H CH3 H H H H H3C CH O H H3C CH2 O H H3C CH O H3C O H H3C CH2 O H3C O pKb = 17,8 pKb = 16,2 pKb = 16,4 Note: l'effet de solvant intervient aussi pour le caractère acide des alcools, mais va dans le même sens que l'effet inductif. Liaison Carbone Oxygène page 2/4 Préparation des ions alkyloxonium: On utilise des acides forts, par exemple HCl anhydre: ROH + HCl ROH2⊕ + Cl⊖ Note: Il faut que la base conjuguée de l'acide (ici Cl⊖) soit un nucléophile faible, pour éviter une substitution nucléophile immédiate. En effet le groupement OH2 est un H excellent groupe partant, (excellent nucléofuge). On ne RI + H2O I + R O H pourra donc pas utiliser HI (I excellent nucléophile). On peut également utiliser des acides de Lewis, H molécules présentant des atomes possédant un O + Cl R défaut d'électrons par rapport à la règle de l'octet (lacune électronique): MgCl2, AlCl3, ZnCl2. (le groupement HOZnCl est également excellent nucléofuge). H Cl Zn Cl R O Zn + Cl III Propriétés nucléophiles des alcools: préparation des étheroxydes Les alcools sont également des nucléophiles moyens (doublets non liant), les ions alcoolates sont beaucoup plus puissants. Les étheroxydes peuvent être synthétisés suivant la H H substitution nucléophile de mécanisme en plusieurs O R' + X X R + R' O R étapes : Le bilan est ROH + R'X ROR' + HX H Cette réaction est très lente car ROH est peu R O R' + H O R' R nucléophile. On lui préfère la synthèse de Williamson dans laquelle on active l'alcool en obtenant l'ion alcoolate (grâce au sodium par exemple). La substitution qui s'en suit est très facile: Synthèse de Williamson: (1) (2) ROH + Na RO⊖ + Na⊕ + ½ H2 RO⊖ + R'X ROR' + X⊖ Le bilan des deux phases est : ROH + Na + R'X ROR' + Na⊕ + X⊖ + ½ H2 La réaction (2) est de type SN2 si R'X est un halogénure primaire ou secondaire. Si R'X est tertiaire ou encombré, la réaction de substitution (2) est en compétition avec l'élimination d'un H sur R'X (s'il existe) car la base RO⊖ peut difficilement s'approcher du carbone de R'X. Voici quelques exemples, où l'on donne également les vitesses relatives vr : H3COH + CH3I CH3OCH3 + HI vr = 1 6 H3CO⊖ + CH3I CH3OCH3 + I vr = 2 10 (beaucoup plus rapide) 3 (H3C)3CO⊖ + CH3I (H3C)3COCH3 + I vr = 3 10 (alcoolate encombré, ici pas d'élimination possible) Il est possible avec des composés du type halogénoalcool, d'obtenir une synthèse de Williamson intramoléculaire : H2O CH2 CH2 La réaction suivante se Br fait facilement en O CH2 O + Br + OH solution diluée basique. Br SNi H On obtient l'ion O CH2 alcoolate qui évolue par substitution nucléophile interne (SNi) vers l'étheroxyde cyclique (ici le tétrahydrofuranne ou THF qui est un solvant organique très utilisé) Liaison Carbone Oxygène page 3/4 IV Réactions où la liaison C-O se rompt Cette liaison est solide. Elle ne peut se casser qu'après avoir été activée, en la transformant en ROH2⊕ par exemple. 1 Synthèse de RX bilan: ROH + HX RX + H2O a Action de HX ROH + HX ROH2⊕ + X⊖ (réaction acido-basique) ROH2⊕ + X⊖ RX + H2O (SN1 ou SN2) mécanisme: (1) (2) La deuxième étape est une substitution nucléophile classique de type SN1 et rapide avec les alcools tertiaires (carbocation stable), et SN2 et plus lente pour les alcools primaires (et secondaires). La vitesse de réaction est dans l'ordre: I < II < III ce qui se voit dans le test de Lucas des alcools: test de Lucas: dans un tube à essais contenant le réactif de Lucas (solution de ZnCl2 dans HCl concentré) on ajoute quelques gouttes d'alcools. les alcools tertiaires conduisent immédiatement à la formation d'une seconde phase (RCl) les alcools secondaires conduisent à un trouble lent les alcools primaires ne réagissent pas sans chauffage. Au cours de ces réactions, il peut y avoir réarrangements des carbocations intermédiaires vers des carbocations plus stables. Exemple de l'action de HBr sur un alcool secondaire. On obtient un alkyloxonium qui se réarrange : CH3 CH3 H3C SN1 H3C HC C CH3 HC HC H3C HC H Br CH3 CH3 OH2 CH3 réarrangement Br, SN2 C CH3 + Br CH3 H3C HC C CH3 H Br majoritaire H minoritaire H3C HC HC CH3 b Action de réactifs minéraux halogénés (PCl3, PBr3, SOCl2) Voici les bilans: (X = Cl ou Br) (les mécanismes ne sont pas au programme) ROH + PX3 3 RX + P(OH)3 ROH + SOCl2 RCl + SO2 + HCl P(OH)3 = H3PO3 est l'acide phosphoreux. A titre indicatif, voici le mécanisme de la deuxième réaction: H R O + O S R Cl HCl H O Cl O S Cl R S Cl Cl La dernière étape est une substitution nucléophile interne SNi SNi O O RCl + O=S=O Liaison Carbone Oxygène page 4/4 2 Déshydratation des alcools a Déshydratation intramoléculaire (élimination) Synthèse d'alcènes. Bilan: Condition : il doit exister au moins un H C H2SO4 concentré et chaud C C C + H 2O H OH C'est une élimination classique, elle se fait habituellement en milieu acide sulfurique concentré. Il y a d'abord une activation du groupement OH : H2SO4 H⊕+ ⊖OSO3H puis ROH + H⊕ ROH2⊕ Puis il y a élimination assistée par la présence de la base HSO4⊖ (E1 ou E2) Voici le mécanisme E1 : H 2O C C C C OH2 C C H H C H C OSO3H La réaction est facile (80°C) et de type E1 pour les alcools tertiaires, plus difficile (120 à 150 °C) pour les alcools secondaires et primaires et de type E2, elle est alors stéréospécifique. Dans les deux cas de mécanisme, la réaction est régiospécifique (règle de Saytzev). b Déshydratation intermoléculaire (substitution) Bilan R-OH + ROH R-O-R + H2O Ce sont les mêmes conditions opératoires: milieu sulfurique, chauffage modéré 100 °C. Mécanisme: première étape, activation de l'alcool par protonation de OH : ROH + H⊕ ROH2⊕ deuxième étape, action du nucléophile ROH H 2O H il s'agit d'une substitution SN1 ou SN2: R OH2 L'ion H⊕ est régénéré et agit comme un catalyseur. R O R R O R +H ROH Note: un autre nucléophile du milieu, l'ion hydrogénosulfate HSO4⊖ peut faire la substitution. On obtient alors l'hydrogénosulfate d'alkyle R-OSO3H. Mais il évolue rapidement par une seconde substitution vers ROR sous l'action de l'alcool ROH meilleur nucléophile que HSO4⊖. c Compétition entre élimination inter et intramoléculaire Les alcools tertiaires sont encombrés, ce sont de mauvais nucléophiles. L'approche difficile de ROH sur ROH2⊕ rend la formation de l'étheroxyde limitée. Ils conduiront toujours aux alcènes. Par contre, on obtient un mélange d'alcène et d'étheroxyde dans le cas des alcools primaires et secondaires. Nous nous retrouvons alors avec la compétition SN/E. On peut privilégier l'élimination en augmentant la température. Exemple : l'éthanol CH3CH2OH en milieu sulfurique conduit uniquement à l'éthylène H2C=CH2 à 180 °C, et uniquement à l'éthoxyéthane CH3CH2OCH2CH3 à 120°C.