Exercice physique et rupture de plaques Recherche translationnelle

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12 Congrès hebdo
LE QUOTIDIEN DU MÉDECIN
Lundi 26 mai 2014 – n° 9330
PRINTEMPS DE LA CARDIOLOGIE
Exercice physique et rupture de plaques
L’exercice physique est une épée
à double tranchant :
le sport régulier modéré est bon
pour le cœur, mais l’exercice
physique intense favoriserait
la survenue d’accidents
coronaires.
●●De nombreuses études montrent
une augmentation du risque coronaire lors d’une activité, quel que
soit l’entraînement habituel. Chez
le « sportif du dimanche », 85 % des
accidents sont des infarctus du
myocarde, avec un pic de survenue
vers l’âge de 40-45 ans. « Pourtant,
on observe peu de rupture de plaques
lors des épreuves d’effort, ce qui ne
manque pas d’interpeller », a souligné le Pr François Carré.
Le registre Orbi en Bretagne a
colligé 5 100 infarctus du myocarde,
dont 1 % est survenu pendant ou
juste après un effort. Ce qui, extrapolé à la France entière, représente
environ 1 500 syndromes coronaires
aigus liés au sport chaque année. La
fréquence des ruptures de plaque
est débattue, avec des estimations
divergentes selon les études.
PAS multipliée par deux
L’ exe r c i c e i n t e n s e e st u n e
contrainte majeure pour le myocarde. Quand l’exercice est maximal,
la pression artérielle systolique est
multipliée par deux, la consommation d’oxygène par 10. Il y a égale-
ment des modifications hormonales
liées non seulement à l’intensité de
l’effort (l’adrénaline et la noradrénaline augmentent dès que le seuil
ventilatoire est dépassé) mais aussi
à sa durée. Ceci est tout à fait cohérent avec le fait que la majorité des
accidents surviennent à la fin du
marathon.
Trois composantes doivent
être prises en compte. Tout d’abord
le pratiquant : ses antécédents personnels et familiaux, son risque
athéromateux faible ou intermédiaire, l’histoire sportive (niveau
d’entraînement, adaptation de l’effort à ce niveau).
Ensuite le contenant : artères pathologiques (dilatation inadaptée,
vasoconstriction, contraintes mécaniques externes…), le type de plaque,
les contraintes hémodynamiques
liées à l’effort. « Lors de l’effort, le
flux devient turbulent », a rappelé le
Pr Carré.
Enfin le contenu, avec la triade
de Virchow favorisant la thrombose : substrat thrombogénique,
facteurs hémodynamiques (forces
de cisaillement et flux rapide) et
modifications hémorrhéologiques
et sanguines.
Les données in vivo sont aujourd’hui mal connues. Chez le
sédentaire sain, on observe une
hyperviscosité, une moindre déformabilité des globules rouges et une
diminution de la fibrinolyse. Chez le
SEBASTIEN TOUBON
Une relation controversée
coronarien, ces perturbations sont
encore plus marquées.
Facteur déclenchant final
S’il existe donc un certain
nombre d’arguments plaidant en
Le sport reste une cause rare
d’infarctus du myocarde
faveur d’une relation entre sport et
rupture de plaque, la question du
facteur déclenchant final reste tou-
tefois entière : pourquoi la plaque
rompt-elle un jour ? Ceci pose bien
sûr le problème de la détection des
sujets à risque, en n’oubliant pas que
dans ce domaine, certains facteurs
sont à prendre en compte : le tabagisme, la sédentarité et l’intensité
inappropriée de l’exercice physique,
absolue et relative.
Chargé de plaider le contre de
cette controverse, le Pr Gérard Finet
a souligné que synchronicité ne veut
pas dire causalité. Et que de façon
globale, le sport reste une cause rare
dans la survenue d’un infarctus du
myocarde. D’autres circonstances
sont elles aussi associées à un risque
accru d’événement coronaire aigu :
tremblement de terre, stress mental,
vision d’un match de football…
Il est en pratique difficile de définir une plaque à haut risque, et ce
d’autant que chez un même patient
ayant plusieurs plaques d’aspects
comparables, l’une peut rompre et
les autres non. Il s’agit donc d’un
phénomène très complexe.
Il faut en conclusion se rappeler
qu’une épreuve d’effort normale
n’élimine pas le risque de rupture
et qu’a contrario, la présence de lésions visibles en imagerie ne prédit
pas le risque de rupture.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après les communications des Prs François Carré, CHU de Rennes et Gérard Finet
CHU de Lyon
Recherche translationnelle Insuffisance cardiaque
L’émergence du concept de thérapie
métabolique
La réflexion sur de nouvelles
approches dans la mort subite
cardiaque, le plus souvent
consécutive à une occlusion
coronaire qui se complique
de fibrillation ventriculaire, a
conduit à explorer de nouveaux
modèles, notamment celui des
greffés rénaux qui développent
très rapidement une artériosclérose.
Le métabolisme énergétique
joue un rôle majeur dans le
développement de l’insuffisance cardiaque et parmi les
cibles thérapeutiques étudiées,
le co-activateur PGC1-alpha
suscite beaucoup d’intérêt.
●●Les greffés rénaux développent
rapidement une artériosclérose et
ont en outre une réponse immunitaire importante. « En une année,
l’artériosclérose évolue chez les
greffés rénaux comme elle le fait
en 28 ans dans la population générale », a précisé le Pr Xavier Jouven.
Les travaux se sont penchés sur la
relation entre les taux d’anticorps,
l’artériosclérose et le développement accéléré d’un athérome en
dehors de l’organe atteint.
Les patients ont été différenciés
en quatre groupes : réaction cellulaire, humorale (par anticorps), vasculaire sans anticorps spécifiques
et vasculaires avec anticorps spécifiques. C’est dans ce dernier groupe
que le pronostic du greffon était le
moins bon. L’analyse du rôle du complément a permis de prédire encore
mieux le risque de rejet et ces différents travaux ont in fine abouti à la
modification de la classification du
rejet de greffe de rein.
En se basant sur les Données informatiques validées en transplantation rénale (DIVAT), qui portent
sur 12 000 patients greffés, un travail
a analysé les liens entre les déterminants de l’artériosclérose sévère
(chez 664 patients) et le syndrome
coronaire aigu. Après ajustement
sur tous les paramètres (âge, antécédents d’événement coronaire majeur…), c’est la présence d’anticorps
qui s’est révélé le facteur de risque
le plus important.
Ces données ont donc permis de
progresser dans la connaissance du
rejet de greffe et du risque de complication coronaire chez les greffés
rénaux, mais ont eu finalement peu
d’impact sur la mort subite, objet
initial des recherches.
Questions éthiques
Toutefois, les analyses des données recueillies par le centre d’expertise de la mort subite, qui a recensé 12 000 arrêts cardiaques survenus
à Paris et en petite couronne, ont
mis en évidence deux sous-groupes
de patients. L’un avec une évolution
certaine vers le décès, ce qui devrait
permettre de définir des critères
d’arrêt précoce de la réanimation
cardiorespiratoire et de mener une
réflexion autour du don d’organes.
Et à l’inverse un sous-groupe de
patients de bon pronostic, qui sont
donc des candidats à des techniques
d’exception. « Ceci soulève bien sûr
des questions éthiques », a conclu le
Dr I. H.
Pr Jouven.
D’après la communication du Pr Xavier
Jouven, hôpital européen Georges Pompidou, Paris
●●L’insuffisance cardiaque se définit comme l’incapacité du cœur à
maintenir un débit suffisant pour répondre aux besoins métaboliques de
l’organisme au repos et à l’effort. Malgré les progrès thérapeutiques, elle
reste une cause majeure de morbimortalité dans les pays développés.
Le métabolisme énergétique joue un
rôle majeur dans le développement
et l’évolution de l’insuffisance cardiaque et la charge énergétique du
cœur peut représenter un facteur
prédictif de mortalité, autant que le
stade NYHA (New York heart association). « Le cœur des mammifères
est un organe hautement oxydatif »,
a rappelé Anne Garnier. La demande
en énergie est forte et modulable, il
n’y a pas de réserve énergétique et le
cœur travaille donc en flux tendu sur
les oxydations phosphorylantes. Le
cœur défaillant est « un moteur en
panne d’essence ». Toutes les composantes sont altérées : diminution
de la production d’énergie, altération de son transfert et de son utilisation, autant de facteurs ayant un
impact sur l’homéostasie et la fonction contractile du myocarde.
D e nombreuses recherches
portent sur les réseaux transcriptionnels de régulation, et notam-
PHANIE
Artériosclérose et rejet
de greffe rénale
Il existe un déficit de la biogénèse et de la fonction mitochondriales dans l’insuffisance
cardiaque
ment sur le rôle central joué par la famille des protéines PGC1. L’étude de
l’expression de la PGC1-alpha dans
différents types de muscles chez le
rat a mis en évidence une étroite corrélation entre cette protéine et l’activité de la citrate synthase, ce qui
suggère que la PGC1-alpha jouerait
un rôle de chef d’orchestre dans
la capacité oxydative des tissus
riches en mitochondries.
La PGC1-alpha peut se fixer
sur divers récepteurs nucléaires et
contrôler de façon harmonieuse les
différentes composantes du métabolisme, telles que la biogenèse mitochondriale, l’utilisation des acides
gras, l’angiogenèse ou encore la
détoxification des espèces réactives
de l’oxygène (EROS). Dans des modèles expérimentaux, cette cascade
transcriptionnelle est inhibée en cas
d’insuffisance cardiaque. D’autres
travaux ont mis en évidence un déficit de la fonction et de la biogenèse
mitochondriale dans le cœur humain défaillant.
Nouveau concept
Aujourd’hui émerge donc un
nouveau concept : celui de la thérapie métabolique visant à augmenter la production d’énergie. Et l’une
des stratégies à l’étude est la stimulation de la protéine PGC1-alpha. Des
études expérimentales ayant évalué
l’impact du resvératrol ont souligné
le rôle protecteur de ce polyphénol vis-à-vis du métabolisme énergétique du cœur défaillant, qui se
traduit par une normalisation de la
fonction cardiaque et une augmentation de la survie des animaux. Le rôle
protecteur d’autres voies, AMPK (kinase dépendante de l’AMP) et SIRT1,
est également l’objet de recherches.
Dr I. H.
D’après la communication
d’Anne Garnier-Fagart, INSERM U 769,
Chatenay-Malabry
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