Les Agoras Jeudi 8 Octobre 2015 Regards croisés Parcours patient en cancérologie Intervenants : Une infirmière diplômée d’état coordinatrice de l’institut Paoli-Calmettes (Marseille) Corinne Roustan, psychologue libérale et attachée au Centre de haute energie à Nice Dr Françoise de Crozals, pharmacien à l’Institut Sainte-Catherine (Avignon) Compte rendu : Parcours patient en cancérologie Le cancer touche près de 355 000 nouveaux patients par an en France dont 2/3 des cas surviennent à partir de 65 ans. Cette maladie affecte un peu plus les hommes (200 000) que les femmes (155 000). A l’origine du premier Plan Cancer et au cours de sa mise en œuvre, les patients et leurs familles ont notamment manifesté le souhait d’obtenir de meilleures conditions d’annonce, une meilleure prise en compte de la détresse psychologique et de la douleur. Les moyens délégués pour répondre aux besoins exprimés se sont traduits en particulier par une implication plus forte, mieux reconnue et légitimée de tous les personnels soignants. Il importe maintenant de poursuivre les améliorations mises en place et de prévoir des adaptations nécessaires. Octobre-Novembre 2015 En effet, nous sommes face aux très importants progrès réalisés en biologie moléculaire dans la caractérisation du génome tumoral et au développement corollaire de nouvelles molécules de traitement à administration orale le plus souvent. Ces éléments associés à l’essor du développement des prises en charge ambulatoires que ce soit en chirurgie comme en médecine vont modifier les organisations hospitalières et les parcours patients tels que nous les connaissons actuellement. De nouveaux modes d’accompagnements des patients sont certainement à réfléchir Nous vous proposons d’écouter successivement trois témoignages qui illustrent l’accompagnement des patients dans la région Paca, en lien avec les développements actuels des prises en charge : Corinne Roustan, psychologue à Nice, exerce en cabinet libéral mais aussi dans le centre de Haute Energie, centre de radiothérapie. En effet, elle a été manipulatrice de radiothérapie pendant plus de 20 ans. Constatant le stress vécu par les patients, leur besoin de parler à quelqu’un, elle a voulu suivre une formation de psychologue pendant 5 ans complétée par un DU de psycho-oncologie. Elle témoigne de son expérience et de la façon dont elle procède à l’annonce en radiothérapie et au soutien psychologique des patients. Corinne Roustan rapporte comment elle fait connaitre au patient quelle va être sa prise en charge en radiothérapie. Elle fait visiter la structure, expliquant les étapes du traitement. Une photographie des membres du personnel permet de leur présenter l’équipe qui va les prendre en charge, physicien, manipulatrices. Deux fiches tracent ce qu’a retenu le patient d’une part et les besoins éventuels repérés en soins de support (douleur, assistance sociale, conseils en nutrition ou diététique..) Le soutien psychologique est assuré lors de ces entretiens en fonction des patients, il leur est aussi proposé la possibilité de les voir hors du lieu de soins, avec un soutien financier de la Ligue contre le cancer. Les entretiens font l’objet d’un retour vers l’équipe de traitement sur l’annonce tout en préservant la confidentialité du patient. Octobre-Novembre 2015 Il est nécessaire d’expliquer au patient que sa réaction d’angoisse notamment en fin de traitement est normale, car il est difficile de se projeter avec un suivi médical bi-annuel. La récupération des troubles résiduels quelquefois de troubles organiques (mastectomies, prostatectomies) irréversibles demande de ménager des temps d’échanges de paroles, d’accompagnement psychologique avec toute l’équipe médicale pour aider le patient à se construire un avenir. Notre objectif est de répondre « présent » à la demande du patient, d’être là dans le temps. Dominique Baldacci est cadre de santé en onco-gériatrie à l’Institut Paoli Calmettes à Marseille. Sa carrière d’infirmière dans cet établissement l’a amenée à occuper de nombreux postes dans des services aussi bien médicaux que chirurgicaux mais aussi en réanimation en endoscopie et en oncologie. C’est après une formation en onco-gériatrie qu’elle devient en 2006 coordinatrice dans ce domaine. Madame Baldacci nous rapporte comment, forte de son expérience dans ce domaine, elle a structuré une coordination des professionnels hospitaliers et libéraux, au profit de patients présentant des situations complexes : patients âgés, présentant un cancer métastasé, suivant un traitement à domicile par voie orale. Dominique Baldacci explique que les patients de plus de 75 ans, traités pour un cancer du sein, du colon ou de la prostate souvent métastatique, et traités par l’une des 25 molécules per os figurant sur une liste établie, bénéficient de la mise en place d’une coordination spécifique dans le cadre d’un appel à projet de l’inca. Une évaluation gériatrique est faite au départ et lors du retour à domicile, un suivi hebdomadaire est mis en place avec l’appel du patient. Lorsque ce dernier est confus, l’appel est réalisé pendant la présence à domicile de l’infirmière libérale. Le pharmacien libéral du patient est prévenu et reçoit un courrier spécifique des molécules prescrites qui vont lui permettre de redonner des conseils au patient et de commander les médicaments nécessaires. L’infirmière libérale est sollicitée pour s’occuper quotidiennement de l’observance du traitement, de l’heure de la prise des molécules en question qui ne sont pas mélangées avec les autres médicaments dans le pilulier. Octobre-Novembre 2015 Le médecin généraliste est contacté par l’oncologue, il reçoit les fiches des médicaments prescrits ainsi que le numéro de téléphone direct de l’infirmière de coordination. Les auxiliaires de vie, lorsqu’ils y en a qui interviennent auprès du patient peuvent aussi contacter l’infirmière de coordination afin de lui faire part de tel ou tel trouble. Ce suivi périodique, en rendez-vous téléphonique notamment, permet de s’assurer de l’état du patient, de préconiser l’arrêt ou non de la thérapeutique devant la survenue de tels ou tels effets, voire de conseiller et organiser une hospitalisation si nécessaire. Ce suivi rassure a la fois le patient et l’équipe médicale qui garde un regard sur le suivi du traitement. Françoise de Crozals est docteur en pharmacie, gérante de la pharmacie à l’Institut Sainte Catherine à Avignon depuis 4 ans. Dès l’internat elle s’intéresse à la cancérologie, puis obtient un poste dans le centre de lutte contre le cancer de Toulouse pendant 15 ans, et enfin participe à la mise en place de la centrale d’achat des médicaments au sein de la fédération des centres de lutte contre le cancer Dès la mise sur le marché de la forme orale de la Navelbine elle prend contact avec les pharmaciens d’officine, puis des formations sont organisées pour ces confrères sur les interactions médicamenteuses et la prévention des effets secondaires. Depuis 2011, sont mises en place les analyses d’ordonnance portant sur l’exhaustivité du traitement et des recommandations de bon usage et de prévention sont élaborées à l’attention des patients. Elle est accompagnée par le docteur Annie Palon, pharmacien d’officine dans un village du Vaucluse à Caron depuis plus de 20 ans. Son parcours professionnel l’a amenée à s’intéresser à la formation continue et à la défense de sa profession au travers d’une action syndicaliste. Elle est maintenant présidente des pharmaciens libéraux du Vaucluse et depuis 2011, vice présidente de l’URPS pharmaciens. Elles vont nous expliquer le parcours mis en place pour les patients traités à l’institut Sainte Catherine auxquels sont prescrits par les oncologues des thérapies ciblées ou de la chimiothérapie par voie orale. Octobre-Novembre 2015 En 2014, Françoise de Crozals, pharmacien à Ste Catherine à Avignon et Annie Palon, vice présidente de l’URPS pharmaciens, ont décidé de répondre conjointement à un AAP de l’ARS Paca sur la qualité du traitement. Le parcours du patient repose sur : un travail commun d’élaboration de support pour chaque molécule orale arrivée de ce type de traitement depuis 2012 - (indications, effets secondaires et indésirables, interactions médicamenteuses à anticiper) un plan de formation continue à destination des pharmaciens d’officine. La mise en place de consultations initiales à l’Institut Sainte Catherine puis un relais avec des entretiens pharmaceutiques à l’officine pour suivre les patients sous chimiothérapie orale en ville. Il s’agit de sécuriser le parcours de soins du patient et d’impliquer ce dernier dans la prise en charge de sa maladie. Par ailleurs, des transmissions régulières entre professionnels de ville et hospitaliers ponctueront et encadreront cet accompagnement spécifique Un suivi téléphonique est assuré par le pharmacien d’officine selon un rythme défini avec le patient. Chaque entretien téléphonique est tracé dans le dossier du patient et donne lieu à une transmission au pharmacien hospitalier. Tous les quinze jours, un entretien téléphonique est organisé avec le pharmacien hospitalier en présence du patient à l’officine. La participation à ce dispositif de prise en charge implique pour le pharmacien d’officine une entière disponibilité à l’encontre de son patient. Le patient doit pouvoir informer le pharmacien des difficultés qu’il rencontre. Lorsque la situation du patient est jugée critique par le pharmacien d’officine, celui-ci doit pouvoir alerter le pharmacien hospitalier et éventuellement renvoyer le patient à l’Institut Sainte Catherine, directement auprès du service ou du professionnel concerné. Le pharmacien informe au préalable l’équipe de soins de ville (médecin traitant du patient et infirmier) et l’équipe hospitalière de cette prise de décision. Cette décision est inscrite dans le dossier du patient Personnalités qualifiées : Dr Pibarot Michèle, médecin coordinateur réseau régional de cancérologie Interventions en salle : Dr Dominique Andreotti, chef de pole au CHITS Il faut un changement dans l’approche du traitement du cancer, notamment dans la communication interprofessionnelle (praticiens, infirmiers, pharmaciens, Octobre-Novembre 2015 paramédicaux) avec pourquoi pas des outils informatiques communs. Pr René-Jean Bensadoun, radiothérapeute CHE Nice Interventions qui sont le reflet de l’amélioration des traitements en cancérologie Notamment l’accompagnement en phase curative et en phase chronique avec la gestion des effets secondaires. Les référentiels pour une amélioration des effets secondaires sont très importants Dr Wendling oncologue à Toulon Il faut un programme après cancer car c’est l’intérêt des patients d’être le mieux entouré possible : importance de l’éducation thérapeutique Intervention d’un médecin gériatre a Toulon qui souhaite développer un suivi du patient en oncologie car c’est la bonne réalisation du bon soin Mme Palon précise la place très importante du médecin traitant dans cette organisation, sur la prescription médicamenteuse notamment avec un échange entre professionnels Mme Roustan note que l’information du médecin traitant du suivi psychologique de son patient est a prendre en compte. Mr Nabet demande si - Les éléments de prise en charge du cancer et les bienfaits d’un suivi peuvent ils être exportés à d’autres maladies chroniques A- t-on quantifié les gains au long court de ce suivi du patient à domicile Oui des gains quantifiés sont effectivement constatés, économie d’hospitalisation plus ou moins en urgence selon la situation L’accompagnement à l’observance est au bénéfice du traitement et de l’aspect pécuniaire, mais conditionnements pas toujours adaptés L’éducation thérapeutique est très importante Monsieur De Bernières constate la personnalisation de la prise en compte du traitement Octobre-Novembre 2015 Mme Jacquème précise qu’on parlait jusqu’alors de référentiels de traitement de maladie et que l’on va actuellement, avec les développements de la biologie moléculaire, cers une caractérisation des tumeurs susceptibles de répondre à tel ou tel médicament, c’est une avancée vers une personnalisation du traitement On note que les outils informatiques vont vers une efficacité et un gain de temps pour les acteurs mais il est indispensable de garder la relation « humaine » se parler reste important, même si des outils simplifient certains échanges Dr Jacques Camerlo, oncologue IPC Avec la mise en place du dispositif d’annonce on constate une progression sur le rôle de chacun dans le traitement et le suivi en cancérologie aujourd’hui chacun tient sa place, c’est à dire que le rôle dévolu aux soignants paramédicaux est tout à fait reconnu par les médecins. Octobre-Novembre 2015