◆ ARTICLE DE REVUE Progrès en Urologie (2005), 15, 1021-1029 Voies moléculaires de l’angiogenèse tumorale et nouvelles approches thérapeutiques ciblées dans le cancer du rein Patricia FERGELOT, Nathalie RIOUX-LECLERCQ, Jean-Jacques PATARD Services d’Urologie, de Pathologie et UMR60-61 CNRS, Groupe Angiogenèse et Invasion tumorale, Université de Rennes 1 RESUME Le carcinome à cellules rénales (CCR) dans sa forme conventionnelle est une tumeur hautement vascularisée avec un pronostic extrêmement péjoratif quand des métastases sont présentes. Récemment des progrès significatifs ont été faits dans la compréhension des mécanismes moléculaires conduisant au phénotype vasculaire du cancer du rein. En particulier la maladie de VHL constitue un véritable modèle d’étude dans la mesure où l’inactivation du gène VHL conduit à l’accumulation du facteur HIF induisant l’activation de gènes comme: VEGF, α. C’est le fait que l’inactivation de VHL a été trouvée dans près de 70% des cancers PDGF, EPO, CaIX et TGF-α du rein sporadiques qui constitue le meilleur rationnel pour cibler les produits de ces gènes. Les drogues d’intérêt actuellement ciblent VEGF, VEGFR, PDGFR et les récepteurs tyrosine kinase qui sont nécessaires à la transduction du signal intra-cellulaire. Les résultas initiaux des études de phase II obtenus dans le cancer du rein en situation métastatique, le plus souvent en seconde ligne, sont très encourageants. Les résultats des études de phase III seront bientôt disponibles mais d’ores et déjà de nombreuses études évaluent ces drogues soit en première ligne soit en association. Finalement les urologues, ont une opportunité majeure de se familiariser avec ces drogues par la participation active aux essais de thérapeutiques adjuvantes qui vont bientôt s’instaurer. Mots clés : Carcinome à cellules rénales, gène VHL, VEGF, inhibiteurs de l’angiogenèse. Ces dernières années, la compréhension des bases moléculaires de la cancérogénèse rénale a fait des progrès considérables notamment du fait de l’identification des gènes responsables de la maladie de von Hippel-Lindau, du cancer papillaire héréditaire, de la leiomyomatose héréditaire et du syndrôme de Birt-Hogg-Dubé [43]. Une étape décisive a été franchie quand a été compris que l’inactivation du gène VHL pouvait se rencontrer dans près de 70% des cancers du rein sporadiques entrainant l’activation de gènes induisant l’angiogenèse [59]. Ainsi de nouvelles drogues qui ciblent l’angiogenèse et la transduction du signal des récepteurs des facteurs de croissance vasculaire ont été mises au point [76]. L’objectif de cette étude est de faire une revue des mécanismes clé de l’angiogenèse tumorale dans le cancer du rein, de donner les résultats actuels de ces nouvelles thérapeutiques ciblées et finalement de discuter quel devrait être le rôle de l’urologue dans cette nouvelle ère thérapeutique. LE CANCER DU REIN FAMILIAL : UN MODELE D’ETUDE DES VOIES MOLECULAIRES DU CANCER DU REIN La maladie de von Hippel Lindau est un véritable modèle pour l’étude du cancer du rein dans sa variété de carcinome à cellules claires. C’est une maladie rare, autosomique dominante qui est due à une mutation germinale ou une délétion du gène suppresseur des tumeurs VHL. Les manifestations cliniques typiques sont des hémangioblastomes de la rétine et du système nerveux central avec ou sans phéochromocytome, des carcinomes rénaux conventionnels, des kystes rénaux, des kystes pancréatiques, des tumeurs neuro-endocrines, des tumeurs du sac endo-lymphatique, des cystadénomes papillaires de l’épididyme ou du ligament large [18, 61, 69]. Les tumeurs rénales sont volontiers de survenue précoce, multifocales et bilatérales. Ce sont toujours des carcinomes à cellules claires qui concernent 35 à 45% des individus affectés. [43]. Les analyses familiales ont tout d’abord permis de localiser le locus du gène VHL en 3p25[68] puis ce gène a pu être caractérisé comme un gène suppresseur des tumeurs [38]. De manière très intéressante le gène VHL est inactivé aussi dans près de 70% des cancers du rein sporadiques [21, 43, 71]. le gène VHL code pour une protéine de 213 acides aminés qui est le substrat de reconnaissance d’un complexe ubiquitine ligase qui va cibler un facteur de transcription protéique : hypoxia-inducible factor (HIF) [6, 11, 27]. pVHL en effet se lie à 2 facteurs de transcription: Elongin B et C [18, 33] qui vont eux même se lier à l’Elongin A, constituant un complexe trimérique appelé Elongin/SIII [2]. pVHL a aussi un rôle majeur dans la formation de la matrice extracellulaire et dans le contrôle du cycle cellulaire. HIF-1 se lie à un hétéro dimère constitué d’une sous unité alpha (HIF-1α) et d’une sous unité bêta (HIF-1β). Les sous unîtes a sont normalement rapidement dégradées en présence d’oxygène alors que les sous unités b sont présentes de manière constitutionnelle [34]. HIF-1a contrôle la transcription d’un certain nombre de gènes dits induits par l’hypoxie. En effet en condition normoxique, le complexe VHL elonginC/B-Cul2 cible HIF-1a conduisant à une dégradation protéosomale [57, 89]. En condition hypoxique aussi bien qu’en cas d’inactivation de VHL, le complexe pVHL ne dégraManuscrit reçu : septembre 2005, accepté : novembre 2005 Adresse pour correspondance : Pr. J.J. Patard, Service d’Urologie, CHU Pontchaillou, rue Henri Le Guillou, 35033 Rennes. e-mail : [email protected] Ref : FERGELOT P., RIOUX-LECLERCQ N., PATARD J.J. , Prog. Urol., 2005, 15, 10201029. 1021 P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029 Figure 1. La voie VHL/HIF et les gènes cibles. En condition normoxique, la dégradation de la sous unité HIFα dépend de son hydroxylation et de la liaison de pVHL aux Elongines B, C, Cul2 et Rbx1 pour former un complexe ubiquitine ligase. HIFα1 et HIFα2 sont constitutionnellement exprimés soit en situation hypoxique soit en cas d’inactivation de VHL. La stabilisation de HIFα entraîne une activation des gènes cibles tels que VEGF et PDGF. HIF2α active TGFα et est considéré comme la forme oncogénique de HIFα.. de pas HIF-1a qui s’accumule dans le noyau conduisant à une surexpression de gènes qui sont critiques pour l’angiogenèse (vascular endothélial growth factor: VEGF), le transport du glucose (GLUT1, GLUT3), la glycolyse (6-phosphofructose 2-kinase), le contrôle du pH (famille des anhydrases carboniques), la prolifération épithéliale (platelet derived growth factor: PDGF, transforming growth factor-α: TGF-α), l’érythropoïétine: EPO et l’apoptose (Bid, Bax, Bad) [89]. Parmi tous ces gènes qui s’activent en aval du complexe HIF/VHL: VEGF, VEGFR et PDGFR sont les cibles les plus explorées. Citons également l’anhydrase carbonique IX (CA IX) qui est particulièrement importante dans le cancer du rein. CA IX est une enzyme trans-membranaire qui joue un rôle important dans la régulation du ph intra et extra cellulaire et il a été fait l’hypothèse que le CA IX permet aux tumeurs rénales de s’adapter à un milieu acide et hypoxique autorisant ainsi les cellules à proliférer et à métastaser [28, 47, 59, 85]. Le CA IX est surexprimé dans 94% des cancers du rein et est corrélé à la réponse au traitement, aux facteurs clinicopathologiques et à une survie altérée [59]. Cibler CA IX est actuellement exploré à la fois en situation métastatique et adjuvante [36]. Finalement il existe 2 formes de HIFα: HIF-1α et HIF-2α. [74]. Il existe maintenant des preuves que HIF-2α est la forme oncogénique de HIFα [35, 48, 67]. En particulier SMITH a récemment identifié TGF-α comme la cible spécifique de HIF-2α [22, 73]. Cela confirme que HIF-2α diffère de HIF-1α par sa capacité à activer des cibles spécifiques qui sont engagées dans la croissance oncogénique des cellules tumorales. Ceci soutient aussi l’hypothèse que EGFR est une cible potentiellement intéressante dans le cancer du rein à gène VHL défectueux. Toutes les conséquences moléculaires de l’inactivation de VHL sont résumées par la Figure 1. LE VEGF : UNE MOLECULE CLE DE L’ANGIOGENESE TUMORALE DU CANCER DU REIN L’induction de l’angiogenèse est un mécanisme indispensable au développement des tumeurs au delà de 1 à 2 cm de diamètre. Le Figure 2. Les différentes isoformes de VEGF. VEGF (vascular endothelial growth factor) ou VEGF-A et les molécules apparentées (VEGF -C et le VEGF -D) sont de puissants facteurs pro-angiogéniques impliqués dans la croissance tumorale et la survenue de métastases. Leur voie de signalisation cellulaire, relayée par des récepteurs spécif iques (VEGFRs) à activité tyrosine kinase, est une des cibles principales des traitements anti-angiogéniques, une nouvelle stratégie thérapeutique qui connaît actuellement un essor majeur en cancérologie [76] La famille VEGF Le VEGF (VEGF-A) est une glycoprotéine homodimérique dont le gène, cloné en 1989 [40, 32] comprend 8 exons et code une forme longue de 206 acides aminés. Par épissage alternatif des exons 6 et 7, plusieurs transcrits sont générés et les peptides produits diffèrent par leur capacité de liaison à l’héparine et aux protéoglycanes de type héparane sulfate, composants de la matrice extra-cellulaire. On distingue les isoformes 189, 183, 165, 148, 145, 121, d’après le nombre d’acides aminés de la protéine mature prédite, auxquelles s’est ajouté récemment le VEGF 162 [37] . Une isoforme particulière, le VEGF165b ne possède pas d’exon 8, remplacé par un 9ème exon potentiel [5] (Figure 2). Les formes surexprimées dans les processus d’angiogenèse physiologique aussi bien que pathologique sont les VEGF 121, 165 et 189. Les homodimères de VEGF 189 sont retrouvés essentiellement attachés à la matrice extra-cellulaire, alors que les formes 121 et 165 sont solubles. Le VEGF 165 cependant partiellement lié à la matrice extracellulaire et à la membrane cytoplasmique apparaît prédominant aussi bien d’un point de vue quantitatif que fonctionnel. Dans les CCR, la co-expression des transcrits 121, 165 et 189 est associée aux stades T3-T4 et à la densité en micro vaisseaux [80]. De plus, il est intéressant de noter que le VEGF165b, dont l’expression est associée à une croissance tumorale lente, correspondrait à une isoforme inhibant l’activité du VEGF 165 [84]. Le transcrit 165b a été retrouvé sous–exprimé dans les tumeurs rénales [5]. L’altération de la régulation de l’épissage du VEGF pourrait donc être un phénomène important dans l’évolution spontanée d’une tumeur dont l’implication dans la physiopathologie du cancer rénal reste à préciser. D’autre part, il apparaît que les formes mesurables dans le sérum ne reflètent pas exactement les différentes formes du 1022 P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029 Production de VEGF et mécanismes moléculaires de régulation de l’expression du VEGF L’expression du VEGF est contrôlée par des mécanismes de régulation complexes, dans lesquels interviennent de nombreux facteurs comme les cytokines , les facteurs de croissance et les hormones [53]. La surproduction de VEGF retrouvée dans les tumeurs peut être rattachée à plusieurs mécanismes auxquels participe le facteur HIF [54] L’hypoxie Figure 3. Les récepteurs VEGF et leurs ligands respectifs. La liaison des ligands au récepteur transmembranaire active sa dimérisation et la transduction du signal. VEGFR2 est essentiel pour la prolifération des cellules endothéliales sanguines tumorales alors que VEGFR3 médie la prolifération des vaisseaux lymphatiques. Le rôle de VEGFR1 dans l’angiogenèse tumorale est mal défini. VEGF actives dans un tissu. Enfin, des modulateurs de la biodisponibilité du VEGF sont identifiés régulièrement, ainsi une métalloprotéase, ADAMTS1, est capable de se lier directement au VEGF 165 et de le séquestrer [45]. Deux autres membres de la famille VEGF ont un rôle important dans l’angiogenèse tumorale ; Il s’agit du VEGF-C [31] et du VEGF-D [86]. Ces deux molécules sont liées structurellement et fonctionnellement ; elles diffèrent toutes deux du VEGF par la présence de propeptides à leurs extrémités, mais possèdent le domaine central d’homologie au VEGF (VHD) contenant la cystine knot motif caractéristique des membres de cette famille. La forme active, le VHD, naît du clivage des propeptides par des protéases extracellulaires inconnues à ce jour. L’expression du VEGF-C est stimulée par des facteurs de croissance tels que le PDGF et l’EGF mais pas par l’hypoxie. L’expression de ces facteurs dans des modèles cellulaires et animaux a bien montré leur implication dans l’extension métastatique [75] Les récepteurs VEGF Trois récepteurs spécifiques de la famille VEGF ont été identifiés VEGFR1 (Flt-1), VEGFR2 (KDR/FLK-1) et VEGFR3 (FLT4). Ce sont des récepteurs à activité tyrosine kinase. Le VEGFR 2 s’associe aux isoformes 121, 145 et 165 du VEGF, au VEGFC et au VEGF-D. Son rôle serait primordial dans la différenciation des cellules endothéliales [70]. Le VEGFR3 a pour ligand les VEGFs C et D (Figure 3). Le VEGFR2 est exprimé principalement à la surface des cellules endothéliales des vaisseaux sanguins et plus faiblement sur les lymphatiques [56, 87]. Le VEGFR3 est exprimé sur les vaisseaux lymphatiques et les vaisseaux sanguins tumoraux [46]. VEGFR3 a été corrélé positivement au VEGF-C dans des lysats de tumeurs rénales [4]. Un rôle dans l’angiogenèse et la lymphangiogenèse est maintenant clairement établi pour le VEGFR2 et le VEGFR3, respectivement. Bien que documentée dans certains types de tumeur, leur implication dans l’extension métastatique des cancers du rein reste à démontrer L’hypoxie des cellules les plus éloignées des vaisseaux sanguins stimule la production de VEGF par un mécanisme transcriptionnel, l’activation de la synthèse d’ARN messager par le facteur HIF et deux mécanismes traductionnels, aboutissant tous à une augmentation de la synthèse de protéine. L’un de ces mécanismes traductionnels passe par la stabilisation de l’ARN messager. Il nécessite la liaison d’un facteur protéique sur une portion déterminée de l’extrémité 3’ non traduite du transcrit (3’UTR) [10]. La protéine HuR a été identifiée comme l’un de ces facteurs [42]. Le deuxième mécanisme fait appel à l’extrémité 5’ non traduite du transcrit (5’UTR) et implique le codon d’initiation CUG. Ce codon serait utilisé préférentiellement dans des conditions de stress hypoxique, connues pour inhiber la traduction dépendante de la coiffe (Capdependent translation) initiée classiquement au codon AUG [77]. Une étude récente montre que, de façon surprenante, la nature du transcrit contrôlerait la reconnaissance du codon initiateur par la machinerie traductionnelle [8]. Ainsi en considérant les trois isoformes principales, la forme 121 n’est produite qu’à partir du CUG, la forme 165 à partir des codons de façon équivalente et la forme 189 à partir de l’AUG classique. Ceci suggère que l’hypoxie pourrait favoriser la production des isoformes solubles 121 et 165 par les cellules tumorales en activant la traduction des transcrits. Le gène suppresseur de tumeur VHL Dans les carcinomes à cellules rénales de type conventionnel, la perte de fonction de gène VHL est un mécanisme clef de l’angiogenèse tumorale potentialisant les effets de l’hypoxie sur le VEGF. Les conséquences des altérations du gène VHL sont de deux ordres: une activation de la transcription du gène VEGF due à l’expression constitutive du facteur HIF et la levée de l’inhibition du facteur de transcription Sp1 [52] et une stabilisation des transcrits VEGF[41]. Une étude très récente suggère que l’association de VHL à la protéine HuR favoriserait la dégradation des transcrits. A l’inverse, l’absence de VHL entraînerait comme l’hypoxie la stabilisation de l’ARN messager par fixation de HuR au 3’UTR[12] . La voie de signalisation Ras A coté de la perte de fonction du gène suppresseur de tumeur, l’activation de l’oncogène ras, telle qu’elle a été montrée dans les cancers du rein[19, 81] pourrait stimuler la production de VEGF. Ras induirait la transcription du gène VEGF par la voie de la proteine kinase C z (PKC z). Raf aussi bien que la PI3-kinase pourraient conduire à l’activation de la PKC z [58]. Dans les tumeurs rénales, l’hypoxie, la perte de fonction de gène suppresseur de tumeurs comme VHL mais aussi PTEN [9] et l’activation oncogénique de voies de signalisation cellulaire sont impliquées dans la surexpression du VEGF. Les deux voies Raf-MAPK et PI3-AKT/mTOR seraient impliquées dans l’activation du VEGF, en coopérant avec HIF, dont l’activité est elle-même augmentée par ces voies de signalisation et l’hypoxie [51]. Il est toutefois important de considérer que ces mécanismes, démontrés in vitro, ne sont pas forcément 1023 P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029 effectifs in vivo au même stade du développement tumoral, ni dans les mêmes cellules. VEGF comme un marqueur circulant Nous avons vu combien la connaissance de la voie du VEGF aidait à la compréhension de la biologie des tumeurs. Le fait que le VEGF soit essentiel à la néovasculation tumorale et que les VEGF-C et D soient impliqués dans la survenue de métastases ganglionnaires en font des marqueurs pronostiques potentiels. La plupart des études sur l’expression du VEGF sont réalisées à partir des tumeurs rénales elles-mêmes, ce qui implique de disposer de tissu. Cependant à l’heure des traitements antiangiogéniques qui devraient bientôt être testés comme thérapeutique néo adjuvante dans les cancers du rein, définir l’intérêt et les limites du dosage de ces molécules comme marqueurs circulants est un enjeu important pour la prise en charge des patients. Deux aspects doivent être envisagés : les VEGFs comme marqueurs pronostiques pour sélectionner les patients pouvant bénéficier d’un traitement médical avant ou après l’intervention chirurgicale et la place de ces facteurs dans le suivi thérapeutique. Peu d’études de l’expression du VEGF dans les CCR sont disponibles ; elles portent sur les isoformes solubles 121 et 165 du VEGF. Une alternative consisterait à doser les récepteurs VEGFR2 solubles [15]. La concentration sérique du VEGF apparaît corrélée au pronostic dans des groupes prédéfinis par le grade et le stade [29]. La même équipe a montré une corrélation inverse entre le taux des transcrits et la concentration sérique de VEGF, avec une diminution des transcrits VEGF 121 dans les formes localement avancées par rapport aux formes métastatiques d’une part et aux formes localisées d’autre part [44]. Une telle diminution des taux de transcrits avait été également observée dans des carcinomes à cellules rénales à fort index mitotique [25]. Ce phénomène pourrait être lié à une activation de la traduction des formes 121 et 165 diminuant la 1/2 vie des ARN messagers et en particulier de l’isoforme 121. L’intérêt actuel pour le VEGF circulant vient également de l’observation inattendue, chez la souris portant un tumeur implantée, d’augmentation du VEGF plasmatique après traitement par un anticorps anti-VEGFR2 à une dose préalablement déterminée comme optimale. Bien que le mécanisme en soit non précisé, cette élévation rapide et transitoire pourrait servir de marqueur afin de déterminer chez les patients les doses optimales de tels traitements ciblés [7] PREMIERS RESULTATS CLINIQUES AVEC LES DROGUES ANTI-ANGIOGENIQUES DANS LE CANCER DU REIN METASTATIQUE Au moins 5 drogues majeures sont actuellement intensivement explorées dans le cancer du rein métastatique. Ces drogues ont d’abord été utilisées en seconde ligne après échec de l’immunothérapie. Les premiers résultats sont très prometteurs et les résultats de grandes études de phase III sont actuellement en attente. Un nombre considérable d’essais sont maintenant en cours ou planifiés en première ligne ou en combinaison. Les mécanismes d’actions de ces drogues sont résumées dans la Figure 4. Bevacizumab Le Bevacizumab est un anticorps monoclonal recombinant humanisé qui cible VEGF et reconnait toutes ses isoformes. Il a une demi-vie prolongée (17-21 djours). YANG a récemment rap- Figure 4. Résumé des mécanismes moléculaires responsables de l’angiogenèse et de la croissance tumorale. Les nouvelles molécules antiangiogéniques et leurs cibles sont indiquées à la fois sur les cellules endothéliales et tumorales. porté les résultats d’une étude de phase II randomisée comparant 40 patients avec une maladie réfractaire aux cytokines recevant un placébo avec 37 patients recevant 3 mg/kg de Bevacizumab et 39 patients recevant 10mg/kg de Bevacizumab [88]. Le temps médian de progression (4.8 mois) était significativement augmenté chez les patients reçevant une haute dose de Bevacizumab par rapport à ceux reçevant le placébo (2.5 mois) (p:0.001). Les probabilités à 4 et 8 mois de ne pas avoir de progression pour les patients reçevant la haute dose, la faible dose et le placébo étaient de 64%, 39%, et 20 % et de 30 %, 14 %, et 5%. L’essai a été stoppé du fait des différences de progression après analyse intermédiaire et les patients du groupe placébo ont été autorisés à passer dans le groupe Bevacizumab. Sans doute pour cette raison aucune différence de survie n’a pu être démontrée entre les groupes (13.3 vs 15.1 vs 15.5 mois). Le traitement était généralement bien toléré et les effets indésirables les plus généralement notés dans le groupe forte dose étaient : hypertension, malaise et protéinurie. Un grand nombre d’associations avec le Bevacizumab et d’autres molécules est actuellement étudié. Bien que le fait de cibler EGFR en monothérapie a en général été assez inefficace [13, 49], Hainsworth et al. ont récemment publié leurs résultats chez 63 patients avec un cancer du rein métastatique réfractaire reçevant Bevacizumab à 10 mg/kg IV toutes les 2 semaines et Erlotinib 150 mg per os chaque jour. Le traitement était généralement bien toléré, chez 25% des patients on obtenait une réponse objective et 61% des patients avaient une maladie stable à 8 semaines. Les taux de survie à 1 et 2 ans étaient respectivement de 78% et 44% [23]. Cependant en combinant des molécules bloquant VEGF, EGFR et PDGF avec Bevacizumab, Erlotinib et Imatinib chez 21 patients on n’obtenait que 9% de réponses partielles et 61% de maladie stable avec une toxicité accrue [24]. Ceci souligne les limites des associations même si le rationnel est bon. Deux essais de phase III sont actuellement en cours comparant Interféron-α ou Interféron a plus placebo et Interféron-α plus Bevacizumab (CALGB 90206 et BO17705) en première ligne. Finalement beaucoup d’autres associations avec Bevacizumab et d’autres drogues sont testées ou planifiés comme: haute dose d’IL-2, IL-2 sous cutanée, Sorafenib, Sunitinib et CCI-779. 1024 P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029 SU11248 (Sunitinib) Le Sunitinib est un inhibiteur de tyrosine kinase (TK). C’est une drogue administrée per-os avec des propriétés anti tumorales et antiangiogéniques en ciblant spécifiquement PDGFR, VEGFR, KIT and FLT3 [55, 79]. Récemment les résultats de deux études de phase 2 en seconde ligne thérapeutique ont été rapportés. Ces études incluaient 63 et 106 patients respectivement. Les principaux effets indésirables étaient: fatigue (38%, 28%), diarrhée (24%, 20%), nausées (19%, 13%) et stomatite (19,14%). Des anomalies biologiques de grade 3/4 comme neutropénie, anémie, thrombocytopénie et hyperlipasémie étaient observés dans 13 et 16%, 10 et 6%, 0 et 6% et 21 et17% dans les 2 essais respectivement. Les taux de réponse mesurés par les critères RECIST n’avaient jamais été observés auparavant en seconde ligne dans l’ère de l’immunothérapie. Les taux de réponse objective étaient de 40 et 44% et les taux de stabilisation de la maladie au delà de 3 mois étaient de 28 et 23% respectivement. Au total 66% des patients étaient considérés comme ayant un bénéfice clinique du traitement. Les temps médian de progression étaient de 8.7 et 8.1 mois respectivement. La médiane de survie était de 16.4 mois dans le premier groupe alors qu’elle n’était pas atteinte dans le second protocole plus récemment initié [50]. Une étude de phase III comparant Sunitinib versus Interféron-α en première ligne a été récemment terminée. Les résultats seront disponibles rapidement. Un nombre impressionnant d’études cliniques également en situation métastatique en association avec le Sunitinib sont soit planifiées soit déjà ouvertes; les molécules associées sont: Gefitinib, Bevacizumab, Gemcitabine, Capecitabine, Interféron. BAY 43-9006 (Sorafenib) Le Sorafenib est également un inhibiteur de tyrosine kinase. Une efficacité a été prouvée dans des modèles animaux de xénogreffe humaine. On pensait initialement que le Sorafenib était un inhibiteur de Raf-1 seronine/threonine kinase mais ultérieurement une activité contre B-Raf et d’autres récepteurs tyrosine kinase a été démontrée: VEGFR-2, PDGFR, FLT-3 et c-Kit [82, 83]. Après qu’il ait été établi au cours d’essais de phase I que la dose bi-journalière de 400 mg per os était la posologie recommandée [78], 2 études de phase II ont montré une activité significative de BAY 43-9006 dans le carcinome à cellules rénales. Parmi 397 patients ayant des tumeurs solides réfractaires aux thérapeutiques usuelles inclus dans un essai de phase II, on obtenait 42% de réponse objective et 50% de stabilisation chez 89 patients avec des carcinomes à cellules rénales métastatiques [62]. De la même façon dans un essai de phase II incluant 41 patients porteurs d’un CCR, AHMAD rapportait un taux de réponse objective de 40% et 30% de stabilisation [1]. Un essai de phase III comparant Sorafenib et un placébo après échec d’une première ligne thérapeutique a été récemment terminé chez 905 patients. Le recrutement s’est terminé en février 2005 et des résultats préliminaires sont disponibles chez 769 patients [16]. Une modification de dose a été nécessaire chez 25% des patients sous Sorafenib dont 78% pour effet indésirable mais un arrêt du traitement qui survenait dans 38% des cas était du à des effets indésirables uniquement dans 9% des cas. Les effets indésirables les plus fréquents étaient: rash cutané ou desquamation (31%), diarrhée (30%), syndrôme pied-main (26%), fatigue (18%). Une hypertension (8%) ou une neuropathie(9%) étaient plus rarement notés. Aucune toxicité significative hématologique ou biochimique n’était relevée. Une réponse partielle était obtenue dans 2% des cas mais une stabilisation était obtenue dans 78% des cas résultant en un bénéfice clinique de 80%. Ceci se comparait à 0% de réponse et 55% de stablisation dans le groupe placébo. Le temps médian de survie sans progression était de 24 semaines dans le bras Sorafenib comparé à 12 semaines dans le bras placébo (p<0.000001). Les résultats concernant la survie sont en attente. Un essai de première ligne est maintenant en cours comparant BAY-9005 et Interféron α2a. CCI-779 (Temsirolimus) Le CCI-779 est un inhibiteur spécifique de mTOR qui est une serine/threonine kinase jouant un rôle clé dans la régulation du cycle cellulaire. mTor est un effecteur d’aval des voies phosphatidylinositol-3-kinase (PI3K) et Akt [20]. PTEN est un gène supresseur des tumeurs qui est fréquemment inactivé dans les CCR et qui contrôle les activités Akt et mTor[14]. De manière intéressante l’activation de mTor induit une élévation de HIF1-α particulièrement dans les tumeurs défectives en VHL [26]. Dans des études de phase I, les effets indésirables les plus communs de CCI-779 étaient: acnée, rashs cutanés, mucosite, stomatite, asthénie et nausées [63]. Récemment une étude de phase II incluant 111 patients avec CCR métastatiques qui étaient en échec d’une première ligne de traitement, Atkins et al. ont trouvé des réponse mineures et partielles dans 7% et 26% des cas alors que le bénéfice clinique global était de 51%. Le temps médian de progression était de 5.8 mois et la durée de survie médiane était de 15 mois. 26% des patients étaient vivants à 2 ans [3]. Dans une étude de phase I évaluant l’association de Temsirolimus et d’Interféron-α chez 71 patients avec un CCR avançé, la dose maximale tolérée était de 15 mg donnée 1 fois par semaine et de 6MU d’ Interféron-α donné 3 fois par semaine. Le taux de réponse objective était de 11%, le taux de bénéfice clinique global était de 41% et le temps médian avant progression était de 9.1 mois [72]. Finalement une étude de phase III a été initiée chez les patients de mauvais pronostic comparant l’Interféron-α seul, Temsirolimus seul et l’association des 2 drogues. AG013736 L’AG013736 est un inhibiteur de tyrosine kinase qui cible VEGFR1, 2, 3, PDGFR-B et c-Kit. Dans une étude de phase I évaluant 36 patients dont 6 CCR les principales toxicités observées étaient: hypertension (61%), fatigue (28%), nausées (19%), diarrhée (17%), vomissements (14%), céphalées (14%), érythème (11%) et stomatite (11%)[66]. Dans un essai de phase II incluant 52 patients avec CCR métastatique, une dose orale de 5 mg de AG013736 était donnée de manière bi-quotidienne et continue jusqu’à progression ou toxicité inacceptable. Tous les patients avaient reçu précédemment une immunothérapie à base d’IL-2 ou d’Interféron. Des taux de réponse partielle de 46% associés à un taux de stabilisation de 40% résultait en un taux impressionnant de 86% de bénéfice clinique. Les traitement étaient interrompus dans 54% des cas mais seulement dans 12% des cas pour une toxicité [64]. Des images de perfusion dynamique étaient en faveur d’une efficacité liée à la réduction de la perfusion vasculaire de la tumeur [65]. Une étude de seconde ligne en monothérapie avec AG013736 chez les patients réfractaires au Sorafenib est prévue. PERSPECTIVES : LE ROLE DE L’UROLOGUE DANS CETTE NOUVELLE ERE THERAPEUTIQUE Bien que les premiers résultats de thérapeutiques anti-angiogéniques soient très prometteurs dans le cancer du rein métastatique, d’innombrables questions restent posées. La liste non exhaustive comprend: l’impact de ces drogues sur la survie et sur la qualité de 1025 P. Fergelot et coll., Progrès en Urologie (2005), 15, 1020-1029 vie, la molécule la plus active en première ligne, la place des thérapeutiques combinées, le type de combinaisons qui sont synergiques, la place de l’immunothérapie, le protocole le plus efficace en seconde ligne, les mécanismes de résistance aux traitements antiangiogéniques, les modalités d’évaluation de la réponse (imagerie dynamique, biologie, génomique), la nécessité de développer de nouveaux types d’essais pour évaluer l’efficacité de ces drogues et finalement la toxicité de ces drogues quand elles sont données de manière chronique. En situation métastatique urologues et oncologues médicaux doivent établir un partenariat équilibré. En particulier les urologues doivent apprendre des oncologues le maniement de ces drogues et la gestion des complications spécifiques qui sont généralement tout à fait modérées comme: fatigue, rash, diarrhée, hypertension et protéinurie. De plus, des questions spécifiquement chirurgicales dans cette nouvelle ère doivent être revisitées par les urologues comme: la place et la chronologie de la néphrectomie, la place et la chronologie de la chirurgie des métastastases, le rôle des traitements néo-adjuvants dans les lésions localement avançées et métastatiques et la place de la chirurgie pour prévenir les complications dues à la nécrose postthérapeutiques des lésions tumorales. Enfin de manière encore plus importante le rôle de l’urologue doit être essentiel dans la conception, la mise en place et l’évaluation des essais de traitements adjuvants. Les urologues travaillent depuis de nombreuses années sur les facteurs pronostiques propres à identifier les patients à risque et ces algorithmes vont se révéler particulièrement utiles pour la sélection des patients [17, 60]. A ce jour une seule étude randomisée a montré l’efficacité d’un traitement adjuvant fondé sur une stratégie vaccinale à prévenir la progression dans les tumeurs localement avançées [30]. Récemment la première partie d’un essai international de phase III fondée sur un protocole de vaccination à base de “Heat Shock proteins” a été terminée: 818 patients avec des tumeurs T1b, T2 G3-G4, T3a-c, T4N0M0 et N1-2M0, ont été randomisés entre vaccin et surveillance. Les résultats sont en attente. Actuellement un autre essai international randomisé compare un anticorps monoclonal anti-G250 (CaIX) et un placébo dans les tumeurs localisées à risques. C’est le seul protocole de traitement adjuvant multicentrique actuellement disponible en France. Finalement les drogues anti-angiogéniques vont naturellement être testées en situation adjuvante. Une étude nord américaine de phase III est prévue qui va comparer chez les patients opérés d’une tumeur à risque: le Sunitinib, le Sorafenib et un placebo (ECOG 2805). Le premier objectif sera l’analyse de la survie sans récidive. Un total de 1332 patients est prévu. Une autre étude de III internationale à laquelle la France doit participer est également prévue autour d’un traitement adjuvant par Sorafenib. Il est prévu que le premier patient soit inclus à l’automne 2006. C’est une étude en double aveugle controlée comparant Sorefenib et placebo chez des patients opérés (Resected primary Renal Cell) à risque intermédiaire et élévé de récidive (SORCE). La stratification pronostique est faite à l’aide du système de la Mayo Clinic [39] fondé sur le Stade, la taille de la tumeur, le grade de Fuhrman et la nécrose tumorale, à chacune de ces variables étant attribué un score. C’est une étude à trois bras comprenant un bras placébo, un bras Sorafenib 1 an et placébo 2 ans et un bras Sorafenib durant 3 ans. La durée prévue de cette étude est de 8 ans et on attend que 1656 soient inclus. Incontestablement le traitement du cancer du rein entre dans une nouvelle ère et les urologues doivent prendre un part active dans ce changement. L’urologue aussi bien que l’oncologue doit connaitre les cibles moléculaires d’intérêt dans le cancer du rein et dans la plupart des essais qui explorent les questions qui se posent maintenant il doit participer en tant qu’investigateur. Si ces drogues sont validées, demain il en sera le prescripteur. Les essais adjuvants offrent à l’urologue une occasion unique d’entrer activement dans ce nouveau champ thérapeutique. Certes les techniques chirurgicales mini-invasives comparées aux techniques classiques sont à même d’améliorer à court terme la qualité de vie des patients mais le véritable enjeu est de trouver en cancérologie des traitements qui améliorent la durée de survie des patients. REFERENCES 1. AHMAD T., EISEN T. : Kinase Inhibition with BAY 43-9006 in Renal Cell Carcinoma. Clin Cancer Res, 2004 ; 10 : 6388S-6392. 2. ASO T., LANE W.S., CONAWAY J.W., CONAWAY R.C. : Elongin (SIII): a multisubunit regulator of elongation by RNA polymerase II. Science, 1995; 269 : 1439-1443. 3. ATKINS M.B., HIDALGO M., STADLER W.M., LOGAN T.F., DUTCHER J.P., HUDES G.R., PARK Y., LIOU S.H., MARSHALL B., BONI J.P., DUKART G., SHERMAN M.L. : Randomized phase II study of multiple dose levels of CCI-779, a novel mammalian target of rapamycin kinase inhibitor, in patients with advanced refractory renal cell carcinoma. J Clin Oncol, 2004 ; 22 : 909-918. 4. 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Candidate drugs currently target VEGF, VEGFR, PDGFR and tyrosine kinase receptors, which are necessary for intracellular signal transduction. The preliminary results of phase II trials in metastatic renal cancer, usually as second-line therapy, are very encouraging. The results of phase III trials will soon be available, but many studies are already evaluating these drugs either as first-line or in combination. Urologists have an opportunity to become familiar with these drugs by actively participating in trials of adjuvant therapy that will be initiated in the near future. Key-Words: Renal cell carcinoma, VHL gene, VEGF, angiogenesis inhibitors. ____________________ 1029