Institut Régional de Formation aux Métiers de la Rééducation et Réadaptation des Pays de la Loire 54, rue de la Baugerie 44230 SAINT-SEBASTIEN-SUR-LOIRE Prévention des fausses routes post réanimation Création d’un moyen de transmission Loïc Taureau Année scolaire 2011 – 2012 RÈGION DES PAYS DE LA LOIRE Résumé L’intubation ou la trachéotomie perturbent le fonctionnement du carrefour aérodigestif. Après extubation, des troubles de la déglutition, caractérisés par la présence de fausses routes, sont souvent retrouvés. Les fausses routes peuvent entrainer des conséquences pulmonaires dramatiques, or elles peuvent être évitées en grande partie par l’application de gestes simples. Le problème est soulevé à partir d’une constatation, que ces gestes ne sont pas toujours respectés, particulièrement lorsque les consignes de reprise alimentaire sont transmises oralement. Ce travail cherche donc, à partir de données fondamentales, à répertorier les consignes importantes ainsi qu’un moyen de les transmettre au reste du personnel soignant. Dans un second temps l’outil de transmission établis sera soumis à l’équipe soignante d’un service de réanimation par le biais d’un sondage. Mots clefs Prévention des fausses routes Pneumopathies Interdisciplinarité Transmission de l’information SOMMAIRE 1. Introduction ................................................................................................................................. 1 2. Constatation ................................................................................................................................ 1 2.1 Présentation du patient ................................................................................................................................ 1 2.2 Examen clinique de la déglutition le 12 septembre ....................................................................... 2 2.3 Reprise alimentaire ........................................................................................................................................ 2 3. Problématique ............................................................................................................................. 3 4. Hypothèse ..................................................................................................................................... 3 5. Données fondamentales ......................................................................................................... 4 5.1 Données relatives à la déglutition .............................................................................................. 4 5.2 Données concernant les fausses routes ................................................................................. 7 5.2.1 Classification des fausses routes ....................................................................................................... 7 5.2.2 Les conséquences des fausses routes : les pneumopathies d’inhalation .................... 9 5.3 Données relatives aux conséquences de la présence d’un corps étranger dans le carrefour aéro-digestif ......................................................................................................................... 10 5.3.1 Effets de la sonde d’intubation .......................................................................................................... 10 5.3.2 Effets de la sonde nasogastrique .................................................................................................... 11 5.3.3 Effets de la canule de trachéotomie ............................................................................................... 12 6. Création de l’outil de transmission ................................................................................. 13 6.1 Posture ............................................................................................................................................... 13 6.2 Position du soignant ..................................................................................................................... 14 6.3 Caractéristiques de l’aliment ingéré ....................................................................................... 14 6.4 Proposition d’une feuille de transmission ........................................................................... 15 7. Sondage auprès de l’équipe soignante ......................................................................... 19 7.1 Présentation du sondage ............................................................................................................ 19 7.2 Présentation des résultats .......................................................................................................... 20 7.2.1 La feuille est elle compréhensible ? ............................................................................................... 20 7.2.2 Si cette fiche était à votre disposition, l’utiliseriez-vous ? ................................................... 20 7.2.3 Quelle est la place la plus judicieuse pour cette feuille ? ................................................... 20 7.2.4 Remarques et suggestions du personnel soignant ................................................................ 21 7.3 Analyse des résultats ................................................................................................................... 21 8. Discussion ................................................................................................................................. 22 8.1 Critiques de la démarche ............................................................................................................ 22 8.2 Points positifs de la démarche ................................................................................................. 24 9. Conclusion ................................................................................................................................ 24 Références bibliographiques ................................................................................................... 25 1. Introduction L’intubation ou la trachéotomie associées à une sonde nasogastrique sont des moyens couramment utilisés dans les services de réanimation. Ces techniques sont utilisées afin de maintenir la fonction respiratoire et digestive chez les patients dont le pronostic vital est très engagé. Cette situation nécessaire à la survie du patient entraine cependant des conséquences sur le fonctionnement du carrefour aérodigestif. Très souvent l’on retrouve après extubation des perturbations dans le de la fonction de déglutition ; le plus souvent il est constaté un retard ou un non déclenchement du réflexe de déglutition associé à une perte du réflexe de toux. Lors de la reprise alimentaire par voie orale après extubation, ces perturbations risquent d’engendrer des fausses routes pouvant par la suite avoir des conséquences dramatiques au niveau pulmonaire (les pneumopathies). Ce travail part de l’observation d’un patient dont la reprise alimentaire s’est mal déroulée suite à son extubation de part un défaut de transmission de l’information au sein de l’équipe pluridisciplinaire. Ce travail cherche à soulever l’importance des consignes et des précautions spécifiques à appliquer lors de la reprise alimentaire du patient dysphagique ainsi qu’un moyen efficace de communiquer ces informations. 2. Constatation 2.1 Présentation du patient La reprise alimentaire observée concernera le cas de M. T. Suite à un accident vasculaire cérébrale ischémique sylvien gauche survenu en 2005, ce patient présente des troubles phasiques et respiratoires. Le 25 août 2011 M. T est hospitalisé au centre hospitalier Hôtel Dieu de Nantes, dans le service de réanimation médicale, suite à une crise convulsive généralisée. À son arrivée à l’hôpital M. T est intubé, son état de conscience étant fortement altéré, il restera intubé durant une période de 19 jours. 1 2.2 Examen clinique de la déglutition le 12 septembre M. T présentant un encombrement anormalement élevé à la salive, et ayant été intubé sur une longue période, un bilan de la fonction de déglutition à été demandé aux kinésithérapeutes suite à son extubation le 12 septembre. Dans la matinée un premier bilan est effectué par les kinésithérapeutes, mettant en évidence un risque de fausse route silencieuse (absence de toux) en effet, suite à l’introduction d’eau dans la bouche de M. T, il présente un réflexe de mastication et nécessite plusieurs réflexes de déglutitions pour avaler. Il est constaté de plus un défaut d’élévation du larynx lors du réflexe de déglutition (l’ascension du cartilage thyroïde est retardée et se fait avec difficulté). L’hypothèse est émise que M.T présente un déficit des mécanismes de protection des voies aériennes. Il y a donc un risque de fausse route par éparpillement ou fuite du bolus alimentaire pré déglutition ainsi qu’un risque de fausse route per déglutition par défaut de protection de la trachée. Le réflexe de toux étant abolit chez ce patient, les fausses routes risquent alors d’être silencieuses et par conséquent, particulièrement dangereuses. Lors de ce test il est positionné assis avec la tête en flexion. La consigne est transmise oralement au médecin de ne rien donner au patient avant que la consistance alimentaire optimale ne soit établie à la suite d’un bilan de reprise alimentaire en début d’après midi. 2.3 Reprise alimentaire Lors du retour de l’équipe de kinésithérapeutes dans la chambre de M.T, la consigne n’avait pas été suivie et une infirmière avait entrepris un essai alimentaire à l’eau gélifiée chez le patient alors alité en position demie assise. L’absence de toux chez M.T avait fait conclure à la praticienne une absence de fausse route. Quelques minutes après le début de reprise alimentaire la saturation du patient se mit à diminuer (initialement à 100% elle descendit aux alentours de 85%) la parole chez ce patient mit en évidence une voix mouillée, une fausse route est suspectée puis constatée en faisant tousser le patient. Après avoir désencombré M. T, l’équipe de kinésithérapeute a pu terminer son bilan et déterminer une consistance (à l’aide d’épaississant) ainsi qu’une position permettant de réduire les risques de fausses routes chez ce patient. 2 3. Problématique La présence d’une sonde d’intubation et d’une sonde nasogastrique, modifie le fonctionnement du carrefour aéro-digestif ce qui augmente considérablement les risques de fausses routes lors de la reprise alimentaire. Les fausses routes peuvent avoir des conséquences dramatiques et aller jusqu’à engager le pronostic vital (obstruction aérienne, infections pulmonaires). Or elles peuvent être en grande partie évitées par la mise en place de gestes simples : adaptation de la posture du patient, de la texture alimentaire, du volume déglutit ou de l’environnement, établies à la suite d’un bilan. Dans l’exemple présenté de reprise alimentaire c’est la consigne de ne rien donner à manger au patient qui n’a pas été respectée, cependant il n’est pas rare que les autres consignes concernant les textures et l’installation du patient ne soient pas appliquées. Bien souvent ces consignes sont transmises oralement ou par l’intermédiaire du dossier de soins et présentent le risque d’être perdues et non appliquées. Le problème soulevé est donc « Quelles informations sont à faire passer et comment les transmettre afin qu’elles soient appliquées ? » 4. Hypothèse L’hypothèse de départ est qu’un outil de transmission écrit et remplit par des professionnels formés, à la suite d’un bilan initial de la fonction de déglutition, réduirait considérablement les risques de fausses routes et les conséquences gravissimes qu’elles peuvent entrainer à la suite d’une extubation. La création d’une fiche de transmission contenant des informations relatives à la posture du patient, les textures et volumes alimentaires a donc été entreprise. L’idée est de rassembler des informations concrètes et fonctionnelles sur la façon de faire prendre un repas à un patient, et de les présenter de façon à ce qu’elles soient comprises et appliquées par n’importe qui. La place d’un tel document est particulièrement importante, car elle conditionne directement sa consultation par les membres de l’équipe soignante. L’hypothèse est émise que cette feuille serait d’avantage consultée et utilisée si elle était le plus proche possible du patient, c’est à dire directement affichée dans sa chambre. 3 5. Données fondamentales 5.1 Données relatives à la déglutition Le contenu de cet outil de transmission devra découler de la physiologie de la déglutition, la connaissance de certaines données fondamentales est donc nécessaire pour parvenir à la conception d’un tel outil. La déglutition permet l’alimentation, mais avant tout, la protection des voies aériennes en acheminant bolus alimentaire, salive et secrétions rhino-pharyngées vers l’estomac, en évitant tout passage vers la trachée. On parle du double rôle de la déglutition [1]. Ce phénomène est décomposé en deux phases successives : laryngo-pharyngée et œsophagienne, précédé d’un temps oral ainsi qu’une étape de mise en bouche pour l’alimentation. La phase orale est elle même divisée en deux temps : • Un premier préparatoire ayant pour but la constitution positionnement et d’un le bolus alimentaire (figure 1) La consistance alimentaire et reconnue, l’aliment est mastiqué, mélangé avec la salive afin de le transformer en un bolus alimentaire pouvant être dégluti. Ce dernier se trouve par la suite positionné au centre de la langue. Lors de cette phase la consistance alimentaire est particulièrement importante, si elle est trop fluide il y a un risque de fuite prématuré vers le pharynx, et par la suite de chute dans la trachée. Certaines textures alimentaires peu compactes peuvent aussi s’éparpiller et chuter de la même façon dans la trachée. En effet les cycles respiratoires étant maintenus durant ce premier temps, le larynx est en position ouverte et la moindre fuite ou le moindre éparpillement risquent de passer dans les voies respiratoires. 4 • un second temps de propulsion (figure 2) du bolus alimentaire : la pointe de la langue se positionne derrière les incisives, la langue s’ascensionne dans sa partie antérieure tandis qu’elle s’abaisse dans sa partie postérieure de façon à créer une pente dirigée vers l’oropharynx. Lors de cette phase, le voile du palais s’élève permettant le passage du bolus vers le pharynx d’une part, et la fermeture de l’accès au rhino-pharynx d’autre part [2]. La phase laryngo-pharyngée débute lorsque le bolus alimentaire atteint l’oropharynx, la stimulation par le bolus alimentaire de récepteurs spécifiques déclenche le réflexe de déglutition. Ce réflexe est déclenché par les stimulations tactiles, thermiques et chimiques de la partie postérieure de la langue, de l’oropharynx, des piliers antérieurs du voile du palais ainsi que la paroi postérieure du pharynx (zone de Wassilief). La température, la texture ainsi que le goût du bolus alimentaire déglutit sont donc particulièrement importants à ce moment car permettent la stimulation et le déclenchement du réflexe. Lors de cette phase l’extension cervicale augmentera le risque de fausse route en ouvrant les voies aériennes en cas de déficit des mécanismes de protection de la trachée. Le réflexe de déglutition sera précédé et accompagné d’une apnée inspiratoire qui se terminera à la fin de ce réflexe. Déroulement du réflexe de déglutition : Les muscles des parois postérieures et latérales du pharynx se contractent créant ainsi une augmentation de pression qui servira de moteur à la progression du bolus alimentaire. Lors de cette phase, l’élévation du voile du palais permet la fermeture du sphincter vélo-pharyngé (le cavum) empêchant ainsi les aliments de passer dans le rhino-pharynx; la fermeture du larynx (figure 3) permet la protection des voies aériennes par une bascule de l’épiglotte vers l’arrière et une adduction des cordes vocales; tandis que le sphincter 5 supérieur de l’œsophage s’ouvre laissant passer le bolus en direction de l’œsophage (début de la phase œsophagienne) (figure 4). Les secrétions ou le bolus alimentaire contournent alors l’orifice aérien en empruntant les sini piriformes (replis de part et d’autre du larynx se rejoignant en arrière pour former la paroi postérieur du pharynx). Ce phénomène est associé à un recul de la langue permettant par une action de piston d’aider la propulsion du bolus alimentaire. Ici aussi le volume et la texture alimentaire sont particulièrement importants, en effet plus la texture du bolus est visqueuse plus sa progression se fera lentement. On comprend donc que lorsque les mécanismes de protections des voies aériennes sont ralentis il faudra privilégier des textures épaisses. À contrario, lorsque le patient présente une faiblesse dans la propulsion du bolus ou dans l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage il faudra privilégier des textures fluides progressant plus vite. De même la position de la tête est à prendre en considération, bien souvent on considère qu’il faut favoriser la flexion cervicale, cependant lors des faiblesses de propulsion pharyngée, l’extension cervicale permet d’augmenter la vitesse de progression du bolus. Dans le cas d’hémiparésies laryngopharyngée nous verrons qu’une rotation de la tête côté parétique associé à une inclinaison côté sain permet de limiter les fausses routes. 6 La phase œsophagienne termine le processus, le bolus alimentaire entre dans l’œsophage par l’ouverture du sphincter supérieur (figure 5), et progresse sous l’action du péristaltisme jusqu’au sphincter inférieur de l’œsophage s’ouvrant et laissant ainsi passer le bolus dans l’estomac. La déglutition se termine par la reprise des cycles respiratoires (figure 6). 5.2 Données concernant les fausses routes Les fausses routes correspondent à un passage d’aliment, de salive, de sécrétions rhinopharyngées ou de contenu gastrique dans les voies aériennes. Elles peuvent être mises en évidences en induisant un réflexe de toux ou être asymptomatique (fausse route silencieuse). Il existe plusieurs types de fausses routes classées en fonction du moment de leur survenue, avec des étiologies différentes. Pour chaque étiologie la prise en charge préventive se trouve par conséquent différente. 5.2.1 Classification des fausses routes On distingue trois types de fausses routes : • Les fausses routes pré déglutition se produisent lors de la phase orale avant le déclenchement du réflexe de déglutition. Ce type de fausse route est le plus souvent causé par un manque d’étanchéité du sphincter glosso-vélique (situé entre le voile du palais et la base de la langue et empêchant en temps normal tout écoulement vers le pharynx lors de la phase orale) et est favorisé par l’extension cervicale et certaines textures alimentaires (fausses routes par 7 fuite liquidienne ou éparpillement intra buccal). Les aliments ou les secrétions tombent directement dans le larynx toujours en position ouverte sur un mode respiratoire. On comprend alors que avant la déglutition la flexion cervicale est à privilégier et l’extension à éviter. • Les fausses routes per déglutition se produisent pendant le réflexe de déglutition, elles sont le plus souvent causées par un défaut dans la fermeture du larynx. Par exemple dans une atteinte du nerf pneumogastrique entrainant une hémiparalysie pharyngo-laryngée, le liquide contenu dans le pharynx va passer directement dans l’hémi-larynx paralysé. Une rotation de la tête du côté paralysé associée à une inclinaison côté sain réduira les fausses routes, en effet la rotation de tête d’un côté va venir comprimer le sinus piriforme homolatéral et favoriser le passage des sécrétions ou du bolus côté controlatéral à la rotation ; l’inclinaison du côté sain permet de favoriser le passage côté homolatéral à l’inclinaison par action de la pesanteur [3]. Un réflexe de déglutition absent ou retardé peut aussi en être la cause (lorsque les zones réflexogènes sont altérées par exemple). Dans le cas d’un retard dans le déclenchement du réflexe, un épaississement de la texture déglutie permet de limiter le risque de fausse route en ralentissant la progression du bolus. Il est possible aussi d’augmenter la stimulation sur les zones réflexogènes en utilisant des liquides froids et des boissons gazeuses. • Les fausses routes post déglutition se produisent après le réflexe de déglutition lorsqu’il subsiste une stase alimentaire pharyngée, valléculaire (replis glosso-épiglotique), ou dans les sini piriformes, une partie du bolus alimentaire non dégluti présente le risque d’être aspiré dans les voies aériennes lors de la reprise inspiratoire. Ce type de fausse route est favorisé par des bolus alimentaires épais dont la progression est ralentie. Des fausses routes post déglutition sont aussi possibles lorsque le sphincter supérieur de l’œsophage présente un défaut d’ouverture. Dans ce cas, il faudra accélérer et faciliter le passage du bolus en utilisant l’extension cervicale et des textures fluides. 8 5.2.2 Les conséquences des fausses routes : les pneumopathies d’inhalation Les principales conséquences des fausses routes par inhalation sont pulmonaires : l’obstruction aérienne, les pneumopathies chimiques et les infections pleuropulmonaires. Des complications non pulmonaires peuvent aussi survenir et se surajouter au tableau clinique : dénutrition, déshydratation et phobie de l’alimentation. L’obstruction aérienne : le tableau clinique varie en fonction de la matière inhalée, en général l’obstruction des voies respiratoires se caractérise par un bruit anormal aiguë lors de la respiration (stridor), une difficulté à l’alimentation (dysphagie) et une dyspnée avec diminution de la saturation en oxygène du patient. En cas d’obstruction par un produit radio transparent la fibroscopie sera alors nécessaire pour confirmer le diagnostic. Les pneumopathies chimiques : surviennent le plus souvent suite à l’inhalation du contenu gastrique et entraine une atteinte alvéolaire et septale. Les pneumopathies chimiques se caractérisent par une dyspnée accompagnée de toux et de sibilants. Elles se compliquent dans plus de 25% des cas d’une surinfection avec 40% de mortalité. Les infections pleuropulmonaires secondaires à des fausses routes par inhalations peuvent entrainer une dilatation des bronches, des emphysèmes, et se compliquer d’abcès pulmonaires allant même jusqu’à la nécrose. En réanimation ses pathologies pulmonaires sont particulièrement redoutées de part le danger qu’elles représentent alors que dans de nombreux cas une surveillance des repas et la mise en application de gestes simples suffit à diminuer leur incidence. On comprend donc que la fonction première de la déglutition est bien la protection des voies aériennes, et que les troubles de cette fonction peuvent avoir des conséquences dramatique et entrainer le décès de patients, d’où l’importance de la transmission des informations permettant la réduction de ce risque. 9 5.3 Données relatives aux conséquences de la présence d’un corps étranger dans le carrefour aéro-digestif Le carrefour aéro-digestif est une région anatomique assurant les rôles vitaux de la respiration et de la déglutition. Lorsque le pronostic vital est très engagé et que le patient ne parvient plus à maintenir sa fonction respiratoire, il peut arriver qu’il soit nécessaire de l’intuber afin de mettre en place une ventilation mécanique. Il existe trois voies d’intubation : naso-trachéale, oro-trachéale et sous-mentale (cette dernière, plus rare, est principalement pratiquée pour éviter la cicatrice d’une trachéotomie classique). Lorsque la ventilation mécanique doit se poursuivre sur une durée supérieure à une semaine (dans le cas d’une tétraplégie avec paralysie du diaphragme par exemple) il est nécessaire de mettre en place une trachéotomie. L’intubation et la trachéotomie perturbant l’alimentation par voie orale, il est souvent ajouté à ce dispositif une sonde nasogastrique permettant le maintient de la fonction digestive. Cette situation nécessaire à la survie du patient risque néanmoins de venir perturber le déroulement de la déglutition une fois le matériel retiré. Les modifications les plus souvent rencontrées sont le retard dans le déclenchement du réflexe de déglutition, un défaut dans l’élévation du larynx et une perte d’efficacité de la toux. 5.3.1 Effets de la sonde d’intubation La voie d’intubation la plus utilisée est la voie oro-trachéale. La sonde est introduite par la bouche, passe en arrière de la langue, entre les cordes vocales puis dans la trachée, en arrière du cartilage thyroïde et en avant des cartilages aryténoïdes (figure 7 et 8). Elle peut perturber le déroulement de la déglutition par atteinte directe du plan glottique : • par luxation aryténoïdienne lorsque l’intubation a été traumatique • par atteinte inflammatoire de l’articulation crico-aryténoïdienne • par synéchie inter aryténoïdienne, cet à dire une adhérence cicatricielle 10 Ce type d’atteinte entraine une immobilité des cordes vocales et une diminution de la capacité de fermeture du larynx avec un risque de fausse route accru. La sonde d’intubation étant placée au contact des zones de déclenchement du réflexe de déglutition, elle va aussi entrainer des troubles de la déglutition sans lésion laryngée. En effet l’altération de récepteurs situés au contact de la sonde ainsi qu’une augmentation du seuil de perception à tout corps étranger, causé par une habituation de l’organisme à la présence de la sonde, pourrait expliquer un retard dans le réflexe de déglutition ainsi qu’une absence du réflexe de toux [4]. Ces effets ont été étudiés et mis en évidence pour des intubations prolongées, c’est à dire dont la durée minimale doit être supérieure à 24 ou 48 heures. 5.3.2 Effets de la sonde nasogastrique La sonde nasogastrique est un moyen largement utilisé pour permettre la nutrition du patient lorsque ce dernier est intubé. Elle est introduite par voie nasale, se courbe au niveau du nasopharynx, descend dans le carrefour aéro-digestif et passe dans l’œsophage en arrière des cartilages aryténoïdiens et cricoïde (Figure 9) avant de se terminer dans l’estomac. Elle peut cependant entrainer des lésions locales comme par exemple un œdème de la muqueuse aryténoïdienne comblant les sini piriformes (Figure 10). Cet œdème va augmenter le risque de stase alimentaire pouvant être inhalée par la suite, de plus il diminue la perception des aliments et des sécrétions dans la partie basse du pharynx ce qui retarde le déclenchement du réflexe de déglutition. Mis à 11 part l’œdème, la sonde nasogastrique peut entrainer un ensemble de lésions regroupées sous le nom de « nasogastric tube syndrom » [5] (artrite crico- aryténoïdienne , paralysie des muscles crico-aryténoïdiens postérieurs, ischémie, chondrite et nécrose du cartilage cricoïde) entrainant une diplégie du larynx avec risque de fausse route accru. Ces lésions sont favorisées par une position médiale de la sonde nasogastrique (inter aryténoïdienne) plutôt que latérale dans le sinus piriforme. Tout comme la sonde d’intubation, la sonde nasogastrique entraine une élévation du seuil de perception pharyngé entrainant un retard dans le déclenchement du réflexe de déglutition, augmentant les risques de fausses routes per déglutition. De plus la sonde nasogastrique entraine une hyper salivation difficilement déglutie par le patient. Elle favoriserait de même le reflux gastro-œsophagien et œsophagopharyngé en perturbant les mécanismes d’ouverture et de fermeture des sphincters supérieur et inferieur de l’œsophage [6]. Ce reflux pourrait aggraver l’œdème ainsi qu’entrainer des pneumopathies. 5.3.3 Effets de la canule de trachéotomie La canule de trachéotomie est placée entre le larynx et le sternum (figure 11). La présence de cette canule diminuerait l’amplitude lors de l’élévation du larynx pendant la phase pharyngée de la déglutition en fixant la trachée vers l’avant. Cette diminution d’amplitude entrainerait une moins bonne protection des voies aériennes [7]. En outre, la présence entrainerait d’un une ballonnet compression gonflé de l’œsophage pouvant gêner l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage. 12 D’après une étude réalisée par Buckwalter [8] sur des chiens trachéotomisés en 1986, la trachéotomie perturberait le réflexe de fermeture glottique du fait de l’absence de résistance ventilatoire. En effet l’absence de flux aérien trans-laryngé entrainerait une désafférentation du larynx qui perturberait le réflexe de fermeture glottique. L’absence de pression sous glottique diminuerait aussi l’élévation du larynx ce qui rend la propulsion pharyngée moins efficace [9]. Cette absence de pression entraine par ailleurs une diminution de la force de toux qui devient alors moins efficace en cas de fausse route. Les patients trachéotomisés ont une phase expiratoire plus courte et présentent donc un risque plus important d’inhalation lors de la reprise inspiratoire. Les troubles entrainés au niveau du carrefour aéro-digestif par l’intubation, la trachéotomie ainsi que la sonde d’intubation sont variés. Leur mise en évidence nécessitera un examen minutieux par un professionnel formé. En fonction du trouble rencontré la prise en charge palliative sera différente. 6. Création de l’outil de transmission Comme nous l’avons vu précédemment, la position du patient, ainsi que les caractéristiques du bolus ingéré au cours du repas vont influencer le déroulement de la déglutition. Si ces paramètres sont bien choisis, ils permettent de réduire le risque de fausse route lors de la prise alimentaire. Nous avons vu qu’il n’existait pas de solution stéréotypée, chaque trouble de la déglutition va avoir des solutions palliatives différentes. Nous allons donc chercher dans cette partie, les différents éléments qui devront êtres transmis au reste de l’équipe soignante, ainsi que le moyen de les transmettre de la façon la plus pertinente possible. 6.1 Posture Comme nous l’avons vu, la position de la tête et du tronc influent sur la déglutition et peuvent gêner ou faciliter ce phénomène. De façon générale l’extension cervicale étire et plaque le larynx contre les corps vertébraux ce qui gêne l’ouverture du sphincter supérieur de l’œsophage et favorise les fausses routes alimentaires. À contrario la flexion rapproche l’épiglotte de la langue ce qui ferme les voies aériennes et favorise le passage du bolus alimentaire dans l’œsophage [10]. Dans la majorité des cas, la position la plus favorable pour une déglutition sans fausse route sera la 13 position assise avec une flexion du rachis cervical. Cependant dans certains cas, lorsque les mécanismes de propulsion sont déficitaires par exemple, l’extension cervicale augmente la vitesse de progression du bolus alimentaire et minimise ainsi le risque de fausse route par stase. La rotation du rachis cervical est aussi à prendre en compte lors des hémiparésies pharyngo-laryngées touchant les sini piriformes par exemple (qui peuvent être causées comme nous l’avons vu précédemment par l’intubation et la sonde nasogastrique). Dans ce cas la rotation cervicale du côté parétique associé à l’inclinaison côté sain favorise l’écoulement du côté sain ce qui diminue le risque de passage dans la trachée. 6.2 Position du soignant Lorsque le patient n’est pas autonome pour la prise des repas et nécessite l’aide d’un soignant, la position de ce dernier est importante. Il doit pouvoir présenter la cuillère vers la bouche au dessous de la ligne de regard du patient. Les aliments doivent par la suite être introduits de façon horizontale dans la bouche (la cuillère ne devra donc pas être levée) de façon à éviter une extension de la tête du patient. Une légère pression de la cuillère contre la langue stimule la fermeture de la bouche et le phénomène de déglutition. Par la suite le soignant devra éviter de récupérer des aliments bavés en frottant la cuillère contre le menton car cela stimule l’ouverture de la bouche et l’extension cervicale. Lors de la déglutition l’ascension du larynx peut être contrôlée manuellement par une palpation du cartilage thyroïde. À la fin du repas la vérification des signes de fausse route par le soignant est indispensable [11]. 6.3 Caractéristiques de l’aliment ingéré La texture Plus le bolus alimentaire est visqueux et épais, plus le temps buccal et pharyngé sera long. Lorsque le réflexe de déglutition et la fermeture du larynx sont ralentis, la texture du bolus alimentaire peut être épaissie de façon à ralentir sa progression et ainsi éviter son passage vers les voies aériennes. Dans les cas d’une diminution de la force de propulsion du bolus alimentaire, il faudra au contraire fluidifier l’aliment de façon à accélérer sa descente derrière la langue et dans le pharynx sans engendrer d’accumulation de résidus alimentaire lesquels pourraient, par la suite être aspirés par les voies aériennes lors de la reprise inspiratoire [12]. 14 Le volume Après le réflexe de déglutition, lorsqu’une partie du bolus alimentaire ne passe pas dans l’œsophage (déficit d’ouverture du sphincter ou de la force de propulsion) une stase pharyngée peut se produire risquant par la suite de déborder dans le larynx à la reprise respiratoire. Plus le volume à déglutir est important plus le risque de stase alimentaire pharyngé est grand [12]. Le goût et la température Le goût et la température peuvent moduler le seuil de déclenchement du réflexe de déglutition. Une étude menée en 1994 [13] met notamment en évidence une diminution du temps de déclenchement du réflexe de déglutition lors de l’utilisation de bolus froids lorsque la sensibilité pharyngée est altérée. Cette diminution est mise en évidence pour des bolus de faible volume car ils sont moins bien perçus en cas de diminution de sensibilité que les bolus de volume important. L’interprétation de ce résultat étant que, les bolus de grand volume entrainent une stimulation sensorielle plus importante et, qu’une diminution de température pour ce même bolus ne permet pas de stimuler d’avantage le déclenchement du réflexe de déglutition. 6.4 Proposition d’une feuille de transmission Dans son article sur les voies aériennes supérieures après extubation, Mme De Chavigny [14] soulève l’importance de la transmission de consignes de façon écrite non seulement à l’équipe soignante, mais aussi à la famille en proposant une pancarte avec les différentes consignes inscrites à l’entrée de la chambre du patient. De même, le centre hospitalier Notre Dame et Reine Fabiola proposent un avertissement mural sous forme de fiche (Figure 12) accompagné d’une feuille de consignes plus détaillées (figure 13), adaptable pour chaque patient, se trouvant dans le dossier infirmier du patient. (Ces documents sont tirés du livre de Didier Bleeckx" Dysphagie évaluation rééducation des troubles de la déglutition" [15]) 15 L’inconvénient des pancartes proposées par Mme De Chavigny et par le service de médecine interne de Reine Fabiola est qu’elles se contentent de consignes trop vagues et risquent d’induire le personnel ou la famille en erreur. En effet dans les deux cas on peut lire « fléchir la tête » et « épaissir les liquides », or comme nous l’avons vu précédemment, bien que la flexion de tête et l’épaississement des liquides soit le plus souvent nécessaires, certains cas nécessitent au contraire, des textures fluides et une posture d’extension (lors des défauts de propulsion par exemple). En revanche la deuxième feuille proposée à Reine Fabiola est très intéressante car elle offre la possibilité d’être adaptée au cas par cas, pour chaque trouble de déglutition rencontré. Cependant cette feuille ne parle pas des postures d’extension, ou des volumes conseillés pour l’alimentation. 16 Pour les raisons évoquées précédemment, le support de transmission choisi est la feuille de transmission. Cette feuille doit contenir des informations sur la position du patient ainsi que sur les textures et les volumes alimentaires, qui peuvent être adaptés pour chaque patient en fonction de leurs déficits de structures et / ou de fonctions. Étant donné que chaque texture et volume ont leur indication propre (en effet un patient peut très bien faire des fausses routes avec des aliments épais et volumineux alors qu’il en sera autrement pour un autre patient), il a été convenu de représenter les données « Textures » et « Quantités » dans un tableau avec des cases à remplir par OUI ou NON (Tableau 1). Dates : liquide Eau épaississement 1 Epaississement 2 Eau gélifiée Textures Compote / Yaourt Aliments mixés moulinés morceaux 1/2 cuillère à café Quantités pour l'eau 1 cuillère à café 1 cuillère à soupe 1 gorgée au verre Tableau 1 : textures et quantités Ces textures et quantités sont basées sur le test de capacité fonctionnelle de la déglutition de Bordeaux établie par M. Guatterie et V. Lozano [16] [Annexe 1]. Les textures pour l’eau on cependant été modifiées : dans le test initial l’eau est épaissie à l’aide de compote alors que dans le service il était utilisé de l’épaississant en poudre. 17 En ce qui concerne la position du sujet, il a été choisi de la représenter par un schéma du patient assis avec la tête en légère flexion (figure 14) car il s’agit de la position permettant d’éviter le plus souvent le risque de fausse route. Ce schéma est donc placé sur la feuille, à gauche du tableau sur les textures et quantités. La feuille comportera un champ « commentaires » de façon à préciser si la position doit être adaptée par des postures d’extension ou de rotation, de cette manière la feuille n’est pas surchargée de multiples schémas présentant diverses positions du patient. Ce champ peut être utilisé pour préciser d’autres commentaires : « ne pas oublier de mettre le dentier au patient » par exemple, ou bien « ne donner que des liquides froids au patient » À la fin de la feuille de transmission sont rappelés les signes de fausses routes pouvant être observés lorsque le réflexe de toux est aboli : déglutitions répétées, voix mouillée, dyspnée et désaturation. Cette feuille (figure 15) est remplie par le masseur kinésithérapeute du service de réanimation à la suite d’un examen clinique analytique de la déglutition, ainsi qu’un test de la capacité fonctionnelle de la déglutition de Bordeaux, visant à déterminer les textures et quantités pouvant être ingérées sans fausse route par le patient. Le praticien remplit ensuite la feuille en inscrivant OUI ou NON dans les différentes 18 cases. La case commentaire permet de préciser des éventuelles spécificités (postures, adaptation de la température, aide technique nécessaire). 7. Sondage auprès de l’équipe soignante 7.1 Présentation du sondage Afin d’évaluer la pertinence de l’outil ainsi crée, un sondage a été entrepris dans le service de réanimation médicale de l’hôpital Hôtel Dieu de Nantes. Un exemple de la feuille de transmission a été distribué à tous les membres de l’équipe soignante, accompagné d’un questionnaire à choix multiple portant sur l’utilité et la compréhensibilité de l’outil, ainsi que sur la place la plus judicieuse de ce document : dans le dossier du patient ou bien sur le tableau blanc dans la chambre du patient. Une autre question a été posée concernant la fonction au sein de l’équipe de la personne interrogée afin de faciliter l’analyse des résultats. 19 7.2 Présentation des résultats Sur cinquante questionnaires distribués vingt trois sont revenus 7.2.1 La feuille est elle compréhensible ? La feuille est compréhensible pour 87% du service (20 personnes), les médecins la trouvent compréhensible pour 88% d’entre (7 sur 8) eux, les infirmières à 100% (10) et les Non 13% Oui 87% aides soignants à 60% (3 sur 5) 7.2.2 Si cette fiche était à votre disposition, l’utiliseriez-vous ? La question porte ici sur l’utilisation de la feuille de transmission pour adapter la prise des repas et en aucun cas sur le remplissage des cases, lequel sera effectué Non 13% Oui 87% par des professionnels formés. La feuille semble utilisable pour 87% du service (20 personnes), pour 88% des médecins, (7 sur 8) 100% des infirmières (10) et 60% des aides soignants (3 sur 5). Dans ce sondage la totalité des personnes ayant répondu qu’ils ne se serviraient pas de cette feuille de transmission justifie leur réponse par le manque de compréhensibilité de cette dernière (il s’agit des mêmes personnes qui ont répondu que la feuille proposée n’était pas suffisamment compréhensible). 7.2.3 Quelle est la place la plus judicieuse pour cette feuille ? Le choix de la place d’une fiche de transmission est très important car il conditionne directement sa consultation par Dossier médical 17% les membres de l’équipe soignante. La feuille Tableau blanc 83% doit pouvoir être lue pour adapter la prise 20 alimentaire, mais ne doit pas être visible à l’extérieur de façon à garantir le secret médical. Deux solutions ont donc été envisagées : une feuille dans le dossier de soins du patient, situé avec les autres transmissions du personnel soignant, ou bien une feuille affichée sur le tableau blanc à l’intérieur de la chambre du patient. Le personnel interrogé à répondu à 83% (19 personnes) qu’il était plus judicieux de placer cette feuille sur le tableau blanc dans la chambre du patient plutôt que dans le dossier médical : 100% des médecins, (8 personnes) 80% des infirmières (8 personnes sur 10) et 60% des aides soignants (3 personnes sur 5) 7.2.4 Remarques et suggestions du personnel soignant En plus des questions à choix multiple, il a été donné au personnel la possibilité de soumettre des remarques et suggestions sur le prototype de feuille qui leur a été distribué. Les plus pertinentes concernent l’ajout de paramètres comme la nécessité de fournir une paille au patient pour éviter les fausses routes aux liquides par exemple ; ou bien l’ajout de boissons gazeuses, en effet celles-ci stimulent d’avantage le déclenchement du réflexe de déglutition lorsque le seuil de déclenchement de ce dernier a été augmenté par la présence de matériel d’intubation. En plus de ces suggestions, plusieurs des personnes interrogées ont fait la remarque qu’il n’y avait pas d’épaississant en poudre dans le service et uniquement de l’eau gélifiée, alors que, l’épaississant était bel et bien présent dans le service ; cette remarque met en évidence une méconnaissance du personnel sur certains outils mis à leur disposition. Enfin, certains membres du personnel ayant répondu que cette feuille de transmission n’était pas compréhensible l’ont en réalité confondue avec une feuille de suivi alimentaire diététique. 7.3 Analyse des résultats Les remarques du personnel concernant l’ajout d’autres éléments à la feuille de transmission sont intéressantes, et prouvent l’intérêt des membres du service dans la prévention de la fausse route. On observe malgré tout dans ce sondage que 40% des aides soignants estimaient que la compréhensibilité de la feuille proposée pouvait être améliorée, il y avait notamment un quiproquo avec la feuille de suivi alimentaire diététique. Il s’est avéré 21 cependant que l’ambiguïté était levée simplement en affichant un exemple concret de feuille remplie. On comprend donc qu’avant de mettre cette feuille en application il faudra la présenter au personnel avec des exemples concrets. La méconnaissance des outils mis à disposition du personnel (soulevée par les remarques concernant l’épaississant en poudre) interroge encore une fois sur la communication dans le service, ainsi que sur la sensibilisation des risques et des complications des fausses routes. De plus, même lorsque la feuille était comprise certains membres du personnel ne comprenaient pas toujours l’intérêt des adaptations de positions du patient. Ces remarques laissent penser à un manque de sensibilisation du personnel. On peut formuler l’hypothèse qu’une formation interne sur les risques des fausses routes et sur le matériel mis à disposition améliorerait les connaissances et l’intérêt du personnel sur les problèmes de fausses routes. Concernant la place du document, on observe que la majorité du personnel pense qu’il serait plus judicieux de l’afficher dans la chambre du patient sur le tableau blanc. On comprend ici que la plupart des praticiens considèrent que le meilleur moyen de faire passer une information concernant un patient est que celle-ci soit la plus proche possible de ce patient. De la même façon que lorsqu’un patient se trouve en isolement, les consignes concernant les troubles de la déglutition doivent être visibles et accessibles le plus facilement possible; non seulement pour le personnel soignant, mais aussi pour la famille qui souhaite apporter un aliment au patient. 8. Discussion 8.1 Critiques de la démarche Lors du travail effectué, la mise en évidence du problème de transmission servant de point de départ à cette réflexion est purement qualitative et ne se base que sur l’observation d’un seul patient. Il semblerait judicieux, pour mettre en évidence un problème dans la transmission des informations, de mener une étude quantitative de paramètres mesurables. Ici seul l’aspect concernant la transmission d’information a été étudié. Or il semble illusoire d’imaginer que la seule mise en application d’une feuille de transmission 22 dans un service, supprimerait la totalité des problèmes de reprise alimentaire rencontrés. Il semblerait logique dans ce cas, d’évaluer les connaissances de l’ensemble du service sur la déglutition, ses troubles, leurs conséquences et les moyens à disposition pour les limiter. Cette évaluation semble d’autant plus nécessaire que lors du sondage effectué, certains membres du personnel rencontraient des difficultés de compréhension. Un questionnaire distribué à l’ensemble du personnel permettrait d’évaluer ces deux aspects : d’une part la communication entre les différents personnels de soins, notamment sur la reprise alimentaire et les troubles de la déglutition ; et d’autre part les connaissances de chacun sur les problèmes de fausses routes. La mise en évidence d’une méconnaissance serait alors le point de départ d’une réflexion sur la nécessité de formations complémentaires. De façon à ne pas surcharger la feuille de transmission, certaines informations n’apparaissent pas, comme par exemple, sur la façon de nourrir un patient lorsqu’il est incapable de s’alimenter par lui même. Encore une fois la solution envisageable serait la formation du personnel sur les précautions à prendre avec un patient dysphagique. La mise en application de la feuille de transmission établie a été entreprise dans le service de réanimation. Cependant le manque de temps pour ce travail, ne permet pas à l’heure actuelle de présenter de résultats. L’évaluation de l’efficacité de l’outil de transmission créé a été recherchée par la mise en application de la feuille dans le service concerné pour un patient extubé. Ce dernier doit présenter des facteurs prédictifs de fausse route, un encombrement salivaire important et une perte du réflexe de toux (engageant d’avantage le pronostic vital en cas de fausse route lors de la reprise alimentaire). Après extubation le kinésithérapeute du service réalise alors un bilan analytique et fonctionnel de la déglutition avant de remplir la feuille de transmission et de l’afficher sur le tableau blanc dans la chambre du patient. Afin d’évaluer la transmission de l’information une feuille d’émargement avec un stylo a été placée à côté de la feuille de transmission, cette feuille devra être signée par chaque membre du service ayant utilisé la feuille de transmission lors des prises alimentaires du patient. Le nombre de praticiens ayant alimenté le patient étant connu, il est alors possible de calculer la proportion de personnes ayant utilisé la 23 feuille de transmission. Cette étude est surveillée par le kinésithérapeute du service afin d’observer les conditions réelles lors des repas, et d’ainsi recueillir un maximum d’informations tant sur le plan quantitatif que qualitatif. 8.2 Points positifs de la démarche Malgré les critiques faites précédemment, ce travail a permis de sensibiliser le personnel du service de réanimation sur l’importance de la déglutition et notamment sur l’impact que peuvent avoir les fausses routes sur le pronostic vital du patient. Bien que la constatation initiale de cette étude soit purement qualitative, elle aura aussi permis de sensibiliser le personnel à l’importance des gestes qui peuvent limiter les risques de fausse route lors de la prise des repas, et de l’importance de la communication dans le service. Cette étude a permis de renforcer la place du kinésithérapeute en réanimation et l’importance capitale qu’il a dans la prévention des complications pulmonaires des fausses routes par inhalation. 9. Conclusion Ce travail souligne l’importance de l’évaluation des troubles de la déglutition, mais surtout de la communication entre le praticien qui les met en évidence et celui qui aura la tâche d'alimenter le patient. Il est mis en évidence que dans de nombreux cas, les informations et les consignes découlant de l’examen sont perdues, et que par conséquent, la transmission de l’information pourrait être améliorée. Ce travail porte uniquement sur la transmission de l’information mais mériterait d’être complété par des études quantitatives. Notamment portant sur les connaissances du personnel avec un sondage par exemple. Un tel travail serait le point de départ d’une réflexion portant sur l’importance de la formation du personnel sur la déglutition et ses troubles. 24 Références bibliographiques [1] Pascal Azou - Anatomie et physiologie de la déglutition normale - Kinésithérapie la revue A. 2007 n°64 pp. 14-18 [2] Michel Guatterie - Les forces musculaires de la déglutition et leurs dysfonctionnement : déglutition et circonspection - Kinésithérapie la revue A. 2007 n°64 pp. 19-23 [3] Logeman JA, Kahrilas PJ, Kobara M, Vakil NB, The benefit of head rotation on pharyngoesophageal dysphagia. - Archives of Physical Medicine and Rehabilitation A. 1989, vol. 70, n° 10, pp. 767-771 [4] Michel Guatterie & Valérie Lozano – Quelques éléments de la physiologie de la déglutition - Kinéréa 2005 n°42 pp 2-9 [5] Apostolakis Louis W. ; Funk Gerry F. ; Urdaneta Luis F. ; Mcculloch Timothy M. ; Jeyapalan Manjula M. - The nasogastric tube syndrome : Two case reports and review of the literature - Head & neck A. 2001, vol. 23, n° 1, pp. 59-63 [6] Mittal RK, Stewart W, Schirmer BD - Effect of a catheter in the pharynx on the frequency of transient esophageal spincter relaxations - Gastroenterology A. 1992, vol. 103, n° 4, pp. 1236-1240 [7] D. 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Nougaret – Déglutir pour respirer et non pour se nourrir – Rééducation post réanimation - 2010 [18] Jean-Pierre Bleton - La prise en charge paramédicale des troubles de la déglutition des accidents vasculaires cérébraux – Kinésithérapie Scientifique n°423 Juin 2002 [19] L. Crevier-Buchman, S. Borel, D. Brasnu – Physiologie de la déglutition normale – EMC 2012 [20] Ludovic Dehaut, Christian Decourcelle, Marianne Ader, Julie Gallet - Adulte cérébro-lésé et dysphagie : du dépistage à la guidance familiale – Kinésithérapie Scientifique n°516 décembre 2010 26 Annexe 1 : Test de capacité fonctionnelle de la déglutition Aliment mixé : présentant une certaine cohésion, mais suffisamment tendre et mous pour qu’une simple pression de la langue suffise à le déformer et à le fragmenter Aliment mouliné : texture inhomogène, présence de petits morceaux Aliment en morceaux : suffisamment petits pour ne pas avoir à être machés 27