effets tardifs

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Nous vous communiquons ci-après
- L’interview Patrick Lemoine, psychiatre : «les benzodiazépines favorisent la démence» publié sur
Sciences et Avenir.fr le 30/09/2011 (p.1 et 2)
- Un extrait de l’article concernant l’étude épidémiologique du Pr BEGAUD, paru dans Sciences et
Avenirs n°776, octobre 2011 (p.3)
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Pour le psychiatre Patrick Lemoine, le lien entre la consommation excessive de somnifères et
d'anxiolytiques et le risque de démence s'explique. En cause: une aggravation de l'apnée du sommeil.
Il estime que certaines benzodiazépines devraient être retirées du marché.
Imovane, Stillnox, Mogadon..ces somnifères appartiennent tous à la classe des benzodiazépines.
(PETILLOT/SIPA)
Patrick Lemoine est psychiatre, docteur en neurosciences, directeur de recherches à l’université
Claude Bernard de Lyon, directeur médical d’un groupe de 32 cliniques. Il est l’auteur de nombreux
ouvrages.
Sciences et Avenir: L’étude épidémiologique du Pr Bégaud que Sciences et Avenir vient de
dévoiler (S&A n° 776, en kiosque) montre qu’avec la consommation chronique de
benzodiazépines (somnifères, tranquillisants..), le risque d’entrée dans la maladie d’Alzheimer
augmente. Que pensez-vous de ces résultats ?
Patrick Lemoine : C’est quelque chose que j’ai déjà dit depuis longtemps mais avec moins
d’arguments : ce qui est bien, c’est qu’il y a enfin une étude épidémiologique, sérieuse, qui permet de
démontrer ce qui me paraissait une évidence.
Parce que, pour vous, ce lien entre consommation de benzodiazépines et entrée dans la
démence est donc une évidence ?
Oui. Et je pense qu’il y a une explication, qui est liée à l’augmentation des arrêts respiratoires (en
durée et en fréquence) que provoquent les benzodiazépines pendant le sommeil. Or, on sait
parfaitement que ce syndrome d’apnée du sommeil aboutit à des tableaux démentiels.
En quoi ces arrêts respiratoires augmentent-ils le risque de démence ?
Le problème, c’est la multiplication des asphyxies. Un apnéique va faire 60 asphyxies par heure de
sommeil, soit 300 à 400 par nuit ! Ce qui provoque à chaque fois une augmentation du CO2 dans le
sang, qu’on appelle « hypercapnie ». Or, une hypercapnie a deux organes cibles : le cortex cérébral et
le myocarde. Il est parfaitement établi que les gens qui souffrent d’une apnée du sommeil présentent
un risque majeur –c’est peut-être le plus important de tous- d’AVC (accident vasculaire cérébral) et
d’infarctus du myocarde.
Même si les patients ne sont pas victimes d’une hémiplégie ou d’un AVC majeur, on sait qu’ils font en
réalité des micro-infarctus [petites attaques cérébrales, ndlr] et développent des syndromes
démentiels. Ce n’est que post-mortem que l’on peut voir s’il s’agissait de démences vasculaires ou de
la maladie d’Alzheimer, surtout que la plupart du temps il s’agit d’un mixte des deux : ainsi, certaines
personnes développent un petit Alzheimer, et s’ils prennent des benzodiazépines, ils aggravent leur
apnée du sommeil, et là c’est la catastrophe. On sait très bien maintenant qu’un quart de Lexomil
pris à 19h multiplie par deux le nombre et la durée des incidents respiratoires. La prise de ces
médicaments peut donc transformer un ronfleur avec quelques apnées en apnéique pathologique. Je
pense que certains patients ne développeraient pas de démence si leur cortex cérébral ne subissait
pas autant d’hypercapnies et donc d’asphyxies.
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Cela signifie que les personnes qui souffrent d’apnée du sommeil ne doivent pas prendre de
benzodiazépines ?
On ne peut pas prescrire ces médicaments sans demander au patient s’il ronfle. Je m’insurge contre
les médecins généralistes qui ne posent pas cette question du ronflement et qui ne consultent pas le
conjoint pour savoir s’il perçoit des arrêts respiratoires. S’il n’y a pas d’apnée, on peut prescrire des
somnifères mais pour une durée limitée. Il faut éviter l’accoutumance et il est très dur pour des
personnes qui prennent ces médicaments depuis des années, parfois 15 ans, de se sevrer.
Comment se fait-il qu’en France les anxiolytiques et les somnifères soient autant prescrits et
consommés sur d’aussi longues périodes, alors que selon la loi, la durée de prescription doit
être limitée à 2 semaines pour les hypnotiques et les somnifères, et à 12 semaines pour les
tranquillisants ?
On peut dire que la France est championne toute catégorie pour ces prescriptions ! C’est 8 fois plus
qu’en Allemagne par exemple. La pression des laboratoires est la même dans tous les pays, ce n’est
donc pas la cause. En revanche, il y a un problème lié à la distribution des médicaments : aux ÉtatsUnis ou en Grande-Bretagne, le pharmacien donne le nombre de pilules nécessaires pour la durée du
traitement, mais pas chez nous. Le pharmacien n’a pas le droit d’ouvrir les boîtes ! Le patient se
retrouve donc souvent avec un excédent qu’il garde chez lui. Cela favorise l’automédication.
L’autre facteur crucial, c’est bien sûr la prescription par des médecins qui n’ont pas de formation
continue obligatoire. La thérapeutique évolue vite, il faut se former ! La France est le seul pays
développé dans lequel on peut avoir passé sa thèse il y a 40 ans, n’avoir lu aucun article ni aucune
revue et continuer à exercer ! C’est un scandale !
Enfin, il y a une autre raison à ces prescriptions excessives : c’est le fait que la Sécurité sociale ne
prenne pas en charge les psychothérapies conduites par des psychologues. (lire Benzodiazepines,
comment s’en passer)
Au final, cela coûterait moins cher de rembourser des visites chez le psychologue.
Que faut-il faire alors pour réduire cette surconsommation et changer les habitudes ?
Il faut frapper un grand coup ! Faire des campagnes ! Le rôle de la presse est important. Car
finalement ce sont les patients qui alertent leurs médecins. Par ailleurs, il faut expliquer aux
généralistes l’importance de ne pas prescrire les benzodiazépines aux ronfleurs apnéiques, rappeler
les limites de prescription dans le temps et les règles de sevrage. Il faut aussi tenir compte du temps
que met l’organisme à éliminer un produit. Le Tranxène par exemple a une demi-vie de 72 heures :
cela signifie que la moitié de la dose ingérée persiste dans l’organisme 72 heures après. On sait que
cela diminue la vigilance, augmente le risque de chute et de fractures chez les personnes âgées !
Dans ce cas-là, il vaut mieux prescrire du Témesta, dont la demi-vie est de 8 heures. Le Mogadon a
une demi-vie de 20h ! Si on prend 10 mg à 22h, il reste 5 mg, 20 heures plus tard, et il faut 100 heures
pour l’éliminer ! Il faut que l’Afssaps (agence française de sécurité sanitaire des produits de santé)
fasse son travail et retire certains médicaments du marché.
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Sciences et Avenirs n°776 Octobre 2011
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