CHAPITRE 3 : TRANSFORMATION DE LAPLACE TRANSFORMATION DE LAPLACE ............................................................................ 27 DÉFINITIONS....................................................................................................................... 28 PROPRIÉTÉS........................................................................................................................ 30 Linéarité......................................................................................................................... 30 Dérivation et intégration ............................................................................................... 32 Valeurs finale et initiale ................................................................................................ 33 Retard (décalage temporel) ........................................................................................... 36 APPLICATION AUX SYSTÈMES LINÉAIRES ............................................................................ 38 Chapitre 3 Transformation de Laplace DÉFINITIONS Supposons y(t), un signal fonction du temps défini pour t > 0. La transformée de Laplace de y(t) est Y(s), une fonction de la variable complexe s. La transformée de Laplace Y(s) de y(t) est définie ainsi: ∞ Y ( s) = ∫ e − st y (t )dt = Ly (t ) o− La correspondance entre Y(s) et y(t) (t > 0) est biunivoque. Connaissant Y(s), on peut déduire y(t) (t > 0). On dit que y(t) est la transformée inverse de Y(s): y (t ) = L-1Y ( s) ∞ La transformée de Laplace de y(t) n'existe que si l'intégrale ∫e -st y (t )dt a un sens. Il faut donc 0− que la fonction y(t) soit intégrable et croisse moins vite, pour t infini, qu'une exponentielle. Dans la définition de la transformée de Laplace, la borne d’intégration inférieure est prise à 0pour tenir compte d’une éventuelle impulsion à t = 0. En absence d’impulsion à t = 0, la borne pourrait aussi bien être 0 ou 0+. __________________________________ EXEMPLE 3.1 Calculez la transformée de Laplace de y(t) = 1, t > 0. ∞ Y ( s) = ∫ e − st dt = − 0− 1 − st ∞ 1 1 e ] 0− = − [ 0 − 1] = [ s s s Cette transformée n'est correcte que si lim e -st → 0 . Cette condition est le seuil de définition de t →∞ cette transformée de Laplace: Re s > 0 __________________________________ Le tableau 3.1 donne les transformées de Laplace couramment utilisées. Dans le cadre de l'étude des systèmes linéaires, il est très important de noter la correspondance entre les pôles de Y(s) et la nature mathématique de y(t) (tableau 3.2). Systèmes et commande linéaires GEL-2005 28 Chapitre 3 Transformation de Laplace y(t) pour t > 0 Y(s) Seuil de définition Pôles de Y(s) 1 1 s Re s > 0 0 δ(t ) 1 Re s > −∞ - t 1 s2 Re s > 0 0, double e − at 1 s+a Re s > − a -a te − at 1 (s + a)2 Re s > − a -a, double cos ωt s s + ω2 Re s > 0 ± jω sin ωt ω 2 s + ω2 Re s > 0 ± jω e − at cos ωt s+a ( s + a) 2 + ω2 Re s > − a − a ± jω e − at sin ωt ω Re s > − a − a ± jω 2 ( s + a) + ω 2 2 Tableau 3.1 Pôles de Y (s) y(t) réel simple Exponentielle imaginaires purs (paire) Sinus (ou cosinus) complexes (paire) Sinus (ou cosinus) multipliée par une exponentielle à partie réelle positive Amplifiée à partie réelle nulle Périodique à partie réelle négative Amortie Tableau 3.2 Systèmes et commande linéaires GEL-2005 29 Chapitre 3 Transformation de Laplace Si le pôle (ou la paire de pôles) est d'ordre n, alors y(t) est de même nature que si le pôle (ou la paire de pôle) était simple mais en plus, il faut multiplier par t n−1 . La fréquence d'une fonction périodique correspond à la partie imaginaire des pôles de sa transformée de Laplace. Plus la partie réelle du pôle est négative plus la fonction est amortie rapidement. Lorsque la partie réelle est nulle, la fonction n'est ni amortie ni amplifiée. Plus la partie réelle est grande et positive, plus la fonction est amplifiée rapidement. __________________________________ EXEMPLE 3.2 La fonction Y(s) possède deux paires de pôles complexes situés à − 3 ± 4 j . Que pouvez-vous dire sur y(t)? Pôles complexes: y(t) est une exponentielle multipliée par une sinusoïde. Partie réelle négative: l'exponentielle est amortie. Valeur de la partie imaginaire: la fréquence de la sinusoïde est 4 rad/sec. Pôles d'ordre 2: on multiplie par t. La nature mathématique de y(t) est donc: y (t ) = t e -at sin(4t + φ) où a > 0. __________________________________ PROPRIÉTÉS Linéarité [ ] Additivité: L y1 (t ) + y2 ( t ) = L y1 ( t ) + L y2 ( t ) Homogénéité: L ay (t ) = a L y (t ) où a est une constante Combinaison linéaire: [ ] L a1 y1 (t ) + a2 y2 (t ) + ... = a1 L y1 ( t ) + a2 L y2 ( t ) + ... Systèmes et commande linéaires GEL-2005 30 Chapitre 3 Transformation de Laplace où a1 , a2 , ... sont des constantes. Ces propriétés se démontrent facilement à l'aide de la définition de la transformée de Laplace. __________________________________ EXEMPLE 3.3 Calculez la transformée inverse de Y ( s) = 3 s( s + 1)( s + 3) La décomposition en éléments simples donne: Y ( s) = 3 A B C = + + s( s + 1)( s + 3) s s + 1 s + 3 Calcul de A: 3 Bs Cs = A+ + ( s + 1)( s + 3) s +1 s + 3 Pour s = 0, on trouve: 3 = A=1 3 Calcul de B: 3 A( s + 1) C ( s + 1) = +B+ s( s + 3) s s+3 Pour s = -1, on trouve : 3 = B = −15 . −2 Calcul de C: 3 A( s + 3) B ( s + 3) = + +C s( s + 1) s s +1 Pour s = -3, on trouve: Systèmes et commande linéaires GEL-2005 31 Chapitre 3 Transformation de Laplace 3 = C = 0.5 6 Par conséquent, Y ( s) = 0.5 1 15 . − + s s +1 s + 3 La transformée inverse donne: y (t ) = 1 − 15 . e -t + 0.5e −3t , t > 0 __________________________________ Dérivation et intégration Connaissant la transformée de Laplace de y(t) et les conditions initiales, il est possible de déduire directement la transformée de Laplace de la dérivée de y(t), sans connaître y(t). Soit Y ( s) = L y (t ) , calculons la transformée de la dérivée de y(t): ∞ ∞ L y ' (t ) = ∫ e y '( t ) dt = [e y ( t ) ]0− + ∫ y ( t ) s e -st dt − st -st ∞ 0− 0− = 0 − y (0 − ) + s Y ( s) = sY ( s) − y (0 − ) L'intégration est réalisée par parties. On peut prouver (voir Dynamique de la commande linéaire, section 4.3.4), que dans le cas où on s’intéresse uniquement à ce qui se passe pour t positif, et même si y(t) n’est pas continue pour t = 0, que le théorème de dérivation peut s’écrire comme suit: L y ' (t ) = sY ( s) − y ( 0 + ) pour t positif De même, par récurrence, on peut déduire la transformée de Laplace de la seconde dérivée de y(t): L y ''(t ) = sL y '(t ) − y '(0 + ) = s [ sY ( s) − y (0+ )] − y '(0 + ) = s 2 Y ( s) − s y (0+ ) − y '(0+ ) Systèmes et commande linéaires GEL-2005 32 Chapitre 3 Transformation de Laplace Le théorème d’intégration est similaire au théorème de dérivation. Connaissant la transformée de Laplace de y(t), il est possible de déduire directement la transformée de Laplace de l'intégration de y(t), sans connaître y(t). Soit Y ( s) = Ly (t ) calculons t ∞ t L ∫ y ( τ )dτ = ∫ ∫ y ( τ )dτ e − st dt 0− 0− 0− ∞ ∞ 1 − st t 1 = − e ∫ y ( τ)dτ + ∫ e − st y (t )dt s 0− 0− s 0− 1 1 = [ 0 − 0] + Y ( s) s s 1 = Y ( s) s Puisque, pour des conditions initiales nulles, on a: L y ' (t ) = sY ( s) t Y ( s) L ∫ y ( τ)d τ = s 0− on dit que s est un opérateur de dérivation et 1 un opérateur d'intégration. s Valeurs finale et initiale Connaissant la transformée de Laplace de y(t), il est possible de déduire directement la valeur initiale y(0+) et la valeur finale y(∞) sans même connaître y(t). Valeur initiale: y (0 + ) = lim sY ( s) s→∞ Preuve: Selon le théorème de dérivation pour t positif, on a: ∞ L y ' (t ) = ∫ y'(t )e 0 − st dt = sY ( s) − y (0 + ) + Si on fait tendre s vers l'infini: Systèmes et commande linéaires GEL-2005 33 Chapitre 3 Transformation de Laplace ∞ lim ∫ y '(t )e − st dt = 0 = lim[ sY ( s) − y (0+ )] s→∞ s→∞ 0+ d'où lim sY ( s) = y (0+ ) s→∞ Valeur finale: y ( ∞) = lim sY ( s) s→ 0 Preuve: ∞ lim ∫ y ' (t )e − st dt = lim[ sY ( s) − y (0+ )] s→ 0 s→ 0 0+ [ y (t )] ∞ 0+ = lim sY ( s) − y (0+ ) s→ 0 + y ( ∞) − y (0 ) = lim sY ( s) − y (0+ ) s→ 0 y ( ∞) = lim sY ( s) s→ 0 Les remarques suivantes peuvent éviter des calculs inutiles: i) Le théorème de la valeur initiale ne s'applique pas si le degré du numérateur de Y(s) est égal ou supérieur au degré de son dénominateur car y(t) contient alors une impulsion. ii) Le théorème de la valeur finale ne s'applique que si tous les pôles de Y(s) sont à partie réelle négative. On tolère un pôle simple nul. Si ces conditions ne sont pas respectées, y(t) est une fonction qui croît constamment avec le temps, d'où l'impossibilité d'utiliser le théorème. iii) Si la différence entre le degré du dénominateur de Y(s) et le degré de son numérateur est supérieure ou égale à 2, alors y(0+) = 0. iv) Si la différence entre le degré du dénominateur de Y(s) et le degré de son numérateur est égale à 1, alors y(0+) est le quotient des coefficients de plus haut degré du numérateur et du dénominateur. Les exemples qui suivent illustrent les propriétés précédentes. __________________________________ EXEMPLE 3.4 Y ( s) = Systèmes et commande linéaires GEL-2005 8s + 1 4s + 2 34 Chapitre 3 Transformation de Laplace Que vaut y(0+)? Le théorème de la valeur initiale ne s'applique pas car y(t) contient une impulsion à t = 0. En effet, Y ( s) = 0.75 8s + 1 =2− 4s + 2 s + 0.5 d'où y (t ) = 2δ (t ) − 0.75e −0.5t , t > 0 __________________________________ EXEMPLE 3.5 Y ( s) = 4 s2 Que vaut y(∞)? Le théorème de la valeur finale ne s'applique pas. La présence du pôle double à l'origine indique que y(t) a pour nature mathématique t multipliée par une constante, d'où y(∞) non calculable. __________________________________ EXEMPLE 3.6 Y ( s) = s +1 s + 2s + 1 3 Que vaut y(0+)? La différence de degré de 2 indique que y(0+) = 0. En effet: y (0 + ) = lim sY ( s) s→∞ s2 + s 3 s→∞ s + 2 s + 1 1 s + 1 s2 = lim 2 3 s→∞ 1 + 2 s + 1 s = lim = 0 =0 1 __________________________________ Systèmes et commande linéaires GEL-2005 35 Chapitre 3 Transformation de Laplace EXEMPLE 3.7 Y ( s) = 3s2 + 4 6s3 + 2 s + 7 Que vaut y(0+)? Puisque la différence des degrés est 1, y(0 + ) = 3 = 0.5 . En effet, 6 y (0 + ) = lim sY ( s) s→∞ 3s 3 + 4 s 3 s→∞ 6s + 2 s + 7 3 + 4 s2 = lim 2 3 s→∞ 6 + 2 s + 7 s = lim = 3 = 0.5 6 __________________________________ Retard (décalage temporel) Connaissant la transformée de Laplace de y(t), il est possible de déduire directement la transformée de Laplace du signal décalé de θ secondes y (t − θ)ue (t − θ) (où ue est l'échelon unitaire) sans connaître y(t): L y (t − θ)ue (t − θ) = e − θs Ly (t )ue (t ) Pour cette raison, on appelle e −θs l'opérateur de retard. Preuve: ∞ Ly (t − θ)ue (t − θ) = ∫ y(t − θ)u (t − θ)e − st e 0 θ = dt − ∫ y ( t − θ) ⋅ 0 ⋅ e 0− ∞ -st dt + ∫ y (t − θ) ⋅ 1 ⋅e − st dt θ ∞ = ∫ y (t − θ)e -s ( t-θ ) e − sθ dt θ Si on effectue le changement de variable τ = t − θ : Systèmes et commande linéaires GEL-2005 36 Chapitre 3 Transformation de Laplace ∞ L y (t − θ)ue (t − θ) = e − sθ ∫ y ( τ)e 0 − sτ dτ − = e -sθ L y (t )ue (t ) Remarques: i) Pour appliquer le théorème, θ doit être positif (il s'agit d'un retard et non d'une "avance"). ii) Pour que le théorème soit applicable, y(t) doit être causale. __________________________________ EXEMPLE 3.8 On sait que la transformée de Laplace du signal illustré à la figure 3.1 est Y1 ( s) = 1 s 2 . y1(t) tue(t) t Figure 3.1 e − θs Par conséquent, la transformée de Laplace du signal de la figure 3.2 est Y2 ( s) = 2 = e − θsY1 ( s) . s Toutefois, on ne peut pas déduire la transformée de Laplace du signal de la figure 3.3 à partir de Y1(s). Systèmes et commande linéaires GEL-2005 37 Chapitre 3 Transformation de Laplace y2(t) (t-θ)ue(t-θ) t θ Figure 3.2 y3(t) θ t Figure 3.3 __________________________________ APPLICATION AUX SYSTÈMES LINÉAIRES La transformée de Laplace permet de résoudre, de façon algébrique, les équations différentielles linéaires à coefficients constants. Ainsi, si on connaît les conditions initiales et l'équation différentielle décrivant un système, alors les étapes suivantes permettent de calculer la sortie y(t) du système pour une entrée u(t) donnée: i) Calculer la transformée de Laplace de l'équation différentielle du système. théorème de dérivation. Systèmes et commande linéaires GEL-2005 Utiliser le 38 Chapitre 3 Transformation de Laplace ii) Isoler Y(s). iii) Décomposer Y(s) en éléments simples. iv) Calculer y(t), la transformée inverse de Y(s). __________________________________ EXEMPLE 3.9 Un système dont l'entrée est u(t) et la sortie y(t) est définie par: 4 y ' ( t ) + y ( t ) = 2 u( t ) La condition initiale est y(0+)=1. Sachant que u(t) est un échelon unitaire, calculez y(t). La transformée de Laplace de l'équation différentielle est: 4[ sY ( s) − y (0 + )] + Y ( s) = 2U ( s) Y ( s)(4 s + 1) − 4 = Y ( s) = 2 s 4 2 + 4 s + 1 s(4 s + 1) Par l'analyse des pôles, on voit que y(t) sera la somme d'une exponentielle amortie, d'une constante et d'une seconde exponentielle amortie. En effet, la décomposition de Y(s) donne: Y ( s) = 2 2 1 + − s + 0.25 s s + 0.25 d'où y (t ) = 2 + e −0.25t − 2e −0.25t = 2 − e -0.25t , t>0 __________________________________ Systèmes et commande linéaires GEL-2005 39