C`est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de

publicité
C’est un grand plaisir et un grand honneur pour moi de parler à l’occasion de cette
cérémonie, vu les grandes qualités scientifiques de Philippe Aghion, mais aussi car j’ai
pu l’apprécier depuis plus de vingt ans comme co-auteur et ami.
Je l’ai rencontré lors de nos études doctorales en économie à Harvard, études qui se
sont conclues dans son chef par une superbe thèse de doctorat, avec des travaux
importants en théorie des contrats. En particulier, dans un article publié avec Patrick
Bolton dans la Review of Economic Studies, Philippe Aghion a été un pionnier dans
l’application de la théorie des contrats incomplets (due à Oliver Hart et ses co-auteurs)
aux contrats financiers. Cette contribution est la première qui a insisté sur le fait que les
contrats financiers ne correspondent pas uniquement à des droits sur le revenu de
l’entreprise mais aussi sur le contrôle de ses actions. L’article dérive en particulier les
conditions sous lesquelles un contrat de dette, c’est-à-dire un mécanisme de contrôle
contingent sur l’entreprise (avec changement de contrôle en cas de faillite) est optimal.
Cet article a eu une influence très importante sur le domaine de la finance d’entreprise
depuis 15 ans.
Au cours des années, Philippe Aghion a produit de nombreux travaux importants en
théorie des contrats. En particulier, dans un article publié dans le Journal of Political
Economy avec Jean Tirole, il a introduit la distinction entre autorité « formelle » et «
réelle » dans les organisations, l’exercice effectif de l’autorité impliquant d’avoir à sa
disposition l’information nécessaire à la prise de décision. Cette vision des choses
permet d’enrichir significativement l’analyse des conséquences des schémas incitatifs
dans les organisations, et notamment de l’arbitrage entre contrôle et motivation des
individus. Elle a eu une influence considérable sur la profession.
Ces divers travaux ont fait de Philippe Aghion un auteur incontournable en théorie des
contrats. Ceci étant dit, ses travaux novateurs en théorie de la croissance lui valent une
influence encore plus importante dans la profession. Avec Peter Howitt (dans un article
fondateur paru dans Econometrica, une série d’autres articles et un livre imposant paru
chez MIT Press), il a littéralement « réintroduit Schumpeter dans la théorie économique
traditionnelle ». En effet, en endogénéisant dans ces modèles le degré de progrès
technique, Aghion et Howitt (ainsi que divers co-auteurs) ont permis d’endogénéiser le
taux de croissance économique, et de le relier à des variables tant macroéconomiques
(comme le chômage, la volatilité de l’activité économique, …) que microéconomiques,
comme le degré de concurrence sur les marchés. L’ampleur de ces travaux font
d’Aghion et Howitt, avec Paul Romer, les principaux contributeurs de cette nouvelle
théorie de la croissance. En outre, depuis quelques années, ils ont fait des travaux très
féconds pour valider empiriquement leurs résultats théoriques (notamment sur
l’interaction entre concurrence et croissance), faisant de leur paradigme le pilier
incontournable de ce domaine crucial pour la politique économique.
Ses divers travaux ont conduit Philippe Aghion à recevoir beaucoup de marques de
reconnaissance internationales :
• Il a été Professeur ou Chercheur dans de prestigieuses institutions : MIT, CNRS,
Oxford, University College London et maintenant Harvard.
• Il a été invité à présenter de nombreuses séries de conférences importantes, comme
par exemple les Clarendon Lectures à Oxford, les Kuznets Lectures à Yale ou les
Gorman Lectures à University College London.
• Ses travaux, publiés sous forme de très nombreux articles parus dans les meilleures
revues mondiales en Science Economique, ont eu pour résultat de le faire rentrer dans
le cercle des ‘Highly Cited Scientists’ du Web of Science.
• Enfin, Philippe Aghion a reçu en 2001 la Jahnsson Medal, octroyée tous les deux ans
à un ou deux chercheurs en Science Economique de moins de 45 ans basé(s) en
Europe par la Fondation Jahnsson et l’European Economic Association, ainsi qu’un
Doctorat Honoris Causa de la Stockholm School of Economics en 2005.
Si les qualités scientifiques de Philippe Aghion sont exemplaires, et son enthousiasme
de chercheur légendaire (en tant que co-auteur mais aussi Directeur de Recherche du
CEPR, je n’ai eu de cesse de m’en féliciter : il est un exemple vivant de l’adage selon
lequel « la foi déplace les montagnes » !), il me semble essentiel d’également insister
sur le souci constant de Philippe Aghion de lier ses travaux avec le « monde réel » et la
politique économique. J’ai déjà évoqué ci-dessus la manière très systématique dont il a
investigué les implications de politique économique de sa théorie de la croissance, qu’il
a eu l’occasion de résumer dans la bien-nommée Schumpeter Lecture de l’European
Economic Association en 2005 sous le titre « Appropriate Growth Policy ». En outre, on
peut citer plusieurs documents de politique économique auxquels il a participé et où ses
travaux théoriques ont constitué un apport déterminant :
• Le « Rapport Sapir » publié en 2004, qui recommandait une réorientation du budget de
l’Union Européenne vers les politiques de recherche et d’innovation, et qui a été un
soutien important de la hausse des budgets de recherche de l’Union et de la création du
Conseil Européen de la Recherche.
• Le Rapport pour le Conseil d’Analyse Economique, écrit avec Elie Cohen, sur «
Education et Croissance », qui mettait en évidence le danger pour la croissance d’une
économie technologiquement développée comme la France d’un investissement
insuffisant dans l’éducation supérieure relativement aux autres niveaux d’éducation.
Le caractère très actuel de ces réflexions n’aura échappé à aucun observateur de la vie
politique française. A la lecture des médias français, je vois qu’il n’a pas échappé aux
journalistes non plus, et c’est très bien ainsi : Philippe Aghion fait partie de ces
économistes français qui combinent recherche de haut niveau, intérêt pour les questions
de politique économique et disponibilité pour expliquer leurs travaux au grand public.
Dans cette optique, lui octroyer la Médaille d’Argent est non seulement scientifiquement
totalement mérité mais aussi politiquement très astucieux de la part du CNRS, dans
l’optique de soigner l’image de la Science en France.
Téléchargement