Histoire économique des Pays-Bas Les Provinces-Unies Présenté dans le cadre du cours d'histoire économique, J. C. Lambelet, Professeur A. C. Molina, Assistante Présenté par : Toni Beutler Aldric Petit Pierre Stadelmann Université de Lausanne, mai 2003. Table des matières Introduction ................................................................................................................................ 3 L'influence des facteurs politiques sur le développement des Provinces-Unies ........................ 3 Une politique économique active ............................................................................................ 3 Calvinisme, Humanisme et Capitalisme .................................................................................... 7 Calvinisme et Capitalisme au Pays-Bas .................................................................................. 7 Modèle de développement du capitalisme (Basé sur les hypothèses de M. Weber) ............ 13 La société néerlandaise au XVIIème Siècle .......................................................................... 15 Conclusion : Dans quel mesure le calvinisme permet-il l'émergence d'une économie dite capitaliste?............................................................................................................................. 18 Amsterdam, le centre de l'économie mondiale au 17ème siècle ................................................ 19 L'émergence de l'entrepôt mondial à Amsterdam ................................................................. 19 L'âge d'or d'Amsterdam ........................................................................................................ 20 Quelques instruments financiers ........................................................................................... 22 La chute de la puissance économique des Pays-Bas ................................................................ 22 Le mercantilisme ................................................................................................................... 23 Les conséquences pour le commerce des Pays-Bas .............................................................. 25 Les Pays-Bas, créanciers de l'Europe.................................................................................... 29 Conclusion ................................................................................................................................ 30 Bibliographie ............................................................................................................................ 31 Introduction Née de la révolte contre les Espagnols, la République des Provinces-Unies a, pendant plus d'un siècle, dominé une économie mondiale fortement axée autour du commerce maritime. Dans le palmarès des dominateurs historiques de notre continent, cette puissance économique et coloniale a relayé l'Espagne au XVIème siècle et a dû céder sa place à l'Angleterre au XVIIIème siècle. Les éléments qui peuvent expliquer cette surprenante et rapide ascension sont nombreux, nous avons ainsi décidé de limiter notre analyse sur certains points qui nous ont semblé pertinents et que nous allons développer dans le texte. Premièrement, nous allons étudier les facteurs politiques propres aux Provinces-Unies, dans le but de montrer l'interdépendance entre l'économie et la politique à cette époque. Puis nous allons nous pencher sur le calvinisme, qui était le courant religieux le plus important dans la République Néerlandaise. Suivant une théorie de Max Weber, nous tentons de montrer le lien entre ce courant de pensée et le développement économique qu'à connu ce pays. Nous étudions ensuite le contexte économique qui a permis à Amsterdam de devenir pendant un siècle l'entrepôt de l'économie mondiale. Dans un second temps, nous étudions le déclin de l'économie des Provinces-Unies en abordant notamment le thème du mercantilisme, qui a durement touché le commerce et l'industrie. Enfin, nous aborderons le marché financier d'Amserdam : la chute de l'économie des Pays-Bas, l'arrêt de leur prédominance sur le commerce international était inévitable pour des agents rationnels sur ce marché. L'influence des facteurs politiques sur le développement des Provinces-Unies Une politique économique active Au milieu du XVIème siècle, les territoires des Pays-Bas étaient encore sous domination espagnole. La révolte des Néerlandais - souvent nommée la guerre des 80 ans- débuta avec la guerre d'Heiligerlee en 1568 et s'acheva avec la paix de Munster (l'un des traités de Westphalie) en 1648 qui reconnut alors la nouvelle République Néerlandaise. Entre ces deux dates de nombreuses phases se succédèrent entre guerre, jeu de domination, d'accords etc... En 1590, année qui marque un tournant dans l'histoire des Pays-Bas, Philip II, alors roi d'Espagne, doit décider de concentrer les forces de son armée espagnole en France où a lieu une guerre civile, et ainsi de retirer une grande partie de ses hommes du sud des Pays-Bas. De plus, il décide, par nécessité, de lever l'embargo maritime contre les Pays-Bas (principalement pour transporter du blé depuis la Mer Baltique vers les puissances d'Europe, ie. la Péninsule Ibérique), mais laisse en vigueur celui contre l'Angleterre. Profitant de cette opportunité de croissance pour développer leur flotte ainsi que leur armée, les Néerlandais lancent leur offensive contre les forces espagnoles dans l'Est et en direction du Sud des Pays-Bas et ainsi ils assurent l'avenir des Provinces-Unies. A la même époque, ils bloquent l'accès à la mer des Flandres ainsi que l'estuaire de l'Escaut, ce qui paralyse le marché d'Anvers, le plus puissant d'Europe à cette époque, en faveur d'Amsterdam. L'organisation politique et les actions politiques de la République des Provinces-Unies, après avoir obtenu l'indépendance par rapport à l'Espagne à la fin du 16ème siècle, semblent avoir beaucoup favorisé la forte croissance de son économie et plus particulièrement le rôle joué dans le commerce international. Alors que dans les autres pays européens, le pouvoir était détenu par un monarque, les Provinces-Unies étaient organisées en une confédération regroupant les Etats du nord des Pays-Bas, à savoir la Hollande, la Zélande, Utrecht, la Frise, Groningue, l'Overijssel et la Gueldre. Cette Confédération ne disposait pas en soi d'une constitution, mais reposait sur l'acte d'Union d'Utrecht (1579)1. La souveraineté des Provinces-Unies revenait en droit aux états généraux composés d'un représentant par province, mais les états provinciaux avaient également le statut d'autorité supérieure, une situation un peu ambiguë. Les états généraux avaient la charge de la défense (ils décident de la guerre ou de la paix), des affaires étrangères, des dépenses liées à ces 2 domaines ainsi que de la surveillance des compagnies commerciales. Les décisions étaient prises à l'unanimité des provinces pour les "affaires importantes" (terme peu clair), mais en fait le recours à ce type de processus était très rare. Les députés des provinces devaient tout d'abord en référer aux états provinciaux avant de prendre leur décision, 1 "Histoire des Pays-Bas", Christophe de Voogd, pp. 86-87. ce qui ralentissait très fortement le processus de décision. En matière religieuse, les provinces du Nord reconnaissent la liberté de conscience, ce qui implique à l'époque qu'il n'y aura plus de persécutions religieuses. De fait, le pouvoir était partagé pour une bonne part avec le Stathouder, qui était en principe un fonctionnaire provincial et électif issu de la noblesse. Maurice de Nassau, issu de la famille royale des Orange-Nassau, par exemple fut Stathouder de six provinces sur sept de 1585 à 1625. Après lui, le stathoudérat tendit à devenir un pouvoir monarchique et héréditaire. Enfin, le pensionnaire de Hollande était un fonctionnaire provincial mais, en raison de la prépondérance de cette province (plus de 50% de la population et aussi la province la plus riche), il exerçait une influence considérable sur le gouvernement commun et devint un des premiers personnages de l'Etat; il incarnait les tendances républicaines et fédéralistes de la grande bourgeoisie hollandaise, face au Stathouder et à ses tendances monarchistes et centralisatrices. Les provinces avaient en principe une égale souveraineté au sein du gouvernement, mais les intérêts économiques de la Hollande ont souvent pesé très fortement dans la balance. Dans cette province, le pouvoir était largement dans les mains des "régents" (une sorte de classe étroite qui cumulait des fonctions politiques et économiques). On comprend ainsi à quel point les intérêts économiques de cette province étaient représentés au sein des états généraux. La politique des Provinces-Unies était ainsi principalement aux mains des provinces et des villes, dont le pouvoir politique n'a cessé de croître dès la création de la République. Celle-ci visait le bien-être des citoyens, par une politique de protection des intérêts commerciaux et par une politique fiscale moderne. On remarque que le Stathouder, au contraire, ne parvenait à exercer son pouvoir que dans les temps difficiles, lorsque les états généraux étaient affaiblis. L'action politique des Provinces-Unies à la fin du XVIème siècle visait 2 objectifs stratégiques d'ordre économique, principalement au détriment des provinces du Sud, à savoir le blocage de l'estuaire de l'Escaut et de l'accès à la mer des Flandres. Le blocage de l'estuaire de l'Escaut avait pour but de paralyser le commerce avec la ville d'Anvers qui était le grand centre économique de l'Europe du Nord au XVIème siècle. Pourtant, le seul blocage de cet estuaire n'aurait pas empêché le commerce avec le reste du monde des biens à valeur élevée, les épices, le sucre, etc.., dont le transport par voie terrestre depuis les côtes des Flandres n'aurait engendré qu'une petite augmentation des coûts. Le blocage de la côte Flamande a rendu le commerce maritime à partir des provinces du Sud plus difficile et surtout plus risqué2. 2 "Dutch primacy in the world trade", Israël, pp.40-41. A partir de là, la ville d'Amsterdam devint beaucoup plus intéressante pour le commerce international, et il n'est pas étonnant dès lors que de nombreux marchands vinrent s'y installer emportant avec eux des fortunes à investir ainsi que de nombreuses relations commerciales. Les principaux marchands venaient d'Anvers, mais alors qu'Amsterdam commençait à rivaliser avec Anvers, de nombreux marchands émigrèrent d'Espagne vers la Hollande pour fuir l'Inquisition. Ils développèrent rapidement le commerce avec la Russie, au détriment des Anglais, dans la Baltique puis également avec la mer Méditerranée et ne craignent pas de combattre en mer, notamment contre les Anglais. En 1609, Le célèbre juriste néerlandais Hugo de Groot ou Grotius formule l'idée de la liberté de la navigation en mer (De Mare Liberum). Selon lui, la mer n'appartient à personne et la navigation est libre, principe auquel il est souscrit aujourd'hui encore. Le commerce avec l'Asie gagna cependant en importance, celui-ci se révélant être très lucratif. Au début, plusieurs petites compagnies maritimes se concurrençaient, mais elles se regroupèrent en 1602. À l'invitation des états généraux, les représentants des différentes compagnies se rencontrèrent à La Haye et fondèrent la Compagnie réunie des Indes orientales (VOC, verenigde Oost-indische Compagnie 3 ) et en même temps interdirent toute autre compagnie de faire du commerce depuis cette région, s'octroyant ainsi le monopole de la voie maritime vers les Indes Orientales depuis les Provinces-Unies. Le capital était fixé à 6,5 millions de florins et fut réparti (à la manière des sociétés anonymes d'aujourd'hui) entre les provinces mais avec une nette domination de la Hollande et de la Zélande. Il est important de noter que " sa charte constitutive en faisait une véritable institution politico-militaire chargée de défendre et d'étendre l'influence néerlandaise en Extrême-Orient par la négociation, ou par la guerre" 4 . Cette initiative politique montre une nouvelle fois l'interdépendance entre les décisions politiques et les intérêts économiques dans les Provinces-Unies. Les actions de la VOC semblent avoir été les premières à exister, en voici une : 3 4 Pour revivre les voyages de la VOC : http://www.vocshipwrecks.nl/ "Histoire des Pays-Bas", Christophe de Voogd, p. 109. La création de cette compagnie, la première du monde, par les pouvoirs politiques a été accompagné par une stricte politique de régulation du marché et notamment la réduction ou la destruction des plantations suivant les impératifs du monopole (politique d'arrachage) de façon à éviter la chute des cours. Tous ces instruments de politique économique ont permis aux Provinces-Unies et principalement à la ville d'Amsterdam de dominer le commerce international dès le début du XVIème siècle. Calvinisme, Humanisme et Capitalisme Calvinisme et Capitalisme au Pays-Bas Les Pays-Bas au XVIIème siècle furent un centre majeur du commerce et de l'économie mondiale. Dans le même temps, ce territoire fut aussi un des rares foyers d'implantation et de développement de la confession "Catholique Réformé" ou Calvinisme. Il est alors intéressant d'étudier dans quelle mesure un lien peut être établi entre l'essor du calvinisme aux Pays-Bas et le développement d'une économie libérale dans ce pays. Pour cela, nous avons utilisé la théorie de Max Weber expliquée dans l'ouvrage " L'éthique protestante et l'Esprit du capitalisme". L'objectif de cette partie sera donc de décrire les principales doctrines de l'église calviniste pour ensuite montrer leur importance pour la formation d'un esprit apte à développer une économie dite "capitaliste" et ainsi comprendre le développement des PaysBas. Il est à noter que l'apparition d'une structure capitaliste moderne au Pays-Bas par une conjonction de facteurs, ce qui peut expliquer le fait que le calvinisme n'ait pas eu le même impact dans les autres pays où il a pu s'implanter. 1) Quelques définitions Calvinisme: Doctrine de réforme du catholicisme, fondé à Genève par Calvin où il institue une république théocratique, basée sur les principes inscrit dans ses livres : "Institutio religionis christianae" (1536) et traduit en français dans "Ordonnances ecclésiastiques" (1541). Cette doctrine se répand essentiellement en Suisse, France, et Hongrie à partir de 1536 et atteint finalement les Pays-Bas (fondation de l'église calviniste des Pays-Bas au synode d'Anvers en 1566) et l'Ecosse. Calvin, Jean (1509-1564), théologien, réformateur, humaniste et pasteur français, que les protestants considèrent comme un des théoriciens majeurs de leur religion. Né Jean Cauvin à Noyon, en Picardie, il reçut une instruction classique à Paris aux collèges de la Marche et de Montaigu. Encouragé par son père à faire des études de droit, il suivit les cours des universités d'Orléans et de Bourges. Sous l'influence de son professeur de grec, un réformé du Wurtemberg, il découvrit avec intérêt les mouvements humanistes et réformateurs, et entreprit l'étude de la Bible en grec. À la mort de son père, en 1531, il abandonna le droit pour l'étude des lettres. Dès l'année suivante, il publia un commentaire du De clementia de Sénèque, dont l'insuccès l'amena à se tourner vers la théologie. En 1533, il rédigea, pour le recteur de l'université de Paris Nicolas Cop, un discours favorable aux idées de la Réforme qui leur valut une condamnation du parlement et les obligea tous deux à fuir Paris. Suite à l'affaire des «placards» (des affiches en faveur de la Réforme avaient été placardées jusque sur la porte de la chambre du roi), François Ier déclencha les premières persécutions contre les protestants. Afin de prendre leur défense, Calvin rédigea, d'abord en latin, sa Christianae Religionis institutio (Institution de la religion chrétienne, 1536), ouvrage fondamental qu'il ne cessa de remanier et d'augmenter toute sa vie et qu'il traduisit lui-même en français en 1541. Peu après la publication de cet ouvrage, à l'occasion de son passage à Genève, Calvin se laissa convaincre par le réformateur Guillaume Farel de demeurer dans la cité suisse pour contribuer à y répandre la Réforme. Mais deux ans plus tard, des querelles entre les protestants genevois obligèrent Calvin, Farel et un troisième pasteur à quitter la ville. Calvin s'installa alors à Strasbourg, où il eut la charge de la communauté protestante française ayant fui les persécutions du royaume (1538-1541). Il y poursuivit son œuvre théologique et y publia les premiers de ses commentaires sur la Bible. À Strasbourg, il rencontra et épousa une veuve, Idelette de Bure, dont il eut un enfant, mort en bas âge. Sa femme mourut à son tour en 1549. En 1541, Farel et les Genevois le convainquirent de revenir dans la ville pour y diriger la réforme de l'Église et de la cité. Son premier travail fut de rédiger les Ordonnances, qui furent adoptées comme constitution par le conseil de la ville et qui fixèrent durablement le cadre de l'organisation des Églises presbytériennes. Il s'attacha aussi à développer l'enseignement: le couronnement de son action fut la fonction de l'Académie de Genève, université internationale de formation des pasteurs dont le premier recteur fut Théodore de Bèze. Cependant, les réformes de Calvin se heurtèrent, à Genève même, à l'hostilité de quelques grandes familles que son rigorisme rebutait, dont celle d'Ami Perrin, ambassadeur de la ville auprès du roi de France. Calvin dut également assumer plusieurs affrontements théologiques et politiques contre diverses tendances du protestantisme. Le plus dramatique de ces conflits l'opposa à l'humaniste Michel Servet, lequel fut finalement condamné au bûcher par le conseil de Genève en 1553. À cette époque, la ville vivait presque constamment sous la menace des troupes catholiques du duc de Savoie. Durant les dernières années de sa vie, Calvin, finalement devenu citoyen de Genève quatre ans avant sa mort, se consacra à l'étude et à l'enseignement. Il encouragea l'usage du français dans les églises et fut à l'origine de diverses réformes sociales (hôpitaux, diaconat des pauvres). D'une santé fragile, encore aggravée par les conditions de vie qu'il avait connues durant ses études à Paris, il fut considérablement affaibli par une attaque cardiaque en 1558. Il mourut à Genève et fut enterré avec une extrême simplicité: aucun signe ne marqua l'emplacement de sa sépulture, qui nous est demeuré inconnu Capitalisme: Terme économique désignant ici une économie dite moderne où le producteur accumule des richesses dans le but de créer un capital qu'il fera fructifier dans les affaires dans l'objectif de réaliser une plus-value ou profit. Le capitaliste utilise les économies d'échelles et les techniques de production industrielle, ce qui le différencie des artisans et des possesseurs de manufacture du Moyen-Age. 2) Les préceptes fondamentaux du Calvinisme Tous les commentaires sur le calvinisme sont issus des explications de Max Weber et s'appliquent au calvinisme du XVIIème en Pays-Bas. Il convient également de noter que tous les raisonnements de type économique sont à mettre à l'actif de M. Weber et non à celle de J. Calvin. Il s'agit d'une analyse de conséquences non prévues par des personnes qui ne recherchaient, à la base, que la pureté spirituelle et le salut de leur âme. a. La doctrine de la prédestination "Par décret de Dieu, et pour la manifestation de Sa gloire, de tels hommes sont prédestinés à la vie éternelle, tels autres voués à la mort éternelle." Selon cette doctrine, Dieu détermine la vie de tout homme avant sa naissance et selon son plaisir. La damnation de l'individu ne dépend donc ni de ce qu'il accomplit sur terre ni de la nature de ses actes. L'homme n'a donc aucune liberté: il doit appliquer les décrets de Dieu sans chercher à les comprendre ou à les interpréter car le contraire reviendrait à insinuer que Dieu est influençable. De plus, personne ne sait s'il est béni ou maudit et il est impossible de changer de statut au cours de sa vie. Par conséquent, l'individu calviniste doit suivre son chemin sans possibilité d'obtenir une aide venue de l'extérieur. Il se doit de suivre le chemin tracé par dieu. Cette idée est à la base d'une perception de solitude intense que ressent le calviniste du XVIIème. b. Le Désenchantement du monde Sur le plan de la société, cette théorie implique un désenchantement du monde. En effet, l'homme ne pouvant être sauvé par une intervention extérieure, les sacrements et les rites perdent leurs utilités. Le prieur s'adresse directement à Dieu, ce qui augmente le sentiment de solitude et l'individualisme du croyant mais est à la base de la vision Rationaliste du Chrétien Réformé. c. La Gloire de Dieu et L'état de Grâce Selon la doctrine, les individus, qu'ils fassent partie des élus ou des réprouvés, se doivent de travailler à la gloire de Dieu. Ne sachant pas dans quelle classe il se trouve, le croyant doit donc avoir une confiance et une foix inébranlable en Dieu. Par conséquent, il se doit de travailler à augmenter sa gloire. Le chrétien doit donc se concentrer sur son efficacité dans le cadre d'une communauté d'individus. Chacun utilise ses moyens de la meilleure façon possible pour ordonner la société. Une utilisation de ses propres forces pour atteindre ce but représente le chemin pour atteindre l'état de grâce, c'est à dire le stade ou l'on peut savoir si l'on est effectivement membre de la classe des élus. Cet état de Grâce doit être mesurable par des critères objectifs. Donc, on jugera de la réussite d'un individu par sa fortune. Si elle est importante, cela signifie que l'individu a les faveurs de Dieu et donc qu'il est un élu. Pour atteindre cet état, il est reconnu que le travail sans relâche est de loin le meilleur moyen. Tous les métiers, pourvu qu'ils soient légaux, sont acceptables. Il n'existe aucun préjugé contre certains métiers. Toutes les activités trouvent grâce aux yeux de Dieu, pourvu qu'elle ait sa place dans la communauté et qu'elle soit créatrice de richesse. Il correspond en effet à la satisfaction d'objectifs sociaux impersonnels et supérieurs à l'individu. d. Conclusion : naissance de l'esprit d'entreprenariat D'après cette description, on peut donc dresser un portrait assez précis de l'état d'esprit typique du croyant calviniste tel qu'il était au XVIIème siècle. D'après les dogmes, le croyant devait donc chercher son salut dans une action productive qui puisse employer de la manière la plus efficace les ressources dont il dispose. Pour cette personne, la société doit donc être amélioré par une action individuelle de ses membres. L'oisiveté est donc un péché car une personne ne travaillant pas nuit à la société : "le temps, c'est de l'argent", et fait injure à Dieu en ne contribuant pas à sa gloire. De plus, l'individu Calviniste est profondément rationnel et devras donc optimiser son travail. Par conséquent, la charité et l'entraide n'était pas bien vue car elle mobilisait des ressources pour des tâches moins productives et donc contribuant moins à la gloire de Dieu. Il est par conséquent moral de garder sont argent pour soi si on peut l'investir. De plus, de telles actions diminuent la fortune et donc empêche d'atteindre l'état de grâce et elles ne contribuent pas à sauver les âmes des autres car ils sont soit déjà condamnés, soit déjà sauvés puisqu'ils bénéficient des grâces divines et donc de la réussite des affaires. 3) Ascétisme Nous traiterons ici du lien entre calvinisme et style de vie. Nous montrerons comment le mode de pensée des croyants réformés influe sur l'utilisation de la fortune. Il sera montré en détail l'application de ces constatations au cas des Pays-Bas plus en détail ci-après. a. Style de vie Calviniste. Comme nous l'avons montré précédemment, la confession calviniste implique un mode de pensée rationaliste et fortement centré sur l'optimisation de l'utilisation des ressources. A cette dimension, il convient de rajouter une autre composante de la personnalité du chrétien réformé. Pour cet individu, les sentiments ne doivent pas obscurcir le jugement ni détourner le croyant de sa mission religieuse. De plus, selon la prédestination, nul ne peut aider le croyant à améliorer son sort ou à adoucir sa vie. Par conséquent, le calviniste se doit de respecter un certain ascétisme dans sa manière d'être. Cette hygiène de vie est comparable au style de vie monacale pratiqué par les moines catholiques. Les seules différences résident dans le fait que la vie recluse était inacceptable car on fuyait son devoir et que le vœu de pauvreté était également contraire à l'éthique imposée par la religion. On constate donc une réserve dans l'attitude des calvinistes qui eut tendance à renforcer l'individualisme des personnes. b. Relation au luxe et à l'art Cette vision du monde a fortement influencé les agissements des personnes de confession réformée. L'utilisation de la richesse se faisant obligatoirement dans des activités productives, toutes les autres dépenses devaient donc être restreintes au minimum. De plus, le caractère réservé et non ostentatoire des individus rendait les dépenses luxueuses non souhaitables et même moralement répréhensibles. Par conséquent, les pays ou la religion dominante ou officielle était le calvinisme, on peut constater un marché de l'art inexistant ou destiné à des étrangers. Seul exception, la peinture était autorisée car elle représente la société et est donc une œuvre chargée de montrer la gloire de Dieu. c. Conclusion : l'Ascétisme favorise l'épargne et l'accumulation de capital On comprend donc ainsi que les Etats ou le calvinisme prédomine ait pu obtenir un stock de richesse facilement mobilisable pour développer un système économique efficace. En effet, ce type de raisonnement put ainsi conduire tout un pays dans une course à la richesses par le développement d'une éthique qui favorise la concentration des moyens et la focalisation des activités vers un seul but: produire pour pouvoir produire encore plus. Il faut noter que l'ascétisme se base essentiellement sur la notion du coût d'opportunité. Tout l'argent qui est économisé peut fructifier et ainsi donner plus d'argent s'il est investi dans une activité profitable. Il convient donc de restreindre la consommation à son minimum vital et aux choses nécessaires de manière à pouvoir être en mesure de placer l'argent et ainsi d'obéir au commandement religieux. Les commandement de l'ascète peuvent se résumer par cette citation de Benjamin Franklin (extrait de l'ouvrage: "Necessary Hints to those that would be Rich"): "Pour six livres sterling par an, tu pourras avoir l'usage de cent livres, pourvu que tu sois un homme dont la sagesse et l'honnêteté sont connues. Celui qui dépense inutilement chaque jour une pièce de quatre pence, dépense inutilement plus de plus de six livres sterling par an, soit le prix auquel revient l'utilisation de cent livres. Celui qui gaspille inutilement chaque jour, la valeur de quatre pence de son temps, gaspille jour après jour, le privilège d'utiliser cent livres sterling. Celui qui perd inutilement pour cinq shillings de son temps, perds cinq shillings. Celui qui perd cinq shillings, perd non seulement cette somme, mais aussi tout ce qu'il aurait pu gagner en l'utilisant dans les affaires, ce qui constitue une somme d'argent considérable, au fur et à mesure que l'homme prendra de l'age." 4) Opposition avec le style de vie dit "traditionnel" Il convient de se demander en quoi un tel état d'esprit peu être considéré comme novateur. Pour cela, il faut se pencher sur ce que Weber appel le mode de pensé "Traditionnel". Selon lui, cette appellation s'applique au système de valeurs des Catholiques au moment de l'apparition des différents mouvements de contestation religieuse du XVIème siècle. A cette époque, les esprits s'accordaient avec le mode de production précédant l'apparition des manufactures. Les populations, en majorité rurales, n'ont pas un caractère dirigé vers l'enrichissement à tout prix. L'activité est avant tout pour eux, le moyen de se garantir un niveau de vie adéquat sur terre. Pour l'homme pré-capitaliste, le fait qu'un être humain puissent choisir pour tâche et pour but de vie de descendre dans la tombe couvert de richesses n'est en fait que l'expression d'un instinct pervers. Par conséquent, on peut comprendre que l'idéologie calviniste ait été mal reçue dans les sociétés à dominante rurale du début de la Renaissance. En effet, le changement de système de production (passage de l'artisanat ou de la production avec un collecteur amenant les matières premières chez l'ouvrier et revenant chercher le résultat du travail à des systèmes de production concentrés dans des manufactures) est dû en partie au développement de ce nouveau système de valeur chez les classes possédant les entreprises et, partout ou elles avaient le contrôle politique ou quel bénéficiait d'une tolérance des autorités, les classes de la bourgeoisie purent développer un système d'économie de marché poussé. Il est à noter que l'on retrouve les principaux foyers de développement du calvinisme dans les villes et particulièrement dans les classes marchandes de ces villes. Aux Provinces-Unies, la répartition géographique des confessions fut assez marquée: Les marchands Réformés de Hollande et Zélande se distinguent nettement des populations catholiques des pays de la généralité et de la Drenthe. Maintenant que nous avons vu comment fonctionne la théorie de M. Weber, on peut se poser la question de savoir comment, à partir de ces bases, on peut expliquer le développement d'une économie qualifiée de capitaliste, c'est à dire, où le profit est le moteur de l'activité économique et où sa maximisation est le but de tous les investisseurs. Modèle de développement du capitalisme (Basé sur les hypothèses de M. Weber) Par T. Shichijo et J. Kobayachi, professeur à l'université de Chicago. L'article présentant le modèle étant suffisamment détaillé, ce paragraphe ne contiendra que les réflexions principales. L'article lui-même est disponible à l'adresse: http://www.uu.nl/content/Paper205.pdf Ce modèle est basé sur la thèse de M. Weber et explique comment un système capitaliste peut se développer dans une société avec un référentiel de valeur protestant-rationel tel qu'il est décris précédemment. Ce modèle mathématique est sensé montré les effets macroéconomiques de l'expansion de la foi protestante. Il donne comme résultat l'évolution de la part des protestants et de la part des personnes adoptant une attitude propre à participer à une économie capitaliste. 1) Fait principaux 1-1) Développement du capitalisme L'esprit et les valeurs du calvinisme amènent les protestants à se comporter de manière à rechercher le profit selon le principe de la vocation ou "Beruf". C'est pourquoi les systèmes capitalistes se développent en priorité dans les zones d'implantation calviniste. 1-2) Chute du protestantisme Le système capitaliste une fois implémenté ne nécessite plus de se reposer sur les motivations de l'éthique protestante. Les réflexes capitalistes remplacent alors les réflexes inspirés par la morale religieuse et amènent une baisse de la proportion de protestant dans l'économie. 2) Objectif du modèle Il montre que le protestantisme fait augmenter le nombre de capitalistes car les protestants y adhère par identification à leurs valeurs. Une fois le capitalisme mis en place, les catholiques rejoignent le capitalisme par intérêt car ils se rendent compte qu'ils ont plus à y gagner. Finalement, on obtient une société entièrement sujette aux lois d'une économie de type industriel capitaliste. 3) Définitions et Règle du Modèle 3-1) Action Une personne choisit de travailler de matière capitaliste ou traditionnelle. Les capitalistes travaillent ensemble dans l'usine alors que les traditionalistes travaillent seul. Payoff des actions : Le payoff des traditionalistes est constant à un niveau donné. Le payoff des capitalistes est inférieur à celui des traditionalistes quand ils sont peu nombreux mais augmente avec le nombre (économie d'échelle). Choix du système économique : Les enfants protestants sont toujours capitalistes. Quand les capitalistes ont un payoff supérieur à celui des traditionalistes, les enfants catholiques commencent à devenir capitalistes. Au départ, il y a peu de capitalistes protestants et aucun protestant traditionaliste. Les autres sont catholiques traditionalistes. 3-2) Education et influence La population protestante procure à ses enfants une meilleure éducation que les catholiques. Cette éducation décroît avec l'augmentation de la proportion de la population protestante pour atteindre le niveau moyen de la population catholique. Cette éducation influe sur les actions des différentes populations en fonction de l'influence de celle-ci. 4) Résultats du Modèle Ce modèle démontre que la population devient entièrement capitaliste si les protestants ont plus d'influence que les non protestants et ce jusqu'à ce qu'ils aient réussi à développer une économie plus efficace que l'économie traditionnelle et donc qu'ils génèrent des rentrées d'argent plus importantes que pour une économie traditionnelle. Sinon, il restera toujours des individus n'adhérant pas à cette nouvelle économie. 5) Conclusion Ce modèle est idéal pour expliquer pourquoi un pays disposant d'une petite population protestante peut développer un système économique moderne et capitaliste. Mais il met également en valeur certaines des limites du raisonnement de Weber. En effet, il montre que sans une influence importante de la population protestante et sans un système éducatif et religieux présent et efficace, il est impossible de mettre en place une économie de type capitaliste. C'est pourquoi on peut comprendre que certain pays tel que la France ou le Canton de Vaud n'aient pas connu la même réussite économique que les Pays-Bas. En effet, la France a connu un régime politique défavorable à sa population protestante qui a du trouver refuge dans des places de sûretés avant de devoir fuir après la révocation de l'édit de Nantes. Dans le cas du canton de Vaud, l'absence d'un gouvernement local peut expliquer le fait que la population protestante n'ait pu jouer un rôle moteur dans le développement économique, ce qui peut expliquer dans une certaine mesure le retard pris par le canton vis à vis de Zurich. Nous allons maintenant voir les caractéristiques propres au Pays-Bas et à son histoire qui montrent en quoi la théorie vue ci-dessus semble pouvoir s'appliquer à ce pays et les faits qui démontrent qu'il faut prendre en compte d'autres phénomènes pour expliquer le développement fulgurant que connut ce pays lors de son âge d'or au XVIIème siècle. La société néerlandaise au XVIIème Siècle Dans cette partie, nous montrerons donc quels éléments de la société néerlandaise peuvent soutenir les théories décrites ci-dessus. 1) Influence de l'église dans la vie néerlandaise. Nous devons tous d'abord faire une constatation importante. Toute la population néerlandaise n'était pas de confession calviniste. Un grand nombre de néerlandais des sept provinces de l'union d'Utrecht restèrent Catholiques. Ce phénomène eu lieu dans les provinces plus rurales du Sud-est du Pays (Drenthe, Gueldre, Limbourg) ainsi que dans les provinces de la généralité gagnées à l'indépendance des Pays-Bas. Il faut constater que l'influence de l'église resta limitée sur le plan séculier. En effet, même si on constate que des mesures d'intolérance vis-à-vis des catholiques furent prises (en 1583, des mesures visant à exclure les catholiques du pouvoir furent prise ainsi que une ordonnance visant à limiter le culte non calviniste), les Néerlandais furent plus attachés à la tolérance érasmienne qu'à une volonté de reproduire les excès de la république religieuse de Calvin à Genève. De plus, la plupart des marchands et bourgmestres contrôlant le pays étaient plus motivés par des raisons économiques que par la volonté de respecter l'application stricte de la loi religieuse. Par conséquent, l'église n'eut qu'un rôle limité dans le fonctionnement du pays. Par exemple, l'usure était une pratique réprouvée très fortement par le culte calviniste mais elle dû s'incliner et tolérer cette pratique car elle permettait à la République de survivre en finançant la guerre contre l'Espagne par des moyens privés qui, selon l'éthique, aurait dû être consacrés à des activités productives. Cette tolérance forcée fut assez répandue dans cette période. La religion se bornait donc à être une justification morale de la politique réalisée par les dirigeants de la République. Ceci était poussé parfois à l'extrême lorsque les factions politiques se servaient des querelles théologiques pour tenter de discréditer leur adversaire. 2) La querelle concernant le "Dogme de la Prédestination" Cette querelle éclata peu avant 1610. Elle mettait au prise deux professeurs de l'université de Leyde : Arminius et Gomarus. Le premier soutenait que la prédestination niait la puissance salvatrice du christ et le libre-arbitre de l'homme alors que le second défendait la vision orthodoxe du calvinisme. La seconde pensée était majoritaire mais la querelles enfla de plus en plus et ce malgré la mort d'Arminius et le départ de Gomarus pour la France. En effet, on posait la question de savoir qui était compétant en matière de religion. Le traité d'Utrecht stipulait que "pour l'exercice public de la religion, s'il doit être permis ou interdit à ceux qui font profession d'une religion différente de la religion réformée, que chaque seigneurie en ordonne comme elle trouvera selon son usance… Cependant, que tous soient tenus de permettre à chacun la liberté de religion et de conscience sans persécuter ni troubler aucun pour ces sujets là." Appliquant ce principe au nom de la tolérance et de l'humanisme, les Arministes firent appelle aux Etats de Hollande qui confirma leur point de vue. Mais le prince d'Orange pris lui le parti des gomaristes et, en 1619, avec le soutien de l'armée et de la ville d'Amsterdam, fit arrêter le chef des Etats de Hollande, Johan van Oldenbarnevelt et exécuter ses partisans. A ce moment là, la querelle religieuse était passée au second plan. En effet, la lutte était devenue politique. Les gomariste accusaient les Arministes de trop de tolérance vis à vis des catholiques et donc de trahison car les catholiques étaient, selon eux, les représentants de l'Espagne. La question fut finalement tranchée au concile de Dordrecht en 1619 qui consacra la victoire des Gomaristes. Malgré cela, il faut noter que l'église réformée ne put jamais atteindre la position dominante qu'elle espérait et son emprise sur la société fut assez limitée. On peut donc conclure que le protestantisme, s'il était influant dans le domaine politique, ne constituait pas un élément fondamental de la vie néerlandaise. La religion fut le moteur de la vie sociale mais restât toujours subordonnée à la sphère politique. Vis à vis de l'économie, on peut également dire que la religion ne fut là que pour modérer la pensé et les agissements des Néerlandais. Par exemple, en 1636, l'église condamna la spéculation pour éviter que l'emballement de l'économie sur l'achat de tulipes soit fatal au Pays. De plus, les effets du protestantisme furent modérés et canalisés par l'humanisme qui reste de nos jours une vertu cardinale de la façon de penser des néerlandais et qui adoucit les effets du calvinisme sur le mode de pensée du peuple des Pays-bas. 3) L'Humanisme néerlandais et l'épanouissement de la culture Les Pays-Bas doivent également beaucoup à Erasme et l'Humanisme. Cette doctrine peut se résumer selon trois points : L'éducation Dans sa volonté de réaliser un modèle humain, l'humaniste porte un souci particulier à la formation de l'enfant d'où les nombreux traités de pédagogie (Vives, Erasme, T. Eliot,...) mais aussi les virulentes critiques adressées à l'enseignement de tradition médiévale (Rabelais, Montaigne, caricatures de Bruegel...). Face aux universités sclérosées par le formalisme, le dogmatisme stérile de la scolastique, les humanistes prônent une éducation libérale caractérisée par le respect de la personnalité de l'enfant, le savant dosage entre effort intellectuel et jeu, la pratique des auteurs anciens, un dialogue fécond entre le maître et l'élève. Le mouvement humaniste finira par triompher des vieilles universités médiévales (citadelles aristotéliciennes comme la Sorbonne en France), leur substituant des établissements humanistes dont les plus prestigieux furent le Collège des Lecteurs Royaux (futur Collège de France), St Paul à Londres, le Corpus Christi (Collège d'Oxford), Deventer (Pays-Bas), le "Gymnase" strasbourgeois de Sturm, le Collège trilingue (Latin, Hébreux, Grec) de Louvain, l'Alcala de Hénarès en Espagne. La religion La redécouverte des valeurs morales encloses dans la littérature gréco-latine et l'affirmation d'une liberté de l'homme par la pensée ont souvent engendré des conflits avec l'Eglise et ses doctes attachés à la lettre de la Tradition ou au ritualisme. En effet, l'humaniste pousse à une indépendance d'esprit, un libre examen des textes religieux qui sont vite perçus comme subversifs. Ainsi, l'imprimeur humaniste Dolet sera brûlé comme hérétique et athée à Paris en 1546. La politique Caractérisée par l'amour du peuple, le pacifisme, l'esprit oecuménique et la volonté d'équilibre entre les pouvoirs; la pensée humaniste est également amenée à tenter d'influer sur les décisions politiques. Se considérant comme appartenant à la "République des Lettres" qui serait sans frontière; les humanistes les plus éminents font Insertion d'une Biographie d'Erasme toujours passer les intérêts moraux et permanents avant les intérêts politiques (matériels et temporels). Ce fut le sens des activités d'Erasme auprès de Charles Quint, de Budé auprès de François Ier ou de Thomas More auprès d'Henri VIII. En adressant aux quatre grands (Charles Quint, François Ier, Henri VIII et Ferdinand de Habsbourg) les "Quatre paraphrases sur l'Evangile" (en 1522-1523) afin d'empêcher une guerre européenne; Erasme fit là le geste le plus représentatif de ce que put être l'esprit humaniste sans frontière. Extrait du site www.publius-historicus.com Alors que les calvinistes appliquèrent une législation sociale très répressive, nombre d'intellectuels tel Grotius ou Spinoza militèrent auprès des autorités et notamment auprès des états généraux de Hollande, qui était les plus puissants et les plus influents, pour tempérer l'ardeur de l'église calviniste dans sa volonté de créer une société à l'image de celle de Calvin à Genève. Même si on châtiait encore très sévèrement les homosexuels, il est à noter que les procès pour sorcellerie furent arrêtés très tôt et on peut constater une certaine clémence dans les jugements par les tribunaux néerlandais. La tolérance fut donc le fruit d'un compromis, mot qui est le plus à même de caractérisé la politique néerlandaise, entre les humanistes et les calvinistes. Cette tolérance permit le développement d'un véritable foyer culturel à Amsterdam, ville la plus cosmopolite d'Europe, puisqu'elle permit le côtoiement de toutes les confessions et qu'elle accueillit de nombreux immigrants venant de pays ou ils étaient persécutés (juifs du Portugal et d'Espagne dont le plus illustre fut Spinoza, Huguenots français, etc…). Ceci permis aux Néerlandais de vivre un âge d'or de la culture et de la science qui leur donna un avantage face à leurs concurrents. L'imprimerie du pays était des plus prolifiques car moins coûteuses et moins soumise aux interdits (Le "Livre des poésies illustré" de Cats fut tiré à 55000 exemplaires). La peinture vit s'épanouir de nombreux artistes hautement célèbres tel Rembrandt, Vermeer ou Frans Hals. Ce foyer culturel peut également expliquer l'avance technologique dans le domaine maritime. 4) L'éducation D'après les thèses défendues par Weber et utilisées comme base dans le modèle expliquant l'expansion du protestantisme et du Capitalisme, l'éducation joue un rôle primordial. Aux Pays-Bas, le système d'éducation au XVIIème siècle était parmi les plus développés d'Europe. On comptait 6 universités : Leyde (fondée en 1575 et la plus importante), Franeker (fondée en 1585) ainsi que Deventer, Groningue, Harderwijk et Utrecht. Ce nombre est important au vu de la population du pays (1,5 Millions d'habitants en 1600 et 1,9 Millions en 1700). De plus, ces universités sont le reflet du compromis et de la tolérance de la société néerlandaise. A Leyde, université fondée par Guillaume Ier d'Orange et véritable fleuron du système éducatif, les cours de théologie réformée côtoyaient les matières dites profanes telles que le droit, les langues orientales, la médecine ou la botanique. Nombreux furent les étrangers célèbres (par exemple Descartes) à venir fréquenter ces établissements. Bien que réservés à une élite issue de la classe dirigeante, ils procuraient néanmoins un important réservoir de main d'œuvre hautement éduqué et qualifié. Pour le reste de la population, il existait des "écoles illustres" moins réputées mais dispensant un enseignement supérieur ainsi que des "petites écoles" qui apprenait à lire et écrire aux plus pauvre. Au nom du commandement religieux de la réforme qui stipulait que n'importe quel individu puisse accéder au commandement divin sans intermédiaire, ces écoles privées ont contribué à éradiquer l'illettrisme et l'analphabétisation. Dans certain cas, l'Etat promulguait même des décrets obligeant les trésors provinciaux à payer l'éducation à tous les enfants de sept ans (décret de 1630 concernant la région de la Drenthe). Ce système permet l'émergence d'une vaste classe de travailleurs nettement plus qualifiés que leurs collègues des autres pays, motivés dans leurs actions économiques par l'éthique protestante et humaniste qu'on leur inculque dans le système scolaire et animés par l'esprit du capitalisme tel que le décrit Weber. Conclusion : Dans quel mesure le calvinisme permet-il l'émergence d'une économie dite capitaliste? A cette question, tous les économistes s'accordent pour répondre que le lien entre capitalisme tel que décrit par Weber et calvinisme existe réellement mais tous divergent sur l'importance d'un tel lien. Les partisans du modèle wébérien le disent comme essentiel. Ces opposants décrivent cette relation comme marginalisable au vu d'autres facteurs. Au vu de l'analyse menée, il nous a semblé évidents de rappeler certains faits majeurs concernant l'influence calviniste: - Les dogmes calvinistes forment chez l'individu du XVIIème siècle un mode de pensée propice à l'entreprenariat au sens moderne du terme et selon le principe de vocation ("BERUF") - L'ascétisme calviniste favorise l'investissement et la création du capital par l'accumulation de richesses non consommées et par le refus des dépenses somptuaires. - La position de la communauté protestante dans la société et son influence détermine le potentiel de développement d'un système capitaliste. - Le dogme calviniste pousse au développement d'un système scolaire efficace et donc à la formation de la population et au développement d'une élite importante et hautement qualifiée qui permet la promotion du calvinisme et du capitalisme. On comprend donc que l'éthique calviniste est nécessaire à l'éveil d'une société capitaliste mais il semble clair que ce n'est pas une condition suffisante. Sans un système politique local et capable de supporter la population calviniste et son influence, il aurait été impossible d'obtenir un développement économique. Il en est de même pour l'humanisme. Cette philosophie est profondément ancrée dans la pensée néerlandaise et elle permit d'éliminer certains côtés extrêmes de l'implantation du calvinisme tel que l'intolérance. Par le développement du compromis, on a pu assister à la naissance de cet esprit de tolérance qui permit le siècle d'or de la culture néerlandaise. Sans l'humanisme, on peut se demander si les Pays-Bas n'auraient pas sombré dans une théocratie religieuse qui n'aurait pas permis le siècle d'or. Ayant maintenant étudier les facteurs d'ordre psychologiques, philosophiques et religieux, nous allons maintenant nous intérésser au fait économique qui décrivent la puissance de l'économie néerlandaise. Amsterdam, le centre de l'économie mondiale au 17ème siècle L'économie des Pays-Bas qui a été marquée par une croissance exceptionnelle à partir du XVème siècle est souvent présentée comme un exemple d'efficacité économique. Ceci soulève de nombreuses questions, notamment celle de son fonctionnement et des raisons d'une telle croissance. L'émergence de l'entrepôt mondial à Amsterdam Les bases de cette croissance remontent au milieu du XVème siècle : alors que la plupart des pays d'Europe souffrent d'un manque de main d'oeuvre en raison des épidémies de peste qui ont ravagé les populations, les provinces du Nord des Pays-Bas, qui en ont relativement moins souffert (il semble que le régime alimentaire riche en protéines et en vitamines des habitants des provinces maritimes du Nord, la Hollande et la Zélande en soit la raison; ceux-ci se nourrissaient principalement de poisson et de légumes frais), disposent d'une offre de travail relativement conséquente dans les zones maritimes. De plus, les secteurs agricoles et industriels se sont restructurés, notamment avec la construction de digues et de moulins à vent servant au drainage des terres. Ainsi, la productivité du travail a augmenté relativement aux autres pays, ce qui libère une force de travail supplémentaire. Il est important de noter également que les Néerlandais avaient des grandes connaissances dans la construction navale et la navigation, et que du fait de sa localisation côtière, le pays était ouvert à la Mer. La demande internationale en forte croissance coïncide alors avec la croissance de l'offre dans l'économie néerlandaise et dès lors il est naturel que la région ait capté une grande part du commerce international de l'époque. A cette époque, l'économie internationale avait besoin d'un centre dominant (voire unique) qui remplissait la fonction de marché. En effet, l'offre de biens étant irrégulière et la demande plutôt constante, il fallait un endroit où stocker et inventorier les marchandises. Les coûts pour collecter des informations quant à la disponibilité et à la localisation des marchandises étaient très élevés du fait de la lenteur et du faible développement des moyens de communication, ce qui parle également en faveur de la centralisation en un point où "tout (marchandises et informations) serait à portée de main"5. Mais alors se pose la question de savoir pourquoi Amsterdam a joué ce rôle "d'entrepôt du monde". Les historiens ont souvent avancé l'argument politique du blocage de l'Escaut dont 5 "Dutch primacy in the world trade", Israël, p.73. nous avons parlé plus haut et qui avait pour but de neutraliser Anvers. Pourtant, d'autres voix s'élèvent pour dire qu'avant cet épisode, Anvers avait déjà perdu de sa suprématie et que les arguments en faveur d'Amsterdam sont d'ordre économique. Le port, qui avait déjà une grande expérience dans le commerce de gros (principalement du blé) avec la Baltique et la Mer de Nord avait des atouts tels qu'une offre élastique de navires (tout était en place pour en construire des nouveaux), des coûts de transaction faibles ainsi qu'un marché efficient. La plus grande capacité de stockage à Amsterdam parlait également en faveur de cette ville. De plus, l'autonomie politique ainsi que la protection des intérêts commerciaux ont crées un environnement très favorable à l'accueil et au développement des riches marchands dans le cadre d'une économie internationale en mutation. L'âge d'or d'Amsterdam Le début de l'âge d'or est marqué par une croissance simultanée des voies maritimes utilisées par les navires néerlandais et des capitaux investis dans l'acquisition et le stockage des marchandises dans l'entrepôt d'Amsterdam. De nombreux services financiers étaient assurés par les banquiers de la place, et les marchands usaient de moyens tels que le crédit aux navigateurs afin de s'assurer l'accès prioritaire à la cargaison ou encore la lettre de change pour lier les acheteurs à l'entrepôt. Les marchandises changeaient souvent de propriétaire avant même d'arriver au port. Un des éléments qui permet d'expliquer le volume des capitaux important qui transitaient par Amsterdam sont les hauts profits que rapportait l'argent investi. En effet, les profits réinvestis représentaient une grande partie des fonds utilisés pour créer de nouvelles expéditions maritimes. On peut citer par exemple, le cas de la VOC dont les actifs valaient 6,5 millions de florins à sa création en 1602 et qui ont crû à 40 millions en 1660 uniquement sur la base des profits retenus dans la compagnie. Entre 1625 et 1648, le prix de l'action de cette compagnie qui s'échangeait à la bourse d'Amsterdam est passé de 152 florins à plus de 400, ce qui reflète dans des marchés efficients la valeur prise par cette société, mais on observe également les premières bulles spéculatives à cette époque. A cette époque, les obligations d'Etat offraient 8,3 % d'intérêts nominaux, mais elles avaient de la peine à trouver preneur, non par crainte de ne pas être remboursé, mais parce que les investissements dans le secteur commercial offraient un rendement supérieur6. 6 "The first modern economy", J. de Vries & A. van der Woude, p.114. Il faut noter encore que les taux auxquels les marchands pouvaient emprunter sur les marchés financiers d'Amsterdam étaient les plus faibles d'Europe, ce qui leur donnait un avantage certain par rapport aux autres lieux d'échange lors de l'achat des marchandises. Les taux d'intérêts étaient environ entre 2,5 et 4 % alors qu'ils étaient le double en France, en Allemagne et en Angleterre. Ces taux d'intérêts bas reflétaient non seulement l'abondance des capitaux mais aussi l'absence de risque des prêts 7 , due principalement aux institutions financières bien réglementées. Le port d'Amsterdam au XVIIème siècle: 7 "Dutch primacy in the world trade", Israël, p. 413. Quelques instruments financiers L'entrepôt hollandais était non seulement le lieu d'échange de la plupart des marchandises qui transitaient dans le monde, mais également la place financière la plus importante pendant cette période, ceci en réponse aux mêmes besoins de concentration que pour le marché des biens. Outre la possibilité de pouvoir emprunter à un coût très faible, les marchands ont cherché à se prémunir contre le risque de perdre leur fortune en mer. Ils avaient la possibilité de contracter une assurance maritime, ce qui n'était pas une première dans l'histoire puisque ceci était déjà courant à Anvers et à Londres. Mais, en 1598, le conseil de la ville d'Amsterdam fonda la Chambre Civile d'assurance maritime afin d'augmenter la confiance des contractants, en obligeant l'inscription des polices dans un registre et en facilitant la résolution des conflits. La prime d'assurance représentait un petit pourcentage de la valeur de la cargaison (moins de 3%), et dépendait de la destination du navire. Un autre moyen de se prémunir du risque était de s'associer avec d'autres investisseurs pour la propriété des chargements (la somme minimale à investir représentait jusqu'à 1/64 du coût de l'opération), ce qui ouvrit l'aventure du commerce lointain aux commerçants et artisans ou encore de maintenir une force armée qui accompagnait les bateaux commerciaux comme le faisait la VOC. Les lettres de changes étaient également très répandues et servaient souvent de moyen de paiement entre les différents marchands. D'après ce papier qui liait un créancier (vendeur d'un bien) à un débiteur (l'acheteur), celui-ci devait verser une certaine somme d'argent (dans une monnaie différente de celle de la dette) à une date donnée et dans un lieu défini d'avance. Ce papier était transmissible entre les créanciers. Afin de contrôler les taux de change de ces papiers et d'éviter que des marchands ne se fassent flouer par d'autres, la Banque d'Amsterdam (Wisselbank) fut crée en 1609. Cette banque publique fondée d'après le modèle des banques vénitiennes permettait d'effectuer des dépôts, des virements entre les comptes et surtout d'échanger les lettres de change, de manière rapide et efficiente. Toute lettre de change d'une valeur supérieure à 600 florins devait être déposée à la banque. De plus, celle-ci gardait un secret bancaire absolu sur toutes ses affaires. Toutes ces institutions financières ont contribué à doper l'essor économique d'Amsterdam, en sécurisant les transactions réduisant ainsi le risque lié aux investissements, ce qui était fortement apprécié des marchands. La disponibilité de nombreux moyens de crédit à court et à long terme ont également permis de multiplier le nombre des expéditions commerciales. La chute de la puissance économique des Pays-Bas Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer pourquoi les Pays-Bas ont eu un rôle à jouer qui a fortement diminué après le siècle d'or. Ce déclin est relatif: jusque dans les années 1770, les Pays-Bas restèrent la puissance commerciale dominante en mer Baltique. La VOC restait très profitable, des dividendes ont été versés jusqu'en 1781, restant la valeur de référence de la bourse d'Amsterdam; la WIC connut un essor considérable grâce à la réussite de l'économie de la Guyane hollandaise. Mais pendant que la quantité augmentait, la part des Pays-Bas diminuait. La part du commerce de la Baltique dont s'occupait les Néerlandais chuta de 53% à 28% entre les années 1660 et les années 1770. La concurrence Une concurrence féroce est apparue avec l'apparition des marchands anglais et français surtout, mais également allemands. Les Pays-Bas ont surtout perdu le quasi-monopole qu'ils détenaient avec le contrôle des prix que cela implique. Les produits qui transitaient par la Baltique ont été durement touchés (en 1700, les Néerlandais fournissaient 60% du hareng consommé en Baltique, ils n'offraient plus que 15% en 1740), de même que les positions de la VOC en Inde et en Chine. De Méditerranée et du Levant (Proche-Orient), les marchands néerlandais ont quasiment disparu. Dans le commerce américain, la part hollandaise restait très inférieure à celles des Anglais et des Français. Le développement scientifique Les bateaux ont été améliorés, et l'escale à Amsterdam, ou un autre port néerlandais, n'était plus nécessaire. Les Pays-Bas ne servaient plus de plaque tournante au commerce international. Le protectionnisme Les quelques marchandises qui transitaient tout de même par les Pays-Bas (laine, coton, tabac et sucre surtout) repartaient sans être transformées par l'industrie locale à cause des barrières protectionnistes (pas de valeur ajoutée). Le lien entre industrie et commerce rompu, les coûts de production étant clairement supérieurs aux autres pays (des salaires trois fois supérieurs, notamment), il y eu une grande période de désinvestissement. Une des industries phares du pays, le textile de Leyde, fournissait 139'000 pièces de tissu en 1671, 54'000 en 1750 et 29'000 en 1795. Investissement chez les concurrents Cet argent qui n'était plus investi dans l'industrie nationale était donc investi ailleurs. La Compagnie anglaise des indes a été en partie financée par les régents d'Amsterdam. De fait, la prospérité des Provinces-Unies et celle de l'Angleterre se retrouvaient étroitement liées. Il y avait alors concurrence commerciale et soutien financier avec le même pays. De cette façon, l'appui politique à l'expansion commerciale commença à diminuer, les régents ayant des intérêts financiers chez les concurrents directs. Le mercantilisme La raison qui a poussé à l'apparition du protectionnisme et de la concurrence réside dans la doctrine économique dominante de cette époque: le mercantilisme. Cette théorie a guidé les politiques économiques et commerciales des Etats de l'Europe occidentale du XVIème au XVIIIème siècle. Elle est apparue dans un contexte où de grands états nationaux absolutistes s'établissaient (France, Espagne, Angleterre) et où les métaux précieux du Nouveau-Monde affluaient. L'idée de base est que la seule richesse authentique est dans le numéraire (A Smith, qui a fortement combattu cette idée dit dans " Une enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations": "en un mot, dans le langage ordinaire, Richesse et Argent sont regardés comme absolument synonymes") et que par conséquent il y a dans le monde une masse de richesses fixes et ce que l'un gagne, l'autre le perd forcément (jeu à somme nulle). Il s'agit donc par définition d'une politique de conflit, visant à augmenter la masse monétaire, d'une politique dirigiste exclusivement au service des grands intérêts nationaux. Il faut faire entrer des métaux précieux dans le pays, et éviter qu'ils ne sortent. Le mercantilisme s’est développé durant une période très longue puisque son ébauche en est faite à la fin du XVème siècle et qu’il dure jusqu’au milieu du XVIIIème siècle. Sur la durée, la pensée a évolué, d’autant plus qu’en se diffusant progressivement dans toute l’Europe il sera marqué par les spécificités nationales L'idée la plus simple consiste à interdire toute exportation de métal précieux. Il s'agit du bullionisme (en anglais, bullion veut dire lingot). C'est ce qu'ont fait les Espagnols au moment où ont commencés à arriver les cargaisons de métaux précieux d'Amérique. Ils ont interdit toute sortie d'argent ou d'or, sous quelque forme que ce soit. Les exportateurs espagnols devaient rapatrier toute la monnaie qu'ils gagnaient à l'échange, et les importateurs ne devaient payer qu'avec des produits espagnols. En France, le mercantilisme prit la forme de l'industrialisme, dont Colbert fut le champion. L'Etat s'efforçait de développer les ventes de produits industriels à l'étranger: d'une part en encourageant les manufactures locales et en créant de manufactures d'Etat, d'autre part en érigeant des barrières protectionnistes en taxant l'entrée de marchandises (pas des matières premières, qui étaient taxées à l'exportation). De même, il y a eu la création d'une compagnie des indes, qui ne put pourtant jamais concurrencer les hollandais. Avant Colbert, le mercantilisme français fut agraire sous le règne d’Henri IV afin d'améliorer la situation financière de la France en développant le commerce et la qualité des produits agricoles. Les Anglais ont inventé le commercialisme, qui suivait le même principe, mais mettait l'accent sur le développement de la navigation. L'un des éléments clés de la politique commerciale anglaise est le Navigation Act de 1651 qui stipule que seuls les vaisseaux anglais ou possédés par des marchands anglais pouvaient importer dans le Commonwealth: And it is further enacted by the authority aforesaid, that no goods or commodities of the growth, production, or manufacture of Europe, or of any part thereof, shall after the first day of December, one thousand six hundred fifty and one, be imported or brought into this Commonwealth of England, or into Ireland, or any other lands, islands, plantations or territories to this Commonwealth belonging, or in their possession, in any ship or ships, vessel or vessels whatsoever, but in such as do truly and without fraud belong only to the people of this Commonwealth, as the true owners and proprietors thereof, and in no other, except only such foreign ships and vessels as do truly and properly belong to the people of that country or place, of which the said goods are the growth, production or manufacture; or to such ports where the said goods can only be, or most usually are first shipped for transportation; and that under the same penalty of forfeiture and loss expressed in the former branch of this Act, the said forfeitures to be recovered and employed as is therein expressed. Il fut complété par les premières corn laws afin de protéger les producteurs anglais et par une série de mesure afin d'accentuer la mainmise anglaise sur l'Ecosse et l'Irlande. Dans tous ces pays, une des composantes essentielles du mercantilisme a été le pacte colonial, qui assurait à la métropole l'exclusivité du commerce avec ses colonies. Lorsque ces grands pays eurent donné le ton, ils furent imités par de nombreux autres plus petits, comme le Portugal, la Suède et la Prusse. Ce système permit l'émergence et l'essor d'une économie de grandes entreprises soutenues par l'Etat, mais avait aussi de nombreux défauts: cette guerre d'argent débouchait parfois sur des guerres militaires, qui laissaient le pays ruiné le pacte colonial fut une des causes directes de la révolution américaine (Boston Tea Party) pour continuer à développer l'industrie, il fallait maintenir des coûts salariaux très bas, aussi dans l'agriculture, d'où une condition paysanne misérable l'économie autarcique qui résulte du protectionnisme n'est pas forcément bénéfique (actuellement, la doctrine est, officiellement, le libre-échangisme). Les conséquences pour le commerce des Pays-Bas Les Pays-Bas vivant de commerce, ils ne pouvaient qu'être touchés de plein fouet par ce mercantilisme protectionniste. Les importations et exportations aux Pays-Bas étaient également taxées, mais généralement ces taxes restaient basses. Des mesures protectionnistes furent accordées aux entreprises locales, notamment aux drapiers de Leyden, mais elles n’étaient pas extrêmes comme en France. Les Pays-Bas ont tenté de réagir à ces mesures protectionnistes. Le Navigation Act a donné lieu à des guerres maritimes avec l'Angleterre, avec comme conséquence la révision de ce décret en 1660. Le protectionnisme et l'impérialisme français sous Louis XIV ont également causé de nombreuses batailles. Comme ces plans n’ont pas rencontré le succès escompté (et évidemment pour d'autres raisons politiques), la France a envoyé ses troupes aux Pays-Bas en 1672; ces dernières n'ont pas atteint Amsterdam, car Guillaume d'Orange prit le parti de noyer la campagne sous l'eau en ouvrant les écluses. Les diplomates néerlandais ont alors essayé de construire un réseau de traités commerciaux pour se garantir l’accès à différents marchés, mais sans grand succès. En 1687, Louis XIV banni les exportations néerlandaises de France, en réinstaurant les tarifs douaniers de 1667, qui avaient été abandonnés après la guerre. Afin de contrer les desseins de la France, Guillaume III a été élu Stathouder en 1672, après la défaite contre la France. Petit fils de Charles I d'Angleterre, époux de sa cousine Marie Stuart, fille de l'actuel roi d'Angleterre Jacques II, il a une certaine légitimité à prétendre à la couronne royale; lorsque le parlement anglais, craignant l'instauration durable d'une dynastie écossaise et catholique sur le trône, fit appel à lui, il traversa la Manche à la tête d'une petite armée. Il fut porté sur le trône d'Angleterre, conjointement avec sa femme, après avoir ratifié la Déclaration des droits (1689) reconnaissant le régime constitutionnel anglais et demeura jusqu'à sa mort le principal animateur de la coalition contre les prétentions hégémoniques de Louis XIV (la ligue d'Augsbourg). Ce mercantilisme a favorisé l’apparition de compagnies de navigation concurrentes, comme la compagnie anglaise des Indes et la compagnie du Nord française de 1669, conçue pour concurrencer directement les Pays-Bas. En 1730, les Provinces-Unies disposent de la plus grande capacité maritime d’Europe, avec 400'000 à 450'000 tonnes ; en 1780, la flotte française avait une capacité de 700'000 tonnes et la flotte anglaise de 1 million. Exportation des Pays-Bas (en million de Florins, en termes réels)8 En direction de 1650 1720 Europe, par mer 105 73 Europe, par terre 10 10 (Belgique, Allemagne) Hors Europe 5 7 Total 120 90 8 In The first modern Economy, J. de Vries, A. Van der Woude 1770 72 20 8 100 Importations des Pays-Bas (en million de Florins, en termes réels)9 Venant de 1650 1720 Europe, par mer 120 78 Europe, par terre 5 6 (Belgique, Allemagne) Hors Europe 15 24 Total 140 108 1770 95 10 38 143 La balance commerciale néerlandaise, toujours négative, n’a cessé de se péjorer (ces chiffres ne comprennent pas les banques, les assurances, le transport maritime ni les investissements; la balance des paiements était positive), entre autres à cause de la chute des exportations. Un autre phénomène important a contribué à cet état de fait: l'appréciation du florin par rapport aux autres monnaies. Nous en parlons plus loin. Le XVIIIème siècle aux Pays-Bas est une longue lutte pour garder aux Provinces-Unies leur qualité d’entrepôt de l’Europe, malgré des circonstances très défavorables. Emploi assuré par le transport maritime (approximativement)10 Zone 1610 1630-1640 1680 1725 1770 a Europe 19'500 21'500 18'500 22'000 21'000a WIC et 2'000 4'000 2'000 Afrique VOC 2'000 4'000 8'500 11'000 11'500 b b b Pêche 6'500 8'500 15'500 13'000 10'000b Amirauté 3'000 8'000 3'500 3'500 2'000 Total 33'000 46'000 48'000 49'500 44'500 a les données séparées n'étaient pas disponibles. Elles prennent en compte la WIC et le commerce européen. b l'augmentation du nombre de pêcheurs est en grande partie due à l'apparition de la pêche à la baleine. Le commerce avec la Baltique, la Scandinavie et la Russie a augmenté en valeur, mais les Néerlandais ont perdu des parts de marché: le fer transporté est passé 42'665 tonnes, dont 30% du marché était contrôlé par les Pays-Bas (12'800 tonnes), à 541'750 tonnes, dont ils ont obtenu 7% du marché (37'900 tonnes), entre 1660 et 1770. Pour certains des principaux marché, la quantité transportée a diminué également: les céréales sont passées de 111'000 tonnes en moyenne entre 1651 et 1700 à 63'600 entre 1701 et 1750. La fondation de SaintPétersbourg en 1703 semblait faire apparaître un marché prometteur, mais le traité anglo-russe de 1734 et le développement des échanges et de la marine russe a mis fin à la prépondérance hollandaise dans l'Empire Russe. Dans les pays d'Europe centrale et de l'ouest, l'importance des marchands hollandais est grande en 1665, mais la guerre de succession d'Autriche (1740-1748), car l'Autriche-Hongrie, en plus de son propre marché, servait de porte vers Constantinople et Smyrne, et le développement de marché à Hambourg et Brême a fortement compromis la croissance dans 9 Idem Idem 10 cette zone. La demande pour les vins de la vallée du Rhin (qui a son embouchure aux PaysBas) a chuté. Le Navigation act a fortement réduit le rôle d'intermédiaire des Néerlandais entre les îles anglo-saxonnes et le continent (c’était son but : réduire la dépendance anglaise de l’approvisionnement néerlandais): pourtant l'importance du marché était telle que, en 1721, il y avait plus de navires hollandais engagé dans le commerce entre la France et l'Angleterre que de vaisseaux anglais. En 1784, 1'300 bateaux vont d'Angleterre vers les Provinces-Unies alors que 1'740 viennent de ports allemands, polonais, scandinaves et russes. Les Français ont très tôt, dès 1659, érigé des barrières douanières pour combattre la suprématie hollandaise. Leurs colonies, l'annexion de Dunkerque et de la Belgique (une partie du commerce des Flandres) les rendaient moins dépendants du marché hollandais. En 1650, les Pays-Bas avaient un excédent commercial de 5 millions de livres par rapport à la France, mais en 1780 la balance commerciale s'était renversée et le déficit néerlandais dans son commerce avec la France était de 10 millions de livres. Par contre, le commerce avec l'Espagne est resté profitable, même si en 1750, les Pays-Bas ont perdu leur suprématie sur le commerce avec le royaume de Castille. Le commerce avec la Méditerranée, essentiellement avec le Maroc, Mogador, Marseille et l'Italie (bien que leur déclin économique limite leur pouvoir d'achat) était fondé sur de grandes expéditions, surtout en temps de guerres avec la France. Mais ces échanges étaient très marginaux, malgré d'importantes communautés juives, grecques et arméniennes à Amsterdam. Des 100 bateaux qui partaient annuellement pour la Méditerranée en 1700, il n'en restait plus que 60 en 1750. A partir de 1725, environ 40 bateaux revenaient annuellement d'Asie, contre 30 cinquante ans plus tôt. Mais la capacité moyenne était de 800-1000 tonnes, au lieu de 300 au XVIIème. La compagnie des Indes représentait 10% de la valeur du commerce de la République. En 1650, les ventes moyennes de la compagnie étaient de 8'800'000 florins et au XVIIIème siècle de 20'000'000 (mais il y a également eu une hausse des prix). Ils avaient un monopole virtuel sur les épices des Moluques et sur la cannelle de Ceylan. Mais le marché du poivre était dominé par les Anglais, après la conquête de l'Inde. De même, le sucre de Java souffrait de la concurrence des Indes de l'ouest: a partir de la moitié du XVIIème siècle, le thé et le café sont devenus des produits à la mode, et des caféiers ont été plantés à Java. Ces deux produits produisaient presque un quart des ventes de la compagnie au XVIIIème siècle. Contre des épices et des métaux précieux, de la porcelaine et de la soie étaient importée de Chine. Entre 1650 et 1685, les revenus de la Compagnie ont été engloutis par l'effort de guerre, mais après 1685 des dividendes ont été versé chaque année jusqu'en 1781. La raison principale du déclin de la VOC a été les sommes réclamées par le gouvernement et par l'expansion territoriale. Pour financer l'agrandissement du territoire colonial, la compagnie s'endetta. De plus, le Japon se ferma au commerce dans la même période. La défaite de 1784 qui a vu Negapatnam et la côte de Coromandel (sud-est de l'Inde) passer sous domination anglaise a ouvert la voie de Ceylan et de l'Indonésie s'ouvrir aux Britanniques. Les deux "cash-cow" de la compagnie, les épices des Molluques et la cannelle de Ceylan, n'étaient donc plus des monopoles. De plus, la consommation européenne d'épices des Moluques est passé de 1'120 livres en 1620 à 604 en 1770. Malgré l'aide du gouvernement, la compagnie a fait faillite en 1798, et devait encore 14'000'000 florins. Les Pays-Bas avaient également une grande part du commerce des esclaves vers l'Amérique espagnole; en 1700, 8'000 des 20'000 esclaves étaient transportés par des navires hollandais. Mais à cause de la compétition anglaise, en 1770, cette part était de 6'300 sur 70'000. A cause du monopole des grandes compagnies, seules les possessions de la WIC étaient ouvertes au commerce néerlandais. L'indépendance des Etats-Unis généra donc de grands espoirs, mais les anciennes colonies restèrent très liées à la métropole. Malgré le sucre de Curaçao et du Surinam, où le nombre de plantations passa de 50 en 1682 à 614 en 1793, le cacao et le café (entre 1712 et le milieu du siècle, à cause de la concurrence anglaise), l'indigo et le coton de Guyane, la WIC ne put jamais générer de vrais bénéfices. Lorsqu'en 1789 le prix des esclaves augmenta, les planteurs, lourdement endettés, la WIC fut dissoute. En 1795, la Guyane fut conquise par les Anglais. Les Pays-Bas, créanciers de l'Europe Dans le même temps où les Pays-Bas perdaient leur leadership dans le commerce, ils ont développé leur marché financier de telle manière qu'ils sont devenus les banquiers de l'Europe. Les investissements aux Pays-Bas devenaient moins profitables: la rente d'une maison en ville à Leyden chuta de 40% entre 1660 et 1680, et entre 10 (pour les petites maisons et 25% (pour les plus chères) à Amsterdam. Par conséquent, les énormes investissements qui eurent lieu au siècle d'or cessèrent. L'industrie hollandaise, lorsque le commerce déclina, fut également touchée: le protectionnisme qui avait cours en Europe autorisait les importations de matières premières, mais pas de produits finis; l'industrie néerlandaise était devenue plus gênante qu'utile au commerce. De plus, elle n'était pas compétitive au niveau de sa structure de coûts, notamment au niveau des salaires: l'offre de travail au Pays-Bas avait longtemps été trop faible, après une période de boom économique. La VOC absorbait d'énormes quantités d'hommes, qui soient mourraient en mer, soit restaient dans les colonies. La mortalité était supérieure à la natalité pour toute la période 1680-1750. L'immigration était nécessaire à l'économie hollandaise, qui devait donc être attractive, d'où l'origine des hauts salaires. Des 150'000 rames de papier produites en 1730, il n'en restait que 80'000 en 1750. 22 des 30 manufactures de tabac d'Amsterdam ont dû fermer entre 1720 et 1750. 306 navires ont été fabriqués en 1707, à la fin du siècle, seulement quelques unités. Dans le même temps, les salaires nominaux devinrent rigides. Mais une pression venant de l'étranger, s'exerça sur les prix, qui commencèrent à diminuer. Le pouvoir d'achat des Hollandais commença à croître, jusqu'en 1740 environ. Comment investir une grande part du revenu, en excès par rapport à la consommation, de manière profitable? De cette manière, l'Etat put s'endetter pour financer ses guerres contre l'Angleterre, la France, la succession d'Espagne, l'agrandissement de la VOC. Après 1713, le paiement des intérêts absorbait 70% des revenus des taxes néerlandaises. Les investisseurs cherchèrent donc de nouvelles opportunités. La solution qui fut choisie fut d'investir dans les fonds anglais, les prêts aux plantations anglaises et les bons du gouvernement anglais. Cela eut deux conséquences importantes: augmenter la force de florin néerlandais par rapport aux autres monnaies, ce qui découragea l'exportation et encouragea l'importation, et donna des moyens supérieurs à la concurrence anglaise. Mais les Néerlandais reçurent 15 millions de florins d'intérêt par année dans les années 1770. L'augmentation des importations, la diminution des exportations, les hauts salaires, la déconnexion de l'industrie et du commerce à cause du protectionnisme ambiant sont autant de facteurs qui se sont combinés pour réduire la demande aux industries domestiques. Par conséquence, les incitations à investir dans la production domestique chutèrent encore, et l'industrie hollandaise devint de moins en moins compétitive, y compris les secteurs rentables encore existants. Tous les facteurs étaient présents et se sont renforcés mutuellement. L'économie des Pays-Bas, en 1780, était très mal en point. Mais elle pouvait espérer se reprendre: malgré tout cela (ou à cause), les Néerlandais étaient très riches, la flotte marchande existait toujours, même si elle était au service de l'étranger, les Provinces-Unies contrôlaient une grande part du trafic colonial, relativement à la taille de leur territoire. La demande en Allemagne croissait rapidement, et malgré l'absence de voies de transport moderne devenait un marché prometteur, de même que la demande de grains en Angleterre. En 1782, le Grand Pensionnaire de l'époque, Laurens van de Spiegel, comparaît l'économie actuelle des Pays-Bas à celle de l'âge d'or. Mais il oubliait que toutes les opportunités qui s'offrait à la République venaient de l'extérieur, et que l'énorme stock de capital n'était plus relié comme au XVIIème siècle à un secteur de production et d'échange très profitable, mais à un système fiscal en pleine crise. La déclaration de guerre des Anglais, en 1780, qui "coula" la VOC (dans les deux sens du terme), la place que prit militairement la France révolutionnaire dans les affaires hollandaises à partir de 1795, qui leur imposait d'énormes taxes douanières, une indemnité de guerre et l'obligation d'entretien du corps expéditionnaire français, forcèrent le système fiscal au défaut de la dette et provoquèrent la fermeture d'Amsterdam comme plaque tournante du capital. L'agitation politique qui s'ensuivit (thèses révolutionnaires, réaction anglo-russe à la montée de Bonaparte au pouvoir) entraîna une mise sous tutelle croissante de la République. L'arrivée de Napoléon, et de son blocus continental forcèrent les marchands hollandais à commercer dans l'illégalité. En 1806, "l'entrepôt de la contrebande" devint le royaume de Louis Napoléon Bonaparte. Mais comme cela ne suffisait pas, notamment parce que Louis Napoléon ne suivait pas les ordres venus de Paris à la lettre en essayant de respecter ses "devoirs de souverain vis-à-vis du peuple"11 et fermait les yeux sur la contrebande (le pays était le troisième client de l'Angleterre), les anciennes Provinces-Unies devinrent en 1810 département français. Cela coupa l'accès d'Amsterdam à tous les marchés majeurs, y compris du marché français. Dans les années 1811-1813, les ports furent privés de bateau, et l'entreprise nationale s'effondra. En 1825, l'emploi dans le transport maritime était de 24'000 hommes, 50'000 de moins que 50 ans avant, dont 17'000 dans le commerce européen. Conclusion Dans ce travail, nous avons montré qu'un petit pays comme la République des ProvincesUnies a su profiter d'un environnement politique et religieux très favorable pour développer un système économique nouveau et plus efficace. Cet avantage s'est alors concrétisé dans le développement d'un empire commercial dominant tout au long du XVIIème siècle. Il est à noter que nous avons volontairement négligé certains aspects moins pertinents tels que la technologie, l'agriculture ou les infrastructures qui faisaient également partie de l'économie efficiente qu'ont connu les Pays-Bas à cette époque. Mais les richesses accumulées dans ce contexte ont souvent reposé sur des monopoles garantis par l'Etat et les compagnies commerciales. Dès lors que les autres puissances européenes furent en mesure de concurencer les Néerlandais, les marchands qui avaient investi massivement leur capitaux dans cette économie florissante ont alors cherché des placements plus attractifs à l'étranger, contribuant ainsi à accroître le déclin des Pays-Bas relativement à ses concurents. A la fin du XVIIIème siècle, la grande aventure économique des Néerlandais toucha à sa fin et obligea ainsi les Pays-Bas à se confiner à un rôle de second ordre. 11 In Histoire des Pays-Bas, C. de Voogd Bibliographie La Bible, TOB, Alliance biblique universelle J.A. van Houtte, An economic history ot the Low Coutries 800-1800, Weidenfeld and Nicolson, London, 1977 J. Israël, Dutch Primacy in World Trade, 1585-1740, Clarendon Press, Oxford, 1989 A. Maddison, L'économie mondiale, une perspective millénaire, OCDE, 2001 W. McNeill, The pursuit of power, Technology, Armed Force and society sinc A.D 1000, Basil Blackwell, Oxford, 1982 M. Mourre, Dictionnaire d'histoire universelle, Editions universelle, 1968 C. de Voogd, Histoire des Pays-Bas, Hatier, 1992 J de Vries, A. Van der Woude, The first modern economy: Success, Failure and Perseverance of the Dutch Economy, 1500-1815, Cambridge University Press, 1997 J.A. van Houtte, An economic history ot the Low Coutries 800-1800, Weidenfeld and Nicolson, London, 1977 T. Shichijo, J. Kobayashi, Diffusion of Protestantism and Capitalism, Macro Dynamics of Weber's Micro Argument, http://www.uu.nl/content/paper205.pdf, 2002 P. Vidal-Nacquet (sous la direction de), Le grand livre de l'histoire du monde, Atlas historique, Hachette, Paris, 1986 C. de Voogd, Histoire des Pays-Bas, Fayard, 2003 J de Vries, A. Van der Woude, The first modern economy: Success, Failure and Perseverance of the Dutch Economy, 1500-1815, Cambridge University Press, 1997 J.L. Van Zanden, The rise and declines of Holland's economy, Manchester University Press, 1993 M. Weber, L'éthique protestante et l'esprit du capitalisme, Plon, 1964 M. Weber, Histore économique, Esquisse d'une histoire universelle de l'économie et de la société, Gallimard, 1981 Nombreuses ressources internet, notamment: http://www.vocshipwrecks.nl/ http://www.dutch-republic.nl http://www.amb-pays-bas.fr/detail/histoire