Michel LE SCOUARNEC Sénateur du Morbihan Quelle Ecole dans 10 ans ? Quelle France dans 10 ans ? Contribution aux travaux du Groupe d’Etudes sur la Prospective Penser un projet pour l’école, c’est penser un projet pour la société. En effet, notre société est de plus en plus structurée par des savoirs complexes qui modèlent les situations auxquelles sont confrontés les citoyens et les travailleurs. Cette évolution nous pose indéniablement le défi de l’élévation du niveau de connaissances et doit nous conduire à nous poser deux questions : quelle finalité conférer aux savoirs ? Les destine-t-on à tous ? Un projet pour l’école doit répondre sans ambiguïté à cette double interrogation. Pour répondre au défi de l’élévation du niveau de connaissances, une relance du processus de démocratisation scolaire est nécessaire, car seule celle-ci peut permettre de construire une école au service de l’émancipation individuelle et collective. Telle est l’ambition qu’il nous faut avoir pour l’école. Confrontés aux conséquences des réformes régressives imposant une logique de gestion de la pénurie, les personnels de l’éducation se sont mobilisés pour défendre une réponse de service public. De là sont nées des frustrations liées à un sentiment de « travail empêché », mais aussi des réflexions sur la pratique et les métiers, qui ont nourri des attentes et des exigences en matière de transformation en profondeur du service public. Ces dernières doivent trouver un écho dans le futur. C’est, en effet, à ce haut niveau d’exigence qu’il faut se placer, car l’heure n’est pas à « moins d’école », mais à « plus et mieux d’école ». Dès lors, il faut imaginer et bâtir le service public national d’éducation correspondant à ces ambitions. La première de ces transformations consisterait à considérer que tous les enfants sont capables d’apprendre et de réussir. Parce que les différences entre les élèves sont non pas naturelles, mais socialement construites, et que l’échec scolaire n’est pas une fatalité, l’affirmation de la capacité de tous les élèves à suivre les apprentissages scolaires doit être au fondement du projet éducatif de demain. La deuxième transformation porte sur le contenu des enseignements. Relever le défi des savoirs à enseigner à tous est une nécessité pour aller vers une société plus juste. À l’individualisation des parcours et des enseignements, il faut opposer une conception ambitieuse et émancipatrice de l’école, que recouvre le concept de culture commune, par la transmission des mêmes contenus à tous les élèves, afin de faire l’expérience d’un apprentissage partagé : c’est cela aussi qui fonde le vivre ensemble. Troisièmement, l’éducation nationale doit pouvoir disposer de plus de temps pour former les jeunes et prendre en charge, bien en amont du décrochage, les élèves qui rencontrent des difficultés. C’est pourquoi, il faut instaurer une scolarité obligatoire de 3 à 18 ans dans les prochaines années. Cela permettrait d’ouvrir une réflexion globale sur les cycles et les rythmes, de dégager le collège de la pression de l’orientation, laquelle se joue aujourd’hui trop tôt et n’autorise pas le droit à l’erreur, faute de réelles passerelles. Il est indispensable de les conforter, de les multiplier pour que chaque jeune bénéficie d’une formation initiale solide. Quatrièmement, la formation des enseignants est également essentielle à la refondation de l’école. Il est temps de leur rendre la maîtrise de leur travail et de leur donner les moyens de faire évoluer leurs pratiques pour assurer la réussite de tous les élèves. Cela implique une formation de haut niveau, construite selon un continuum conjuguant le disciplinaire et le professionnel, dans un système d’allerretour en lien avec la recherche. Enfin, seul un service public national peut être le garant de l’égalité d’accès aux savoirs sur tout le territoire. En effet, le poids des inégalités territoriales pèse fortement dans la réussite des élèves. Le maintien d’un cadrage et d’un pilotage nationaux forts n’exclut nullement les coopérations et les partenariats. Je pense notamment aux parents, qui doivent être considérés comme des acteurs à part entière de la réussite de leurs enfants. Mais ces partenariats ne doivent pas servir de paravent à un désengagement de l’État. Ainsi, il n’y aura pas d’avenir pour notre pays sans une formation à la hauteur des enjeux de la réussite. Les priorités à mettre en œuvre sont donc: • Inscrire l’école dans la réalisation du « tous capables » et l’éradication de l’échec scolaire, • Une école maternelle sans effectifs surchargés, • Une formation des enseignants adaptée, • L’usage du numérique à développer sur tout le territoire, • Plus de maîtres que de classes dans les zones difficiles, • Mettre en place un grand service public de l’orientation afin qu’elle soit bien réfléchie, dédramatisée, assise sur la durée, sans caractère définitif grâce à l’instauration de nombreuses passerelles, • Accentuer les pratiques sportives et culturelles tout au long de la scolarité, • Impliquer davantage les parents pour construire le parcours de la réussite scolaire pour leurs enfants… En 2023, nous devrions avoir fait des progrès à tous les niveaux. Il en va de l’avenir de la France dans un monde en pleine mutation.