ALIMENTATION (MICRO)NUTRITIONNELLEMENT DENSE Les anglo-saxons parlent d’aliments nutritionnellement denses ( nutrientdense food ) et les francophones d’aliments micronutritionnellement denses. La densité nutritionnelle est définie comme le ratio de la quantité de nutriments sur la valeur calorique. Autrement dit, plus on aura de minéraux, vitamines et autres molécules nécessaires à un fonctionnement optimum de l’organisme et moins on aura de calories, plus ce ratio sera élevé. On disait depuis longtemps que l’excellent état physique et intellectuel des vieillards des îles d’Okinawa était dû à la densité nutritionnelle de leur alimentation. Ces aliments nutritionellement denses s’opposent à ce qu’on nomme les “calories vides”. Les fruits et les légumes sont des aliments nutritionnellement denses, à l’opposé des produits contenant des sucres ajoutés, des céréales raffinées et de l’alcool. Les phytonutriments ( nutriments présents dans les plantes ) occupent une grande place dans la recherche en nutrition. Les polyphénols, le resvératrol sont des mots que l’on commence à connaître. Plus simplement encore, la vitamine C peut être considérée comme un phytonutriment puisqu’elle est apportée par des fruits ou des végétaux. Ne pouvant être synthétisée par l’organisme et indispensable, c’est une vitamine Sa carence a décimé de nombreux marins, morts du scorbut. Ce graal de la nutrition –un maximum de nutriments pour un minimum de calories- a été quantifié par le Dr Joël Furhman. Ce médecin de famille américain a établi un classement des aliments en fonction de la proportion de micronutriments qu’ils contiennent, par rapport à leur valeur calorique. Il a forgé un score appelé ANDI (Aggregate Nutrient Density Index), où il évalue la quantité des nutriments présents dans une calorie, pour divers aliments. Il a pris en compte la proportion des nutriments suivants: Fibres, calcium, fer, magnésium, phosphore, potassium, zinc, cuivre, manganese, sélénium, vitamine A, beta-carotène, alpha-carotène, lycopène, lutéine, zéaxanthine, vitamine E, vitamine C, thiamine, riboflavine, niacine, acide pantothénique, vitamine B6, folate, vitamine B12, choline, vitamine K, phytostérols, glucosinolates, inhibiteurs de l’angiogénèse, organosulfides, inhibiteurs de l’aromatase, amidon résistant, resveratrol et indice ORAC. L’indice ORAC est une mesure de l’activité anti-oxydante de l’aliment. Pour schématiser, on bombarde de radicaux libres ( ce sont des composés auxquels un ou plusieurs électrons manquent pour atteindre la stabilité énergétique –état dans lequel ils vont peu réagir avec d’autres molécules) l’aliment et on mesure ensuite sa capacité à avoir “épongé” ces radicaux libres. L’indice ORAC de la plupart des aliments ( sous forme crue, cuite, surgelée, apertisée) était mis en ligne, gratuitement, par le ministère de l’agriculture des Etats-Unis. http://www.ars.usda.gov/Services/docs.htm?docid=15866 Il ne l’est plus pour différentes raisons, dont le fait qu’il ne représente qu’un reflet partiel des qualités bénéfiques d’un aliment. Le bénéfice pour la santé de tel ou tel aliment ne peut se réduire à une action anti-oxydante. Les actions anti-inflammatoires, anti-allergiques, anti-tumorales peuvent emprunter d’autres mécanismes que l’action anti-oxydante. On voit bien que ces scores ne sont pas complètement “vrais” puisqu’ils ne peuvent tout mesurer mais ils sont cependant une grande avancée et permettent des recommandations nutritionnelles plus argumentées. Le Dr Furhmann a un site (en anglais): http://drfurhman.com Il nomme ce régime alimentaire le “régime nutritarien” En français il existe également un site: http://www.nutrivores.com Le terme nutritarien est transformé en “nutrivore.” Les Phytonutriments Les plantes ont un grand handicap car immobiles, elles ne peuvent fuir leurs prédateurs: les herbivores, les omnivores, les insectes, les oiseaux. Elles ne peuvent trouver que dans le sol les aliments nécessaires à leur croissance et à leur survie. Elles seront donc porteuses d’une grande pharmacie, qui leur a permis de survivre jusqu’à maintenant. Les plantes sauvages sont très probablement porteuses de davantage de phytonutriments, d’autant plus qu’elles ont eu à se developper dans des conditions difficiles. En effet, les plantes utilisées en phytothérapie sont en général des plantes sauvages ou tout au moins l’espèce sauvage est plus riche que l’espèce cultivée. Les animaux et les hommes, mobiles, peuvent aller chercher dans les plantes ou d’autres animaux les vitamines ou les nutriments qui leur manquent. Nous sommes le produit d’une lente co-évolution avec les autres organismes qui peuplent la planète –qu’il s’agisse des virus, des bactéries, des plantes, des autres animaux… L’agriculture, à l’échelle du temps passé depuis l’apparition de l’homme, n’est apparue que très récemment. Nous avons donc été sélectionnés par notre environnement et en particulier par notre alimentation, laquelle comportait une très grande part de végétaux. Comme on l’a vu au travers de l’indice ORAC, le caractère anti-oxydant d’un aliment est très important pour notre santé (c’est d’ailleurs le rôle de la vitamine C). Si ce sont les végétaux qui en sont pourvus c’est qu’ils sont les premiers exposés à l’oxygène. En effet, ils vont fabriquer des molécules organiques (contenant du carbone) grâce à l’énergie du soleil et au gaz carbonique (une molécule de carbone liée à deux molécules d’ oxygène). Le “déchet” de cette synthèse sera l’oxygène. Or, l’oxygène est une molécule hautement réactive, qui représente un réel danger pour la plante. Les végétaux sont donc riches en substances anti-oxydantes, afin de se protéger de l’oxygène. Toutes les espèces à la surface de la terre utilisent l’oxygène et ont des moyens de s’en défendre. Ces moyens sont cependant limités et vont se trouver dépassés, en particulier si notre alimentation est trop riche en calories ou nutritionnellement pauvre. L’INDEX ANDI de 60 ALIMENTS Kale: 1000 Cresson: 1000 Bettes: 1000 Chou cavalier: 895 Bok Choy: 865 Epinard: 707 Roquette: 604 Salade romaine: 510 Choux de Bruxelles: 490 Carottes/jus de carottes: 458 Chou: 434 Broccoli: 340 Chou-fleur: 315 Poivrons rouges: 265 Champignons: 238 Asperges: 205 Tomates: 186 Fraises: 182 Mûres: 171 Poireaux: Framboises: Myrtilles: Laitue Iceberg: Grenade/jus de grenade Raisins: Cantaloupe: Onions: Prunes: Oranges: Concombre: Tofu: Haricots secs: Graines ( lin, tournesol, sésame, chanvre, chia) : Petits pois: Cerises: Pommes: Beurre d’arachides: Maïs: Pistaches: Avoine: Saumon: Lait: Oeufs: Bananes: Noix: Pain complet: Amandes: Avocats: Pommes de terre: Noix de cajou: Blanc de poulet: Boeuf haché (15% MG) Pain blanc 135 133 132 127 119 119 118 109 106 98 87 82 71 68 63 55 53 51 45 37 36 34 31 31 30 30 30 28 28 28 27 24 21 17 On voit que les légumes-feuilles et les crucifères ocupent les meilleures places. Les légumes de couleur, les petits fruits rouges, les oignons, les champignons, les légumes secs et les grains oléagineuses ont également de bons scores. Ce qui est très intéressant dans cet indice c’est à la fois qu’il corrobore les régimes “miraculeux “recommandés par Victoria Bouthenko ( des fruits et des légumes crus –en particulier des feuilles vertes) et celui du Dr Terry Wahls* ( légumes colorés, feuilles vertes, crucifères) et qu’il corrobore également des données scientifiques sur l’intérêt des phytonutriments. C’est ainsi qu’à la molécule “sulforaphane”, sur laquelle insiste le Dr Terry Wahls ,présente dans les crucifères, correspondent actuellement 954 citations dans Pubmed (une des bases de données sur la biologie et la médecine). Cette molécule est contenue dans tous les crucifères; elle comporte une molécule de soufre, laquelle est responsable de l’amertume ou de la forte odeur des choux. Elle est donc présente dans les choux de Bruxelles, les choux verts, les choux frisés, le chou-fleur, le bok-choy, le kale, le chou cavalier, le broccoli, le navet, le chou-rave, les radis, le cresson et la roquette. Elle a des propriétiés antimicrobiennes, anticancéreuses et antineurodégénératives. Les maladies neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer) sont aggravées par le stress oxydant et le sulforaphane agit en stimulant un facteur de transcription (Nrf2) qui induit des gènes de détoxification et de cytoprotection. La “biodisponibilité” –c’est à dire la fraction qui est absorbée par rapport à celle qui est ingérée- de la molécule de sulphorane est meilleure lorsque le broccoli est cru. On pourrait peut-être extrapoler cela à toute la famille des crucifères… *Terry Wahls est un médecin interniste atteinte de la forme progressive de la sclérose en plaque. Elle est passé du fauteuil roulant à un état normal par des modifications alimentaires et des stimulations musculaires électriques. http://www.terrywahls.com L’action bénéfique des feuilles vertes serait attributable à l’augmentation des processus de méthylation qu’elles engendrent –au moins par la présence de la vitamine B9 ou folate dont l’éthymologie vient de feuille. Les processus de méthylation sont très important et se mesurent en dosant l’homocystéine (le chapitre est en cours de rédaction !) EN PRATIQUE Terry Wahls mange 6 portions (600 grammes) de crucifères ou de légumes-feuille et 300 grammes de végétaux jaune-orange, noir-bleu et rouge (100 grammes dans chaque groupe) pour ce qui est des végétaux. Le Dr Fuhlman recommande les prises alimentaires suivantes: 1) Manger une grande salade chaque jour 2) Manger une demi-tasse de légumineuse par jour (dans une salade ou une soupe ou tout autre plat) 3)Manger au moins trois fruits frais par jour, spécialement des grenades, des fruits rouges, des cerises, des prunes ou des oranges. 4)Manger au moins 30 gr de fruits oléagineux (amandes, noix, noisette…) par jour 5)Manger au moins une double portion de légumes verts , crus ou cuits à la vapeur, dans une soupe ou un plat. Il recommande également de s’abstenir du sucre et des la farines raffinées.