1 QUESTION 276 PNEUMOTHORAX Module 12 Uro-Néphro-Pneumologie Le pneumothorax est un épanchement aérien dans la cavité pleurale. C’est une affection fréquente dont l’incidence varie selon le sexe : elle est estimée à 16,7/100 000 hommes hospitalisés et 5,8 cas /100 000 femmes hospitalisées chaque année. Il s’agit d’une maladie bénigne : la mortalité estimée entre 0,5 et 1,2 décès annuel /million d’habitants est en rapport, dans la majorité des cas, avec une pathologie respiratoire associée MECANISMES ET ETIOLOGIES Selon les conditions de survenue, on distingue les pneumothorax spontanés et les pneumothorax traumatiques ou iatrogènes Les pneumothorax spontanés primitifs ou idiopathiques sont dus à la rupture d’une « bleb » (petite collection aérienne entièrement close dans le tissu conjonctif de la plèvre viscérale) ou encore d’une bulle d’emphysème sous-pleurale. Cette rupture serait secondaire à un phénomène local d’inflation pulmonaire conséquence d’une obstruction bronchique de nature inflammatoire. Le tabagisme constitue un facteur de risque reconnu. Des facteurs génétiques prédisposant sont suspectés en raison de l’incidence particulièrement élevée de pneumothorax chez les patients porteurs d’une maladie du tissu conjonctif ainsi que chez les sujets longilignes de sexe masculin.. Les pneumothorax spontanés secondaires révèlent ou compliquent une affection pulmonaire préexistante. Ils résultent d’une rupture de lésions emphysémateuses, kystiques ou cavitaires dans la plèvre (Tableau 1). Les pneumothorax traumatiques et iatrogènes correspondent à 56% de l’ensemble des cas de pneumothorax. De nombreuses techniques d’investigation ou procédures thérapeutiques sont susceptibles de se compliquer par un pneumothorax (Tableau 2). Les actes incriminés sont, par ordre de fréquence décroissante, les ponctions trans-thoraciques à l’aiguille (30% des cas), les ponctions et biopsies pleurales (30% des cas) les cathétérismes veineux (20% des cas) et la ventilation en pression positive (10% des cas). Après ponction veineuse, la constitution du pneumothorax peut être retardée de 48 à 72 heures (1 fois sur 5) Les pneumothorax traumatiques non iatrogènes sont produits par deux mécanismes distincts. Le mécanisme le plus fréquent est la plaie de la plèvre viscérale par l’esquille osseuse d’une fracture de côte ou par un objet contondant (arme blanche, projectile d’arme à feu). En l’absence de plaie thoracique et/ou de fracture de côte, le pneumothorax est secondaire à un barotraumatisme dû à une brusque montée de pression intra thoracique lors de l’impact thoracique. ATTEINTE BRONCHOPULMONAIRE DIFFUSE Bronchopneumopathies obstructives Emphysème Asthme Mucoviscidose Fibroses pulmonaires Primitives Secondaires Pneumoconioses (silicose, asbestose, bérylliose..) Fibroses toxiques et iatrogènes : ingestion de Paraquat, irradiation thoracique , pneumopathies médicamenteuses (chimiothérapies anticancéreuses) Maladies systémiques Granulomatoses (sarcoïdose, hypersensibilité) Affections kystiques Histiocytose Langerhansienne Lymphangioleiomyomatose Affections génétiques du tissu conjonctif Neurofibromatose de type I Maladie de Marfan Maladie d’Ehler Danlos Prolapsus de la valve mitrale LESIONS BRONCHOPULMONAIRES LOCALISEES Lésions cavitaires inflammatoire ou infectieuse Tuberculose Pneumopathie bactérienne (staphylocoque, Klebsielle), fungiques (Aspergillus) et parasitaires (kyste hydatique, Pneumocystis….) Granulomatose de Wegener Nodule rhumatoïde Cancers Carcinome bronchique primitif Carcinoïde bronchique Mésothéliome Métastases DIVERS Pneumothorax cataménial Tableau 1. Etiologies des Pneumothorax spontanés secondaires DIAGNOSTIC Les manifestations cliniques Dans les 2/3 des cas, le principal symptôme est la douleur thoracique brutale, le plus souvent sans rapport avec l’effort ou l’activité professionnelle. Elle est unilatérale, à type de point de côté, irradiant de manière inconstante dans l’épaule du même côté. Elle est accentuée par la toux et l’inspiration profonde. Plus rarement, la douleur est décrite comme une pesanteur médiothoracique. Il s’y associe une dyspnée dont l’intensité n’est pas toujours corrélée à l’abondance de l’épanchement. L’examen clinique constate, du côté du pneumothorax, une diminution de l’ampliation Question 276. Pneumothorax. Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 2 thoracique, une diminution ou une abolition du murmure vésiculaire, une abolition des vibrations vocales et un tympanisme à la percussion. Dans les épanchements de faible abondance, les signes cliniques sont discrets ou absents et le diagnostic sera établi sur la radiographie de thorax. Certaines formes sont mal tolérées du fait du caractère compressif de l’épanchement ou d’une insuffisance respiratoire préexistante. Elles se traduisent par une polypnée superficielle (> 30/min), une cyanose, une contraction des scalènes, une tachycardie > 120/min, une turgescence des jugulaires et imposent l’évacuation de l’épanchement sans délai. * Procédures diagnostiques A l’étage thoracique Ponction et biopsie pleurales Ponction transthoracique à l’aiguille Biopsie distale transbronchique Ponction biopsie trans pariétale de carène ou d’éperon bronchique Ponction du sein A l’étage abdominal Biopsie hépatique Colonoscopie Procédures thérapeutiques Ponction pleurale évacuatrice Cathéter central (jugulaire, sous-clavier) Ventilation en pression positive Intubation trachéale Insertion d’un stimulateur cardiaque Insertion d’électrode d’électromyographie Acupuncture Lithotomie rénale percutanée Laparoscopie (cholécystectomie, fundoplication, chirurgie rénale) Figure 1 : Pneumothorax droit complet idiopathique. Les flèches soulignent la ligne capillaire en regard du lobe supérieur droit. L’astérisque marque le lobe inférieur droit. Les signes de gravité doivent être systématiquement recherchés sur la radiographie thoracique : déviation du médiastin controlatérale témoignant du caractère compressif du pneumothorax bride pleurale susceptible de se rompre niveau hydroaérique (> 1/3 inférieur du thorax) suggérant la constitution d’un hémothorax associé par rupture de bride Pneumothorax bilatéral orientant vers la nature secondaire du pneumothorax (emphysème diffus, pneumopathie infiltrante diffuse) Enfin une anomalie du parenchyme pulmonaire sous-jacent est systématiquement recherchée et éventuellement précisée par un scanner thoracique : Tableau 2 : causes des pneumothorax iatrogènes Les signes radiologiques La radiographie standard en inspiration suffit généralement pour établir le diagnostic. Elle permet en outre de préciser l’abondance de l’épanchement et d’analyser l’aspect du parenchyme pulmonaire. Le pneumothorax complet de la grande cavité correspond au décollement de l’ensemble de la surface pleurale. En position debout, il se traduit par une visibilité anormale de la ligne capillaire, opacité linéaire fine de la plèvre viscérale séparée de la paroi thoracique par une clarté homogène dépourvue de structure parenchymateuse (Figure 1). La distance séparant la ligne capillaire et la paroi thoracique permet de distinguer les pneumothorax de faible abondance définis par une distance < à 2 cm et les pneumothorax abondants dont la distance est > à 2 cm. Au maximum, l’ensemble du champ pulmonaire apparaît hyper clair et le poumon est rétracté au hile. Le pneumothorax partiel correspond à la persistance d’une zone limitée d’accolement des deux feuillets pleuraux (bride pleurale) empêchant la rétraction du poumon. La rupture spontanée de cette bride est souvent hémorragique et peut se compliquer par un hémopneumothorax. SIGNES DE GRAVITE D’UN PNEUMOTHORAX (+++) CLINIQUES Etat de Choc (hémorragique) Détresse respiratoire aiguë Polypnée > 30/min Cyanose Contraction des scalènes Respiration paradoxale Cœur pulmonaire aigu Tachycardie > 120/min, troubles du rythme supra ventriculaire ou ventriculaire turgescence des jugulaires RADIOLOGIQUES déviation du médiastin controlatérale PNO bilatéral Bride Niveau hydroaérique > 1/3 du thorax GAZOMETRIQUES PO2< 60 mm Hg Question 276. Pneumothorax. Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 3 TRAITEMENT Les méthodes et les indications thérapeutiques dépendent de 3 facteurs : la notion de pneumothorax antérieur, l’abondance et de la tolérance de l’épanchement et enfin son caractère primitif ou secondaire. Premier épisode de pneumothorax de faible abondance peu symptomatique (décollement < 2 cm) S’il s’agit d’un pneumothorax spontané primitif du sujet jeune, l’hospitalisation n’est pas nécessaire. Le repos au lit au domicile et le traitement antalgique en cas de douleur (paracétamol : Doliprane ® ou dextropropoxyfène : Diantalvic®) sont suffisants. Dans tous les cas, l’arrêt du tabac est indispensable. Dans 80% des cas, on observe une résorption spontanée de l’épanchement en 8 à 12 jours. Le risque de récidive semble moindre que lorsque le pneumothorax est traité par évacuation instrumentale. S’il s’agit d’un pneumothorax secondaire, la prise en charge est la même que précédemment mais la surveillance sera réalisée dans une structure d’hospitalisation (risque de majoration de l’épanchement, risque d’insuffisance respiratoire aiguë) Premier épisode de pneumothorax abondant (décollement > 2 cm). Plusieurs méthodes d’évacuation du pneumothorax sont proposées L’exsufflation à l’aiguille consiste à introduire, après anesthésie locale, un petit cathéter ou un trocart de plèvre (trocart de Kuss® ou de Boutin®) dans la cavité pleurale. Le trocart est inséré par voie antérieure, dans le deuxième espace intercostal, à 2 cm en dehors du sternum afin d’éviter la blessure de l’artère mammaire interne. Il est connecté soit à une seringue munie d’un robinet à 3 voies permettant une exsufflation manuelle soit à une source d’aspiration murale par l’intermédiaire d’un dispositif de type Pleurévac®. La ré expansion du poumon est obtenue dans 59 à 73% pour l’ensemble des pneumothorax. Divers facteurs influencent favorablement les résultats : le jeune âge (< 50 ans), le caractère primitif du pneumothorax et l’abondance modérée de l’épanchement gazeux (< 50% du volume thoracique) Le taux de récidive est de 30% pour les pneumothorax primitifs du sujet jeune. Le drainage pleural consiste à insérer dans la cavité pleurale un drain souple relié à une source d’aspiration murale par l’intermédiaire d’un Pleurévac®. Les indications du drainage sont les échecs d’exsufflation, les pneumothorax compressifs ou enfin les pneumothorax secondaires. Le drain est mis en aspiration à –20 cm d’eau, soit d’emblée soit après un temps de siphonage de 48 heures, délai nécessaire à la fermeture de la fistule broncho-pleurale. Le drain est laissé en place jusqu’à la disparition du bullage puis retiré après avoir vérifié que le poumon reste adhérent à la paroi après arrêt de l’aspiration. Le traitement chirurgical par thoracoscopie vidéo assistée est indiqué en cas de persistance du bullage au delà d’une semaine ou de décollement du poumon lors du retrait du drain, Pneumothorax récidivant Au delà de la première récidive, le risque de récurrence ultérieure est élevé (50%) justifiant la réalisation d’une symphyse pleurale dès le deuxième épisode de pneumothorax. La chirurgie vidéo assistée par thoracoscopie permet de réséquer les formations bulleuses sous-pleurales et de réaliser une abrasion pleurale ou une pleurectomie partielle. Les résultats du traitement chirurgical sont excellents dans plus de 95% des cas avec un risque de récidive ultérieure estimé de 3 à 5%. Le talcage pleural constitue une alternative au traitement chirurgical mais il est réservé aux patients refusant la chirurgie ou présentant une contre-indication chirurgicale (insuffisance respiratoire). Cas particuliers la survenue d’un pneumothorax chez un sujet ayant un antécédent de pneumothorax controlatéral impose la réalisation d’une symphyse pleurale chirurgicale d’emblée. En cas de pneumothorax bilatéral synchrone, un drainage pleural bilatéral doit être effectué sans délai en commençant par le côté le moins décollé. Une symphyse chirurgicale permettra dans un second temps d’éviter les récidives. Les pneumothorax compressifs justifient une décompression urgente à l’aiguille suivie par la mise en place d’un drain thoracique Les pneumothorax compliquant une insuffisance respiratoire chronique obstructive sévère peuvent bénéficier en première intention d’une symphyse chirurgicale ou d’un talcage afin de prévenir une récidive potentiellement fatale. Ces traitements sont contre-indiqués lorsqu’on envisage ultérieurement une chirurgie de réduction de volume pulmonaire ou de transplantation pulmonaire. Les pneumothorax traumatiques sont souvent compliqués d’un hémothorax. Le traitement nécessite la mise en place de deux drains thoraciques : l’un déclive pour drainer la collection liquidienne, l’autre supérieur pour évacuer l’épanchement gazeux. La transfusion de culots globulaires permet de compenser les pertes hémorragiques. En cas de d’hémorragie persistante, une thoracotomie d’hémostase s’impose. Le traitement médical des pneumothorax cataméniaux repose sur l’administration d’analogue de la LH-RH. En cas de récidive malgré le traitement hormonal, la symphyse pleurale chirurgicale doit être discutée en fonction de la fréquence et de la gêne occasionnée par le pneumothorax. Elle doit être précédée par l’exploration per-opératoire du diaphragme et la fermeture d’éventuels pores diaphragmatiques. Question 276. Pneumothorax. Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy) 4 Prévention des pneumothorax iatrogènes La gravité des pneumothorax chez l’insuffisant respiratoire chronique incite à respecter quelques règles élémentaires de prévention : Proscrire la voie sous-clavière chez l’insuffisant respiratoire ainsi que les ponctions veineuses jugulaires basses ou sous-clavières bilatérales Choisir le côté où le poumon est le moins atteint Evoquer le diagnostic chez tout patient ventilé désadapté de son respirateur Contrôler systématiquement le cliché pulmonaire après ponction pleurale ou trans-thoracique chez l’insuffisant respiratoire. Question 276. Pneumothorax. Module 12. Uro-Néphro-Pneumologie Service des maladies respiratoires et allergiques (Pr Lebargy)