2. État de la question 2.0. Introduction L’état de la question de la thèse peut se résumer en cinq thèmes : l’état de la question sur la traductologie dialectale; un parcours sur les questions de traduction en anthropologie, plus particulièrement l’ethnographie; une tentative assez exhaustive de considérer l’Union européenne, à la fois dans les approches anthropologiques, traductologiques et socio-économiques, tout en se limitant au possible à la sphère nord-européenne; les dialectes finnois, essentiellement le finnois savonien, et tout ce qui s’y rapporte; le Kalevala, épopée nationale des Finlandais, au centre des traductions dialectales étudiées pour les fins de la recherche. 2.1. - Recherche sur le Kalevala La recherche concernant le Kalevala lui-même est assez substantielle, s’étendant sur une période de plus de 165 années1. On pourrait considérer l’intervention de Jacob Grimm remontant à 1835, « Über das finnische epos », ainsi que les récentes publications réunies et publiées en 2002, se concentrant sur la vie d’E. Lönnrot, marquant le 200e anniversaire de sa naissance, comme deux extrémités d’un continuum. Entre ces deux extrémités, l’épopée nationale finlandaise a fait l’objet de critiques de chercheurs finlandais, immédiatement après sa publication; puis par des poètes (J. L. Runeberg), à propos du contenu (C. A. Gottlund, 1840 et 1847; A. R. Niemi, 1898), à propos de 1 La bibliographie détaillée de ces œuvres se trouve dans Kalevalan mytologia de J. Pentikäinen (1989). l’élément tragique dans le Kalevala (F. Cygnaeus, 1853). Au cours de la première moitié du 20e siècle, la première étude approfondie de la poésie du Kalevala a été écrite par Kaarle Krohn (1903); également au cours de cette période, sont apparues des œuvres dédiées à la vie de E. Lönnrot (A. Anttila, 1931-1935), à l’intrigue, par exemple les personnages (U. Harva, 1945) ou mythes (M. Haavio, 1941; M. Kuusi, 1949) centraux; à propos de l’art inspiré par l’épopée (A. Annist, 1944). La recherche de cette époque marquerait aussi une croissance de l’intérêt porté sur les aspects non poétiques de l’épopée, par exemple la préface du livre (O. V. Kuusinen, 1949). La deuxième moitié du 20e siècle voit l’arrivée d’articles et d’ouvrages portant sur l’héritage du Kalevala, puisque l’épopée est davantage considérée comme une œuvre littéraire que comme un livre évoquant la vie des anciens Finnois. On note par exemple l’apparition de recherches sur l’aspect culturel de la célébration de l’épopée finlandaise (E. Mäkelä-Heinriksson, 1959), sur l’art du Kalevala (H. Sihvo, 1973; M. Kuusi, 1980; W. A. Wilson, 1996), sur les capacités poétiques de Lönnrot (L. Honko, 1984) et concernant sa pertinence en Finlande et à l’étranger (H. Kortes-Herkkila, 1994). On remarque aussi, pour souligner le 150e anniversaire de publication du Vieux Kalevala, des recherches approfondies en contexte interdisciplinaire, telles que la riche et détaillée Kalevalan mytologia (J. Pentikäinen, 1985-1989), la multicouche Kalevala et traditions orales du monde (M.-M. Fernandez-Vest, dir., 1985-1987) et Kalevala-lipas (M. Kuusi et P. Anttonen, 1985), nous permettant de voir l’épopée nationale finlandaise sous les angles de l’ethnographie, de la musicologie et de la littérature. Dans les domaines de la poésie orale, les études de T. DuBois (1993), L. Tarkka (1996) et M. Pöllä (1999) explorent les divers processus de transformation à l’œuvre dans la création du Kalevala, transformation initiée par E. Lönnrot ou amenée par la diffusion et migration de la poésie (M. Pöllä, 1999 : 302). Enfin, des collectifs d’auteurs traitant du Kalevala et des épopées orales associées ont été publiées en 2001 et en 2002, respectivement Dynamics of Tradition – Perspectives on Oral Poetry and Folk Belief, édité par Lotte Tarkka, et The Kalevala and the World’s Traditional Epics, sous la direction d’un des chercheurs les plus reconnus, le regretté Lauri Honko. Ce dernier collectif aborde notamment la performance du Kalevala ainsi que les traditions épiques de la Baltique, de l’Europe occidentale, de l’Afrique et de l’Asie. 2.2. Recherches sur la traduction du Kalevala Les recherches sur la traduction de l’épopée finlandaise impliquent presque toujours l’étude des traducteurs du Kalevala en tant que tel, et les traductions du Kalevala ont été classées soigneusement par le Kalevalan Seura depuis sa toute première édition. Quelques-unes de ces versions ont déjà été analysées et étudiées par l’entremise du Kalevalan vuosikirja2, ces analyses se concentrant sur l’orthodoxie de l’équivalence en vogue à l’époque de publication, souvent dans une optique orthonymique3 ou strictement descriptive du processus de traduction (Ilömaki, 1998). Toutefois, certains chercheurs ont travaillé sur l’agenda nationaliste de la Finlande exprimée à travers le Kalevala (Mead, 2 Voici la liste des analyses des traductions du Kalevala dans plusieurs langues, en ordre chronologique : hébreu, espagnol, roumain, islandais, norvégien, turc, anglais, chinois, espéranto, letton (selon Ilomäki, 1998, et Kalevalan Seura). 3 Ce terme provient d’A. Brisset (1997 : 51 et 56); nous l’utilisons pour faire référence à un processus de traduction visant à « préserver l’intégrité de l’original ». 1962; Wilson, 1976), ce qui comprend le lien entre les traductions et le nationalisme finlandais. Un bon point de départ pour l’étude des traductions du Kalevala est l’importante bibliographie rédigée par R. Puranen (1985) – également présente dans M.M. Fernandez-Vest (1987, p. 267-274). Une intéressante recherche établissant le lien entre le nationalisme d’un autre pays que la Finlande et la traduction du Kalevala est l’article de A. Van der Hoeve, Kalevala in the Netherlands on the Eve of the Second World War (1997); Van der Hoeven soulève des questions essentielles qui se retrouvent également au cœur de notre recherche, au sujet de la « position de l’artiste [dans notre cas : le traducteur], son rôle dans la société et sa relation avec le public ». Mais il faut attendre que H. Ilomäki (1998) publie dans Folklore Fellows un appel à des recherches approfondies afin d’obtenir une gamme satisfaisante de voies possibles d’explorer. Les résultats du projet de traduction du Kalevala mis de l’avant pour le 150e anniversaire de publication du Nouveau Kalevala en 1999 manquent encore à l’appel. La théorie du polysystème a été mise au point par I. Even-Zohar, inspirée en partie par le travail du formaliste russe Tynjanov, extrapolant à partir des concepts de systèmes, de relations hiérarchiques et de « défamiliarisation », et du chercheur israélien Toury4. Even-Zohar s’appuie sur cette théorie pour explorer les relations centre-etpériphérie ainsi que les relations entre les forces socio-économiques et le système littéraire d’une nation (E. Gentzer, 2001, p. 118-119), en supposant que la littérature5 s’exprime en systèmes, selon certaines normes codifiées. Pour le présent sujet, dans ce G. Toury a été un des premiers partisans de l’analyse descriptive des traductions et de la théorie du texte-cible. Il a aussi établi une théorie sur les normes en traduction et, par l’entremise de ses recherches, a souligné que les textes destinés à la traduction sont presque toujours « choisis pour des raisons idéologiques » (E. Gentzer, 2001, p. 125) 5 Ici, le terme littérature fait référence à tout corpus important de production textuelle, orale ou écrite. 4 « système de systèmes » (d’où le terme « polysystème »), le système de traduction se met à l’œuvre en périphérie mais pas nécessairement en marge. De plus, la position et la fonction de ce qui est considéré comme une traduction dans une culture donnée sont déterminées par la culture traduisante, ou la culture traduite, ou les deux (Toury, 1995, p. 26). Il serait intéressant se savoir si les traductions de textes mythologiques possèdent leurs propres codes et ensembles de règles qui influencent la résultante traductionnelle et si on peut tisser un parallèle avec les traductions de la Bible au cours de la Réforme (King James, Luther, Welsh) utilisées comme amorces d’éveil national. À ce titre, une exploration plus poussée doit être effectuée au sujet de la notion de traduction comme système, ou « matrice multilatérale », selon les termes employés par T. Hermans (1999). Comme Hermans, nous comprenons que la théorie du polysystème possède ses « limites », toutefois, dans la mesure où Even-Zohar a récemment développé une attention particulière à l’aspect culturel, on ne saurait l’écarter totalement. De plus, les questions de construction d’identité par la traduction ont récemment pris de l’ampleur en traductologie, et nous considérons qu’une perspective anthropologique plus large doit être appliquée au phénomène et aux questions centrales mentionnées ci-dessus. 2. 3. Recherches en traductologie Il faut ici souligner une fois de plus l’importance accordée à l’approche traductologique reconnaissant la traduction en tant qu’objet à part entière, autonome. En suivant les traces d’auteurs déjà engagés dans cette voie, l’idée directrice est d’aborder la traduction sous l’angle d’une production littéraire et de sa relation avec les « éléments reliés à l’expression du pouvoir » : The first elements represented by interpreters, critics, reviewers, teachers of literature, translators. They will occasionally repress certain works of literature because these works go all too blatantly against the dominant concept of what literature should (be allowed to) be – the poetics – and of what society should (be allowed to) be – its ideology, the world view – of a certain society at a certain moment… The second control factor, the one which operates mostly outside the literary system proper, will be called “patronage” here, and it will be understood to mean something like ‘the powers (persons, institutions) which help or hinder the writing, reading and rewriting of literature. (A. Lefevere, 1985, p. 226-227) Lefevere évoque la discussion et les problèmes soulevés par Even-Zohar depuis les fondements de sa principale théorie en 1970-1977, au sujet de la théorie du polysystème, qui a entraîné d’intéressants développements en traductologie. Cet outil de travail est utile et valable pour l’évaluation de la réception de la traduction du Kalevala au sein des cultures traduisantes, comment elles sont hiérarchisées au sein des polysystèmes – primaire/secondaire, central/périphérique, canonisé/non canonis – en conservant, une fois de plus, une vision de la traduction comme un système sémiotique, répondant à ses propre normes. En ce qui concerne l’analyse textuelle, nous allons explorer les dimensions idéologiques et culturelles de la traduction d’une forme particulière de poésie épique. L’approche sociocritique fonctionne à l’aide d’outils d’analyse sémantique et étudie la manière dont les textes interagissent avec les autres discours sociaux (A. Brisset, 1997, p. 31). En reconnaissant que la traduction n’est pas une « zone neutre entre deux cultures » (A. Brisset, 1997, p. 52); elle doit composer avec les répercussions provenant de mouvements idéologiques. Le sujet traduisant étant le support de représentations que l’on retrouve dans la société au sein duquel il évolue, il est nécessaire de déterminer la nature de ces représentations qui se manifestent dans les multiples « strates » de réseaux sémantiques que l’on trouve dans la traduction. Un ouvrage spécifique établit un parallèle à l’analyse préliminaire des traductions du Kalevala, soit Njáls Saga (J. K. Holgason, 1999), qui évalue la réception des sagas islandaises par la traduction au Danemark, en Angleterre, en Norvège et aux États-Unis, avec des résultats aux degrés variables, et qui se concentre sur l’agenda politique à l’époque de la réception. Il évalue aussi la réécriture de la saga en Islande et dans quelle mesure cette dynamique influence la littérature islandaise. Emprunter des théories et hypothèses du domaine de la traductologie pour les incorporer dans une approche plus volontiers anthropologique semble réalisable, puisque la traductologie a été conçue à partir d’éléments provenant d’autres disciplines, selon Even-Zohar : [M]ost of the hypotheses of translation theory are borrowed from other branches, such as interference theory, or contrastive poetics (if there is such a discipline), does not mean that we accept what we have long rejected, that is, that there is no autonomous discipline of translation studies. The eclectic character of many of the particular translation theories resulted not from that fact, but from the fact that the various hypotheses were not subjugated to any hypothesis about the principle of translation. (I. Even-Zohar, 1990, p. 77) 2. 4. Recherche en anthropologie L’anthropologie demeure encore aujourd’hui moins loquace sur des questions de traduction que sur les répercussions sur l’identité ou l’éthique associées au processus de traduction. Ce n’est pas que l’anthropologie offre peu en terme de recherche traductologique, au contraire. Bien que l’on puisse considérer en réalité que ce que la discipline manque en terme de quantité est plus que compensée par la qualité des travaux, que ce soient ceux d’Evans-Pritchard, de A. L. Becker (Beyond Translation) et, dans une certaine mesure, de Maria Tymozcko, les deux dernières décennies ont vu une profusion d’articles de nature anthropologique analysant le phénomène de la traduction mais sous un angle post-colonialiste. À ce titre, les recherches entreprises par A. Appadurai (1986) concernant l’anthropologie de l’objet et de la consommation s’avéreront utiles. L’aspect de la vie sociale de la traduction comme « marchandise » ou « commodité » doit être évaluée d’après les études de Douglas et Isherwood (1996), en rapport avec l’analyse du traitement des traductions comme objets de consommation et leur position dans les systèmes de changement, d’échange, de consommation et de production culturelle. De plus, afin d’instaurer plus de cohérence à l’approche interdisciplinaire conjointe traductologie-anthropologie, l’aspect « traduction comme commodité » est mis en corrélation avec le changement et l’échange constant de production de commodités et de marchandises comme formes de communication. Comme les recherches en anthropologie sur la traduction dialectale représentent un cas aussi rare que l’objet de nos propres recherches. Cette rareté du point de vue anthropologique face à un phénomène plutôt ancien conforte donc notre position et le maintien de cette approche pour l’analyse. 2.4.1. Recherche en anthropologie de la traduction En considérant la nature des données collectées sur le terrain de cette recherche et en se tournant vers l’anthropologie afin d’amplifier le champ d’action, on constate que cette approche a été peu privilégiée de par le passé, ou alors pour approfondir la dimension traductionnelle au sein même de la discipline anthropologique (cf. Kate Sturge, 2003, 2006). La nécessité d’ouvrir plus avant le regard porté sur la traduction dans l’optique d’une traductologie post-moderne a résulté en une grande variété d’approches, pour la plupart de type sociologique. Toutefois, parmi les brèves incursions effectuées par les traductologues récemment, la vaste étude menée par Kaisa Koskinen sur la culture institutionnelle et son influence sur le processus de traduction, mérite une attention particulière. Koskinen, qui avait lancé son étude avec un article sur la traduction au sein de la Commission Européenne (Koskinen, 2000, dans un ouvrage devenu monographie : Koskinen, 2008), a réussi à établir une méthode d’investigation structurée de la traduction comme phénomène social. Toutefois, l’approche de Koskinen convient davantage à une étude dans un cadre et un milieu bien définis. 2.5. Recherche sur les dialectes en traductologie Les dialectes ont longtemps constitué une zone grise en traductologie, puisque la recherche se concentrait sur les langues officielles, et concernait surtout des points de vue orthonymiques. Cette situation a quelque peu évolué depuis que le champ d’études s’est davantage ouvert à partir des années 1980 en traductologie – et plus probablement depuis les recherches en sociolinguistique sur les dialectes. Les ouvrages portent cependant davantage sur des phénomènes comme la diglossie, la variation au sein des dialectes. La thèse, puis le livre de Judith Lavoie (2002) sur la traduction de ce qu’on appelle aujourd’hui l’Ebonics présent dans les œuvres de Mark Twain est un exemple probant, posant la question de l’adéquation de la substitution d’un vernaculaire par un autre6. Jusqu’ici, on peut considérer deux principaux angles d’approche de la problématique de la traduction dialectale. En plus de ces deux angles d’approche, on peut considérer que les dialectes dans les traductions du discours parlé, que ce soit dans le domaine de l’audiovisuel ou de l’oralité – en ce sens on remarque un nombre assez élevé de publications concernant la traduction de l’anglais écossais (Scots English). Maria T. Sanchez (1999) s’interroge sur la possibilité ou l’impossibilité de traduire les dialectes en littérature en partant de deux approches extrêmes, dont le dialecte comme ressource littéraire. Robert Neal Baxter (2006), propose une série d’avenues de questionnement pour le moins probante dans cet article publié dans un recueil sur la sociologie de la traduction. Bien que le breton ne soit pas un dialecte du français, sa position dans le domaine public, par le truchement de la traduction, le voit reléguer au même degré que les autres idiomes de l’Hexagone, celui de patois, et ce malgré les politiques implémentées depuis nombreuses années. Bill Findlay (2000), offre un point de vue novateur sur l’étude de traductions, en se concentrant sur le domaine de la traduction théâtrale, soulignant les présupposés 6 La question de la substitution d’un dialecte pour un autre est d’ailleurs souvent au cœur des interrogations traductologiques en ce qui a trait la traduction en dialectes. idéologiques de traducteurs qui choisissent un dialecte particulier comme équivalent pour une adaptation de pièce de théâtre. 2.6. Recherches sur les dialectes finnois Les articles abordant les dialectes du finnois occupent une part non négligeable de la recherche en linguistique et en philologie finlandaise. En réalité, les discussions de nature académique quant aux réalités linguistiques de la langue finnoise et de ses dialectes remontent aisément au milieu du 16e siècle, dans les écrits de Mikael Agricola (Penttinen, 2007), puisque ce dernier a dû effectuer des interventions et des choix afin de consigner par écrit une langue pour laquelle aucun réel témoignage permanent n’existait avant cette date7. En ce qui a trait aux dialectes finnois plus précisément, bien que les premières années de l’établissement du finnois littéraire aient été ponctuées d’ouvrages sur les dialectes, des recherches linguistiques véritablement approfondies ont été effectuées dans les années 1960 et 1970 par Setälä. Nombre d’articles sur les dialectes portent sur les aspects phonologiques et sur les nombreuses – bien que parfois subtiles – différences entre les dialectes du finnois. Un nombre considérable d’ouvrages lexico-géographiques a vu le jour en Finlande pour décrire l’état de fait dialectal dans la république. En ce qui concerne la description de tous les dialectes parlés en Finlande, le Suomen murteiden sanakirja (Dictionnaire des dialectes de Finlande), publié en 1985, demeure le plus complet et le 7 Si on compte le carélien comme langue distincte du finnois, car une écorce de bouleau comportant un fragment écrit en cyrillique et daté du déut du 13e siècle a été découverte en 1957 (cf. http://www.omniglot.com/writing/karelian.htm). plus exhaustif. Il existe un dictionnaire lexicographique portant exclusivement sur le finnois savonien, toutefois, il n’est pas répertorié comme ouvrage « officiel » en tant que tel. Il s’agit du Kieljkiärylöetä d’Unto Eskelinen (1985), beaucoup plus complet malgré sa facture plutôt « personnelle »8. Certains auteurs ont préféré aborder l’aspect sociologique des dialectes finnois, ou ont exposé les influences des langues des pays limitrophes (suédois, norvégien, russe) sur les divers dialectes; Hyvönen (2007a, 2007b) quant à elle exploré les modèles de diffusion des dialectes, ainsi que les interférences du point de vue phonologique entre dialectes géographiquement contigus. Pour ce qui est de l’aspect sociologique, deux chercheurs (Mielikäinen et Palander, 2002) ont choisi de centrer leur objet d’étude sur l’attitude des Finlandais par rapport aux dialectes, en se concentrant sur la valeur que les Finlandais accordent à un dialecte particulier, basant leur article sur des résultats principalement d’ordre phonologique, bien qu’on accorde quelques paragraphes sur les textes écrits traduits. Cet article fait suite à des travaux de nature davantage linguistiquegrammatologique (Mielikäinen, 1980) de phonologie historique (Mielikäinen, 1978), sur l’uniformisation du dialecte du Sud-Savo (Mielikäinen, 1978). Le continuum dialecte-langue a également fait l’objet de nombreuses études, par exemple l’article sur la contraction des diphtongues dans les dialectes de Savo selon un contraste est-ouest (Raisanen, 1973). Depuis les années 1990, l’étude dialectologique du finnois moderne bénéficie d’un apport des sciences computationnelles, donnant naissance 8 Rappelant à cet égard le dictionnaire du français québécois de Léandre Bergeron, paru à peu près à la même époque au Canada. à de nombreuses recherches essentiellement quantitatives, misant sur les données de nature purement factuelles. Par exemple, sur les zones de transition entre dialectes près de la frontière Russie/Finlande (Palander, 2003), une analyse quantitative de la distribution de vocabulaire dialectal, établissant une région dialectale septentrionale (Leino, 2006), ou encore sur la variation dialectale chez les individus du district de Savonlinna, en Finlande orientale. Pour le sujet principal de la recherche, la seule piste pertinente dans l’approche des traductions en dialectes pour le Finnois est celle de Mielikäinen et de Palander dans « Suomalaisten murreasenteista » (Les attitudes des Finnois face aux dialectes) (Mileikäinen et Palander, 2002, p. 86-109, SKSV, vol. 44, no 44). L’influence de la langue russe et l’expressivité dans le lexique des dialectes finnois (V. Jarva, 2003). Composantes secondaires des diphtongues dans les dialectes finnois (Savo, Ostrobothnie), (K. E. Crook, 1999), Changement et préservation des dialectes en finnois ingrien (M. I. Irmelo, 1996), incluant la composante idiolectale. Les suffixes kin/kaan dans les dialectes finnois (M. Makela, 1993). P. Suihkonen (1992) expose dans sa thèse l’analyse des contacts entre deux dialectes (savonien et ostrobothnien) dans une région contiguë aux deux groupes de dialectes en se concentrant sur la gradation plosive des emprunts lexicaux suédois; K.A. Juusela a produit une recherche semblable, mais centrée sur la paroisse de Toysa, au carrefour des régions dialectales de Savo, Häme et Sud Ostrobothnie, abordant la variation d’un dialecte de transition du point de vue de la diphtonguaison. 2.6. Langues européennes et Union européenne Un vaste corpus dédié à l’évolution de la situation des langues au sein de l’Union européenne existe, et nous nous sommes restreints principalement aux articles et ouvrages dédiés aux langues de la péninsule fenno-scandienne, sans pour autant complètement ignorer certains textes produits à propos de situations paneuropéennes ou encore de l’Europe de l’Ouest. Les recherches ayant mené à des publications comme l’EUROMOSAIC (1996) ont surtout servi de point de départ pour le type de questions à poser éventuellement aux locuteurs, mais également pour apprendre dans quel cadre ont été menées les études utilisées pour construire l’EUROMOSAIC. La situation scandinave des langues nationales en rapport avec l’Union européenne a été étudiée par H. Haberland et C. Henriksen (1991), C. Henriksen (1991), A. Karker (1993) pour le danois; par K. Hytelstam (1996), G. Laureys (1994), J. Svanlund et M. Westman (1991), U. Teleman (1992 et 1993) et L. Wollin (2000) pour le suédois; par C. Henriksen (1992), D. F. Simonsen (1996), U. Teleman (1989) et C. Wiggen (1996) pour les langues nordiques. Bjorn Melander (2001), particulièrement, aborde des aspects sociolinguistiques de la nouvelle relation qui s’établit entre le suédois et l’anglais « européen », en s’attardant sur les influences de l’intégration de la Suède au sein de l’Union Européenne. En ce qui a trait à l’approche d’analyse du contenu, l’ouvrage de Maria Sidiropoulou, Linguistic Identities through Translation (2004), aborde la construction de l’identité linguistique par le truchement de la traduction, et plus précisément l’identité des lecteurs, en tenant compte de la « préférence linguistique ». Un point de départ pour articuler autrement la problématique de la traduction dialectale et sa discussion dans le contexte finlandais se trouve chez P. Trudgill. Dans un article publié en 2004, Trudgill aborde la question de la « glocalisation » un phénomène réactionnaire, autrement dit une conséquence inattendue de la mondialisation sur le continuum langue-dialecte, un phénomène d’autonomisation dialectale en réaction à la possibilité très réelle d’homogéinisation, en raison de l’affaiblissement de l’État-nation et du renforcement graduel de l’influence régionale. 2.7. Dynamique politique en Union européenne Une quantité appréciable d’articles et de thèses ont été écrites sur l’Union européenne et l’intégration des pays scandinaves (ce qui comprend donc la Finlande), un processus relativement récent, et, fait surprenant, une certaine proportion de ces articles entre dans le domaine de l’anthropologie. L’exemple le plus patent de ce phénomène est sans conteste le livre An Anthropology of the European Union – Building, Imagining and Experiencing the New Europe (I. Bellier et T. Wilson, éd., 2000). Le livre aborde plusieurs questions, surtout en ce qui concerne le « Europe-building » – par opposition au « nation-building » – en Europe de l’Ouest et les récents développements ayant cours avec les nouveaux pays de l’élargissement. Cependant un seul chapitre s’est avéré pertinent pour la thèse, soit l’article « Not Simple at All – Danish Identity and the European Union » de R. Jenkins. Pertinent, puisque dans cet article l’auteur se sert de diverses publications et lettres aux éditeurs des principaux quotidiens danois pour prendre le pouls de la population quand à l’intégration plus formelle du Danemark au sein de l’UE, les textes servant de trame narrative où puiser les questions de nature identitaire posées par les Danois en regard des changements éventuels. De même, le cheminement effectué par Mélanie Leroy pour sa monographie Les pays scandinaves de l’Union Européenne (2003) apporte un éclairage utile sur la façon d’aborder la perception des citoyens sur l’Union européenne et son développement. La relation entretenue par les citoyens danois avec les autorités les représentant devant l’UE est explorée de manière encore plus approfondie dans Ethnonations in a United Europe (Joseph R. Llobera, 1997), où trois auteurs abordent la question de la résurgence des revendications ethniques au sein du nouvel espace socio-économique ouvert par l’Europe unifiée. 2. 8. Dynamique pays scandinaves – Union européenne Comme l’intégration des pays de la péninsule fenno-scandienne au sein de l’Union européenne est relativement récente, il existe une bonne quantité d’articles dédiés au sujet de la relation entre les diverses instances – politiques, économiques, communautaires, militaires – des États scandinaves avec Bruxelles et les parties constituantes de l’U.E. Sur les questions identitaires, l’article de Lene Hansen (2002) explique le rôle assumé par les Danois à titre de « pont » entre l’Europe continentale et le reste de la Scandinavie, et comment ce rôle est endossé essentiellement par la classe politique mais également approuvé par la population en général. Ce qui ressort davantage est l’ambivalence des Danois face au projet d’intégration européenne, ambivalence partagée par les autres nations de la péninsule fenno-scandienne, en matière de politique linguistique par exemple. En ce qui concerne la Finlande seule, Henrik Menander (2002) explore le sens de l’Europe et la conception que les Finnois ont de cette dernière sous l’angle identitaire. Kaisa Lähteeenmäki-Smithm (2003) explique le processus de régionalisation épousé par les autorités de l’UE et comment ce processus a été inséré dans l’agenda politique national finlandais. Enfin, Hanna Kyläniemi et Päivi Rahikainen (2003), essaient de déterminer si une région culturelle propre au Nord de la Finlande (fin. Lapin Lääni) existe bel et bien en réalité, en se basant sur diverses données factuelles de nature ethnographique. Pour ce qui concerne plus précisément la dynamique de régionalisation au sein de la Finlande en regard de l’influence de l’Union européenne, la thèse de Jouko J. Juhani (1999) sur la province de Paijat-Häme et son émergence constitue un apport déterminant, ne serait-ce que pas sa robuste contextualisation historique faisant remonter l’analyse au 19e siècle – période de constitution de l’État Finlandais – et tentant de mettre au clair l’influence de l’UE dans les plus récentes transformations de l’espace économique et culturel. 2. 9. Travaux en théorie de la réception et réception chez l’auditoire 2. 9. 1. La théorie de la réception ne représente aucunement un corps uniforme mais est issu de courants théoriques en études littéraires (H.R. Jauss), travaillant sur la réponse du lecteur face à un texte ou un ouvrage écrit. Cette théorie fut étendue à d’autres manifestations textuelle, au théâtre par exemple9. 2. 9. 2. Analyse de l’auditoire Puisqu’il s’agit de mesurer la réception des traductions dialectales, la mesure de cette réception peut s’effectuer de plusieurs manières, selon les éléments que l’on veut isoler chez l’auditoire. La perspective oscille entre deux extrêmes, d’une part le message ou le texte qui influence potentiellement les récepteurs (modèle « hypodermique »10, d’autre part les récepteurs s’appropriant le message ou le texte pour servir leurs propres fins (modèle « usage et gratification »). Un véritable progrès dans ce champ d’études, pour ce qui concerne davantage l’étude du sujet de cette thèse, amorcé durant les années 1980, procède de recherches effectuées sur le lectorat des fictions romancées, par Radway. 9 Les recherches émanant de la théorie de la réception ont subi une Susan Bennett * Ainsi nommé en raison de la métaphore d’injection de ‘messages particuliers’ chez les récepteurs pour des raisons de modifications comportementales (T. Adorno et M. Horkheimer, 1977) 10 transformation par l’entremise du milieu des sciences de la communication, grâce au modèle « encodage/décodage » de Hall, modèle ayant servi à nourrir le cadre conceptuel pendant la dite période, donnant naissance à un corps respectable d’articles principalement consacrés à l’analyse des auditoires de la télévision. Si l’étude de la traduction dialectale du point de vue sociologique ou même anthropologique offre déjà une gamme de points de vue non négligeable, il en ressort que la prise en compte des lecteurs potentiels, de l’auditoire ciblé par les traductions dialectales demeure une variable oubliée, voire peu considérée dans la recherche. Nous avons donc à toutes fins pratiques le champ libre pour la présente recherche.