C) Base de la théorie behavioriste

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Psychologie comportementale et cognitive (13h) :
I) Le modèle comportementaliste ou behavioriste
Le béhaviorisme (ou comportementalisme) est une approche en psychologie qui
consiste à se concentrer uniquement sur le comportement observable de façon à
caractériser comment il est déterminé par l'environnement et l'histoire des
interactions de l'individu avec son milieu, sans faire appel à des mécanismes
internes au cerveau ou à des processus mentaux non directement observables.
Par exemple, l'apprentissage y est décrit comme une modification du
comportement observable due à la modification de la force avec laquelle une
réponse est associée à des stimuli, extérieurs (environnement externe) ou à des
stimuli intérieurs (environnement interne), sur l'organisme.
Le but de toute thérapie comportementale ou cognitive est d’aider un patient à
changer certains éléments de son comportement. C’est dans la mesure où
l’individu lui-même souhaite ce changement que ces thérapies ont la valeur
psychothérapique qui leur est accordée de nos jours. Il s’agit par exemple, de
supprimer chez l’obsessionnel des vérifications ou des rites, de modifier des
réactions émotionnelles de sujets phobiques, d’apprendre à acquérir de nouvelles
compétences sociales dans des relations interpersonnelles.
A) Histoire du behaviorisme
Au début du siècle, la psychologie n’est toujours pas libérée de l’emprise de la
philosophie. Tout se passe un peu comme si la méthode introspective avait pris
le pas, en psychologie, sur la méthode expérimentale. Pourtant, dès les dernières
décennies du XIXème, sous l’impulsion de physiologistes comme Wundt, les
lois psychologiques sont connues. En France, avec Ribot, philosophe de
formation considéré comme « le père de la psychologie scientifique française »
(Pichot, 1983), se développa la psychologie expérimentale qu’il enseigna au
Collège de France avec initialement, l’intention de l’élargir à l’étude de la
psychopathologie. Il se borna cependant (Fraisse, 1967) à utiliser des
observations de malades sans jamais tirer d’hypothèses sur la genèse de leurs
troubles estimant que la pathologie mentale fournit des expériences auxquelles il
suffit de se référer. Tel n’était pas l’avis de Janet, philosophe et médecin, qui
succéda à Ribot dans son enseignement de psychologie expérimentale et écrivit
en 1923 : « Les tentatives thérapeutiques constituent souvent de véritables
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expériences psychologiques et elles mettent en lumière des faits que
l’observation seule n’avait discerné.
Il s’agit d’essayer de comprendre, reprenant les termes de Yates. « La genèse et
le maintien du comportement » et de voir comment « Les patterns anormaux »
chez l’être vivant différent de ceux observés lors d’études expérimentales. Les
recherches sur l’apprentissage ont fait ressortir le paradigme du conditionnement
indispensable dans toute étude comportementale.
Nous ne nous étendrons pas sur les conceptions de Watson auquel fort
injustement, on a pu, en France imputer l’esprit des thérapies comportementales.
IL créa une véritable révolution en psychologie lorsqu’en 1913, dans son désir
de l’affranchir de la méthode introspective, il créa le behaviorisme. Il distinguait
bien les comportements observables des comportements privés que sont les
pensées ou images mentales, parfois traduite par des mouvements ou des paroles
mais qui ne peuvent faire l’objet d’une psychologie scientifique. Watson
abandonna peu après l’enseignement universitaire, mais lorsqu’il fut mis au
courant des recherches de Pavlov, il adhéra pleinement à une théorie dans
laquelle il ne voyait que la simple mise en évidence d’une relation causale entre
stimulus et réponse. Le stimulus permettrait alors de prévoir la réponse d’un
organisme et les comportements auraient été acquis par un mécanisme de
conditionnement pavlovien. Certaines théories du stress renvoient à ces
conceptions.
Dans les premiers essais de déconditionnement utilisant des méthodes aversives,
on trouve une référence à ce sujet modèle stimulus-réponse. C’est Le cas, par
exemple, du traitement de l’alcoolisme par aversion conditionnée, de celui de
l’énurésie nocturne chez l’enfant et même d’anomalies de l’orientation sexuelle
telle l’homosexualité chez des volontaires. Mais ces traitements rentrent
davantage dans le cadre de la modification du comportement que dans celui des
thérapies comportementales à vocation psychothérapique.
1°) LE CONDITIONNEMENT PAVLOVIEN
L’œuvre de Pavlov, est bien loin en son esprit de suivre le modèle behavioriste.
Physiologiste de formation, prix Nobel de Médecine en 1902. Pavlov s’était
tout d’abord intéressé au rôle des formations corticales dans le conditionnement.
Comme on le sait, il avait étudié chez le chien des réactions salivaires qu’il
observait au moyen d’une fistule gastrique. C’est en effet, par hasard à la suite
d’une inondation qui avait fait de nombreux dégâts à Saint-Pétersbourg en 1924,
que Pavlov fit une observation capitale : chez certains des chiens de son
laboratoire, des apprentissages qui avaient été très longs à obtenir ne persistaient
plus. Leur comportement avait été troublé par ces événements traumatisants.
Mais pourquoi ce que nous appelons de nos jours un état de stress posttraumatique apparaissait il chez certains chiens seulement mais pas chez tous ?
Pavlov postula alors que le système nerveux central est réagi par deux
processus : un processus d’excitation et un processus d’inhibition et que les
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réactions de l’organisme résultent de la force de ces deux processus. Ce qui fait
que la typologie pavlovienne, comme beaucoup d’autres, n’est apparue présenter
que peu d’intérêt diagnostique.
Retenons de la méthodologie pavlovienne, l’importance qu’elle donne à l’état
d’un organisme en situation. Alors que les expériences des neurophysiologistes
sont faites « en aigu » pour étudier par exemple les réactions d’un nerf ou d’une
structure sous-corticale, Pavlov exigeait que ses animaux soient en bonne
condition physique et soustraits aux influences du milieu extérieur et du bruit (il
les plaçait dans une tour de silence durant l’expérimentation).
Le conditionnement pavlovien ne peut déjà plus, dans cette optique se réduire à
un strict modèle stimulus-réponse puisqu’est introduit obligatoirement entre le
stimulus et la réponse l’état de l’organisme (o) :
S
 O
 R
Il peut s’agir s’un état physiologique susceptible d’être modifié par des agents
pharmacologiques (d’où ses nombreuses applications), mais il peut également
s’agir d’un état psychologique induit passagèrement par des facteurs
émotionnels, conception que nous retrouverons chez des comportements
contemporains, par exemple dans le modèle développé par Kanfer et Philipps
(1970).
Le protocole d’expérience de ce conditionnement classique permet de
comprendre la persistance et l’étendu de certains états anxieux, notamment les
phobies : un stimulus neutre, tout d’abord sans effet, (ex : un chien aboie
derrière un portail et la porte s’ouvre) ne devient conditionnel que lorsqu’il a été
associé à un stimulus inconditionnel (le chien sort et mord). Ensuit, l’extinction
survient normalement si la réaction conditionnelle s’est manifestée un certain
nombre de fois sans avoir été renforcée, c'est-à-dire sans que le stimulus
inconditionnel ait été de nouveau présenté.
Mais cette extinction de la réaction conditionnelle peut ne pas survenir. Ce
phénomène attira l’attention de Wolpe (1958) et lui permit de mettre au point la
théorie de l’inhibition réciproque. Une réaction, par exemple à un facteur
passager de stress, peut persister en l’absence de ces facteurs de stress. Bien
plus, cette réaction anxieuse peut se généraliser, c'est-à-dire survenir également
dans des situations qu’une analogie très lointaine avec les événements
traumatisants initiaux. Le sujet mordu par un chien peut devenir phobique non
seulement des chiens mais de tous les animaux à poils sans les discriminer.
Dans le conditionnement classique, la réaction étudiée est donc physiologique,
soumise à l’état de l’organisme et indépendante de la volonté du sujet. Il fournit
des hypothèses sur les
processus d’acquisition et de maintien d’un
comportement ou d’une cognition dysfonctionnels.
Historiquement, le behaviorisme est apparu en réaction aux approches dites
mentalistes qui voyant dans « le mental la cause de toute action » défendait
l'introspection en tant que méthode d'accès à la compréhension de l'esprit.
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En 1913, John Broadus Watson établit les principes de base du behaviorisme
(dont il invente le nom) en affirmant, dans un article intitulé "La psychologie
telle que le béhavioriste la voit" que si la psychologie veut être perçue comme
une science naturelle, elle doit se limiter aux événements observables et
mesurables en se débarrassant, sur le plan théorique, de toutes les
interprétations qui font appel à des notions telles que la conscience et en
condamnant, sur le plan méthodologique, l'usage de l'introspection "aussi
peu utile à la psychologie qu'elle l'est à la chimie ou la physique". Il fait de
l'apprentissage un objet central pour l'étude du comportement qui doit être
approché uniquement sous l'angle des comportements mesurables produits en
réponse à des stimuli de l'environnement. Cette position de principe défendue
par Watson correspond à ce qu'on a appelé par la suite le béhaviorisme
méthodologique pour le différencier des autres courants auxquels il donnera
naissance.
Dans les années 1940 et 1950, Burrhus F. Skinner introduit la notion de
« conditionnement opérant » sur la base des observations qu'il effectue sur les
animaux placés dans des paradigmes opérationnels au cours desquels ils
apprennent par essai-erreur les actions à effectuer pour obtenir une récompense.
Alors que Watson la rejetait, Skinner s'appuie sur la loi de l'effet de Thorndike
qui établit que le comportement est fonction de ses conséquences, pour
développer les notions de renforcement, de façonnement, d'apprentissage
programmé. Ces principes marquent une divergence profonde avec le
béhaviorisme méthodologique de Watson en acceptant l'idée que des variables
internes à l'individu puissent intervenir dans l'analyse du comportement. De
plus, ce courant ne rejette pas les processus internes comme les pensées ou les
émotions mais les qualifient d'événements « privés » auxquels peuvent tout aussi
bien s'appliquer les principes de la psychologie opérante.
2°) LE CONDITIONNEMENT OPERANT
D’autres hypothèses plus comportementales ont été empruntées à un type,
différent dans son établissement, de conditionnement : le conditionnement
opérant.
Ici la réaction étudiée concerne le système squelettique et met en jeu la motricité
du sujet. Ce sont les facteurs du milieu qui gouvernent le comportement et
contrôlent ses probabilités d’apparition. Ainsi selon la loi de l’effet de
Thorndike, le sujet à tendance à répéter les actions qui lui paraissent avoir des
conséquences bénéfiques, et qui lui permettent par exemple d’échapper à
certaines situations désagréables ou de les éviter. Ex : le syndrome de
déconditionnement à la douleur dans le cadre des prises en charge de
Restauration Fonctionnelle du Rachis. Skinner ne niait pas l’existence des
phénomènes intérieurs (pensées par exemple), mais dans son souci, qui était
celui de son époque, d’échapper au mentalisme, il ne s’intéressait qu’aux
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éléments observables du comportement. Son ambition était de faire de la
psychologie une science du comportement, ambition qui est celle du
behaviorisme radical et qui a soulevé une levée de boucliers.
Skinner ne se proposait pas, dans travaux, de contribuer à une théorie
psychopathologique et encore moins d’orienter des interventions
psychothérapiques. Cependant, ses expériences sur le conditionnement opérant
ont une importance capitale en thérapie comportementale : elles ont mis en
évidence la notion de renforcement, elles ont montré que le comportement de
tout être vivant est modifié par les conséquences de ses actes. Elles ont
démontré, chez l’animal, que lorsque le protocole de renforcement est modifié,
c'est-à-dire lorsque varie le débit des renforcements disponible dans
l’environnement, le comportement varie : par exemple, lorsque les
renforcements positifs sont moins nombreux, il y a de fortes probabilités pour
que les réponses diminuent.
En tant que processus, le renforcement négatif augmente également la
probabilité d’apparition du comportement (et ceci l’inverse de la punition qui ne
fait qu’inhiber un comportement) Mais cette fois-ci, ce qui augmente, c’est la
probabilité d’apparition d’un comportement d’évitement ou d’échappement à un
stimulus aversif. Par exemple, s’il peut (stimulus aversif) et que je ne veux pas
être mouillée, ma probabilité d’ouvrir mon parapluie augmente….
Cette notion d’évitement est très importante pour la compréhension de réactions
inadaptées et pour les stratégies comportementales qui peuvent en découler. Par
exemple, l’observation du comportement de phobiques se résume souvent à
l’évitement de l’objet phobogène. L’évitement, devenu habituel, les empêche
d’être confrontés à cet objet, dont ils admettent pourtant l’innocuité, et même de
l’évoquer en imagination. Cet évitement se généralise : une simple appréhension
à prendre un moyen de transport se mue en impossibilité de le prendre, puis en
difficulté à prendre un autre moyen de transport, à sortir dans une rue animée
puis à sortir de chez soi ; une véritable escalade de symptômes se présente au
thérapeute. Celui-ci, pour les faire rétrocéder, tentera soit une désensibilisation
faisant tout d’abord évoquer mentalement dans un état de calme les stimulus
anxiogènes, pour ensuite confronter le patient à des situations réelles, soit une
procédure dite d’exposition, où il confrontera directement le phobique avec les
objets de ses peurs.
B. L'expérience de Skinner
 Renforcement positif. Stimulus "Le rat est dans la cage". Réponse
(comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Renforcement positif : "Il
obtient de la nourriture (= ajout).

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→ Augmentation de la probabilité d'apparition du comportement
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 Renforcement négatif. Stimulus : « Le rat est dans la cage, il reçoit des
chocs électriques (plancher) ». Réponse (comportement) : "Le rat appuie
sur le levier". Renforcement négatif "Les chocs électriques s'arrêtent (=
retrait).

→ Augmentation de la probabilité d'apparition du comportement
 Punition positive. Stimulus : "Le rat est dans la cage". Réponse
(comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Punition positive : "Il
reçoit une décharge électrique (= ajout).

→ Diminution de la probabilité d'apparition du comportement
 Punition négative. Stimulus : "Le rat est dans la cage". Réponse
(comportement) : "Le rat appuie sur le levier". Punition négative : "La
nourriture disparaît (= retrait).

→ Diminution de la probabilité d'apparition du comportement.
C) Base de la théorie behavioriste
La théorie behavioriste fait du comportement observable l’objet même de la
psychologie. L’environnement y est l’élément clé de la détermination et de
l’explication des conduites humaines. La plupart des théories de l'apprentissage
reconnaissent trois grandes variables dans le processus : l'environnement qui
stimule, l'organisme qui est stimulé et le comportement ou la réponse de
l'organisme par suite de la stimulation.
Le schéma classique est donc :
S = le stimulus provenant de l'environnement (des stimuli)
I = l'individu
R = le comportement ou réponse de l'individu par suite de la stimulation
Sans nier la réalité de l'individu (I) et de son fonctionnement interne, les
behavioristes classiques ne s'en occupent pas. En effet, leur objectif est de
spécifier les conditions et les processus par lesquels l'environnement (S) contrôle
le comportement (R), sans faire référence à des variables internes considérées
comme non observables et hypothétiques. Le schéma selon lequel ils travaillent
met ainsi entre parenthèses l'individu (I) qu'ils considèrent comme une « boîte
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noire ». Toutes les questions relatives à la conscience sont ainsi écartées de leur
champ d'étude.
D'où le schéma :
considéré comme le schéma linéaire classique behavioriste.
Ce schéma, pouvant être assimilé au schéma du conditionnement classique
pavlovien, a été modifié par B.F. Skinner, car le conditionnement pavlovien
n'explique que les apprentissages liés à des stimuli dits inconditionnels c'est-àdire des stimuli provoquant des réponses inconditionnelles liées à la
phylogénèse (développement) de l'espèce.
Ainsi, le deuxième schéma classique est celui du conditionnement opérant. Ce
schéma introduit deux nouvelles variables : l'environnement et les conséquences
sur l'organisme pouvant être positives ou négatives.
D'où le schéma :
(conséquences)
(le tout étant modulé par le contexte)
Ce schéma n'est plus linéaire car ce n'est pas un stimulus qui déclenche une
réponse, c'est un stimulus qui l'évoque. La réponse ou comportement étant
sélectionné par les conséquences sur l'organisme et sur l'environnement,
conséquences qui sont propres à chaque organisme, c'est pour cela que l'étude et
la classification des stimuli et des réponses ne peut s'effectuer qu'a posteriori.
Le conditionnement opérant explique les comportements appris lors de
l'ontogénèse de l'organisme (Plus précisément l'ontogenèse est la science qui
étudie la croissance et le développement d'un individu à partir de l'oeuf (ovule
fécondé par un spermatozoïde) jusqu'à l'âge adulte. Le terme ontogenèse ne doit
pas être confondu avec celui de phylogenèse qui désigne le développement de
l'espèce. Le terme dysontogenèse désigne un développement défectueux de
l'individu). La différence fondamentale entre le conditionnement classique et
opérant est que le conditionnement opérant présuppose un être actif dans son
environnement.
Quelques concepts :
 L'extinction
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Les réponses conditionnelles peuvent ne durer que pendant un certain temps. Si,
à la suite d'un conditionnement, on présente à plusieurs reprises le stimulus
conditionnel sans le faire suivre du stimulus inconditionnel, la réponse
conditionnelle finit par s'estomper. En gros, cela nous amène à dire que
l'extinction illustre une diminution puis la disparition d'une réponse apprise;
dans le conditionnement répondant, l'extinction se produit lorsque le stimulus
conditionnel cesse d'être mis en association avec le stimulus inconditionnel.
Exemple
[...] Marc a reçu un ballon en pleine figure (stimulus inconditionnel) à sa
première journée à la garderie, et il a ainsi appris à craindre (réponse
conditionnelle) l'enfant (stimulus conditionnel) qui l'a lancé. Marc en
viendra progressivement à ne plus craindre son compagnon de jeu si, en le
voyant, il ne l'associe plus au [stimulus inconditionnel] (le ballon). La
réaction de crainte (réponse conditionnelle) aura alors été éteinte.
 La récupération spontanée
La réapparition de la réponse conditionnelle après la mise en place d'une
procédure d'extinction réussie est une récupération spontanée. En gros, nous
pouvons affirmer, dans certains cas, qu'une habitude pourra faire une nouvelle
apparition après son extinction apparente.
Exemple
Par exemple, si Marc devait s'absenter de la garderie quelques jours, il est
possible qu'à son retour il réagisse de nouveau par une réponse de peur en
voyant son compagnon de jeu. C'est pourquoi il faut habituellement
plusieurs séances d'extinction pour supprimer une réponse conditionnelle.
 La généralisation du stimulus
Lorsqu'un stimulus est devenu un stimulus conditionnel, entraînant une réponse
conditionnelle donnée, on observe que des stimuli du même type sont
susceptibles de déclencher eux aussi la même réponse conditionnelle; nous
donnons à ce processus le nom de généralisation du stimulus. En d'autres mots,
une personne appliquant le principe de la généralisation du stimulus déploie un
comportement spécifique sur des stimuli qui ont une similarité très proche avec
un stimulus très spécifique.
Exemple
Par exemple, Marc pourra déployer la même réponse conditionnelle de
peur en présence d'autres enfants qui ressemblent physiquement à son
compagnon de jeu. Le proverbe « Chat échaudé craint l'eau froide » décrit
bien le processus de généralisation du stimulus.
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 Discrimination du stimulus
Contrairement au principe de généralisation d'un stimulus qui consiste à
déployer un comportement spécifique sur des stimuli qui ont une similarité très
proche avec un stimulus spécifique qui se trouve à la source d'un comportement,
la discrimination du stimulus, qui est l'image inversée de la généralisation d'un
stimulus, consiste à réagir de façon différente à des stimuli ressemblant par
certains aspects au stimulus conditionnel. La discrimination du stimulus survient
lorsque des stimuli qui s'apparentent au stimulus conditionnel ne sont pas
associés au stimulus inconditionnel à l'origine de la réponse conditionnelle.
Exemple
Ainsi, si Marc apprend à ne déployer la réponse conditionnelle de peur
qu'en présence de l'enfant qui lui a lancé le ballon en plein visage, c'est
qu'il a appris à discriminer le stimulus.
Actuellement et depuis les années 70, le behaviorisme radical défendu par
Skinner a perdu de son influence. Néanmoins, l'adaptation des paradigmes du
conditionnement classique de Pavlov et instrumental de Skinner aux
composantes cognitives du comportement a permis à des auteurs comme Ellis,
Seligman, Wolpe ou Beck de développer l'approche comportementale-cognitive
en psychothérapie.
Les données auxquelles ce courant a donné naissance sont utilisées notamment
dans les thérapies comportementales (ou cognitivo-comportementales),
auxquelles elles continuent à apporter des données fondamentales. Cette
approche a permis à la psychologie contemporaine de traiter des problèmes
d'adaptation, tels les troubles anxieux et la dépression. Nous verrons ces
applications un peu plus loin dans le cours.
D) LES THEORIES ASSOCIEES
Le modèle du conditionnement classique ne permet pas d’appréhender le
comportement d’un sujet envisagé comme un tout, car il reste dépendant du
stimulus et ne peut avoir toute la liberté de ses actes. Celui du conditionnement
opérant libre est plus proche du comportement d’un individu observé dans son
milieu. Il a mis en évidence les notions de renforcement envisagé sous l’optique
de la loi de l’effet et celle d’évitement. Pour comprendre l’intérêt, pour les
modèles comportementaux, des théories du conditionnement, il faut distinguer
dans celui-ci deux facteurs : un facteur de conditionnement classique et un
facteur de conditionnement instrumental (opérant). C’est la théorie des deux
facteurs que O.H Mowrer exposa en 1947, alors qu’inspiré par les travaux de
Hull, il s’intéressait surtout à la « résolution des problèmes ». Plus tard Mowrer
(1960) remit en cause sa propre théorie et plaça au premier plan l’état
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émotionnel dans lequel se forme le réflexe conditionnel classique qui lui
apparaissait être d’un intérêt primordial pour l’étude des névroses.
Kanfer et Phillips ont proposé en 1970 un modèle tenant compte de ces deux
facteurs de conditionnement qui s’est avéré utile dans l’analyse d’un
comportement. Dans le schéma pavlovien, on s’attache aux facteurs
caractérisant l’état interne du sujet (O = état de l’organisme). Celui-ci définit ce
qui pousse un individu à émettre la réponse. Cette réponse R peut agir
rétroactivement sur O. Dans un modèle élargi, on peut admettre qu’il y a des
facteurs autres que purement physiologiques ou biologiques : anxiété de base
par exemple, facteurs constitutionnels, facteurs cognitifs, etc.
S
 O
 R
Cette réponse elle-même est suivie de conséquences qui, comme nous l’avons
vu en nous référant à la loi de l’effet dans le conditionnement opérant, auront
des effets sur l’émission des réponses suivantes en modifiant leur débit. Mais il
existe une relation de contingence entre la conséquence d’un acte et l émission
renforcée de la réponse. Nous l’appellerons K. Elle est propre à chaque
individu.
Antécédents
Conséquences
S
 O
 R K 
C
C’est cette relation de contingence entre l’émission de la réponse et sa
conséquence dont le comportementaliste doit étudier les facteurs.
Dans l’analyse du comportement d’un claustrophobe, on peut en distinguer
trois : A, M, C.
A. Facteurs du système autonome : J’ai chaud.
J’ai la gorge serrée.
Je transpire
M. Facteurs moteurs :
Je ne pense qu’à fuir ce lieu
Je vais fuir ce lieu mais je suis paralysé, je ne
peux pas parler.
C. Facteurs cognitifs
Si ça continue, je vais suffoquer,
m’évanouir
K englobe évidemment de nombreux facteurs autres, notamment des facteurs
culturels et sociaux qui déterminent et renforcent un grand nombre des
comportements sur lesquels les approches comportementales et cognitives se
proposent d’agir.
E) L’APPRENTISSAGE SOCIAL
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Nous arrivons à un modèle de conditionnement, celui qui se rencontre dans
l’apprentissage social indispensable pour communiquer avec ses semblables. En
pathologie mentale, on trouve de nombreux cas ou n’existent pas les troubles de
la communication, rencontrés fréquemment, par exemple dans la schizophrénie,
mais où simplement le patient ne connaît pas les moyens d’expression qui lui
permettront de mieux communiquer, soit parce qu’il manque d’assertivité, soit
parce qu’au contraire il n’attache pas assez d’importance aux conduites des
autres.
L’apprentissage social est généralement décrit (Bandura, 1976) comme un
processus d’observation et d’imitation : on observe comment les autres agissent
et ils servent de modèle que l’on essaie d’imiter. Cette description est
insuffisante pour rendre compte des nombreuses difficultés rencontrées dans la
formation de cet apprentissage : outre l’observation et l’imitation, il existe dans
l’apprentissage social un processus de conditionnement opérant dans lequel
l’élément déterminant est le renforcement. Il s’agit de l’apprentissage vicariant.
On a montré que les animaux placés dans des cages proches de celles de
congénères soumis à des chocs électriques pénibles présentaient des
manifestations neurovégétatives semblables à celles de ces derniers.
Dans l’apprentissage vicariant, ce que le sujet observe chez son modèle, c’est la
conséquence de son comportement. Si celui-ci est renforcé positivement, le sujet
observateur aura tendance à faire comme lui. L’observation n’est pas passive
comme elle peut l’être chez l’enfant à qui ont dit « fais comme papa », ou celle
su skieur débutant qui s’attacher à imiter les gestes de son moniteur.
L’apprentissage social est un phénomène complexe puisqu’il n’obéit pas au seul
déterminisme des stimulations sociales. On peut refuser de suivre la mode, être
en désaccord avec certaines normes culturelles et cependant rester en harmonie
avec le groupe. Ce qu’on appelle l’entraînement aux habilités ou aux
conséquences sociales (social skills training) vise à faire acquérir au sujet plus
d’adresse dans sa façon de défendre ses droits, d’exposer son opinion sans
heurter celle des autres.
F) CONCLUSION ET CRITIQUE DE LA THEORIE BEHAVIORISTE
Les approches comportementales en psychopathologie sont parties du refus des
applications des théories du mentalisme. Sans les rejeter, elles ne mettent au
premier plan aucun des modèles psychologiques de la motivation, l’affectivité,
la volonté, l’émotion, la personnalité, l’intelligence ou l’hérédité.
Mais les hypothèses explicatives sur lesquelles sont fondées les théories
psychopathologiques, si elles n’ont pas eu l’ambition d’aboutir à des modèles du
comportement humain, n’en sont pas moins fécondes pour orienter le choix
d’une stratégie psychothérapique ou médicamenteuse. C’est là l’intérêt de la
recherche en thérapie comportementale et cognitive. Dès ses débuts, le parti-pris
anti-psychique, et donc anti-constructiviste de la psychologie behavioriste a été
critiqué. Jean Piaget a démontré qu'on ne pouvait pas résumer l'intelligence à des
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phénomènes d'apprentissage et d'imitation sur le modèle de l'éthologie animale
sans tenir compte de la manière dont la connaissance se construit chez un sujet
et un groupe. Or par définition, la connaissance n'étant pas un phénomène
observable, le behaviorisme ne s'est pas engagé dans la problématique de
l'épistémologie.
La "boîte-noire" d'autre part, est vue par les psychanalystes comme un argument
rhétorique pour évacuer la question de l'inconscient et celle du sujet.
L'adaptation au sens étroit est postulée comme le seul moteur, l'alpha et l'omega,
de toutes les conduites humaines. Par ailleurs, pour la théorie behavioriste, ne
peut être objet de science que ce qui est observable par un individu extérieur
sans référence au contenu psychique d'un sujet pensant, en contradiction
évidente avec la perspective analytique. Les critiques de l'approche behavioriste
ont ainsi utilisé la métaphore de l'iceberg : selon eux, les comportementalistes ne
s'intéressent qu'à la partie émergée (le comportement observable, i.e., le
symptôme) délaissant la partie immergée (le psychisme). La théorie freudienne
repose en effet sur le fait que le symptôme n'est que l'expression de la partie
inconsciente de la vie mentale (et notamment de conflits internes au sujet,
comme dans la conversion hystérique) ce qui, en soi, n'est pas incompatible avec
la position théorique behavioriste qui n'émet simplement pas d'hypothèse sur le
contenu du psychisme. Par contre, les divergences entre ces deux approches
peuvent apparaître cruciales s'agissant de la thérapeutique : une psychothérapie
d'inspiration comportementaliste cherchera à faire disparaître le symptôme sans
se préoccuper de leur signification, tandis que la cure psychanalytique visera une
modification des processus psychiques s'exprimant dans la symptomatologie
clinique.
Le cognitivisme est un courant en psychologie qui est né en prolongation du
behaviorisme. La thématique du langage a joué un rôle important en canalisant
la critique sur la conception behavioriste du langage comme un ensemble
d'« habitudes » apprises par observation et conditionnement. Au contraire, la
linguistique cognitive défendue par Noam Chomsky se fonde sur l'hypothèse
d'une grammaire mentale constituée de règles que l'on peut décrire formellement
et qui serait contenu dans l'héritage phylogénétique de chacun des êtres humains.
La critique chomskyenne repose notamment sur l'argument de la pauvreté du
stimulus qui considère qu'une telle grammaire universelle est indispensable aux
enfants pour acquérir une telle compétence langagière alors qu'ils sont loin
d'avoir été confrontés à toutes les structures grammaticales possibles. Plus
généralement, la psychologie cognitive se fonde sur l'idée que la pensée est
décomposable en processus mentaux distincts qu'il convient de modéliser
comme des entités relativement autonomes. Les caractéristiques de ces
processus mentaux sont alors indirectement accessibles au moyen d'expériences
dans lesquelles le comportement reste la principale variable expérimentale.
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Le modèle cognitiviste
II)
Le courant cognitiviste est issu des travaux sur la logique et les mathématiques,
et surtout du développement de l'informatique. Wiener en 1948 ("cybernetics")
émet l'idée d'une représentation mécanique du cerveau. En psychologie, le
cognitivisme désigne le courant de recherche scientifique endossant l'hypothèse
que la pensée est un processus de traitement de l'information. On l'inscrit
généralement dans l'approche computo-représentationnelle de l'esprit ayant
cours dans les sciences cognitives, bien que depuis la fin des années 1980, le
modèle connexioniste rivalise avec le computationnalisme. En gros, celui-ci est
une thèse philosophique qui établit une analogie entre le fonctionnement de la
pensée humaine et d'un ordinateur.
Le cognitivisme est d'abord un paradigme scientifique constitué au moment de
la Révolution cognitiviste des années 1950 qui a vu s'unifier différents domaines
scientifiques notamment la psychologie, la linguistique, l'intelligence artificielle,
les neurosciences, l'anthropologie et la philosophie, en une super-discipline qui a
pris le nom de sciences cognitives. Le rôle central de la cognition (humaine,
mais aussi artificielle et animale) dans ce paradigme marque son opposition à la
tradition comportementaliste (ou béhavioriste) qui avait cours en psychologie
jusqu'alors.
Le cognitivisme psychologique est suivant les auteurs associé ou non à un
physicalisme fonctionnaliste qui établit une séparation entre le matériel
biologique constituant le système nerveux (le « hardware » de l'ordinateur) et les
opérations mentales qui sont exécutés (les « programmes » ou « software »).
Pour le cognitivisme, le stockage de la mémoire dans le cerveau se fait d'une
manière constructive. Pour la simple petite perception, un travail de stockage et
d'interprétation est enclenché. L'information se dirige premièrement dans la
mémoire sensorielle, qui se dirige ensuite dans la mémoire à court terme pour
ensuite être traduite et classée dans la mémoire à long terme.
La mémoire guide notre perception. Il y a deux traitements de l'information

le mode ascendant: d'une information donnée, nous tirons des conclusions
grâce à notre mémoire à long terme.

le mode descendant: grâce aux schèmes et scripts que nous avons
emmagasinés dans notre tête, nous essayons d'anticiper des situations.
Le cognitivisme repose donc sur deux métaphores :
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le cerveau est similaire à un ordinateur et fonctionne en traitant de
l'information à l'aide de systèmes ouverts qui peuvent communiquer avec
l'environnement, en manipulant des symboles
le cerveau est semblable à un réseau neuronique où les concepts sont
reliés entre eux par des relations.
Ainsi, la pensée est un système de représentations de l'état du monde,
représentations qui sont des significations sur lesquelles la pensée s'exerce et
l'humain recueille, modifie, encode, interprète, emmagasine l'information
provenant de l'environnement et en tient compte pour prendre des décisions et
orienter sa conduite.
En fait, tout système cognitif a une architecture à trois composantes :
-
une base de connaissances ou mémoire à long terme
-
une instance de traitement
-
un moteur d'inférences
Tout apprentissage repose sur l'activité de la mémoire. A tout moment, notre
système mnésique enregistre nos perceptions et nos actions et guide nos
réalisations. Le processus mnésique se décompose en 3 phases : l’encodage, le
stockage et la récupération. Les troubles cognitifs peuvent intervenir sur une des
étapes ou toutes en même temps.
Le courant cognitiviste classique regroupe habituellement sous le terme de
mémoire les processus d'encodage, de stockage et de récupération des
représentations mentales. Beaucoup de recherches sur la mémoire en
psychologie cognitive consistent à repérer et à décrire ses différents composants.
Pour ce faire, les psychologues se basent sur des résultats expérimentaux et sur
les symptômes manifestés par des patients cérébrolésés.
A) Modèle modal de la mémoire
Le plus influent de ces modèles structuraux de la mémoire est le modèle modal,
qui divise la mémoire en trois sous-systèmes : registre sensoriel, mémoire à
court terme et mémoire à long terme. La notion de mémoire à court terme a
ensuite été profondément renouvelée par le concept de mémoire de travail.
Le modèle modal divise la mémoire en trois sous-systèmes principaux. Ce
modèle est une synthèse de nombreux résultats expérimentaux et représente la
conception dominante de la mémoire humaine dans la psychologie cognitive de
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la fin des années 1960. Une formulation classique de ce modèle a été proposée
par Atkinson et Schiffrin (1968).
Les trois composantes de la mémoire dans le modèle modal sont :

Le registre sensoriel : il peut retenir une grande quantité d'informations
sous forme visuelle pendant un temps extrêmement court (quelques
millisecondes). Ce processus est différent du phénomène de rémanence
visuelle

La mémoire à court terme (MCT) : elle contient un nombre limité
d'éléments, stockés sous forme verbale pendant quelques secondes

La mémoire à long terme (MLT) correspond à notre conception intuitive
de la mémoire. Les informations en MLT sont de nature sémantique. La
MLT ne connait pas en pratique de limites de capacité ou de durée de
mémorisation.
Pour Atkinson et Schiffrin, la probabilité de mémorisation en mémoire à long
terme (c'est-à-dire d'un apprentissage durable) dépend uniquement de la durée
de présence en mémoire à court terme
Voyons en détail les systèmes de stockage selon Atkinson et Shiffrin :
Il en existe trois :
-
le registre d'information sensorielle (visuel, auditif, tactile)
-
la mémoire à court terme (répétition, encodage, décision, récupération)
-
la mémoire à long terme (stockage permanent).
Tout d'abord le registre d'information sensorielle (R.I.S.). C'est une mémoire de
nature sensorielle et immédiate. Les traces s'évanouissent très vite. La trace
mnésique ne dure que quelques 10° de secondes. C'est en fait la persistance
pendant un laps de temps très court, de la stimulation de nos organes sensoriels.
Par exemple le son en écho du dernier mot entendu.
Pour appréhender ce mode de fonctionnement de la mémoire, Linsay et Norman
vous conseillent de faire tapoter quatre doigts sur votre bras. Vous obtenez une
sensation immédiate. Notez comment elle s'évanouit: d'abord, vous conservez la
sensation du tapotement; ensuite, il ne reste que le souvenir de cette sensation.
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Vous pouvez également fermer les yeux pendant un court instant puis ouvrez-les
quelques instants avant de les refermer. Notez que l'image claire et nette que
vous avez captée se maintient un instant pour ensuite s'effacer lentement.
Faites bouger un crayon par un mouvement de va-et-vient devant vos yeux, tout
en regardant fixement droit devant vous. Voyez l'image fugace qui traîne
derrière l'objet en mouvement.
Cette dernière expérience permet d'évaluer la persistance de l'image. Changez la
vitesse à laquelle vous bougez l'objet. Notez que si vous allez trop lentement
vous perdez la continuité de l'image entre les points extrêmes du mouvement de
va-et-vient.
Pour conserver la continuité de l'image consécutive, il faut environ 10 va-etvient par 5 s. Le crayon passe donc 20 fois toutes les 5 s ou 4 fois par seconde.
La trace visuelle persiste pendant 0,25 s.
Ce type de mémoire permet d'assurer la continuité d'un mouvement quand nous
regardons un film : cela maintient le mouvement d'une image à l'autre et permet
le traitement de l'information sensorielle pendant un temps plus long que son
déroulement réel.
En fait, le registre d'information sensorielle stocke plus d'informations qu'on ne
peut en retenir.
L'oubli, quant à lui, est dû à l'évanescence de la trace (mise en repos des organes
sensoriels ou nouvelles stimulations sensorielles). L'impression, le bruit, le
tableau visuel disparaît.
La mémoire à court terme (MCT) quant à elle, est un système qui maintient
l'information déjà recueillie en R.I.S., pendant quelques secondes voire quelques
minutes.
C'est l'étape pendant laquelle nous conservons à l'esprit l'information
 dont nous avons besoin temporairement
 que nous essayons d'organiser pour la stocker de façon permanente
La nature de ce souvenir est du type interprétation de l'image sensorielle. Par
exemple, après audition d'une phrase, on se souvient des mots prononcés et du
sens de ces mots beaucoup plus que des sons qui ont produit la phrase. Ainsi on
peut se rappeler du mot profit alors que le mot prononcé était bénéfice.
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La capacité de cette mémoire est limitée. Miller (1972) parle de 7+ou-2
éléments retenus quelque soit leur longueur.
Par rapport au R.I.S., on peut garder indéfiniment en MCT des éléments par le
travail d'interprétation ou l'autorépétition. Si les éléments stockés en MCT sont
encore présents à l'esprit, c'est qu'ils n'ont jamais quitté la conscience (sinon c'est
de la mémoire à long terme).
Donc, c'est une mémoire directe et immédiate qui excède rarement les 30 s à
1minute.
La mémoire à long terme ( MLT). Elle est laborieuse et compliquée. C'est le
système de mémoire le plus important. Sa capacité est illimitée. Tout ce qui est
appris et retenu depuis plusieurs minutes passe en MLT. Son contenu est
immense : on sait que l'on possède 100 milliards de neurones stockant chacun
une assez bonne quantité d'information.
La probabilité de recouvrer tel ou tel élément dépend de la nature du matériel
stocké.
L'oubli n'est plus dû à l'évanescence de la trace mais à l'interférence (phénomène
de masquage d'une information par une autre). D'ailleurs, il n'y a pas d'oubli en
MLT mais parfois une impossibilité provisoire de se rappeler, à cause du
contexte pas toujours adapté.
Le matériel stocké en MLT ne vient pas toujours d'un transit en MCT. On peut
fabriquer de nouveaux souvenirs en associant des éléments déjà présents en
MLT. C'est la porte ouverte à la créativité...
Quant au recouvrement de l'information, c'est une opération de résolution de
problème. Car pour que l'information puisse passer de la MCT à la MLT, il est
nécessaire de l'organiser. Il faut opérer un traitement en profondeur de cette
information. La qualité du rappel dépendra du niveau d'analyse des items à
retenir, reposant sur une structure logique et associative.
Ainsi, l'on peut fournir à des gens une liste de mots à examiner.
Cette liste comprend des mots courts, d'autres longs; ces mots sont de couleurs
différentes. Certains sont des noms et d'autres des verbes. Et l'on peut demander
aux personnes de faire des choses différentes avec ces mots, à savoir :
-
dire la couleur du mot
-
dire le nombre de lettres du mot
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-
dire le nombre de lettres qui riment avec le mot thé
-
dire si c'est un nom ou un verbe
-
trouver un mot qui rime avec
-
trouver un antonyme (contraire du synomyme)
-
produire une image mentale du mot
-
composer une histoire qui comporte le mot et ceux qui précèdent
Cette liste de tâches est ordonnée suivant la profondeur de traitement. Et l'on
s'aperçoit qu'à chaque niveau d'analyse correspond une performance
mnémonique croissante…
Un second modèle est le modèle HAM d'Anderson et Bower qui fait état de
deux types de mémoire : une mémoire de travail et une mémoire à long terme.
Avec, en plus, des éléments d'entrée et de sortie :
les récepteurs auditifs et visuels (repérage perceptif) doublés d'une
mémoire tampon
-
un analyseur linguistique situé après les récepteurs sensoriels
-
un analyseur perceptif
-
un dispositif d'exécution et un générateur de réponses
Dans ce deuxième modèle, on retrouve le registre sensoriel dont les fonctions
sont la perception et l'attribution de signification aux stimuli.
La mémoire de travail est le centre de traitement de toute l'information et
d'intégration des stimuli extérieurs à la structure des connaissances antérieures.
Elle correspond en tous points à la mémoire à court terme d'Atkinson et Shiffrin,
avec sa capacité limite de traitement de l'information (7 +/- 2 éléments) et sa
durée très brève de disponibilité des informations (qq secondes).
1°) Mémoire à court terme, mémoire de travail (MDT)
Pour le modèle modal, la MCT joue un rôle particulier dans la cognition et
particulièrement dans l'apprentissage de nouvelles informations. Les preuves
expérimentales de ce fonctionnement sont cependant limitées. Devant les
difficultés de ce modèle, et particulièrement pour rendre compte des propriétés
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dynamiques de la MCT, Alan Baddeley et ses collègues ont proposé un nouveau
modèle de la mémoire de travail composé de plusieurs sous-systèmes.
Les trois composants du modèle de Baddeley et Hitch sont :

L'administrateur central : mécanisme attentionnel de contrôle et de
coordination des 2 systèmes esclaves (boucle phonologique et calepin
visuo-spatial) :

La boucle phonologique (BP) : elle est capable de retenir et de manipuler
des informations sous forme verbale

Le calepin visuo-spatial (CVS) : il est chargé des informations codées
sous forme visuelle.
2°) Mémoire à long terme (MLT)
En ce qui concerne la mémoire à long terme, plusieurs distinctions ont été
établies :


Entre la mémoire épisodique et la mémoire sémantique
Entre la mémoire implicite (procédurale) et la mémoire explicite
(déclarative)
En outre, de très nombreuses recherches en psychologie cognitive portent sur les
formes de représentations mentales utilisées en mémoire à long terme.
 Mémoire implicite et mémoire explicite
La distinction entre mémoire implicite et mémoire explicite inclut
approximativement celle de mémoire procédurale et de mémoire déclarative :


La mémoire procédurale permet l'acquisition et l'utilisation de
compétences motrices comme faire du vélo, pratiquer un sport…
La mémoire déclarative est responsable de la mémorisation de toutes les
informations sous forme verbale, c'est-à-dire celles que l'on peut exprimer
avec notre langage.
La notion de mémoire implicite et explicite généralise cette distinction à
l'ensemble des natures de traitements d'information liés à la cognition humaine.
Autrement dit, il existe des automatismes pour les informations verbales,
imagées, sensitives et gestuelles (ex : rappel du mot) autant qu'il existe des
représentations mentales manipulables par la conscience et l'attention, sur
lesquelles peuvent porter des décisions (ex : représentation mentale d’un geste
d’agressivité).
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Une décision se réfère à la conscience : prendre une décision correspond à
autoriser ou au contraire à inhiber un processus automatique préexistant.
E : la réponse motrice au geste interprété comme agressif consiste à entamer un
mouvement ou au contraire, inhiber un réflexe moteur de fuite.
Au contraire des présupposés courants, la prise de décision ne « crée » pas à
proprement parler de nouvelles informations, elle ne permet pas non plus d'en
récupérer : elle permet simplement de porter un dernier processus de vérification
sur des processus déjà déclenchés et des informations déjà activées et préstructurées.
 Mémoire épisodique et mémoire sémantique
L'idée de la nécessité d'une mémoire sémantique contenant des connaissances
générales pour la perception et la compréhension du langage a été suggérée par
les recherches en intelligence artificielle. Ex : expériences sur le langage des
machines ou de reconnaissance des expressions.
En psychologie, Endel Tulving a proposé en 1972, la distinction entre mémoire
sémantique et mémoire épisodique (mémoire des événements de la vie
personnelle), notamment pour rendre compte des symptômes de certains patients
cérébrolésés présentant des troubles spécifiques à l'un de ces deux types de
mémoire.
La mémoire à long terme se décompose en deux sous-ensembles (Tulving,
1972) :
la mémoire épisodique (ou explicite) : c'est une mémoire contextualisée;
elle contient des images sur où, quand, comment; la récupération des
informations se fait par indices spatio-temporels; elle contient des épisodes de
vie.
la mémoire sémantique ( ou implicite) : elle contient les concepts, les
principes, les règles, les images mentales élémentaires, les plans d'action.
INFORMATION
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MEMOIRE
EPISODIQUE
Evénement
MEMOIRE
SEMANTIQUE
Faits, idées
Episodes
Concepts
Référence au moi
Références à l'univers
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PROCESSUS
Croyance
Codage temporel
consensus social
Codage a-temporel
Affect important
Affect peu important
Contextuel
A-contextuel
Evocation du passé
Actualisation des
connaissances
Sensible à l'amnésie
APPLICATIONS
Peu utilisé en éducation
Témoignages
Peu sensible à l'amnésie
Forte utilité en éducation
Forte association avec
l'intelligence
Oubli
La gage
Expertise
Tableau : les principales différences entre mémoire sémantique et mémoire
épisodique (inspiré de Tulving, 1983).
Selon Baddeley, la mémoire sémantique serait le résidu de plusieurs épisodes
cad une extraction des traits communs, indépendamment du contexte de chaque
épisode. Elle est générique.
Donc, c'est la mémoire épisodique qui vient nourrir la mémoire sémantique.
Toujours selon Baddeley, la métaphore la plus parlante pour illustrer et
comprendre le fonctionnement de la mémoire est celle d'une bibliothèque :
-
le matériel doit être bien rangé : fonction d'encodage
-
il ne doit pas se détériorer avec le temps : fonction de stockage
-
on doit pouvoir y accéder facilement : fonction de récupération.
Le plus gros du travail se fait en mémoire à court terme ou mémoire de travail,
qui se décompose en sous-systèmes : un contrôleur central et deux systèmes
auxilliaires, à savoir un agenda visuo-spatial (stockage de l'information visuospatiale) et une boucle articulatoire (répétition de l'information verbale, codage
phonologique) Baddeley 1994.
En mémoire à long terme, on distingue plusieurs composants.
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- Une première distinction oppose, selon Paivio, la mémoire visuelle à la
mémoire verbale.
La mémoire visuelle ou imagée stocke l'information en préservant ses
caractéristiques. Le codage se ferait sous forme analogique.
Par contre, la mémoire verbale code l'information sous forme d'unités de sens
sans préserver les propriétés du stimulus.
- Une deuxième distinction est opérée par Tulving (1972) entre mémoire
épisodique et mémoire sémantique (voir plus haut).
- Une troisième opposition peut être faite, selon Squire (1980), entre
connaissances déclaratives et connaissances procédurales.
Les connaissances déclaratives sont des représentations verbalisables d'épisodes
de vie, de concepts ou d'images mentales. Ce sont des connaissances
conscientes, faisant l'objet d'un contrôle intentionnel. Elles décrivent certains
états du monde et ont un caractère statique.
Les connaissances procédurales sont dynamiques et ont un caractère
perceptivo-cognitif ou cognitivo-moteur. A ce titre, elles sont peu
communicables, peu conscientes et très automatisées : elles consistent en
systèmes d'associations plus ou moins complexes entre des stimuli, des
comportements et des états mentaux.
Les modes d'apprentissage de ces deux types de connaissances ne sont pas les
mêmes : les connaissances déclaratives fonctionnent sur le mode de la
restructuration ou de l'accumulation alors que les connaissances procédurales
fonctionnent par réglage.
B) Modèle SPI de Tulving
Endel Tulving (1995) a proposé un modèle structural de la mémoire dans lequel
il distingue cinq systèmes de mémoire organisés de façon hiérarchique, à la fois
en termes d'origine phylogénétique et en termes de prépondérance au sein du
système cognitif. On peut rappeler que Sherry et Schacter (1987) ont défini le
terme de système de mémoire comme l'« interaction entre mécanismes
d'acquisition, de rétention et de récupération, caractérisés par certaines règles
opératoires (...), 2 systèmes (ou plus) se caractérisant par des règles
fondamentalement différentes ».
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Du plus ancien au plus récent, il considère les systèmes suivants, chacun d'eux
nécessitant l'intégrité des systèmes précédents pour fonctionner :


La mémoire procédurale : elle constitue selon ce modèle le plus ancien et
le plus important système de mémoire ; son intégrité est nécessaire au
fonctionnement des suivants. Ex : toutes les techniques du corps
Le système de représentation perceptive SRP) : il contiendrait des
ébauches perceptives des éléments constitutifs de la mémoire sémantique.
Ex : les expressions.
Ces deux premiers systèmes sont dits anoétiques puisqu'ils n'impliqueraient pas
de prise conscience de l'« objet ».


La mémoire sémantique se réfère à l'ensemble des représentations sur les
connaissances générales sur le monde
La mémoire primaire correspond à la MCT ou à la MDT. Ce système
permet le maintien temporaire et la manipulation de l'information.
Ces deux systèmes sont dits noétiques puisqu'ils impliquent une prise de
conscience des objets qu'ils traitent

La mémoire épisodique concerne les représentations des événements
situés dans le temps et dans l'espace (contexte). Ce système est dit autonoétique parce qu'il implique une prise de conscience de l'objet et du sujet
propre en tant qu'il perçoit l'objet.
Ex : schizophrénie et troubles cognitifs.
Le modèle SPI (pour sériel, parallèle et indépendant) soutient que :



L'encodage se fait de façon sérielle, dans un système après l'autre, item
après item
Le stockage est parallèle, un élément pouvant être stocké dans plusieurs
systèmes en même temps
La récupération se fait de manière indépendante, dans le système
concerné.
C) Mémoire et cognition située et distribuée
Alors que la plupart des modèles évoqués jusqu'à présent s'inscrivent dans la
perspective du traitement de l'information en psychologie cognitive, certains
auteurs proposent une vision radicalement différente de la cognition comme
processus collectif inscrit dans l'environnement social et physique. Ces diverses
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perspectives sont généralement regroupées sous l'étiquette cognition située et
distribuée.
Dans le domaine de la mémoire, on peut notamment citer le travail d'Edwin
Hutchins sur le pilotage d'avions de ligne et la navigation maritime. Il décrit, par
exemple, comment le traitement (mémorisation, rappel, utilisation) d'un
paramètre comme la vitesse de l'avion se distribue entre les deux membres de
l'équipage et les outils à leur disposition dans le cockpit. Il suggère ainsi que les
processus cognitifs ne sont pas des phénomènes purement individuels mais le
résultat de l'activité coordonnée des participants et de leurs instruments.
D) Approche unitaire de la mémoire
Versace, Padovan et Nevers (2002) proposent une approche différente de la
mémoire. Cette approche remet en question la conception en systèmes multiples
de la mémoire, ainsi que la notion de représentation dans la valeur abstractive
(l'objectif des systèmes sensoriels serait d'« abstraire » des invariants) que lui
donne l'approche cognitiviste classique. La conception en traces multiples
considère que chaque confrontation à un événement entraine la création d'une
trace mnésique, qui correspond strictement aux activations sensori-motrices (et
notamment émotionnelles) provoquées par celui-ci. Ce serait l'accumulation de
ces traces qui permettrait, à partir des confrontations répétées à un objet par
exemple, dans une large étendue de contextes différents, d'extraire en quelque
sorte un sens, recréé à chaque activation. Ce sens, qui n'est pas stocké en tant
que tel, correspond en quelque sorte à l'ensemble des activations sensorimotrices liées à cet objet, en fonction du degré de liaison.
E) Méta-mémoire
Pour expliquer la production du concept de l'écoulement temporel, il est
nécessaire de faire appel au concept de méta-mémoire ou méta-mnèse, c’est-àdire une mémoire de la mémoire, caractérisée par le souvenir des variations de
celle-ci. La méta-mnèse permet à l'esprit de s'abstraire du présent et d'imaginer
un cours du temps en considérant la succession des souvenirs de ses états de
mémoire ou plus précisément encore le souvenir des variations de sa mémoire.
Cette propriété serait aussi nécessaire à la construction de la conscience de soi.
III) De la Pratique des Thérapies Comportementales et Cognitives
L’application de la psychologie scientifique à la psychothérapie est représentée
par les thérapies comportementales et cognitives. Celle-ci mettent l’accent sur
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l’utilisation d’une méthodologie expérimentale afin de comprendre et de
modifier les troubles psychologiques.
Les cadres de références des thérapies comportementales sont des théories de
l’apprentissage, c'est-à-dire le conditionnement classique et opérant et
l’apprentissage social. De nos jours, les théories font également référence aux
modèles cognitifs basés sur l’étude du traitement de l’information, c'est-à-dire :
les processus de pensée qui filtrent et organisent les événements
environnementaux du sujet. Le comportement et les processus sont en
interaction avec les émotions.
Le premier type de conditionnement a été décrit, il y a à peu près trois-quarts de
siècle par Pavlov. Dans le conditionnement pavlovien ou classique, l’acquisition
relève d’un principe de continuité et d’associationnisme, principe que l’on
retrouvera dans toutes les théories comportementalistes. Dans la théorie de
Pavlov, l’apprentissage est acquis par l’association répétée des liaisons
temporaires. Ces liaisons sont temporaires car l’organisme doit continuellement
s’adapter à un environnement sans cesse changeant.
Plusieurs écoles de psychologie ont tenté d’expliquer la genèse de l’anxiété
selon leurs positions théoriques. Les comportementalistes considèrent l’anxiété
comme une tendance acquise. Dans le conditionnement classique, l’anxiété joue
un rôle important dans la détermination des comportements névrotiques.
L’anxiété névrotique est considérée comme une réponse émotionnelle
conditionnée pour laquelle un stimulus neutre a été associé avec un stimulus
aversif inconditionnel.
Vers 1913, Thorndike, en effectuant des expériences sur l’apprentissage animal,
formula la loi de l’effet : un comportement est appris en fonction de cet effet sur
l’environnement. La loi de l’effet entre dans la psychologie dite du stimulus
réponse (S-R). Elle élimine l’interaction d’idées « conscientes » d’un
raisonnement entre le stimulus et la réponse. En tant que telle, elle anticipe le
principe de renforcement de la réponse par ses conséquences qui sera adapté par
de nombreux théoriciens du comportementalisme, dont Skinner.
Les premiers travaux chez l’homme remontent à Watson et Rayner. En 1920,
ces derniers ont conditionné Albert, un enfant de neuf mois, à apprendre la
réaction de peur à la présentation d’un rat blanc.
En 1924, Mary Cover-Johns, à la suite d’une expérience avec le petit Peter, lui
enseigna la possibilité de se reconditionner de sa phobie en lui apprenant une
réponse incompatible avec la peur.
A partir de 1952, après une série d’expérience. Wolpe met au point la technique
de désensibilisation systématique des phobies.
Il y a un peu plus d’un demi- siècle que la deuxième tendance des théories
comportementales est née, grâce aux travaux des chercheurs américains et
particulièrement B.F. Skinner. Ainsi, la théorie du conditionnement opérant,
instrumental ou skinnérien, a été distinguée de la théorie du conditionnement
classique ou pavlovien.
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Dans cette forme de conditionnement ; la variable dépendante à étudier dans tout
comportement est la réponse et son débit. Selon Skinner, l’organisme agit sur
l’environnement et les conséquences de son action la conduisent à modifier son
comportement.
D’après Skinner, une réponse constitue la condition
d’obtention du
renforcement. La réponse opérante peut être définie comme une unité du
comportement dont la production est la condition du renforcement. Skinner
appelle l’ensemble des modalités qui régissent la relation entre la réponse, le
renforcement et les stimuli discriminatifs, les contingences de renforcement.
Le conditionnement opérant apprend aux individus non seulement à être
sensibles à la structure causale des événements mais aussi à intervenir dans cette
structure. Il est instrumental ou opérant parce qu’il peut générer des
comportements qui modifient certaines relations de l’environnement. Ainsi
l’organisme ne subit pas, il agit.
Vers les années 70, sous l’influence des chercheurs comme Mahoney et
Bandura, le comportementalisme radical a peu à peu laissé la place au
comportementalisme méthodologique.
Les premiers comportementalistes comme Watson étaient convaincus que l’on
ne peut pas accéder aux états mentaux des êtres humains. Leurs croyances, leurs
motivations, leurs intentions et enfin leurs pensées sont inaccessibles à la
méthode scientifique.
C’est au début du siècle que Wertheimerer, Kohler et Koffa, un groupe de
chercheurs allemands, ont mis au point, les théories cognitivistes. Ils ont étudié
la perception en liaison avec les mécanismes de la mémoire et de la résolution
des problèmes.
La psychologie cognitive s’intéresse au processus de la pensée. La
psychothérapie cognitive est différente de la psychothérapie classique par les
points suivants :
- Son caractère structuré,
- Sa concentration sur ici et maintenant
- L’absence des constructions théoriques comme celles de la psychanalyse
La modification du comportement n’est pas seulement due à des associations
des réponses du monde extérieur mais aussi à la représentation cognitive que
nous faisons de l’environnement. La perception cognitive des contingences de
l’environnement est l’élément principal pour expliquer toute une série
d’inadaptations, de malformations sociales et psychologiques.
Parmi les tendances actuelles du cognitivisme, il est possible de citer :
- Le cognitivisme structural,
- Le cognitivisme computationnel.
Ces deux approches se distinguent l’une de l’autre par les moyens qu’elles se
donnent pour analyser le système cognitif. La première se base sur les structures
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et les mécanismes de fonctionnement de ces structures alors que la seconde tient
compte des représentations de connaissances calculables et des règles de calcul.
Parmi les différentes formes de cognitivisme structural, nous pouvons citer le
gestaltisme et le structuralisme piagétien. Le cognitivisme computationnel a
donné naissance à la psychologie dite du traitement de l’information. Le modèle
théorique du traitement de l’information repose sur l’idée fondamentale que le
fonctionnement cognitif humain est équivalent à un flux de l’information ou de
façon plus détaillée à un ensemble d’activités de saisie, transformation ou
traitement, stockage et utilisation de l’information.
On entend par cognition, l’acquisition des savoirs sur l’environnement et cela
par l’intermédiaire des phénomènes comme l’attention, la perception, la
mémoire et l’image mentale.
L’organisme traite l’information (stimulus) en fonction de schémas cognitifs
inconscients et acquis (les schémas sont des représentations organisées, des
expériences de l’enfance précoce, ils sont stockés dans la mémoire à long
terme). Ceux-ci
avec l’aide des processus cognitifs (assimilation,
accommodation, heuristiques, distorsions de la pensée logique) filtrent et
transforment l’information en événements cognitifs (pensées et images
mentales) qui interagissent avec le comportement moteur.
Des 1959, la théorie cognitive de la psychothérapie cognitive s’est développée à
partir des travaux effectués par Beck et la notion du traitement de l’information
a été appliquée pour la première fois aux états dépressifs.
A. Epistémologie et modèles théoriques
C’est thérapies ont donc suivi l’histoire de la psychologie expérimentale avec
ses grandes étapes : la psychologie comportementale jusqu’à la fin des années
60, puis la psychologie cognitive « froide » accompagnée de l’introduction de la
psychoneurologie ; et depuis les années 80, la psychologie cognitive dite
« chaude » intégrant les processus émotionnels.
Ce qui différencie les thérapies dites cognitives de celles dites comportementale
est que dans les premières entre le stimulus et la réponse n’est pas non
analysable : elle doit être étudiée d’autant plus que ce sont les structures et
processus internes (différentes appellations ont été données : variables
intermédiaires, boîte noire, etc.) qui modulent la liaison entre la stimulation et la
réponse. Des modèles plus anciens avaient été déjà introduit l’organisme dans le
schéma S.R, d’où un schéma S-O-R qui n’apportait pas grand-chose concernant
les processus cognitifs. L’introduction de ceux-ci dans les modèles de
fonctionnement pathologique a complexifié et diversifié fortement la vision des
problèmes d’où la difficulté de présenter une méthode de thérapie cognitive . La
plus connue, celle initiée par Beck mais souvent adaptée par les auteurs qui s’en
sont inspiré, la technique de Ellis (La Thérapie Rationnelle Emotive), la
résolution de problèmes, etc., sont décrites par les auteurs avec des concepts
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différents qui les font apparaître comme très différentes alors que le
psychologue cognitiviste repère rapidement les points de convergence. Ces
pratiques thérapeutiques en « techniques comportementales » ou en « techniques
cognitives » mettent en jeu la plupart du temps des processus à la fois
comportementaux et cognitifs, ce qui n’est qu’une traduction d’un mode
d’appréhension syncrétique de l’homme : le corps, la pensée, les émotions, les
comportements sont en continuelle interrelation. Si l’on excepte les anciennes
chaînes linéaires, les modèles actuels sont en effet tous de type de boucle de
rétroaction, la différence se faisant au niveau de l’ordre des composantes du
système et/ou plus ou moins interne de ces systèmes en feedback. La rétroaction
peut se faire sur la base d’un modèle linéaires dans lequel il y a un ordre des
« modules » du modèle (comportement, cognitions, émotions, etc.) ; l’exécution
d’un module permettant la poursuite de la chaîne, son dysfonctionnement
renvoyant à une étape antérieure. Dans une autre perspective, la rétroaction peut
se faire dans un système multilinéaire où les feedback ne renvoient pas à une
étape antérieure précise mais à celui des ces modules qui est à l’initiation du
dysfonctionnement et qui sera cible d’un processus de booster permettant de
gérer l’homéostasie. Nous verrons par ailleurs qu’une schématisation en
« modules » utile pour un exposé simple des différentes théories est par essence
faux car, par exemple, les fonctions « cognitions » et « émotions apparaissent
comme étant complètement interpénétrées dans un système de rétroaction
structure-processus » central.
La « révolution cognitiviste » va, dès le début des années 70. Modifier
profondément l’approche en psychothérapie comportementale. Dès le moment
où celle-ci n’est plus définie
par un modèle théorique elle s’ouvre
obligatoirement, pourrait-i sembler, à toute orientation s’appuyant sur le
raisonnement expérimental. En fait l’opposition entre le behaviorisme et le
cognitivisme se retrouve dans les psychothérapies. Pendant longtemps on a parlé
de thérapies comportementales et de thérapies cognitives, les tenants des unes et
des autres admettant une communauté sur les principes développés
précédemment mais résistant à une intégration dans un corps commun de
pratiques thérapeutiques. Un exemple concret institutionnel, en est le fait que
l’Association française de thérapie comportementale (AFTC) ne s’est
transformée qu’en 1990, soit vingt ans après le virage de 1970, en Association
française de thérapie comportementale et cognitive (AFTCC), alors que la même
année l’European Association for Behaviour Therapy (EABT), dont fait partie
l’AFTCC, décidait de ne pas inclure le terme « cognitive » dans son appellation
et ceci en reprenant strictement les mêmes arguments que ceux qui avaient
amené l’AFTCC à prendre la décision contraire.
B) Interrelations entre les thérapies comportementales et cognitives
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La première question qui se pose est de savoir s’il existe des thérapies purement
comportementales ou purement cognitives bien qu’il apparaisse nettement que
les différentes pratiques tendent plus vers l’une ou vers l’autre.
1°) Les thérapies comportementales
La plus connue de ces méthodes comportementales, la désensibilisation
systématique (DS), mise au point à la fin des années 40 par Wolpe mais déjà
pré-élaborée en 1924 par Mary Cover Jones, est censée reposer sur le principe
de l’inhibition réciproque. Cependant de nombreux travaux tendent à mettre en
doute ce seul principe explicatif de l’efficacité de la DS. En particulier le rôle de
la relaxation est très discuté, car cette technique impliquerait l’effet d’autres
facteurs. Des lors, à l’exception des hypothèses de l’extinction ou d’un effet
opérant, lesquelles ont reçu un soutien expérimental très nettement insuffisant,
ce sont les facteurs cognitifs qui ont focalisé l’attention des chercheurs. D’autre
part, pour ce qui concerne tout au moins la DS en imaginaire, il est évident que
les processus de représentation et d’imagerie mentale tiennent une place très
importante puisque c’est par leur biais que le patient affronte les situations
anxiogènes. Même s’il semble impossible de réduire l’efficacité de la D.S. aux
seuls facteurs cognitifs, il apparaît également impossible d’ignorer leur
nécessaire implication. Même dans les procédures d’exposition directe, par
exemple l’implosion ou l’immersion, l’intervention de processus cognitifs ne
peut être niée. Dans l’implosion il est classique de demander au patient
d’imaginer une rencontre, sinon un contact, avec l’objet source d’anxiété et ce
jusqu’à l’obtention de l’anxiété maximal. L’immersion, in vivo, ne reçoit aucune
explication théorique satisfaisante par les modèles comportementaux (théorie de
la réponse compétitive, la théorie des deux facteurs ou celle de la relaxation). Il
est ici aussi impossible d’éliminer le rôle de l’impact des pensées du patient (et
de leur restructuration) lors de sa confrontation avec la situation anxiogène.
Les techniques aversives, directement issues des principes du conditionnement,
et qui posent des problèmes déontologiques en fonction en particulier de leur
caractère physiquement désagréable pour le patient, se voient remplacées par les
techniques aversives modernes fondées sur l’aversion cognitive. Il apparaît que
les facteurs cognitifs sont sans cesse interpellés dans l’explication des
éventuelles réussites ou échecs. Il est clair par exemple qu’un patient alcoolique
sait parfaitement que les nausées ressenties lors d’une cure aversive ne sont dues
qu’à l’administration de la substance chimique « X » et qu’il suffira par la suite
de ne pas la prendre pour évier ces sensations désagréables lors de l’absorption
d’alcool. De même, il m’est souvent apparu que des alcooliques se servaient
volontairement de l’émétine. Sachant que l’association émétine + boissons
alcoolisées permettait de se libérer des différents troubles (immédiats)
consécutifs à la prise importante d’alcool, ils utilisent délibérément l’émétine
pour, après avoir vomi l’alcool, pouvoir recommencer à en absorber. Il s’agit là
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d’un processus cognitif prévisionnel utilisant les propriétés d’une « thérapie »
théoriquement basée sur les lois du conditionnement, mais dans l’optique
inverse de celle-ci. Plus qu’une interférence des processus cognitifs, il s’agit
d’un détournement conscient d’une procédure thérapeutique a priori basée sur
les principes de l’apprentissage par conditionnement.
On pourrait ainsi analyser l’ensemble des procédures thérapeutiques dites
comportementales (telles que la relaxation, les techniques d’affirmation de soi,
etc.) pour montrer qu’elles impliquent toujours des processus cognitifs. Même
celles qui semblent a priori uniquement fondées sur les principes du
conditionnement opérant n’excluent pas l’intervention des activités cognitives.
Par exemple, la technique d’économie de jetons appliquée même chez des sujets
retardés mentaux peut difficilement voir son efficacité expliquée sans faire appel
à la notion de représentation mentale de la liaison du jeton, renforçateur
secondaire, et des divers renforçateurs primaires qu’il permet d’obtenir. Certains
travaux relativement récents montent d’ailleurs l’intrication des processus
cognitifs dans ceux, pourtant semble-t-il a priori plus simples, du
conditionnement. Bien que l’impact des activités cognitives soit sans doute à
différencier dans leur importance selon la technique utilisée et le type de cas
traité. Il faut remarquer que les processus conditionnels, fondement principal des
pratiques comportementales « pures » ont, a contrario, longtemps justifié les
explications des phénomènes inconscients décrits par la psychanalyse alors que
la psychologie cognitive ne mettait l’accent que sur les processus conscients.
L’apparition de la psychologie cognitive « chaude » a complètement bouleversé
la façon d’appréhender les activités centrales automatisées et non conscientes.
2°) Les thérapies cognitives
Contrairement aux thérapies comportementales qui s’appuyaient par principe
directement sur les principes théoriques de la psychologie de l’apprentissage, les
thérapies cognitives de type sémantique ont d’une certaine manière précédée
l’éclosion de la psychologie cognitive. Par exemple la thérapie rationnelle
émotive de Ellis ou la thérapie cognitive de Beck voient leur naissance au tout
début des années 60 alors que c’est la fin de cette même décennie que
commence à s’élaborer la psychologie cognitive sur des bases expérimentales et
qu’il faut compter plusieurs années avant que l’on puisse présenter un corpus
théorique bien élaborer et structuré. Remarquons qu’il s’agit souvent de
psychiatres transfuges de la psychanalyse mais qui, bien que déçus par celle–ci,
sont attirés par l’étude des activités psychiques internes donc au cognitivisme
par une voie originale tout à fait différente de celle qui sera suivie par les
psychologues expérimentalistes.
D’autre part la thérapie cognitive de type sémantique a souvent pour effet de
faire apparaître les apprentissages antérieurs du patient. La restructuration
cognitive, par exemple, nécessite la mise en évidence de la construction de
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pensées erronées, et la modification de celles-ci lors de la thérapie cognitive
consiste tout compte fait en leur désapprentissage et en l’apprentissage de
pensées adaptées. Les modalités de l’apprentissage ne reposent pas
explicitement sur l’administration de renforcements mais dans la réalité le
comportement du thérapeute (attitudes, approbations, etc.) introduit des
renforcements sociaux ayant sans doute un grand rôle dans le processus
thérapeutique. Il en est de même, par exemple, avec les techniques de résolution
de problème : il s’agit bien d’apprentissages cognitifs mais on ne peut exclure
l’intrusion de processus de renforcements sociaux. L’entrainement à la
résolution de problèmes consiste en un véritable apprentissage pour lequel il est
cependant difficile pour l’instant de fournir un modèle théorique unique.
Le choix ne s’impose pas
C) Les émotions et les affects
S’il est un domaine de la vie psychique que la psychologie behaviorale avait
pratiquement ignoré, c’est celui des émotions et des affects. Les recherches sur
l’apprentissage font, au plus, parfois appel à la notion de peur (ou même
d’anxiété) mais le modèle S.R ignore volontairement les activités centrales
même si les événements privés ne sont pas niés systématiquement.
La psychologie cognitive qui se développe durant les années 70 se donnes pour
but l’étude de la connaissance, elle s’élabore à partir des modèles issus de
l’informatique et tend à s’intégrer dans un plus vaste champ : les sciences
cognitives, ce qui n’est pas favorable en soi à l’éclosion de travaux sur les
émotions.
Des recherches sur l’influence des émotions sur les processus cognitives, sont
menées, en premier lieu avec parfois l’arrière-pensée de pouvoir contrôler ces
éléments potentiellement perturbateurs du bon fonctionnement d’une machine
cognitive qui pourrait, comme un ordinateur, être parfaite. D’autres recherches
portent à l’inverse sur l’influence des processus cognitifs sur les émotions ; elles
apporteront essentiellement à l’étude de celles-ci des modèles méthodologiques,
des cadres conceptuels qui permettent dans les années 80 un développement très
important des recherches expérimentales sur les émotions en liaison très étroite
avec les modèles théoriques cognitivistes.
D) Intégrer les principaux modèles cognitifs de l’anxiété
La psychologie dite cognitive a profondément modifié l’approche des désordres
émotionnels, essentiellement les troubles de l’anxiété et la dépression. Le
modèle présenté ne peut être compris qu’en fonction d’une vision syncrétique de
la causalité phylogénétique et surtout ontogénétique de la construction des
structures fonctionnelles constatées à un moment donnée de la vie de l’individu,
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y compris sa personnalité. C’est un modèle où structure (parfois appelée
« architecture ») et fonctionnement sont indissociables en une boucle incessante
de rétroaction : la structure permet le fonctionnement qui, de par son propre fait,
modifie la structure, et ainsi de suite. Cette évolution architecturo-fonctionnelle
interne ne s’entend que par l’interaction incessante de « état » de l’individu avec
son environnement. Cette interaction résultant en modes de gestion de l’action
modifie cet « état » immédiatement antérieur en un nouvel état. Cette séquence
implique donc à la fois un mode de stockage évolutif un contenu et en
organisation et un système de la modification de ce stockage. Selon le même
principe « contenu » et « organisation » évoluent en interrelation étroite :
l’organisation est maître d’œuvre des modifications de contenu qui en retour
impliquent une réorganisation permanente. C’est de la plasticité de cet ensemble
complexe de rétroactions que dépend le bien-être de l’individu. Cela sera à
prendre en compte dans la détermination des différentes pathologies, en
particulier dans la distinction entre les différentes pathologies, en particulier
dans la distinction entre les différents types de troubles anxieux.
Je me référerai à deux sources qui, de fait, tendent à se rapprocher de plus en
plus. La première était au départ surtout clinique et psychiatrique : elle repose
essentiellement sur le modèle cognitif de Beck de la dépression puis de
l’anxiété, bien qu’il faille prendre en compte d’autres modèles tel celui de Ellis.
Beck a commencé à développer.
Cette seconde source est celle de la psychologie expérimentale cognitive : dans
cette perspective les modèles concernant les désordres émotionnels sont
directement issus des théories décrivant les étapes du traitement de
l’information, de l’entrée (saisi de l’information) à l’action en passant par les
fonctionnements des structures internes. Ici il faut distinguer deux types
d’approche :
 Les théories centrales, concernent essentiellement l’organisation de la
mémoire à long terme décrivant la façon dont les événements de vie et les
connaissances sont stockés en liaison étroite avec leur contenu
émotionnel. Je me baserai ici sur le modèle de Bower datant de 19811982 qui pour rendre compte de ce modèle je ferai appel à celui de
Plutchick, c'est-à-dire un modèle psycho-évolutionniste dont l’intérêt est
de montrer comment les émotions complexes peuvent se créer à partir des
émotions de base innées.
 Les théories focalisées sur le début du traitement de l’information ciblent
plus particulièrement la sélection de l’information l’attention et la
mémoire de travail (mémoire à court terme : quelques secondes).
En définitive il apparaît que ces modèles ne sont pas réellement concurrents, ils
s’adressent souvent à des étapes différentes du fonctionnement des structures
impliquées dans le traitement de l’information. Un point commun qu’il faut tout
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de suite relever est que le terme de cognitif n’implique pas des processus
conscients. Quel que soit le niveau d’analyse, des processus automatisés, qui ne
peuvent la plupart du temps se mesurer expérimentalement qu’avec des unités
temporelles de l’ordre du 1/100e de seconde, qui ne demandent aucun effort et
qui sont donc inconscients, sont la règle du fonctionnement courant de la
personne. Il est indispensable de retenir les principales étapes du traitement de
l’information en mémoire faisant intervenir : le registre des informations
sensorielles (RIS), la mémoire à court terme (MCT) souvent appelée maintenant
la mémoire de travail (MDT) et la mémoire à long terme (MLT).
1°) Le modèle de Beck
Beck suppose l’existence d’un profil cognitif et d’un contenu cognitif
spécifiques à chaque état affectif. Selon Piaget un schéma cognitif sous-tend le
comportement sensorimoteur et les activités mentales complexes et explique la
régularité des actes. Dans ces conditions on conçoit qu’un schéma, s’il est
dysfonctionnel, contribue à une perturbation stable et constante d’un individu.
Selon Neisser (1976) les schémas cognitifs peuvent être définis comme des
représentations non spécifiques mais organisées, de l’expérience préalable qui
facilitent le rappel amnésique mais en même temps peuvent entraîner des
constructions mentales nouvelles, des distorsions systématiques. De façon
générale, on peut considérer qu’il s’agit de structures abstraites de représentation
des connaissances et des expériences antérieures inscrites en MLT. Ce sont des
structures fonctionnelles mais relativement stables qui gèrent toutes les étapes
du traitement de l’information : filtrage et sélection des informations nouvelles,
organisation des informations stockées en MLT, récupération des informations
en MLT, gestion de l’action.
Selon Beck les schémas sont normalement latents mais peuvent devenir actifs et
engendrer des fonctionnements pathologiques : la dépression, l’anxiété, les
troubles de la personnalité. En assimilant les informations nouvelles
sélectionnées. Ils sont inconscients, permettent l’anticipation (ils sont le lien
entre le passé et le futur), ils gèrent les représentations et les évaluations des
individus, ils peuvent se structurer entre eux et former des structures de niveau
plus global : les constellations et les modes : le mode anxieux est basé sur la
menace. Les constellations correspondent aux différents types de troubles
anxieux.
Chez les personnes ayant des troubles anxieux, certains schémas sont suractivés.
Le nouveau de fonctionnement que l’on peut qualifier de « pathologique »
correspond à une activation tellement intense des schémas que ceux-ci sont de
plus en plus rigides, imperméables, surincluants et concrets. Ils finissent par
produire une occupation incessante de la pensée consciente de l’individu.
Il y a ainsi une préparation à la saisie des stimulations porteuse potentiellement
ou réellement de danger. La surestimation de la menace s’accompagne d’une
sous-estimation de la capacité à faire face. Cette dépréciation des moyens de
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coping sera en particulier un point essentiel dans la création d’un modèle de la
phobie sociale.
Les schémas assimilent les informations nouvelles qu’ils sélectionnent et les
relient à celles déjà stabilisées et stockées. De ce fait ils se renforcent,
deviennent plus prégnants, et plus rigides. Plus ils sont prégnants plus ils
participent à la sélection d’informations qui leur sont spécifiquement
isomorphes. C’est ainsi que le cours de la vie voit l’individu se spécialiser dans
son mode d’appréhension du monde et dans ses modes d’action.
Beck propose en outre une organisation hiérarchique en distinguant les schémas
de base, les constellations et les modes. Si les schémas constituent les structures
de base de l’organisation cognitive, un examen plus approfondi montre que l’on
ne peut en rester à une notion simpliste de schémas isolés.
En fonction de l’interaction entre les éléments neurochimiques, éthologiques et
environnementaux, chaque individu développe au cours de sa vie des schémas
concernant les conséquences probables d’un événement et sur la façon d’y faire
face. Il s peuvent par exemple prendre la forme d’un sentiment exagéré de
vulnérabilité ou d’une représentation exagérée de la menace liée à un stimulus.
Lorsque les schémas partagent des éléments communs ils se regroupent en
constellations (cognitives). Lorsque ces constellations deviennent plus
englobantes, incluent un grand nombre de situations, d’événements et
structurent l’information commune d’une manière particulière, elles constituent
un niveau supérieur d’organisation appelé mode. Un mode représente une façon
typique, caractéristique, de traiter l’information : c’est ainsi que chaque trouble
psychopathologique est dominé par un mode qui lui est propre. Mais dans
chaque mode on peut caractériser un thème dominant (une constellation) qui est
composé de schémas.
 Caractéristiques des schémas dans le modèle de Beck
Ils sont stockés en MLT et consistent en des structures fonctionnelles, des
organisations relativement stables. Ils sont donc difficiles et longs à modifier.
Mais Beck ne fournit que peut de précisions sur la façon dont ces schémas sont
inscrits en MLT. Ils contiennent les connaissances et expériences préalables
mais aussi les informations, les théories et les expectations que la personne a du
monde extérieur et d’elle-même. Ils guident l’encodage, l’organisation, la
mémorisation et la récupération des informations. Ils sont donc une sorte de
gestionnaire de l’input et de l’output. Leur propre fonctionnement les modifie
par l’intégration d’informations qu’ils ont eux-mêmes sélectionnées : leur
plasticité tend à se réduire avec leur mise en œuvre et peut devenir très faible
dans les cas pathologiques. Ils sont inconscients : ils fonctionnent de façon
automatique en dehors de toute activité volontaire. Ils sélectionnent, filtrent, et
interprètent l’information de façon rapide, routinière, en fonction d’hypothèses
implicites qui sont un ensemble de croyances concernant le monde extérieur et
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soi-même. Ils permettent l’anticipation : ils sont le lien par lequel le passé
affecte l’estimation du futur et gèrent les représentations et les évaluations des
individus. Ils sont spécifiques de chaque individu, idiosyncrasiques.
Leur suractivation entraîne l’inhibition des schémas antagonistes. Leur
activation produit une occupation de la pensée consciente. Le modèle général de
Beck débouche sur un profil cognitif de l’anxiété : bien qu’il y ait des
constellations spécifiant chaque trouble anxieux, il y a un mode anxieux général
basé sur la vulnérabilité aux situations de menace. La vulnérabilité consiste en
une appréciation négative des capacités de contrôle.
Beck et Emery (1985) définissent la vulnérabilité comme la perception d’une
personne a d’elle-même lorsque ses capacités de contrôle lui semblent
insuffisantes pour résoudre les problèmes posés dans des domaines divers dont
celui des relations sociales.
Le schéma superordonné (constellation dans le cas de l’anxiété sociale) produit
des traitements spécifiques de l’information.
Les traitements spécifiques de l’anxiété décrits par Beck sont les suivantes :
- La focalisation de l’attention sur des stimuli menaçants :
- Les schémas produisent l’intrusion involontairement et persévérante de
pensées automatiques verbales et visuelles. Ces pensées sont si fugitives
que la personne n’est pas consciente de l’anxiété qu’elles génèrent ;
- Le manque d’objectivité et de contrôle volontaire : altération de la
capacité de raisonner et d’éliminer les pensées illogiques. Même si cet
illogisme est reconnu, le caractère automatisé de celles-ci fait qu’elles
sont envahissantes. On en verra les effets au niveau de la mémoire de
travail.
- La généralisation du stimulus : si ce n’est dans les rares phobies simples,
les troubles de l’anxiété ont tendance à la généralisation du stimulus.
Personnellement je pense que la boucle anxiété-évitement des situations
sociales la produisant, avec pour conséquence la diminution des situations
ou le coping (affrontement) peut avoir lieu, fait que la personne est de
moins en moins apte à lutter contre les diverses situations sociales
gênantes. Il se produit une généralisation de l’anxiété sociale à de
nombreuses situations. Ce processus de généralisation par le biais de la
diminution des occasions de coping est à ajouter au processus bien connu
de généralisation conditionnelle
;
- La dramatisation ou encore catastrophisation. C’est le fait de privilégier la
pire issue possible dans n’importante quelle situation potentiellement
déplaisante : c’est un biais de la dangerosité des situations ;
- L’abstraction sélective : c’est le problème de la sélection des
informations. Ici aussi le modèle de Beck s’avère, à mon avis, trop peu
précis ;
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- La pensée dichotomique qui fait que le sujet anxieux ne peut s’adapter. Il
est peu capable de discerner le caractère réellement menaçant d’une
situation qu’il perçoit en tout ou rien
 Schémas de l’anxiété sociale
Les travaux en psychologie expérimentale montrent qu’il est justifié de
distinguer l’anxiété créée par les sensations physiques de cette issu des
situations sociales.
L’anxiété sociale concerne essentiellement la peur exagérée d’être le centre
d’attention, d’exposer ses faiblesses et d’être jugé négativement par autrui.
Dans la constellation « anxiété sociale », il peut y avoir des schémas de base
différents :
- Situations sociales provoquant des relations de face à face (anxiété de
parler en public, peur des assemblées, des réceptions, etc.) ;
- Situations professionnelles et scolaires où il y a risque permanent d’être
jugé par un supérieur hiérarchique ou même par ses pairs (anxiété
d’examen, présentation de projets, de propositions personnelles de travail,
conflit avec le milieu de travail) ;
- Situations publiques entraînant des transactions avec des personnes
inconnues (vendeurs, etc.).
Cependant dans tous les cas, il s’agirait selon Beck de la peur d’être évalué, d’où
l’appellation générale qu’il propose : les « anxiétés d’évaluation ». Tout dépend
évidemment de l’évaluation que la personne fait de sa propre vulnérabilité de
son statut social et de celui des personnes auxquelles elle risque d’être
confrontée.
2°) Le modèle de Bower
 Modèle général de Bower (HAM)
Le modèle HAM (Anderson et Bower, 1972 ; Anderson, 1976) représente la
mémoire comme un treillis (ou réseau) mnémonique. C’est un modèle
propositionnel : un ensemble de relations et d’espaces en MLT. La MLT peut
être représentée par un ensemble de nœuds activés. L’accès à un nœud favorise
l’accès aux autres nœuds auxquels il est fortement relié. Toute nouvelle
information est stockée en MLT en créant des liaisons avec celles déjà
installées.
 Mémoire cognitive émotionnelle
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En 1981, Bower étend le modèle du réseau sémantique en y introduisant les
émotions. Les nœuds concernent l’information sémantique et l’information
épisodique (événements de vie) mais il y a aussi un certain nombre de nœudsémotions primitifs. Toute information connotée émotionnellement est reliée en
MLT à l’un de ces nœuds émotionnels. Les informations (par exemple certains
nœuds conceptuels et les nœuds événement) sont reliées au même nœud
émotionnel et sont elles-mêmes interconnectées. Il est nécessaire que le niveau
d’activation de ces nœuds soit suffisant. Le principe d’activation est central, les
seuils d’activation sont différents selon les nœuds émotionnels : les activations
successives et cumulées abaissent ce seuil. Un nœud–émotion peut ainsi devenir
systématiquement activé, ainsi que les liaisons entre les nœuds du treillis qui lui
sont reliés. Un « Tableau noir » (d’une certaine façon comparable à la MDT)
implique l’activation de la MCT par le nœud émotionnel concerné en MLT.
Cela implique que les schémas de base peuvent aussi s’agglomérer autour d’un
nœud-émotion commun. Les schémas se renforcent en intégrant les événements
nouveaux qui leurs sont congruents et qui sont reliés au nœud-émotion. En
retour les schémas émotionnels agissent sur l’état de la MDT et ainsi de suite.
 Avantages du modèle de Bower
La référence au tableau noir montre l’intérêt des implications de ce type de
modèle au niveau du fonctionnement de la MDT. Si l’on admet le principe
d’activation, cela implique celui de l’inhibition des informations sémantiques
épisodiques liées à des nœuds émotionnels antagonistes : le principe d’une
psychothérapie passe par la réactivation de ces nœuds informationnels et
émotionnels inhibés (Hautekeete et Vantomme, 1986). Si deux nœuds émotion
sont activés en même temps, il se produit un pattern « mélangé » à partir de
deux patterns purs. Ceci permet d’aborder plus facilement le problème des
comorbidités par l’intermédiaire de ces liaisons de type A.
 Inconvénients du modèle de Bower
Il faut admettre qu’un certain nombre de nœuds-émotion (émotions primaires,
de base) inscrit en LMT sont innés, déjà présents dans la mémoire émotionnelle
embryonnaire du nouveau-né. Le principe de nœuds-émotionnels innés nécessite
d’être justifié (nous verrons cela avec les modèles psycho-évolutionnistes). Il
n’explique qu’imparfaitement la construction des émotions complexes, or on ne
peut se limiter aux seules émotions primitives. En particulier il n’explique pas
de façon précise la directionnalité de l’évolution des schémas « dominants » en
psychopathologie.
 Le fonctionnement de la MDT
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Les données expérimentales montrent que les effets de l’anxiété sont plutôt
spécifiques de l’encodage. Les anxieux manifestent une hypervigilance. Ils
sélectionnent l’information menaçante, mais ceci n’apparaît que lorsqu’il y a
compétition entre les situations porteuses ou non de menace : allocation de
ressources au traitement des stimuli anxiogènes (contrôleur central ?).
L’hypervigilance facilite dans un premier temps la détection des dangers mais
un processus actif produit l’inhibition cognitive des traitements profonds lorsque
la personne se sent incapable de surmonter son anxiété (contrôleur central ?). Le
Worry (inquiétude, part cognitive de l’anxiété) fait que le canal à capacité
limitée est en partie encombré, ce qui laisse moins de place que la normale pour
le traitement des informations en MDT. Le terme français de pré-occupation
reflète ces deux aspects : l’inquiétude et la préoccupation du canal à capacité
limitée. Les anxieux peuvent utiliser des stratégies de compensation coûteuses
en énergie (voir les processus d’intégration). L’anxiété met en jeu des processus
pré-attentifs, automatiques, passifs, inconscients, qui prennent peu de place en
MCT. Nous avons donc deux types d’action de l’anxiété : le captage (processus
automatisé initié par l’activation des schémas) et l’élaboration : processus
stratégique d’intégration créant de nouvelles connexions entre le schéma et le
stimulus traité, coûteux en énergie.
 Caractéristiques minimales d’un modèle de l’anxiété
Lorsque les « zones schématiques » anxiété sont suractivées et prédominent
dans la gestion du traitement des informations, il se produit une hypervigilance,
orientation spécifique de l’attention vers les stimuli menaçants due à des
processus automatiques et le captage des informations congruentes à l’état
d’activation de cette zone émotionnelle. L’assimilation des événements
nouveaux nécessite, elle, des processus d’intégration qui occupent de la place en
MDT, mais qui produisent une restructuration au moins partielle de la « zone »
concernée en MLT. Cette restructuration diminue encore l’accommodation des
schémas dominants face à la réalité de l’environnement.
On peut supposer qu’un contrôleur central gère l’activation des schémas en
MLT, la mise en œuvre de processus actifs d’élaboration de l’information en
MDT et, par son « dysfonctionnement » laisse régulièrement se développer les
processus automatiques produisant l’hypervigilance
vers les stimuli
potentiellement menaçants.
 Caractéristiques spécifiques d’un modèle de l’anxiété sociale
C’est une zone en MLT hiérarchiquement subordonnée à la zone plus générale
de l’anxiété. Elle est empreinte de ses deux nœuds émotionnels principaux : la
peur et l’anticipation. Bien qu’incluse. Si l’on reprend le modèle de Plutchick,
elle pourrait s’organiser autour d’un nœud émotionnel secondaire : la
soumission qui est la combinaison de la peur et de l’attirance. Cette zone
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s »active si des événements viennent l’alimenter, la renforcer. Ceci n’est
possible qui si dans la dualité dominance-soumission, la zone « anxiété-sociale »
n’a pas ou peu inclus de schémas de base concernant les modalités de coping. Il
y a donc un déficit de schémas concernant les modèles d’affrontement des
situations d’évaluation.
E) Des émotions primaires innées
Les travaux récents dont remonter le délai d’apparition des émotions de plus en
plus tôt. Des la naissance : la joie et la peur, et très rapidement les autres
émotions primaires. Les théories phylogénétiques contemporaines (voir celle de
Plutchick, 1984) distinguent les émotions primaires des émotions secondaires
qui sont des mélanges d’émotions primaires. Ces émotions primaires sont mises
en relation avec des comportements adaptatifs, sortes de prototypes
phylogénétiques assurant la survie de l’individu et la continuation de l’espèce.
L’existence de telles émotions primaires jette les bases d’un modèle inspiré de
celui de Bower se construisant à partir de quelques nœuds émotionnels primitifs.
III)
Applications thérapeutiques.
A) Attaque de panique et anxiété généralisée
C’est en 1983 que Freud créa le concept de la névrose d’angoisse, en l’isolant de
la neurasthénie. Le terme de névrose d’angoisse désigne l’association d’une
anxiété généralisée à des attaques de panique. La notion récente d’attaque de
panique remonte en fait à 1873, Krishaber (1873) la décrivit alors sous le terme
de névropathie cérébrocardiaque. Cependant, il faut préciser que freud classait la
névrose d’angoisse parmi les névroses actuelles. C’est-à-dire, celles qui sont en
rapport avec des conflits psychiques de la vie « actuelle » de l’individu,
contrairement aux psychonévroses de défense organisées à
partir des
frustrations infantiles inconscientes.
Les concepts « d’anxiété généralisée » et « d’attaque de panique » n’ont été
officiellement reconnus qu’en 1980 avec la publication du DSM III puis DSM
III R. Depuis longtemps, on faisait référence au trouble de l’anxiété généralisée
sous l’étiquette d’anxiété chronique ou d’anxiété libre flottante.
L’attaque de panique touche environ 1 % de la population générale, alors que la
prévalence de l’anxiété généralisée est difficile à préciser, étant donné les
dimensions souvent subjectives et arbitraires entre l’anxiété normale et l’anxiété
clinique. Certains auteurs ont évalué la prévalence à six mois à 9 % (Barlow,
Raper et Brown, 1992). L’anxiété généralisée serait donc plus fréquente que le
trouble panique.
Cependant, seulement 10 % des patients souffrant de ce trouble consultent les
spécialistes. Cet écart entre la prévalence et la fréquence de consultations
s’expliquerait par le fait que ce trouble était moins handicapant que les autres
troubles anxieux.
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En ce qui concerne la distinction entre les troubles paniques et l’anxiété
généralisée, les travaux de Klein et Fink entre 1962, méritent d’être cités. A la
suite de leur première publication en 1962, la conception unitaire de la névrose
d’angoisse est mise en cause. Comme résultats de ces travaux, les auteurs
mettent en avant les points suivants : » La réponse à l’Imipramine est d’un
intérêt majeur. Puisque « l’anxiété » de l’attaque de panique est vite réduite
alors que « l’anxiété » anticipatoire liée pattern « phobique » persiste. »
L’utilisation du terme commun « anxiété » peut ainsi obscurcir une différence
sous-jacente de ces processus. Par la suite, Klein essaya d’imposer la suite de
ses travaux. Constatant que l’Imipramine prévenait efficacement l’apparition des
crises d’angoisse aiguë, sans améliorer l’anxiété chronique. Klein proposa de
distinguer deux types de manifestations anxieuses qualitativement différentes.
Les modèles biologiques de Klein ont été très critiqués. D’autres modèles
d’inspiration psychodynamique ou cognitivo-comportementale sont proposés et
remettent en question la séparation entre trouble panique et anxiété généralisée.
Actuellement, il existe plusieurs tendances dans la stratégie thérapeutique de ces
troubles. Klein propose de supprimer les attaques de panique avec la
chimiothérapie, alors que Marks est persuadé que le phénomène principal étant
l’évitement phobique, la thérapie comportementale est plus efficace. Cependant,
l’association chimiothérapie et thérapie comportementale et cognitive améliorait
le pronostic à long terme.
1. schéma général de l’anxiété.
Un stimulus quelconque interne ou externe provoque une pensée automatique
qui entraînera un début d’anxiété. Cette dernière provoquera une réponse
physique de tension musculaire qui peut se manifester sous forme de crampes,
de douleurs abdominales, une oppression thoracique, une hyperventilation.
Cette réaction physique va maintenir et renforcer le trouble. Ainsi, le patient se
focalisera sur ces symptômes physiques et cherchera des interprétations
possibles. Suivant ces interprétations, il y aura soit une diminution ou une
disparition de ses troubles, soit un renforcement de ces derniers. Par son
interprétation, il peut donner un sens catastrophique à l’événement et donc
déclencher une attaque de panique (figure 8.1).
Stimulus
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Pensée automatique
Anxiété
Réaction physique
Tension musculaire
Muscles volontaires
Autres :
-
lisses
Vertiges
Fatigue
Faiblesse
Renforcement
blesse
Crampes
Douleurs abdominales
intercostales
Oppression thoracique
Figure 8.1. Schéma
général de l’anxiété
Manque d’air
Hyperventilation
Attaque de panique
Renforcement
Transition
: La question de l’évaluation. La définition du symptôme et de
l’homme.
Focalisation
Interprétation
Catastrophique
Figure 8.1. Schéma général de l’anxiété
Les éléments principaux de la définition de l’attaque de panique (AP) par DSM
III R
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A un moment quelconque d u trouble, une ou plusieurs attaques de panique
peuvent survenir (périodes bien délimitées de crainte ou de malaises intenses).
Elles sont imprévisibles, c'est-à-dire ne survenant pas immédiatement avant ou
pendant l’exposition à une situation qui provoque une anxiété dans la plupart
des cas et sont non déclenchées par des situations dans lesquelles le sujet est
observé attentivement par autrui.
Les symptômes somatiques qui précèdent ou succèdent aux symptômes
psychiques provoquent :
 Soit un syndrome d’allure cardiovasculaire ;
 Soit un syndrome d’allure neurologique ;
 Soit un syndrome d’allure digestive ;
 Soit un malaise d’allure syncopale.
A l’apogée du malaise, le patient peut éprouver une sensation de mort
imminente, la crainte de devenir fou, de commettre un acte absurde, agressif
contre lui-même ou autrui.
Les éléments principaux de la définition du trouble de l’anxiété généralisée
(TAG) par le DSM III R
L’anxiété et les soucis sont injustifiés ou excessifs (attente craintive) et
concernent deux ou plusieurs situations ou événements, par exemple : soucis à
propos d’un malheur pouvant arriver à l’un de ses enfants (alors que celui-ci
n’est pas en danger) ou souci concernant sa situation financière (sans raisons
valables) pendant six mois ou plus, avec présence de soucis pendant plus d’une
journée ou deux ….
Le TAG apparaît souvent au milieu de l’adolescence ou au début de l’âge adulte,
mais il s’écoulera de nombreuses années avant que le patient consulte un
thérapeute. Le TAG s’accompagne de manifestations somatiques que l’on
divise en trois catégories :
 Tension motrice :
 Hyperactivité neurovégétative :
 Exploration hypervigilante de l’environnement.
Barlow (1992) affirme que 90 % des patients qui présentent ce trouble souffrent
aussi de façon secondaire d’un autre trouble comme des attaques de panique ou
la phobie sociale. Ainsi, il existe peu de TAG à l’état pur, ce qui expliquerait sa
difficulté d’identification et de traitement.
Dans le TAG, l’inquiétude gravite autour des préoccupations familiales,
financières, professionnelles et celles de la santé. De plus, elle mobilise toutes
les énergies de l’individu et l’empêche d’affronter les situations anxiogènes.
Le souci est constant et ne laisse que peu de place à une activité mentale plus
constructive. Le sujet a peu de contrôle sur l’inquiétude qui devient un moyen
qu’il croit efficace pour prévenir et éliminer le danger.
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Les différences entre l’anxiété généralisée et les attaques de panique sont
présentées dans le tableau 8.1.
Schémas de danger dans les attaques de panique et l’anxiété généralisée
Le postulat du fonctionnement mental au sujet anxieux peut se formuler
ainsi : « puisque je suis vigilant et me soucie de l’avenir, le pire qui est toujours
probable, ne risque pas de m’arriver. »
Tableau 8.1 différence entre anxiété généralisée
Et attaque de panique
Anxiété généralisée (TAG)
Absencede manifestations paroxystiques
Attaque de panique (AP)
Début brutal avec manifestations paroxystiques
Absence de facteurs déclenchants
Elle apparaît plus à son début comme un
trait
de personnalité dont l'intensité va en
s'aggra-
Manifestations cardiorespiratoires plus
marquées
vant au fil des années
que dans l'anxiété généralisée
Les troubles somatiques sont constants
mais avec une intensité modérée
Plus handicapante que le TAG
C'est un concept assez flou, aux critères
peu
Moins fréquentes
précis, probablement hétérogène
Traitement pharmacologique plutôt Imipramine
(Tofranil)
Plus fréquente que les AP
Traitement pharmacologique plutôt avec les Traitement plus facile
Benzodiazépines (xanax et autres)
Difficulté d'identification car l'anxiété est
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diffuse et flottante, donc traitement plus
difficile
L’anxieux a ainsi l’illusion de contrôler l’environnement et d’être le maître du
futur.
2. Aspect clinique du TAG et de l’AP
Diagnostics différentiels
Il faut savoir différencier l’anxiété comme un symptôme de la dépression et non
pas comme un trouble indépendant. Il ne faut également pas porter e diagnostic
de l’anxiété généralisée et l’attaque de panique si les symptômes de l’anxiété
persistent à la suite d’un facteur organique spécifique tel qu’une hyperthyroïdie,
une intervention cardiaque, ou de facteur toxique tel que l’abus d’amphétamines
ou de café.
3. Etiologie de l’AP
 Facteurs neurochimiques
Différentes situations expérimentales sont susceptibles de déclencher une AP.
- Lactate et bicarbonate de sodium. A partir de l’observation, on a constaté que
les sujets anxieux produisaient davantage d’acide lactique que les sujets
témoins.
- Hyperventilation/CO2. L’inhalation du CO2 peut déclencher des attaques de
panique. Selon Klein (1964) l’hyperventilation serait la conséquence de
l’attaque de panique et non sa cause. Face à une situation de danger, le sujet
commence inconsciemment à hypo-ventiler ce qui le conduit à réinhaler son
CO2 : cela avertit son organisme d’une situation de danger et l’amène à une
hyperventilation réflexe.
 Prolapsus de la valve mitrale
80 % des troubles paniques et/ou dépressifs chez les sujets présentant un
prolapsus de la valve mitrale en l’absence de troubles coronariens.
 Facteurs psychologiques
Les AP surviennent fréquemment chez des sujets de sexe masculin, très actifs,
exerçant des responsabilités, souvent indemnes d’antécédents psychiatriques, de
prise de benzodiazépines ou de somnifères. Ces sujets deviennent des malades à
la recherche hyperactive d’une organicité. Ils correspondent aux comportements
de type A.
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A propos des personnalités risque coronarien, il s’agit de sujets qui présentent
un besoin excessif d’accomplissement, de compétition et de contrôle de
l’environnement, une agressivité et une hostilité supérieures à la moyenne.
 Les troubles de la personnalité (axe II du DSM III R)
Les paniqueurs avec agoraphobie présentent des traits de personnalité
appartenant au groupe 3 de l’axe II du DSM III R, c’est-à-dire les personnalités
dépendantes, évitentes, compulsives et passives-agressives, de sexe
principalement féminin.
 Les états de stress
Le rôle des états de stress intercurrents, du surmenage, des événements de vie
tels que des situations d’impasse affective ou professionnelle ne peut être nié
tant il correspond à la réalité clinique quotidienne.
L’approche comportementale et cognitive propose un ensemble des solutions.
Ces solutions ont pour points communs la réduction de l’activation émotionnelle
et la modification des attentes catastrophiques par l’affrontement et la maîtrise
du danger externe et/ou interne.
4. Traitement du TAG et de l’AP
Pour l’approche thérapeutique de ces eux troubles, trois catégories de traitement
peuvent être envisagées :
1. Les traitements pharmacologiques ;
2. Les traitements comportementaux ;
3. Les thérapies cognitives.
 Mécanismes de l’attaque de panique
Après les premières attaques, le patient interprète la moindre variation de ses
mouvements physiologiques, l’accélération du rythme cardiaque, la gêne
respiratoire, la sensation de chaleur, etc. comme annonciateurs d’une attaque de
panique et l’anxiété qui en résulte va en effet induire l’attaque complète.
D’où la nécessité d’une éducation intensive préalable concernant l’origine des
sensations physiologiques, le rôle des agents stresseurs, la différence entre peur,
honte et deuil souvent confondus avec l’anxiété, la capacité de certaines pensées
à amplifier les sensations et émotions actuelles, de les percevoir comme
provenant de l’extérieur incontrôlables et effrayantes.
 Traitements pharmacologiques.
La description par Klein (1964) de l’action préventive de l’Imipramine
(Tofranil), sur les attaques de panique a largement contribué au développement
de la nouvelle classification des troubles anxieux en faisant une distinction nette
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avec l’anxiété généralisée, curable par les benzodiazépines, distinction
officialisée par le DSM III (1980).
 Traitements comportementaux
Relaxation
Elle a pour but de modifier les symptômes physiques d’angoisse. Les techniques
utilisées sont : la technique de Jacobson (ou relaxation musculaire progressive)
et le training autogène de Schultz. Il s’agit d’un réapprentissage d’une réaction
de stress adaptée à l’intensité de l’agent stresseur. L’approche comportementale
met l’accent sur la dimension d’autocontrôle et de maîtrise émotionnelle de la
relaxation. Ainsi, le sujet apprend lui-même à déclencher la relaxation quand il
ressent un indice psychologique ou physique d’anxiété
Exposition
Une exposition prolongée et répétée à une situation anxiogène se termine par
une extinction de la réponse anxieuse.
L’exposition peut se dérouler pendant une dizaine de séances, d’abord en
imagination et puis pendant les séances in vivo, suivant une hiérarchie de
situation d’anxiété établie avec le patient.
 Techniques visant le contrôle respiratoire
- Hyperventilation volontaire : elle provoque des effets similaires aux attaques
de panique, explication de l’induction des attaques de panique par
hyperventilation. Le patient apprend l’épreuve d’hyperventilation volontaire
suivie d’un contrôle rapide par la remise en place du ralentissement respiratoire.
- Techniques vagales : on demande au patient de réaliser durant trois à cinq
secondes, une hyperpression abdominale en gonflant le ventre, ce qui a pour
effet de réduire rapidement la fréquence cardiaque. Elle peut être utilisée en
combinaison avec l’exposition en imagination et l’exposition in vivo.
 Thérapie cognitive de l’anxiété généralisée et de l’attaque de panique
L’approche cognitive des troubles anxieux vise les points suivants :
- L’identification et liaison des images et pensées anxieuses anticipatoires des
situations de danger
- L’analyse des signaux physiologiques d’angoisse et réattribution ;
- L’identification des adaptations dysfonctionnelles (évitement, refuge,
agressivité).
- L’adoption de procédures adaptées pour faire face aux agents stresseurs et à
l’irruption d’anticipations anxiogènes.
Les anxieux possèdent trois caractéristiques
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- Une vision menaçante du monde extérieur ;
- Une vision défaillante du monde extérieur ;
- Une vision péjorative du futur.
Ils éprouvent des images et des pensées menaçantes qui précèdent l’apparition
des phénomènes d’anxiété. Ils possèdent dans leurs schémas centraux, ou
« postulats silencieux » un catalogue de règles inflexibles. Leur schéma est égal
à une nécessité absolue et permanente de contrôle : « si je ne contrôle pas la
situation quelque chose de mauvais va arriver ».
 Triade cognitive de Beck
Les cognitions de l’anxieux ont pour thème le danger alors que pour le déprimé,
il s’agit d’autodépréciation. Nous allons comparer le contenu de pensée dans
l’anxiété et dans la dépression selon la triade cognitive de Beck : le sujet, le
monde et l’avenir (tableau 8.2).
Tableau 8.2. Le contenu de pensée dans l’anxiété et la dépression
Selon la triade cognitive de Beck (Stradling, 1992)
L'anxieux
Le déprimé
Image vulnérable de soi
(quelque chose de catastrophique va
arriver)
Image négative de soi (je suis un échec)
Image menaçante du monde
Image négative du monde
(on ne peut pas avoir confiance en qqun)
(c'est juste une catastrophe après l'autre)
Image imprévisible de l'avenir
Image négative de l'avenir
(je dois tjs rester sur mes gardes)
(c'est sans espoir, il n'y a rien à faire)
La pensée de l’anxieux est composée par une succession de tragédies tels :
maladies, mort des enfants ou du conjoint, déchéance sociale, abandon, perte
d’argent, séparation et accident.
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Principales caractéristiques de la thérapie cognitive
 Durée limitée (15 à 20 séances sur trois à six mois).
 Modèle d’apprentissage : pas d’interprétation psychodynamique, et
réapprendre des comportements plus adaptés.
 Méthodologie scientifique : recueil des données, formulation des
hypothèses, vérifications expérimentales, évaluation des résultats par des
échelles validées.
 Coopération : élaboration d’un contrat thérapeutique.
 Attitude du thérapeute : active, directive, chaleureuse, empathique,
pédagogique.
 Transparence : pas d’effet « gourou ». Le processus thérapeutique est
explicite. Priorité à l’éducation et à l’autonomie du patient
Les différences étapes de la théorie cognitive
 Identification des cognitions : il s’agit de recueillir les pensées
automatiques par l’instrument de base de la restructuration cognitive qui
est le cahier d’auto-enregistrement à colonnes (tableau 8.3).
Tableau 8.3. Fiche de modification des pensées automatiques
(Evaluer l’intensité des émotions de 0 à 8)
Situations
Emotions
Pensées
Pensées
automatiques
alternatives
L'enfant a une heure
de
Angoisse,
Il a sûrement eu
Il s'amuse bien et il ne
s'est
retard
colère,
un accident
pas rendu compte
peur
de l'heure
 Modifier les cognitions
 Mettre en évidence des distorsions cognitives telles que :
- Inférence arbitraire, « ils ont décidé de m‘ignorer » ;
- Surgénéralisation, « les réceptions sont un calvaire » ;
- Minimisation des aspects positifs et amplification des aspects négatifs ;
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- Abstraction sélective, « celle-là me regarde d’un drôle d’air, je dois avoir
l’air d’une folle » ;
- Personnalisation, « ils font exprès de parler entre eux pour me tenir à
l’écart ».
 Modifier les schémas : peser les avantages et les inconvénients, soumettre
chaque argument à l’épreuve de la flèche descendante.
Comparer l’utilité de chaque règle implicite.
5. Conclusion
Situés entre la médecine et la psychiatrie, les troubles anxieux paroxystiques
offrent certainement un terrain d’étude privilégié des relations « psyché » et
« soma ».
B) Les phobies simples ou spécifiques
Les phobies en général sont des anxiétés situationnelles amenant le sujet à
utiliser des stratégies d’évitement de la situation ou des objets amenant le sujet à
utiliser des stratégies d’adaptations qui lui permettent de faire face à la situation
tant redoutée. La prise d’alcool, de tranquillisants, le port d’objets fétiches font
partie de ces attitudes. Il s’agit par conséquent, d’un trouble anxieux mais qui
peut devenir fortement invalidant et amener le sujet à demander une aide
thérapeutique.
Pour la théorie comportementale, les phobies représentent une étape historique.
En effet, Watson et Rayner montrent, expérimentalement, que l’on peut faire
acquérir une phobie à un être humain par conditionnement classique, puis que
l’on peut arriver à l’extinction de ce comportement phobique par
déconditionnement. Cette démarche renouvelée ensuite par d’autres auteurs,
démontrait que certaines phobies étaient acquises par conditionnement et qu’il
était possible alors de proposer des techniques de déconditionnement qui
permettaient de faire disparaître ce comportement. Se sont alors développées
différentes théories permettant de comprendre L’acquisition mais aussi le
maintien de comportements phobiques pendant plusieurs années. D’autre part,
sont nées de nombreuses techniques de déconditionnement pouvant être utilisées
chez ces patients.
Aujourd’hui, les phobies représentent une part importante des demandes de
thérapie faites au comportementaliste, mais devant cette symptomatologie
apparemment simple, il est important de rester vigilant car il existe de nombreux
symptomatologies associées et des diagnostics différentiels.
1. Epidémiologie
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Les phobies sont des symptomatologies fréquentes puisque certains auteurs
avancent les chiffres de prévalence des différents types de phobies d’environ 8
% de la population générale, mais des études ponctuelles annoncent des chiffres
de 20 % (Cottraux, 1995,)
En résumé, l’ensemble des études montent une prévalence forte de la
symptomatologie phobique dont les motifs les plus fréquents de consultations
sont l’agoraphobie, le phobie sociale, la phobie des maladies du sang, enfin les
phobies simples.
Il existe une forte prépondérance féminine des troubles dans un rapport de deux
femmes pour un homme. Aucune influence du milieu socioculturel n’a pu être
mise en évidence.
2. Classifications
Reprenons quelques définitions.
 L’agoraphobie est dominée par une peur irrationnelle de quitter les lieux
familiers : les situations desquelles le sujet ne peut que difficilement
s’échapper et où il se sent enfermé sont sources d’anxiété. En cas de
maintien de l’agoraphobie, le sujet évite les espaces clos ouverts, les
voyages effectués seuls, un parcours distant de plus de huit kilomètres de
chez lui quel que soit le moyen de transport, les promenades effectuées
seul, à pied, la solitude de manière générale
 Les phobies sociales sont représentées par la peur et l’évitement des
situations ou l’individu est exposé à l’attention des autres et où il pourrait
avoir un comportement qui serait considéré comme honteux, de plus, le
sujet a peur de voir son anxiété découverte par les autres.
 Les phobies simples constituent une catégorie résiduelle, elles
rassemblent les phobies d’animaux, l’acrophobie mais certaines phobies
comme la phobie des moyens de transport ou la phobie de la marche sont
difficiles à classer du fait de leur parenté avec l’agoraphobie par exemple.
Enfin, il est utile de rappeler qu’un même patient peut présenter plusieurs
symptomatologies phobiques. L’évaluation clinique et quantitative des troubles
s’attachera à bien préciser les différents types de troubles anxieux présentés par
le sujet.
3. Evolution
Une fois le diagnostic positif établi et précisé par des échelles cliniques telles
que la Fear Survey Schedule (ou FSS III de Wolpe et Lang, 1967) ou par le Fear
Questionnaire (ou FQ de Marks et Mathews, 1979) qui sont des
autoquestionnaires évaluant l’intensité de différentes symptomatologies
phobiques, le thérapeute pourra mener son analyse fonctionnelle avant de
proposer éventuellement un contrat thérapeutique. Dans ce même temps, il aura
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écarté différents grands diagnostics différentiels tels que dépression, anxiété
généralisée, troubles obsessionnels et troubles schizophréniques pour lesquels
seront proposées d’autres stratégies thérapeutiques. L’évolution du trouble
phobique peut se faire vers le maintien de la symptomatologie des années durant
et se constituer même une aggravation avec généralisation des situations
phobogènes amenant le patient à un état d’inhibition comportementale majeur.
Au cours de cette évolution, à long terme, peuvent apparaître des complications
avec isolement social, désocialisation ou survenue d’épisodes dépressifs.
Cependant, une autre forme évolutive existe, celle de la rémission spontanée,
elle survient dans 60 à 65 % .des cas (Cottraux, Mollard, 1984).
4. Théories comportementales et cognitives
Eysenck explique certains cas de rémission spontanée par extinction du fait de
l’absence fortuite de renforcement. Wolpe propose une autre explication : il
suppose qu’un principe d’inhibition réciproque se met en place naturellement
grâce à un entourage sécurisant
Théorie du conditionnement classique
La théorie réflexologique en général considère le symptôme phobique comme
une réponse apprise et inadaptée. C’est cette maladaptation qui donne au
comportement son caractère pathologique. On décrit ainsi le modèle de Watson
et Reinert (1920) d’acquisition du comportement. C’est l’expérimentation
d’acquisition d’une phobie des rats induite expérimentalement chez un jeune
enfant. Pour eux, le symptôme phobique s’acquiert sur un mode de
conditionnement pavlovien classique, soit au cours d’une circonstance isolée,
soit par répétition d’événement subtraumatiques.
Théorie des deux facteurs de Mowrer (1947) reprise par Salomon et Winn
Une fois la phobie acquise, le phobique développe des conduites d’évitement. Il
va fuir le stimulus générateur de son angoisse. L’évitement a pour effet de
réduire la tension anxieuse si bien que le soulagement qui en résulte vient
renforcer sur un mode opérant la conduite de fuite. Cette conduite d’évitement
devient liée automatiquement aux stimuli pathogènes et à tout ce qui peut
l’évoquer.
Mais cette théorie des deux facteurs connaît certaines limites. Elle ne permet pas
d’une part, d’expliquer la persistance du comportement phobique et d’autre part,
la survenue de phobie en l’absence de situation traumatique directe. En effet,
tant que la réponse d’évitement continue d’être émise, la réponse conditionnée
de peur cesse d’être renforcée et devrait graduellement s’éteindre, amenant
l’extinction de la réponse d’évitement elle-même. En pratique, on ne constate
pas cette extinction chez l’être humain.
On peut supposer que la persistance de la symptomatologie phobique provient
de la conduite d’évitement. Dans cette conduite d’évitement en fuyant le
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stimulus conditionnel, le phobique perd toute chance de bénéficier du processus
d’extinction. C’est en fuyant l’expérience du réel que le phobique s’enferme
dans un cercle vicieux.
Théorie du modelage de Bandura et Rosenthal (1977)
Pour ces auteurs, le comportement phobique pourrait être appris par imitation
des autres ou bien encore par instruction verbale donc en l’absence de
l’observation directe d’un modèle.
Modèle d’incubation d’Eysenck
Il permet d’expliquer la résistance à l’extinction et même l’augmentation du
comportement phobique observée en l’absence de toute expérience traumatique
avec l’objet ou avec la situation.
Pour l’auteur quand on présente le stimulus conditionnel en l’absence du
stimulus inconditionnel, il y a soit extinction, soit augmentation de la réponse
conditionnelle, et ce en fonction de facteurs prédictifs motivationnels. Si le
stimulus conditionnel acquiert la propriété d’induire une réponse
motivationnelle, il n’y a pas extinction mais augmentation de la réponse à
chaque présentation, phénomène appelé incubation. L’incubation serait produite
par les courtes confrontations que l’individu continue d’avoir dans la vie
courante avec l’objet phobogène, malgré les comportements d’adaptation,
d’échappement et d’évitement. L’extinction implique des présentations longues
ou répétées du stimulus conditionnel.
Modèle de Seligman (1971)
Il faut bien reconnaître que malgré ces différentes théories explicatives, il existe
une certaine susceptibilité individuelle, et qu’à un même stimulus traumatique
les individus vont répondre différemment.
Seligman, en 1971, propose que les phobies sont peut-être le résultat d’un
conditionnement classique à des stimuli auxquels l’organisme est déjà
prédisposé à réagir. Les phobies pourraient représenter un comportement qui
aurait une signification biologique dans l’évitement des situations qui pourraient
menacer la survie de l’espèce. Il distingue deux types de phobies : celles
préparées par l’évolution (qui consistent à éviter les inconnus, les hauteurs, les
animaux prédateurs, etc.) et les phobies non préparées qui correspondent à la
peur d’objets phobogènes qui font partie des civilisations avancées (peur du
téléphone, des automobiles).
Théories cognitives
Les différentes théories cognitives de l’anxiété (Beck 1976 ; Beck et Emery,
1985 ; Barlow, 1988) estiment que les perturbations émotionnelles anxieuses
proviennent d’un dysfonctionnement des activités cognitives.
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Les structures cognitives mises en question par les différents auteurs sont les
schémas cognitifs qui seraient stockés en mémoire à long terme, ils vont traiter
l’information interne et externe et la transformer en événements cognitifs
(observables) à type d’images mentales, de pensées…, elle aboutira à des
comportements qui renforceront les schémas et les confirmeront.
Le phobique présente des schémas de danger qui sélectionneront les stimuliintéro- et extéroceptifs uniquement dans leur virtualité de danger. Le traitement
de l’information sera erroné, le sujet valorisant ce qui a trait au danger. Il
introduit des erreurs logiques de raisonnement appelées distorsions cognitives
aboutissant à un mode de pensée qui traduira l’anticipation du danger.
5. Techniques thérapeutiques
Nous envisageons, ci-après, les différentes techniques comportementales et
cognitives qui peuvent être utilisées chez un patient phobique. Le principe du
contre-conditionnement est à la base d’une des techniques principales des
thérapies comportementales, la désensibilisation systématique par inhibition
réciproque décrite par Wolpe (1958).
Technique de désensibilisation systématique
Elle comporte deux composantes essentielles : tout d’abord le découpage de la
situation anxiogène en plusieurs sous-étapes de difficulté croissante allant de la
moins anxiogène à la plus anxiogène, puis l’utilisation du principe d’inhibition
réciproque. Il s’agit d’une réponse incompatible avec l’anxiété qui peut être
obtenue par de nombreux procédés différents, tels que la relaxation, des arts
martiaux, des substances pharmacologiques, etc. Wolpe utilise essentiellement
la relaxation progressive de Jacobson.
Ainsi, une fois le sujet relaxé, on lui demande d’évoquer de la manière la plus
naturelle possible l’image relative à l’item choisi dans la hiérarchie. Lorsqu’il
parvient à évoquer la situation anxiogène, sans réaction émotionnelle, le
thérapeute passe à l’item suivant de la hiérarchie.
En pratique, l’entretien verbal préliminaire avec le patient permet d’établir une
hiérarchie des stimuli phobogènes. Le thérapeute abordera les items des moins
anxiogènes au plus anxiogènes. La réalisation d’un apprentissage à une méthode
de relaxation permettra le blocage de l’angoisse suscitée par l’évocation des
items par une réponse antagoniste. Cette procédure met en jeu le principe
d’inhibition réciproque.
Après avoir pratiqué cette désensibilisation systématique, in vitro, on peut être
amené à réaliser une exposition graduée in vivo.
Exposition graduée in vivo
L’exposition peut être pratiquée directement in vivo sans phase préliminaire en
imagination, mais une construction de hiérarchie préalable des stimuli
anxiogènes reste indispensable.
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Si l’exposition aborde d’emblée la situation la plus anxiogène pendant une durée
assez longue pour que l’angoisse décroisse spontanément, on parle d’immersion.
Chaque séance d’exposition in vivo est longue (90 minutes environ). Afin
d’obtenir l’extinction de la réponse, cette technique peut être facilitée par
modelage participatif.
Thérapie cognitive
Il s’agit de repérer avec le sujet, puis d’évaluer et d’argumenter les pensées
associées à la situation anxiogène aussi bien dans la phase anticipatoire que face
au stimulus phobogène. Le patient développe des stratégies de « coping » qui lui
permettront de faire face à la situation stressante.
La séance est l’occasion d’aborder l’anxiété la plus forte de la semaine. Les
conditions prennent la forme de : « J’ai peur de …) dont le contenu est fonction
de la phobie. « j’ai peur de rester coincé dans l’ascenseur ». « je crains de plus
pouvoir respirer », « j’ai peur d’avoir un malaise, d’avoir une réaction que je ne
contrôle pas » sont des verbalisations fréquentes dans les phobies simples.
Les entretiens au nombre d’une quinzaine permettent de faire acquérir au sujet
des stratégies de pensées alternatives lui permettant une contre-argumentation en
situation. Cette thérapie permet, également d’identifier un postulat de base
appelé « schéma cognitif » qui régit l’ensemble des cognitions. La mise à
distance de ce schéma en prenant conscience de ses contraintes et de ses intérêts
permet de réduire la part de la vulnérabilité émotionnelle.
Dans ce cadre spécifique de l’anxiété, des auteurs ont parlé d’une technique
psychophysiologique, parce que le patient anxieux est particulièrement à
l’écoute de ses manifestations somatiques (palpitations, sensations vertigineuses,
etc.). Lors de la survenue de ces troubles, il développe des interprétations
erronées et inquiétantes qui sont à l’origine d’un surcroît d’anxiété et
contribuent à l’apparition d’autres manifestations somatiques. C’est pourquoi
l’approche cognitive, tout en s’intéressant aux contenus de pensée, s’intéresse
également aux perceptions corporelles et sensorielles des individus. Il faut noter
que le patient anxieux a pour particularité de critiquer, spontanément, ses modes
de pensée en disant que ses peurs sont exagérées, qu’il dramatise tout le devenir
à long terme, cependant les entretiens quelquefois difficiles.
« Self instruction training » ou entraînement à l’autoverbalisation
Le sujet apprend un discours intérieur qu’il répétera en situation anxiogène et
qui lui permettra de faire face à la situation. Ces verbalisations sont proposées
sous forme de texte que le patient écoute sur bande magnétique et apprend. De
telles stratégies ont été évaluées dans les phobies sociales de type « trac d’être
sur scène » et ont montré une grande efficacité.
Technique éducative
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Drognan insiste tout particulièrement sur la part éducative que remplit le
thérapeute dans les stratégies de déconditionnement. Le thérapeute expliquera
minutieusement au patient comment a pu se constituer sa phobie, décrira et
expliquera les symptômes psychologiques mais aussi somatiques et il poursuivra
sa tâche éducative au cours de l’apprentissage à la relaxation et au cours des
différents types d’exposition. Pour cet auteur, la part éducative du thérapeute est
un des moyens d’action des plus puissants dans cette approche (cité par Synajko
et al. 1980).
Autres techniques
D’autres techniques comportementales peuvent être associées en fonction de
chaque individu :
 La technique d’hyperventilation brève décrite par Clark qui permet une
réattribution des symptômes : le patient va passer d’une attribution
externe à une attribution interne. Le sujet, après une épreuve
d’hyperventilation brève, déclenchera lui-même une attaque de panique
qui lui fera prendre conscience du processus interne de déclenchement de
cet état.
 L’apprentissage du contrôle respiratoire aura recours à différentes
stratégies pour permettre de diminuer la fréquence respiratoire (respiration
dans un sac en plastique, blocage en fin d’expiration…). Cette technique
peut être utilisée chez le phobique dans les états d’anxiété aiguë.
 La technique particulière à la phobie du sang : la phobie du sang et des
blessures s’accompagne d’une symptomatologie spécifique associant une
tachycardie et une augmentation de la pression artérielle suivies quelques
secondes plus tard, d’une baisse brutale de la pression artérielle entraînant
un malaise. C’est pourquoi, dans ce cas particulier, le thérapeute
apprendra au patient non pas à se relaxer, mais à contracter l’ensemble
des grosses masses musculaires (bras, jambes) pendant une période de 10
à 15 secondes pour éviter la chute de la pression artérielle. Cette phase
préliminaire est indispensable avant d’envisager toute exposition (Buttler,
1989).
 La technique d’intention paradoxale : on demande au sujet de se laisser
aller à l’anxiété et de ne pas lutter contre elle. Le sujet s’expose alors aux
sensations physiques et psychologiques tant redoutées. Le sujet n’aura
plus peur alors des manifestations physiques associées à la situation
phobogène et pourra se confronter à la situation sans évitement.
 La technique de renforcement pour chaque progrès accompli. Le
thérapeute soulignera et félicitera le patient à chaque réalisation de tâche
en séance ou encore si la tâche est réalisée au domicile et rapportée à
l’entretien suivant.
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 Traitement chimiothérapique et thérapies comportementales :
Différentes spécialités pharmacologiques sont prescrites chez le patient en
association avec une thérapie de déconditionnement. Ce sont des tranquillisants
de type benzodiazépines, les bêtabloquants et les antidépresseurs. Ces
médicaments semblent avoir une action sur l’anxiété associée au trouble
phobique et les attaques de panique associées et ne se révèlent efficaces sur les
symptômes phobiques qu’en association avec une exposition régulière aux
stimuli anxiogènes.
Les techniques comportementales et cognitives peuvent débuter avec une
chimiothérapie associée. Une fois le déconditionnement réalisé, les doses
médicamenteuses sont réduites progressivement jusqu’à l’arrêt complet de
prescription.
6. Un cas clinique
Monsieur V., âgé de 36 ans, mécanographe, présente une phobie des piqûres, il
n’est pas à jour de ses vaccinations, il souffre de nombreuses caries non traitées
et veut pratiquer le test de l’HIV ce qui d’ailleurs l’a motivé pour entreprendre la
thérapie.
La phobie existe depuis son enfance, il a peu de souvenirs à ce sujet et ne peut
retrouver de caractères spécifiques. Il évite donc toute injection quelle qu’elle
soit (sous-cutanée, intramusculaire ou intraveineuse) et évite d’être témoin d’une
« scène d’injection » au cinéma ou à la télévision.
Antécédents personnels
- 16 ans, accident de la voie publique ayant entraîné une fracture de
plancher de l’orbite. Aux urgences, où il est transporte, il reçoit
« contraint et forcé » les vaccins et sérum antitétaniques ;
- 23 – 24 ans, crise anxieuse à son domicile, Son amie appelle un médecin
qui a voulu lui faire une injection. Devant l’état d’agitation que provoque
la piqûre, le médecin demande son orientation en psychiatrie aux
urgences, puis il est hospitalisé.
Biographie
Né à Paris. Il passe son enfance en proche banlieue. Il suit correctement sa
scolarité jusqu’au niveau BEP. Puis il a évité de faire son service militaire à
cause du problème des piqûres en se faisant réformer. Depuis 10 ans, il a
travaillé dans différents quotidiens, il bénéficie d’un emploi stable depuis quatre
ans.
L’analyse fonctionnelle montre surtout un comportement d’évitement face à la
situation-problème. Le stimulus phobogène étant de recevoir une injection, on
remarque qu’il s’est généralisé au fait de voir faire une piqûre (même au cinéma
ou à la télévision) et d’aller à l’hôpital (même pour rendre visite à de la famille
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ou des amis). Il est très motivé pour modifier son comportement, car son
handicap est important.
-absence de soins dans différents domaines (dentaires, vaccins, etc.) ;
-sentiment de honte face à cette phobie à cause du discours infantilisant des
soignants, de son dentiste ;
-volonté de ne plus « tricher » en envoyant un copain se faire vacciner à sa place
quand il part à l’étranger.
Sa phobie était apparue progressivement dans l’enfance, devenant de plus en
plus handicapante dans son comportement vis-à-vis des soins qu’il juge pourtant
nécessaire.
La vue du sang ou la douleur n’était pas particulièrement redoutée. Sa phobie se
limitait au geste technique médicale qui entraînait une effraction de la peau ou
muqueuse (sur lui ou sur les autres).
Hiérarchie d’anxiété
- 100 : subir une injection.
- 80 : regarder faire une injection.
- 70 : regarder faire une injection à la télévision.
- 50 : aller chez son dentiste
- 40 : regarder une seringue, une aiguille.
- 30 : aller visiter quelqu’un à l’hôpital (à cause des odeurs, du bruit des plateaux
et instruments).
Evaluation par questionnaire
Cette évaluation quantitative préliminaire montre une anxiété situationnelle
concernant le sang et les maladies. Elle rapporte également, un faible niveau
d’affirmation de soi. En revanche, le patient n’est pas déprimé.
Les questionnaires d’autoévaluation cotés par le patient donnent les résultats
suivants.
Le questionnaire de peut de Wolpe et Lang (FFSIII) donne des scores élevés
pour des items liés à la nosographie.
- Le questionnaire d’anxiété de Catell montre un score bas de 6.
- Les questionnaires d’affirmation de soi de Rathus montrent un score bas de 76
points.
- L’inventaire pour dépression de Beck en 13 items donne un score de nondépression de deux points.
Programme de l’exposition graduée en vivo
Il se met en place après un travail cognitif sur planche anatomique ayant pour
but de différencier les différents types d’injections (sous-cutanée,
intramusculaire, intraveineuse).
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 1re séance : le patient est invité à se présenter aux urgences, accompagné
de son thérapeute. Il lui est bien préciser qu’il n’aura ni ne verra
d’injection.
 2e, 3e, 4e séances : le patient vient aux urgences afin d’y observer la pose
d’une perfusion, toujours accompagné de son thérapeute. Le niveau
d’anxiété passe de 80 à 40 ; le patient est content de ces séances qui ont eu
l’avantage de dédramatiser l’acte.
Entre ces séances d’exposition accompagnées, prescription d’auto-exposition :
le patient devra s’habituer à manipuler une seringue qu’il possède déjà.
 5e séance : la tâche prescrite a été correctement effectuée. Pour cette
séance le patient assiste dans un service de médecine à trois prises de sang
et une injection intramusculaire. L’anxiété passe de 60, en début de
séance, à 10 au bout de deux heures trente.
Au décours de cette séance, le patient reprend des consultations chez son
dentiste tout en envisageant la perspective d’une éventuelle injection.
 6e séance : mise en place, avec le patient lui-même, d’un protocole
progressif, à domicile, par l’utilisation des aiguilles à glycémie au doigt :
une petite goutte de sang devra apparaître à l’extrémité du doigt.
 7e séance : tâche précédente scrupuleusement réalisée. Renforcement
positif. Prescription d’un monotest qu’il devra réaliser auprès d’une
infirmière de son choix et d’un vaccin antitétanique qu’il devra acheter en
pharmacie.
 8e séance : le patient a réalisé la tâche prescrite et vient, comme demandé,
avec son vaccin. La vaccination a donc lieu en cours de séance.
 9e séance : dans le service des urgences qu’il a fréquenté à plusieurs
reprise, il subit en présence de son thérapeute sa première prise de sang.
 19e séance : il a réalisé à l’extérieur son second vaccin antitétanique.
Revu trois mois plus tard, Monsieur V. était à jour de ses vaccinations
obligatoires, et toutes ses dents cariées avaient été traitées. Convoqué un an plus
tard, il ne s’est pas présenté. La réévaluation quantitative n’a pas pu être
effectuée.
Argumentation
Le patient ne présentant pas de symptomatologie dépressive ou anxieuse,
confirmée par le score et au BDI et au Catell, il n’a pas été indiqué de lui
adjoindre en début de thérapie ni antidépresseur ni anxiolytique.
Les premières séances de consultation de planches anatomiques ont permis un
travail de restructuration cognitive : l’analyse fonctionnelle avait ainsi révélé
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que le patient n’avait jamais prêté attention (sa mère avait pourtant une
profession paramédicale) aux différents types d’injections : intraveineuse,
intramusculaire ou sous-cutanée).
La thérapie a consisté en un réapprentissage direct, progressif et prolongé par
exposition in vivo (avec et sans relaxation), accompagné du thérapeute dans un
premier temps, puis par auto-exposition (quand il va seul voir une infirmière
pour sa seconde vaccination).
Soulignons la graduation très progressive des étapes que le patient parcourt
accompagné de son thérapeute. Les premières expositions et tâches prescrites lui
paraissaient faciles voire favorable.
C) Les phobies sociales
Les phobies sociales, spécifiques ou généralisées, concernent les sujets qui, dans
une ou plusieurs situations sociales, ont des fortes manifestations d’anxiété. La
souffrance intense et invalidante pousse ces sujets à éviter les événements
anxiogènes. Le handicap est souvent majeur.
La phobie sociale est une peur rationnelle, persistante, des situations dans
lesquelles le sujet est exposé à l’éventuelle observation attentive d’autrui. La
peur des situations sociales va contraindre le sujet à les éviter pour ne pas se
retrouver dans une situation anxiogène voire aversive. L’idée d’être confronté à
de telles situations va favoriser une importante anxiété anticipatoire par crainte
d’agir d’une façon humiliante ou embarrassante.
Dans le DSM-III6r (1989), ce trouble est décrit comme une réaction phobique
intense qui n’est pas due à un trouble mental. La peur de parler ou de se produire
en public peut concerner aussi bien l’enfant et l’adolescent que l’adulte. Il faut
distinguer la phobie sociale de la timidité qui est une conduite non pathologique,
particulièrement fréquente dans l’enfance et l’adolescence : ne pas oser parler
dans un groupe ou s’inscrire à une activité sportive ou culturelle, pourtant
désirée, ne constitue pas une phobie sociale. Celle-ci, à la différence de la
timidité, est une source de détresse intense, est envahissante et altère les choix
affectifs et scolaires/ou professionnels.
Les relations sociales et le cadre (soirées, réunions de travail, stage de
formation, club de loisirs, transports en commun…) dans lequel se déroulent les
interactions sociales sont les deux principales sources des stimuli anxiogènes. Le
phobique social redoute d’attirer l’attention sur lui et d’avoir l’air ridicule. Dans
les transports en commun, il refuse de s’asseoir en face d’autres passagers et il
évitera de parler avec un proche ou un ami de crainte d’être regardé ou écouté
par les autres. (attention, faire le diagnostic différentiel avec la psychose et en
particulier avec la schizophrénie paranoïde avant de commencer la prise en
charge).
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1. Description clinique
Les peurs sociales débutent progressivement à la fin de l’enfance ou au début de
l’adolescence. Ces enfants sont inhibés, évitent le regard. A la cantine de l’école,
ils ont des nausées ou ressentent une striction de la gorge qui les empêche
d’avaler s’ils se croient observés. Ils craignent de renverser un verre, ont peur
que leurs mains tremblent en tenant une fourchette ou une tasse. A l’école, ils se
placent au fond de la classe par crainte d’être interrogés, redoutent d’aller au
tableau, de « dire une bêtise » et de provoquer des moqueries. Ils ont peu d’amis
et ont l’impression d’être abandonnés s’ils se retrouvent seuls dans une situation
sociale. Ils désirent entrer en contact avec les autres mais se sentent incapables
de tenir une conversation, de prendre l’initiative. Ils sont dans un état de
frustration permanent, admiratifs de ceux qui se comportent avec aise. En
général, l’anxiété sociale diminue lorsqu’ils se retrouvent avec des jeunes encore
plus timides : dans ce cas, ils peuvent se comporter normalement, sans avoir
l’impression d’être jugés. Ils déclinent les invitations, restreignent leur vie
sociale en raison de la peur de ne pas savoir « quoi dire » ils anticipent, avec une
anxiété somatique intense, la récitation d’une poésie, un exposé. Le sommeil est
perturbé la veille des « situations à risque ».
Lorqu’ils sont confrontés à la situation, les symptômes somatiques (accélération
du rythme cardiaque, rougissements, transpiration…) sont au premier plan. Ils
luttent pour que ces signes anxieux ne soient pas observés par les autres et
perdent, de ce fait, leurs capacités d’adaptation, notamment la mémoire
d’évocation : « le trou noir » est une bonne image de leur fonctionnement
cognitif altéré par l’anxiété sociale. Leurs craintes irrationnelles d’être ridicules
gênent les performances. Cela peut entraîner un cercle vicieux où l’évitement de
la situation phobogène est justifié par la mauvaise qualité de la performance.
A l’adolescence et à l’âge adulte, le souci de passer inaperçu, malgré un goût
vestimentaire précis, va déterminer des choix des couleurs et des formes qui
n’attireront pas l’attention. Le corps ne peut pas être comme porteur des
messages et valorisé. Aucune excentricité n’est admise : toujours la même coupe
de cheveux, le même type de vêtements… Parfois un vécu dysmorphophobique
accompagne l’anxiété sociale : un nez trop long, des cheveux qui frisent par
exemple, justifient aux yens de la personne le fait qu’elle ne parle pas aux
autres.
2. Anticipation anxieuse : le paradoxe.
L’anticipation anxieuse est un ensemble de réponses physiologiques
comportementales et cognitives, qui précède certaines situations ou événements
que le sujet doit affronter ou bien qu’il imagine comme susceptibles de se
produire. Ces symptômes sont la première partie d’une séquence anxieuse
concernant les symptômes éprouvés lors de la confrontation à une situation
anxiogène et les ruminations anxieuses qui succèdent le moment anxieux. Le
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vécu anxiogène concernant des situations futures peut débuter durant l’enfance
ou à l’adolescence. Les mécanismes d’anticipation sont essentiellement les
mêmes que ceux de l’adulte. Le contenu varie avec l’âge et il intègre des
paramètres anxiogènes à caractère social.
Le caractère morbide de l’anxiété est souvent méconnu et son importance, sa
gravité potentielle, sous-estimées. L’anticipation anxieuse est jugée à tort
comme une activité mentale qui renforcerait la motivation à agir.
Dans les phobies sociales, les symptômes physiologiques concernent la tension
motrice et l’hyperactivité neurovégétative : tremblements, impression de
secousses, douleurs ou endolorissement musculaires, fébrilité, fatigabilité,
sensations d’étouffement, tachycardie, sécheresse de la bouche… Les
symptômes comportementaux sont essentiellement des conduites d’évitement ou
de fuite, limitation des activités en rapport avec l’anxiété, comportements de
vérification, demandes de réassurance, agressivité ou bien inhibition
comportementale.
Beaucoup de symptômes cognitifs associés à l’anxiété d’anticipation sont une
intensification des fonctions normales, par exemple la conscience de soi ou
l’hypervigilance. D’autres symptômes semblent être le résultat de l’inhibition de
fonctions normales (difficultés de concentration d’évocation). Ou bien encore,
d’autres symptômes dénotent un affaiblissement du contrôle volontaire sur des
processus qui normalement sont sous tel contrôle (perte d’objectivité, distorsions
du jugement).
Se percevoir soi-même ou avoir conscience de soi est un état psychologique
habituel pour la plupart des gens lorsqu’ils se trouvent en présence d’autrui. Le
sujet va être attentif à ses émotions, ses pensées, ses idées, ses comportements.
Cet état lui permet de se percevoir en interaction, de se confronter à autrui et de
développer des connaissances sur soi-même, sur ses tendances personnelles.
Mais, parfois l’autre devient générateur d’anxiété. Le sujet va anticiper les
situations sociales et il craindra de se comporter d’une façon humiliante ou
embarrassante. Son état de conscience de soi anxieux favorise un ensemble
d’idées de dévalorisation de soi : « peur de ne pas parler en public comme les
autres ». « Peur de ne pas pouvoir être capable de soutenir une conversation ».
Le sujet qui anticipe de cette manière peut difficilement mobiliser ses capacités
de verbalisation, d’exécution, d’agilité, de réflexion, d’association,
d’observation de décision. L’anticipation anxieuse va structurer la perception en
termes d’appréhension affective et cognitive de la réalité. Le sujet mettra en
place un système d’évitement des stimuli externes vécus comme anxiogènes.
Les symptômes liés à la pensée concernent l’inhibition de la mémoire
d’évocation qui provoque de cette façon l’impression de ne plus rien savoir. Par
exemple, la personne qui doit passer un entretien d’embauche ou un examen de
connaissances anticipera des éventuels « trous de mémoire ». De plus, la
focalisation de l’attention sur la notion de danger peut automatiquement
produire une « vision de tunnel » inhibant toute pensée autre que celle
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concernant la situation redoutée. Plus gênant encore, le sujet peut être tellement
mobilisé sur la façon de faire face au « danger » qu’il ne pourra pas être en
mesure de satisfaire d’une manière objective les demandes de la situation, c’està-dire qu’il va anticiper toutes les réponses possibles « pour s’en sortir ». Le
plaisir d’obtenir satisfaction, faciliter les conditions dans lesquelles il va se
trouver, ne font plus partie de ses motivations et de son anticipation.
La caractéristique principale des phobies sociales par rapport à d’autres phobies
concerne l’anticipation anxieuse. En effet, la peur d’être tendu, inhibé ou de
trembler pendant la situation sociale phobogène apparaît plausible et semble
avoir une forte probabilité pour qu’elle se manifeste. Le sujet qui a peur de
suffoquer dans un ascenseur a peu de risques de manquer d’oxygène et de
mourir en conséquence. Or, le sujet qui craint de trembler quand il est observé
ou bien celui qui a peur de perdre ses moyens lors d’un entretien peuvent
raisonnablement attendre que leurs manifestations anxieuses apparaissent.
L’anticipation anxieuse est donc souvent confortée par l’expérience.
L’expérience ne fait qu’aggraver les phobies sociales ; c’est le paradoxe de
celles-ci. L’apprentissage des comportements détendus par l’expérience est
difficile à réaliser. L’approche thérapeutique par les techniques d’exposition doit
tenir compte de l’aspect plausible et « raisonnable » des manifestations
anxieuses : il s’agit d’une exposition qui doit associer les jeux de rôles
thérapeutiques afin de cibler ce type particulier d’anticipation anxieuse.
3. Formes cliniques
Les phobies sociales peuvent être spécifiques, ou généralisées selon que le sujet
évite simplement de faire un exposé, de parler dans une réunion par exemple, ou
qu’il évite la plupart des situations sociales dans lesquelles il risque d’être
observé attentivement. La fréquence des phobies sociales spécifiques (peur de
manger en public, peur d’utiliser les toilettes publiques, peur d’écrire en
présence d’autrui…) est moins importante que celle des phobies sociales
généralisées (Marks, 1985).
Les phobies sociales généralisées concernent la peut de ne pas savoir se
défendre, d’être humilié, d’être rejeté de ne pas avoir d’amis…Parfois, les peurs
sociales peuvent se centrer sur l’apparence physique, les performances sociales
et/ou intellectuelles.
Pour Fenigstein (1987), il existe chez le phobique social, une tendance à
privilégier les aspects observables de son comportement ; de ce fait, il de
représente les interactions sociales comme un ensemble de comportements où
les aspects évaluatifs sont centrés sur l’agir au détriment du vécu émotionnel.
Autrement dit, les émotions accompagnant une interaction sociale (joie,
tristesse, plaisir…) sont peu élaborées et le sujet perçoit trop le cadre social
comme évaluatif des signes externes comportementaux.
Selon Marks (1985), la phobie sociale est une difficulté à adopter des
comportements de communication satisfaisants par défaut d’apprentissage. Le
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sujet qui, par peur d’être jugé, se montre inhibé, ne peut pas apprendre les
comportements de communication et élaborer des moyens de communication
interpersonnels satisfaisants. Il y aurait donc deux types de modèles explicatifs
de la phobie sociale : le premier la considérant comme un état d’observation
excessive de soi-même, notamment sur les aspects externes du comportement ;
le deuxième voit la phobie sociale sous l’angle d’une difficulté à apprendre et à
adopter des comportements de communication ; à cause de l’anxiété inhibitrice.
Ainsi, les sujets qui réagissent avec une prédominance des symptômes
physiques (accélération du rythme cardiaque, tremblements…) sur les
symptômes comportementaux (évitement, fuite…) vont bénéficier davantage de
techniques de relaxation et chimiothérapeutiques. Ceux qui font appel à des
stratégies d’évitement social pourront briser ce système de défense par des
techniques thérapeutiques d’affirmation de soi.
La comorbidité a été étudiée. La dépression est moins fréquemment associée à la
phobie sociale, mais lorsqu’elle coexiste, elle aggrave considérablement
l’anxiété sociale (Davidson, 1993). Nous pouvons supposer également que la
phobie sociale peut s’associer avec les phobies simples.
Le handicap ou retentissement sur le fonctionnement est un domaine qui n’a pas
été l’objet de nombreuses recherches. L’entretien clinique avec ces patients
montre que l’anxiété sociale gêne considérablement le fonctionnement social et
intellectuel, perturbation allant jusqu’à la stupeur associative, c’est-à-dire
l’incapacité à mobiliser les mécanismes intellectuels (mémoire d’évocation,
imagination, association d’idées…) pour faire face à une situation sociale.
Beidel (1991) a employé la méthode d’auto-observation afin d’évaluer la gêne
provoquée par l’anxiété sociale : elle conteste les propos de Spitzer et Schneier
(1990) concernant l’impact minime de la phobie sociale dans la vie quotidienne,
supposé par ces auteurs. Elle remarque que les patients de son étude sont
considérablement handicapés par de nombreux comportements d’évitement
sociaux.
4. Evolution
Pour beaucoup d’auteurs, la phobie sociale persiste et s’intensifie à l’âge adulte
(Linechan 1979 : Larks 1985 : Greist et al. 1986). Ce n’est que tardivement vers
40 ans, qu’elle peut s’estomper. Les principales complications évolutives du
trouble sont l’abus de l’alcool et la dépression.
5. Approche thérapeutique
Le traitement cognitif et comportemental des phobies sociales fait souvent appel
aux mécanismes d’anticipation qui vont constituer dans un premier temps la
cible thérapeutique. Ainsi, dans un projet thérapeutique, l’imagination et le
discours intérieur du patient sont sollicités activement par le thérapeute. Deux
techniques thérapeutiques dans cette première phase se dégagent.
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 Désensibilisation systématique
Par le biais de la confrontation répétitive en imagination aux stimuli anticipés
avec angoisse, le clinicien cherchera à modifier les propriétés anxiogènes des
images mentales. Cette confrontation se fera par approximations successives du
contenu des images mentales anxiogènes jusqu’à ce qu’une scène représentant
une situation normale soit évoquée par le patient.
Prenons un exemple : un patient se présente et décrit les manifestations d’une
anxiété intense survenant avant certains événements tels que prendre la parole
en public. Le thérapeute analyse avec le patient ces diverses situations, il
construit une hiérarchie de situations en partant de la moins anxiogène jusqu’à
celle qui apparaît totalement intolérable pour le patient. En séance, on lui
demande d’évoquer de la manière la plus vivante possible l’mage relative à
l’item le moins anxiogène de la hiérarchie (poser une question courte). Lorsqu’il
parvient à évoquer la situation sans réaction d’anxiété, on passe à l’item suivant
de la hiérarchie et ainsi de suite.
 Exposition directe et théorie cognitive
Souvent, on proposera au patient l’exposition directe aux situations phobogènes.
On s’intéressera dans cette pratique aux pensées qui précèdent et accompagnent
la confrontation : les idées anxiogènes seront répertoriées par le moyen d’un
entretien dirigé. Cet ensemble cognitif qui, jusqu’à présent, déterminait
l’angoisse est mis à l’épreuve de la réalité. Ces moyens thérapeutiques sont
rapidement associés à la mise en place des techniques d’affirmation de soi.
Les techniques d’affirmation de soi constituent une aide thérapeutique efficace
chez des patients présentant une altération significative du fonctionnement
social et/ou professionnel et qui possèdent une faible estime de soi (Michelson et
al., 1987). Ces techniques sont un abord psychologique axé sur l’atténuation des
manifestations anxieuses et sur l’apprentissage de comportements de
communication. L’affirmation de soi peut être proposée en groupe ou en
individuel.
La thérapie de groupe a pour fonction essentielle la mise en œuvre des
techniques thérapeutiques spécifiques destinées à atteindre les objectifs de la
thérapie.
Le développement des capacités de communication auraient comme effet une
meilleure estime de soi.
Les procédures thérapeutiques sont les suivantes : modelage ou apprentissage
par imitation. Un modèle émet un comportement à imiter (modelage positif) ou
à éviter (modelage négatif). Par exemple, comment exprimer une idée dans un
groupe, comment aborder d’autres personnes qu’on ne connaît pas. Le modelage
en imagination consiste à décrire et à faire imaginer au patient une situation ou
une personne du même âge et du même sexe qui se conduit d’une manière
socialement habile. Cette technique est particulièrement efficace pour modeler
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des comportements lors de situations aversives (se voir rejeter, se faire
critiquer). Le modèle se comporte d’une manière affirmée.
La procédure de répétition de la réponse a pour but d’aider le patient à se sentir à
l’aise face à des comportements nouvellement acquis et à les reproduire
facilement dans des situations sociales appropriées. Le jeu du rôle
comportemental demande au patient de faire « comme si » il était en situation
réelle et de se comporter de façon affirmée dans cette situation. Les procédures
de façonnement de la réponse consistent à aider le sujet à affirmer ses
comportements nouvellement acquis au moyen de la rétroaction et du
renforcement
Le renforcement est utilisé la plupart du temps sous forme d’approbation ou de
félicitations au moment où le patient montre une amélioration de son
comportement. Le renforcement est « donné » soit par le thérapeute soit par les
membres du groupe thérapeutique, soit en favorisant les capacités du patient à
s’autorenforcer. Les procédures cognitives vont modifier directement la
perception des situations sociales comme étant des situations « à risque ».
D) Les troubles obsessionnels compulsifs
Depuis plusieurs années, on voit se développer un modèle cognitivocomportemental des troubles psychiatriques. Il est reconnu que plusieurs
facteurs indépendants puissent être à l’origine : vulnérabilité biologique,
stresseurs
environnementaux,
traumatiques
affectifs
d’apprentissage
comportementaux ou cognitifs. Ces sont ces patterns représentent le focus
d’intervention des thérapies cognito-comportementales.
1 – Modèle comportemental.
Le modèle comportemental considère que le trouble obsessionnel compulsif
peut être compris par deux mécanismes d’apprentissage : le conditionnement
classique et le conditionnement opérant. Le conditionnement classique consiste
à associer un stimulus conditionnel (par exemple une sonnerie) à un stimulus
inconditionnel (présentation de nourriture), qui entraîne à lui seul une réponse
inconditionnelle (salivation). La répétition de cette association entraîne
l’obtention de la réponse inconditionnelle à la seule présentation du stimulus
conditionnel. Dès lors, cette réponse est appelée réponse conditionnelle et son
obtention réalise un conditionnement classique selon une dyade stimulusréponse.
Le conditionnement opérant consiste à augmenter le débit d’une réponse, par
exemple le comportement de parler en public, en récompensant l’émission de
cette réponse. Ainsi, le comportement se maintient ou se renforce si ses effets
procurent satisfaction. Ces mécanismes d’apprentissages appliqués à la
pathologie obsessionnelle nécessitent décomposer les symptômes en séquences
comportementales. Ainsi, une situation donnée (partir de chez soi, contact avec
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la saleté, fermer un robinet) provoque une réponse donnée stéréotypée, le rituel.
Celui-ci peut consister en un comportement ouvert (vérification du robinet,
lavage des mains…), ou couvert comme le rituel mental (compter jusqu’à 3,
penser toujours la même phrase rituelles.
Selon Mowrer (1960), le comportement obsessionnel serait acquis tout d’abord
par conditionnement classique et ensuite renforcé et pérennisé par
conditionnement opérant. Ainsi, un événement extérieur (boîte de médicaments)
est associé à la prise de conscience d’une obsession anxiogène (laisser la boîte à
la portée des enfants et les empoisonner involontairement). La répétition de
cette association visuo-idéative constitue un conditionnement classique de
l’anxiété. Dans un deuxième temps, le sujet expérimente une réduction de
l’anxiété par l’émission d’un rituel (vérifier plusieurs qu’il n’y ait pas de
médicaments à la portée des enfants) : il s’agit alors d’un conditionnement
opérant avec évitement d’une situation pénible. L’expérience d’une baisse de
l’anxiété après avoir vérifié, entretient les rituels à venir.
Cependant, de nombreuses études contestent la validité de ce modèle selon
lequel le rituel compulsif diminue l’anxiété subjective du sujet.
Ce que nous pouvons retenir de ces études réalisées dans des conditions
expérimentales est la modification du comportement obsessionnel en fonction de
la présence ou non du thérapeute. Sa présence provoquait souvent un transfert de
responsabilité du patient vers le thérapeute s’il ne ritualisait pas : « ça sera faute
du thérapeute si jamais il y a un malheur à cause de ma négligence. » Les
conséquences graves de l’absence de ritualisation pouvaient être attribuées au
thérapeute qui incitait le patient à ne pas ritualiser. Les notions de responsabilité
et de culpabilité liées au rituel introduisent le modèle cognitif de la pathologie
obsessionnelle.
2 – Modèle cognitif
Selon ce modèle, l’obsessionnel, au-delà du comportement rituel à proprement
parler, garde un doute, une appréhension, qui sont l’émanation de ses croyances
(façon dont le sujet se représente son environnement et en particulier dont il
apprécie les conséquences de ses obsessions). Le sujet obsessionnel présente une
perturbation du traitement de l’information, il analyse l’information extérieure
relativement neutre en lui attribuant un sens spécifique relatif à sa pathologie.
Mac Fall et Wollersheim (1979) décrivent deux temps principaux dans le
développement d’une conduite obsessionnelle. Dans un premier temps un signal
de peur est surestimé par le sujet quant au risque de survenue d’événements
désagréables. Cette surestimation du risque est basée sur des croyances
personnelles qui sont de quatre ordres.
a) Certaines pensées et sentiments sont strictement inacceptables, les tolérer
conduirait à une catastrophe.
b) On doit être parfait sur tous les aspects où la responsabilité personnelle est
engagée.
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c) Faire une erreur ou être pris en défaut conduirait immanquablement à une
punition ou à une condamnation (culpabilité).
d) Emettre un rituel et/ou rumination obsédante sont des bons moyens pour faire
disparaître la peur.
Dans un deuxième temps, le sujet sous-estime sa capacité à gérer sa peur, le
sentiment de perte de contrôle contribue à se réfugier dans des rituels ou des
ruminations obsédantes.
3. Particularités de l’analyse fonctionnelle
Pendant l’analyse fonctionnelle, on doit informer le patient qu’il est
indispensable, voire une condition pour engager une thérapie que des
comportements de substitution soient adoptés. C’est-à-dire que le patient est
sollicité à anticiper ce qu’il fera pendant les trois heures qui ne seront plus
consacrées à un rituel lors des progrès thérapeutiques.
4. Entraînement à l’auto-observation
Le moyen d’investigation le plus précis des rituels chez le patient obsessionnel
non hospitalisé serait de les observer directement, dans toutes les situations
vécues (école, travail, famille, loisirs, etc.). A défaut de ce type de méthode
d’observation, certaines méthodes d’évaluation ont été développées pour
préciser et caractériser les comportements obsessionnels : l’observation du sujet
par son entourage, par lui-même. En général, il existe trois méthodes
d’évaluation comportementale : l’observation directe, les questionnaires
d’autoévaluation et d’hétéro évaluation et les entretiens diagnostiques, structurés
et semi-structurés. C’est dans la perspective du DSM-III et du DSM-III-R que la
plupart des instruments ou méthodes dévaluation se sont développés.
L’observation des comportements ritualisés a pour but d’obtenir une description
précise, aussi objective que possible, des composantes obsessionnelles et
anxieuses. Cette évaluation tente de préciser également leurs conditions et
situations d’apparition (stimuli antécédents). Les sources sont diverses :
observation directe par quelqu’un d’autre et auto-observation.
 Observation directe par l’équipe soignante
Cette méthode d’évaluation est surtout réalisée au cours d’une journée
d’hospitalisation ou chez des patients hospitalisés pour un certain temps. On
enregistre la fréquence et/ou la durée de certains comportements. Ainsi, le
personnel infirmier peut-il noter systématiquement le temps qu’un patient passe
à ranger les objets dans sa chambre afin qu’ils soient disposés en respectant une
symétrie donnée (en parallèle, perpendiculaires etc.).
Ces mesures répétées des comportements sont particulièrement utiles lors des
protocoles thérapeutiques (médicaments, thérapie) : elles permettent de dégager
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un profil de fluctuations comportementales et éventuellement d’isoler les
facteurs qui font varier les rituels et l’anxiété associée.
 Auto-observation
On demande aux patients de noter dans des fiches d’auto-enregistrement les
comportements d’évitement, les pensées anxiogènes, les situations qui
déclenchent des réactions d’anxiété et des observations. Personnellement, nous
utilisons la fiche suivante pour mieux déterminer les paramètres intervenant
dans les obsessions et compulsions.
Date :
Description du comportement obsessionnel :
________________________________________________________________
________________________________________________________________
__________________________________________________________
Difficulté à arrêter le comportement pathologique (noter sur 100) :
Durée du comportement pathologique :
Idées pendant l’adoption du comportement pathologique :
________________________________________________________________
________________________________________________________________
________________________________________________________________
________________________________________________________
Ces fiches permettent la prise de conscience du rôle de l’anxiété dans le
comportement obsessionnel. Une autre façon d’évaluer l’impact de l’anxiété
dans les activités quotidiennes consiste à demander au patient de noter les
comportements d’évitement et le pourcentage de gêne qu’il aurait éprouvé s’il
avait adopté le comportement.
Au total, l’observation directe des comportements obsessionnels et anxieux ne
permet pas à elle seule d’établir un diagnostic, mais elle constitue un outil de
travail particulièrement utile.
5. Techniques thérapeutiques comportementales et cognitives
La technique de l’exposition aux stimuli anxiogènes (saisir une boîte de
médicaments, la garder quelques minutes sur soi) avec prévention de la réponse
(encourager le sujet à ne pas vérifier le nombre de comprimés et l’empêcher de
chercher éventuels comprimés qu’il aurait laissé tomber) et une thérapeutique
très utilisée par les comportementalistes dans le traitement des rituels. Les
stimuli déclencheurs sont analysés en termes de force compulsive à déclencher
le rituel. Par exemple, le sujet ressentira une compulsion de vérification moins
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intense après avoir touché quelques comprimés d’aspirine qu’après le contact de
quelques comprimés de clomipramine. Une échelle de difficulté croissante est
ainsi établie et servira de base à la thérapie. La prévention de la réponse
montrera au sujet que le fait de ne pas ritualiser n’entraîne aucune conséquence
si ce n’est une augmentation momentanée de l’anxiété.
L’exposition répétée au même stimulus entraîne une anxiété de moins en moins
intense et de durée de plus en plus courte par habituation. Le sujet doit
systématiquement s’entraîner par des exercices chez lui. Il constate, après
chacun des exercices, qu’il ne se passe rien de particulier s’il ne ritualise pas, si
ce n’est une perception d’angoisse qui finit par s’estomper. Toutes les
expositions et la prescription de tâches à domicile sont établies sur un mode
contractuel entre patient et thérapeute (jamais de surprise ou de contrainte).
La thérapie cognitive complète souvent la thérapie comportementale. Elle
consiste à analyser l’obsession à travers la pensée automatique de catastrophe
dans laquelle la responsabilité du sujet est engagée. La thérapeute cherche
activement à isoler la pensée intrusive et à définir la conséquence la plus
redoutée. L’intervention thérapeutique doit se focaliser non sur la pensée
obsédante pénible que le sujet tente de neutraliser (« je vais laisser traîner des
médicaments »), mais sur la pensée automatique qu’elle déclenche (« je serai
responsable e la mort de quelqu’un »). Le but est d’aider le sujet à prendre
conscience du fait que la pensée automatique est irrationnelle et catastrophique.
Les patients traités presque exclusivement par des techniques comportementales
sont des enfants (Vera et al., 1990). Les adolescents (Mouren-Siméoni et al.,
1993) et les adultes (Cottraux et al., 1992) peuvent bénéficier des techniques
cognitives et comportementales. Les antidépresseurs sont également très souvent
utilisés en association à la fois chez les enfants, les adolescents et les adultes.
D’autre part, certains patients sont suivis en parallèle en psychothérapie
d’inspiration analytique.
Les outils d’évaluation ne sont pas les mêmes à travers les différents travaux : la
gravité de la pathologie des malades n’est pas homogène (durée de la maladie) ;
les obsessions et les rituels ne sont pas comparables entre eux (les rituels de
lavage sont plus faciles à traiter que les rituels de vérification) les obsessions
sont plus difficiles à traiter que les rituels.
Malgré ces difficultés, Foa et al. (1985) après une revue de 18 études contrôlées
sur vingt ans concluent en utilisant les mêmes critères d’évaluation, de la
manière suivante ; 51 % des patients sont très améliorés, 39 % sont améliorés,
10 % sont des échecs. Ces résultats sur l’efficacité des thérapies
comportementales sont encourageants et montrent surtout la stabilité des
résultats.
Conclusion
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Les stratégies thérapeutiques actuelles sont en constant progrès. Néanmoins il ne
s’agit encore que de traitement par substitution et non un traitement du cœur de
la pathologie…
E) Les troubles du comportement alimentaire : Anorexie, boulimie
En milieu hospitalier la thérapie cognitivo-comportementale est fréquemment
proposée pour les patients anorexiques. Elle faciliterait la mise sous contrôle
rapide des principaux symptômes liés à la dénutrition. Elle empêcherait
l’apparition de séquelles somatiques et de troubles psychiatriques associés,
notamment chez les patients ayant une longue durée de maladie.
Peu de consensus existe actuellement sur le type de traitement à proposer aux
patients ayant des troubles des conduites alimentaires. De plus, même si un
nombre important de symptômes est bien décrit et documenté, il existe une
grande variété de cas nécessitant une approche thérapeutique tout à fait
idiosyncratique. Rares sont les prises en charge utilisant un seul modèle
explicatif ou conceptuel, la combinaison ou la succession des différentes
méthodes est le plus souvent rencontrée.
La thérapie congitivo-comportementale fait partie des approches fréquemment
proposées en milieu hospitalier pour les patients anorexiques, par rapport à la
boulimie à poids normal qui serait mieux traitée en ambulatoire. La nécessité de
séparer les patients anorexiques des influences familiales a été déjà reconnue par
Lasègue et Gull et elle fait partie de la plupart des approches. En thérapie
comportementale, le conditionnement opérant en fait une large utilisation, en
introduisant progressivement l’accès aux visites, aux activités valorisées par le
patient, telles que sorties, accès aux activités physiques.
La modification du comportement alimentaire est aussi effectuée par des
techniques de désensibilisation et d’apprentissage. L’exposition graduelle
faciliterait la confrontation du sujet avec les situations évitées et la nonconfirmation des conséquences qui ont, jusque-là maintenu ces évitements. La
thérapie cognitive aborderait la correction du raisonnement erroné lié aux
principaux symptômes : elle faciliterait l’acceptation de nouvelles habitudes
alimentaires en diminuant le fonctionnement rigide et le perfectionnisme de ces
patients. La thérapie cognitive est centrée sur les expériences actuelles, et son
apparence au modèle expérimental comportemental permettrait au patient
d’examiner ses idées et ses postulats. La participation du thérapeute est active, il
guide et prescrit les taches comportementales.
1. Clinique, critères diagnostics
Même si les troubles alimentaires, dans leurs formes les plus variées, existent
depuis le début de l’humanité, l’identité nosographique de l’anorexie mentale
s’associe au nom de Charles Lasègue (1873) en France et William Gull (1874)
en Angleterre. Le « père diagnostique » de la boulimie fut Wulff en 1932, mais
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déjà Lasègue (1873) parlait des « faux appétits impériaux » et Binswanger, en
1958, décrivait le cas d’Elen West : ce n’est qu’en 1979 que Russel l’a nommé
bulimia nervosa, terme très fréquemment employé.
Le tableau clinique typique de l’anorexie mentale se caractérise par les
préoccupations alimentaires et pondérales, menant à la restriction alimentaire et
l’utilisation de laxatifs, de diurétiques, de vomissements, et d’exercices
physiques. La perte d’au moins 15 % du poids idéal, suite à la dénutrition, est
accompagnée de troubles gastro-intestinaux, cardiovasculaires, endocriniens,
avec l’aménorrhée comme une des principales complications. Dans le cas des
patients ayant des accès boulimiques, ce sont des critères concernant la
consommation rapide d’une grande quantité de nourriture en temps limité suivis,
le plus souvent, de vomissements, la durée, au moins deux fois par semaine,
accompagnée d’un sentiment de perte de contrôle (DSM III R, APA, 1987). On
note des complication somatiques similaires dans les cas de boulimie (j’ajouterai
les problèmes dentaires…)
Les troubles de l’image du corps, mises en avant par Bruch (1962) et intégrés
dans les critères diagnostiques du DSM III R (APA, 1987) et de l’ICD-10
(WHO, 1992), ont été, cependant, critiqués comme non-spécifiques depuis (Hsu
et Sobkiewicz, 1991 ; Slade, 1994 ; Slade et Brodie, Il semblerait aussi que ces
difficultés d’évaluer correctement les dimensions du corps s’appliqueraient aux
difficultés d’identifier les états émotionnels et les cognitions.
De plus, un nombre de cas non négligeable pourrait avoir des formes
infracliniques, ou des troubles alimentaires associés aux autres troubles
psychiatriques et physiques, pouvant masquer ou aggraver les troubles des
conduites alimentaires. Comme critère d’exclusion, on retiendra l’absence
d’autres troubles organiques et psychiatriques.
2. Les conceptualisations de l’anorexie mentale et de la boulimie
Freud, dans ses écrits avec Breuer (1895), considérait l’anorexie mentale comme
une forme de mélancolie et Bruch (1970 ; 1973 ; 1982) mettait en avant la
dépendance de leur valeur personnelle des valeurs imposées par les médias.
Comme critères diagnostiques, elle soulignait la perte du poids, l’aménorrhée, et
le désir de minceur, le tout accompagné du déni e cachexie.
Selvini-Palazzoli (1974 ; 1978) a conceptualisé l’anorexie mentale comme une
forme monosymptomatique de la psychose, centrée sur l’idée de maigrir : le
désir de minceur, plutôt que l’absence d’appétit, serait à l’origine de la
restriction alimentaire.
Crisp (1965) a utilisé le terme de « phobie du poids », mais plutôt dans le sens
de ce que la prise du poids et le développement pourraient emporter, comme les
caractéristiques sexuelles secondaires, la séparation, les responsabilités liées à
l’âge adulte, ou l’appréhension du futur incertain. En effet, le patient
anorexique, contrairement à un phobique typique, ne veut pas se libérer de ses
préoccupations, probablement à cause de leur fonction protectrice : les
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illustrations cliniques des patients qui justifient, rationalisent ou minimisent leur
troubles, sont nombreux.
L’école psychanalytique française (Kestenberg et al., 1972 ; Brusset, 1977 ;
1993 : Jeammet, 1993) a mis en avant chez ces patients la pathologie du Moi,
suite aux carences narcissiques et les investissements relationnels et familiaux
spécifiques à l’adolescence ; le modèle additif dans le cas des boulimies a tenté
d’expliquer cet aspect d’urgence et cette incapacité de se contrôler (Brusset,
1991).
3. Evaluation
Le bilan consiste en un examen clinique et psychiatrique, l’examen
psychométrique, les instruments spécifiques d’auto- et d’hétéroévaluation, les
données de l’analyse comportementale et de l’auto- et hétéro-observation. Ce
bilan est effectué avant et après la prise en charge, ainsi que lors du suivi.
Le Body Mass Index, l’index de masse corporelle, définit le statut pondéral du
sujet en tenant compte de sa taille : il est obtenu en divisant son poids, en
kilogrammes, par la taille en mètre au carré, le poids idéal se situant entre 19,O
et 24,9 (Llewellyn-Jones et Abraham, 1984).
Ces données sont complétées par l’observation du sujet de la mise en test
situation, telle que d’être confronté aux aliments évités ou à ceux pris lors des
accès boulimiques, par exemple. Les données des fiches alimentaires tenues par
les patients et des fiches diététiques tenues par les infirmières vont compléter ces
données (Horion et al., 1992). Les patients boulimiques inscrivent, en plus, les
circonstances émotionnelles ou situationnelles ayant précédé les accès
boulimiques, le type et la quantité d’aliments pris, d’éventuels vomissements,
les sensations et les idées à la fin des accès.
De plus, le comportement à table est évalué, lors de l’hospitalisation, par le
Eating Behaviour Rating Scale (Wilson et al., 1985, 1989), l’échelle
d’évaluation du comportement alimentaire (traduction française : Divac et
Samuel-Lajeunesse, 1990) ; la description du plateau, rendu à la fin du repas,
contribue à l’évaluation du comportement alimentaire. Pour les patients traités
en ambulatoire, un certain nombre de données pourrait aussi parvenir de la
famille.
F) Les troubles de la personnalité
A l’âge adulte, les traits de personnalités permanents, rigides et inadaptés,
constituent des personnalités pathologiques responsables d’une altération
majeure du fonctionnement social et d’une souffrance psychique importante des
sujets et de leur entourage. Ils sont particulièrement résistants aux approches
thérapeutiques conventionnelles. Beck et Freeman (1990) ont élargi les
indications des thérapies cognitives (TC) en proposant des adaptations
techniques en fonction de chaque type de trouble de la personnalité. Leurs
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objectifs sont la diminution de la souffrance et l’amélioration du fonctionnement
affectif, social et professionnel. Les thérapies y sont nettement plus longues que
celles de la dépression et des troubles anxieux. Les patients y transposent
habituellement leur style relationnel. Si nous en avons le temps, nous étudierons
les troubles de la personnalité et les troubles psychopathiques, versus modèle
psychodynamique.
Les indications thérapeutiques des thérapies cognitives des troubles de la
personnalité ne sont pas encore bien codifiées même s’il n’existe pas de contreindication absolue liée au type de personnalité pathologique. Il est clair que
l’établissement d’une alliance thérapeutique de bonne qualité dépend
étroitement du type de pathologie. Elle est constamment précaire chez les sujets
paranoïaques
(méfiance),
schizoïdes
(distance),
schizotypiques
(incommunicabilité), antisociaux (manipulation), limite (humeur chaotique),
évitantes (fuite).
En revanche, elle est plus aisée à établir chez les histrioniques (séduction),
narcissiques (admiration), dépendants (protection), obsessionnelles compulsives
(responsabilité). Le recours aux thérapies cognitives concerne en premier lieu
les personnalités pathologiques du groupe C (anxieuses, inhibées), puis du
groupe B (dramatiques, excentriques) et enfin celles du groupe A (bizarres,
originales).
Lorsque les personnalités sont de « type psychotique », les thérapies cognitives
adoptent un style plus volontiers comportemental, du moins au début.
 C’est ainsi que, chez les personnalités paranoïaques, la mise en œuvre de
relations de confiance est encouragée à partir de celles établies dans a
thérapie : elles servent de modèle et sont progressivement étendues à
l’entourage.
Le cas clinique suivant en fournit une illustration.
Colas est un cadre de 33 ans, adressé par son psychanalyste pour un traitement
de type comportemental et cognitif en vue de débloquer une situation
thérapeutique sans issue. Ses plaintes sont stéréotypées, répétitives : « on
m’avait fait miroiter un poste et on ne me l’a pas donnée. » Il est en conflit
permanent avec son supérieur hiérarchique. On le met à l’écart, l’évince de toute
responsabilité, le cantonne dans les tâches inutiles et purement symboliques. Il
se sent rejeté : « on me fait sentir qu’on ne m’accepte pas, que je suis inapte. »
Sa vie privée est désertique, il n’a pas d’ami(e). Il amasse des documents
et des notes. Il se déplace avec un volumineux dossier et son micro-ordinateur
portable où sont consignés tous les éléments de son contentieux. Sa biographie
est sans éclat, studieuse, dépourvue de plaisirs et de moments heureux. Toute sa
scolarité secondaire s’est déroulée dans le même collège où il était moqué sans
relâche par ses petits camarades. Très rapidement, il a pris l’habitude d’éviter les
contacts avec les autres, de se méfier.
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Son humeur habituelle est donc triste et revendicatrice. (Beck 13 items =
12, Rathus = 34, Maudsley = 15.) Il présente 6/7 critères d’inclusion de la
personnalité paranoïaque et 6/9 de la personnalité obsessionnelle compulsive.
La première étape de la TC est consacrée à établir une relation
thérapeutique de bonne qualité : il est invité à fixer librement la fréquence des
séances mensuelles au début, puis hebdomadaire. Un programme d’amélioration
des ses habiletés sociales d’inspiration comportementale est proposé.
L’enregistrement de ses activités quotidiennes sur un carnet de bord permet de
recenser le temps consacré à l’activité contentieuse, à procrastiner, à classer
stérilement des coupures de journaux ou de magazines qu’il ne lit jamais, à
regarde passivement la télévision.
Puis le programme cognitif est consacré à élaborer un continuum de
situations sociales professionnelles ou privées auxquelles il est invité à faire face
par étapes de difficultés croissantes.
Grâce à des séances de recadrage cognitif, il commence à prendre un peu
de distance émotionnelle à l’égard de ses motifs de contrariété. Il est invité à
pratiquer les techniques d’arrêts de la pensée et d’enregistrement des pensées
agréables. L’approche thérapeutique est donc essentiellement de nature
comportementale en début de traitement : le risque est en effet grand de
s’engager dans des ratiocinations sans issue vers lesquelles le porte son esprit
méticuleux. Le travail purement cognitif, c’est-à-dire centré sur les pensées
dysfonctionnelles méfiantes et l’autodévalorisation, survient plus tardivement.
Colas réussit à affronter son supérieur hiérarchique, à faire annuler une
notation désobligeante, et à reprendre en main l’organisation de sa vie privée. En
fin de thérapie l’accent est mis sur la création de liens sociaux, avec
programmation d’épreuves de réalité. L’établissement d’au moins une bonne
relation (avec le thérapeute) lui fournit un prototype. La structure paranoïaque
est toujours présente mais n’est plus un obstacle à tout lien social.
 Les personnalités schizoïdes se voient recommander la simulation
d’émotions, tant positives que négatives, à l’occasion de jeux de rôle si
possible en groupe, en vue de faire concrètement l’expérience de contacts
humains et d’accroître leurs compétences sociales. Les conséquences de
l’isolement social sont examinées avec leurs avantages et leurs
inconvénients.
 Chez les personnalités schizotypiques qui évitent les contacts sociaux et
adoptent des comportements excentriques ou saugrenus, la thérapie
cognitive vise à établir une relation thérapeutique durable, premier pas
vers la réduction de l’isolement social. Les séances sont fortement
structurées en vue de canaliser la pensée circonstanciée, diffluente,
allusive et d’atteindre un style de communication plus concis. La
vérification des prédictions insolites confrontées aux faits réels est une
bonne façon de mettre la réalité à l’épreuve.
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 Les patients narcissiques mettent au service de la thérapie leur
intelligence et leur goût de l’excellence mais s’avèrent fort sensibles aux
expériences émotionnelles susceptibles d’amoindrir leur estime de soi. La
relation thérapeutique, souvent gratifiante au début, devient rapidement
difficile car ces patients tolèrent mal la frustration. Ils transgressent
volontiers les limites des conventions thérapeutiques et sociales au-dessus
desquelles ils estiment être. Les thérapeutes ont intérêt à utiliser pour euxmêmes les techniques cognitives en vue de maintenir leur estime de soi :
ces patients sont prompts à les dévaloriser après les avoir flattés. Il
convient d’élargir leur registre émotionnel, d’améliorer leur tolérance aux
jugements des autres d’amoindrir les comportements d’exploitation
d’autrui et les abus de substances psychotoxiques.
 Des essais comparatifs en milieu carcéral ont été pratiqués chez les
personnalités antisociales : les thérapies cognitives n’ont été efficaces que
chez les sujets dont les évaluations préliminaires avaient mis en évidence
des signes de dépression (Beck et Freeman, 1990). Le but principal n’est
pas de reconstruire un système moral inexistant, mais de guider le patient
vers des processus cognitifs de plus en plus abstraits, aux antipodes du
système concret habituel visant à obtenir des gains matériels immédiats.
L’apprentissage des conséquences des actions, l’évaluation de leurs
avantages et de leurs inconvénients, l’éducation à un mode de pensée
abstraite visent à éviter le saut immédiat aux conclusions et le recours aux
jugements à l’emporte-pièce caractéristiques de ces personnalités
habituées aux passages à l’acte impulsifs. Le cadre thérapeutique doit être
maintenu strictement en renforçant les indices de coopération tels que la
ponctualité et la participation active aux séances. Chez ces patients
manipulateurs, la thérapie est toujours susceptible d’être disqualifiée ou
dévoyée vers des fins opportunistes si on n’y prenait garde.
 Les personnalités limite (borderline) posent des problèmes techniques très
complexes en raison de leur labilité émotionnelle et de leur aptitude aux
passages à l’acte (Chaine, 1995). Les thérapeutes cognitivistes s’efforcent
de réduire le style de pensée dichotomique, d’augmenter le contrôle
émotionnel et pulsionnel et de renforcer le sentiment d’identité.
Lorsque les personnalités sont anxieuses et inhibées, telles que les personnalités
histrioniques, évitantes, dépendantes et obsessionnelles compulsives, les
interventions thérapeutiques oscillent entre les interventions cognitives et
comportementales.
 Les personnalités histrioniques constituent une indication de choix à
condition d’éviter le renforcement ou le renouvellement des symptômes
par l’attention qu’on leur porte et de surmonter le risque d’ennui auquel
ces personnalités sont sujettes. Il faut aussi savoir couper court au flot des
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confidences et des plaintes, aux chroniques dramatisées de la vie
quotidienne. L’objectif primordial est de leur apprendre à « penser plutôt
qu’éprouver », à passer d’un style cognitif global et impressionniste à un
style précis, attentif aux détails et à stabiliser le schéma central « je dois
être aimé (e) par tous ».
 Chez les personnalités obsessionnelles compulsives, la thérapie cognitive
retrouve à ses débuts un style comportemental : la programmation
d’activités agréables et la transgression programmée, sans anxiété
excessive, des règles perfectionnistes, permettent d’éviter d’ergoter
abstraitement sur les mécanismes cognitifs dysfonctionnels au risque de
voir la thérapie s’enliser. L’établissement d’une hiérarchie d’objectifs,
d’un « continuum » de tâches programmées l’apprentissage des
techniques de solution de problèmes, précèdent l’évaluation des avantages
et inconvénients des comportements perfectionnistes. Les séances doivent
être programmées rigoureusement afin de surmonter les écueils de la
grève du zèle ou de la procrastination
 La relation thérapeutique avec les personnalités dépendantes constitue
une véritable gageure, car elles s’évaluent comme des êtres faibles,
incompétents, qui ne doivent leur salut qu’en recherchant l’aide d’une
autorité protectrice à laquelle elles cherchent à se cramponner et
complaire. La préparation au sevrage thérapeutique doit commencer dès
les premières séances par la mise en évidence des preuves de compétence
et d’autonomie. Le thérapeute doit éviter les pièges de la sollicitude
auxquels les demandes répétées d’assistance le soumettent.
 Les personnalités évitantes présentent un degré de difficulté
supplémentaire car les patients ont tendance à éviter les séances et les
tâches à accomplir chez soi par peur des jugements défavorables de la part
de thérapeute. La relation thérapeutique est très frustrante car les progrès
sont lents, infimes. L’amélioration du contrôle émotionnel est essentielle,
notamment l’accroissement de la tolérance à la dysphorie.
G) Les thérapies comportementales et cognitives de la dépression
C’est entre les années 60 et 70 qu’apparaissent la majorité des modèles
comportementaux et cognitifs de la dépression.
1. Modèles théoriques
 Les premières hypothèses
Dès 1925, apparaissent des expérimentations sur le sujet déprimé maniacodépressif. Les premiers auteurs différencient les phases maniaques des
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dépressives par des perturbations spécifiques des réflexes moteurs et
vasculaires : le réflexe conditionnel est rapidement élaboré dans la phase
maniaque et lentement dans la phase dépressive. En outre, le reflexe
inconditionnel est altérée (Astrup, 1965). Astrup envisage une altération des
structures sous-corticales dans la psychologie maniaco-dépressive.
 Théories reposant sur la notion de renforcement
Par la suite cette notion de renforcement deviendra fondamentale de la
dépression. Cela est illustré par différentes expérimentations animales
(SELIGMAN, 1974. Les chercheurs placent un chien dans une cage
expérimentale qui peut se diviser en deux parties à l’aide d’une cloison. Des
chocs électriques successifs sont envoyés dans le plancher de la cage et le chien
ne peut s’y soustraire en raison des parois. Ensuite la cloison de séparation est
ôtée et le chien peut se soustraire aux chocs électriques en sautant dans la
deuxième partie de la cage. Les auteurs observent que si le chien reçoit en
premier temps des chocs électriques auxquels il ne peut échapper, il y aura plus
de mal à apprendre à se soustraire à ces stimulations aversives qu’un chien naïf
qui n’a pas été soumis au préalable aux chocs inévitables. Il présente une
« impuissance apprise ». Cette réaction se retrouve dans de nombreuses espèces
animales.
Seligman établit des corollaires entre cette réaction de l’animal et la dépression
de l’être humain dont les points communs seraient : lenteur de la réponse,
inhibition de la volonté, inefficacité et découragement.
Dans cette situation particulière, le sujet n’a aucun moyen de contrôler
l’événement aversif et ne reçoit plus de renforcement. Seligman estime que cette
perte de renforcement réduit la motivation et engendre des conséquences
cognitives et émotionnelles. Chez l’homme, les situations d’échec, les
confrontations à des situations insolubles, le décès d’un être aimé les séparations
et le grand âge seraient par exemple des situations sur lesquelles le sujet n’aurait
pas de contrôle et perdrait des renforcements.
Le chien sort de l’état d’impuissance appris quand l’expérimentateur le tire de la
cage pour échapper aux chocs électriques. Seligman postule, pour l’être humain,
qu’il serait possible, en aménageant son environnement, de lui montrer qu’il
pourrait agir efficacement.
Ce modèle animal constitue une référence classique de la dépression qui est
utilisée dans les essais thérapeutiques des antidépresseurs. Différents auteurs
vont élaborer des réflexions à partir de cette notion de renforcement. Burgess, en
1969, pense que les comportements dépressifs seraient maintenus et renforcés
par l’environnement, en particulier par l’entourage familial qui porte une
attention exagérée à l’état thymique de la personne déprimée, essaie de l’aider et
modifie de ce fait son propre comportement. Burgess propose « d’éteindre » le
comportement dépressif en lui portant un minimum d’attention et de le
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demander au patient d’accomplir diverses tâches simples (téléphone, vaisselle,
etc.). Puis de le féliciter pour la moindre tâche accomplie. Pour Lewinsohn et
Hoberman (1969), la dépression survient quand le nombre des agents
renforçateurs diminue, ce qui peut être occasionné par les changements de
conditions de vie (déménagement, hospitalisation). Costello (1972) met au
premier plan l’inefficacité des renforcements plutôt que leur absence.
Lewinsohn, en 1975, propose de distinguer les facteurs prédisposants des
facteurs déclenchants et de maintien de la dépression. Pour Lieberman et Rakin
(1971), les affects dépressifs sont souvent maintenus par l’entourage et peuvent
finir ainsi par devenir chronique. Des programmes de modification du
comportement impliquant les membres de la famille sont proposés après une
analyse fine de la dynamique de groupe afin d’évaluer la possibilité d’un tel
programme.
Ces différentes théories basées sur le renforcement accordent une importance
fondamentale aux exigences extérieures et aux réactions familiales.
 Les Théories cognitives mettent l’accent sur les dysfonctionnements des
activités cognitives du sujet déprimé.
Théorie de Beck :
Dans la théorie de Beck, l’origine présumée de la dépression est un schéma
psychologique qui oriente le traitement de l’information et qui serait stockée en
mémoire à long terme. Le schéma se constitue à partir d’informations
recueillies au cours des expériences passées. Il fonctionnerait de manière
automatique. Chez le déprimé, son contenu est négatif et fait référence à des
notions telles que la perte… Certaines personnes auraient tendance à présenter
plus que d’autres des distorsions négatives sur elles-mêmes, sur le monde
environnant et sur le futur.
Le schéma permet de sélectionner, filtrer et interpréter l’information externe ou
interne donnant un sens dépressif aux événements que vit le sujet. Lorsqu’il est
activé par des événements de vie négatifs, le schéma conduit à des distorsions
cognitives de l’information que reçoit le sujet.
Les distorsions cognitives sont caractérisées par Beck en trois groupes : 1. les
processus majeurs tels que la surgénéralisation, la personnalisation et
l’abstraction sélective, 2. les processus mineurs tels que la maximalisation, la
minimisation et l’inférence arbitraire, et 3. les erreurs logiques telles que le style
dichotomique.
La triade cognitive négative comprenant une opinion négative sur soi-même, un
jugement pessimiste sur le monde extérieur et un point de vue négatif de
l’avenir, s’accompagnent de l’apparition des symptômes de la dépression :
autoreproches, culpabilité (Mirabel-Sarron et Rivière, 1993). L’activation de
cette triade négative se traduira dans le discours du patient ou dans ses images
mentales par le terme de cognition ou de pensée automatique. Ces cognitions,
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directement appréhendable en entretien, seront le matériel de départ d’une
thérapie cognitive conçue à partir de ce modèle théorique de la dépression.
2. Modèles d’intervention thérapeutique
Il s’agit de thérapies structurées de durée brève (douze séances environ réparties
sur trois mois), qui débutent, après définition d’un contrat thérapeutique
précisant, de façon concrète, les objets comportementaux que souhaite atteindre
le patient. Ces objectifs peuvent être : reprendre des tâches ménagères telle que
faire la vaisselle, nettoyer la salle de bain, mettre à jour des papiers
administratifs, reprendre contact avec des amis proches, reprendre des activités
de loisirs délaissées (lecture, musique, promenade…).
Il s’agit de thérapies d’apprentissage où le thérapeute apprend au patient des
stratégies psychologiques afin qu’il les emploie, seul, à distance. Le
déroulement thérapeutique est personnalisé, adapté à l’histoire de l’individu.
 Modèle de Lewinsohn
La thérapie a trois objectifs principaux.
1. changer le contexte environnemental ;
2. apprendre au sujet des stratégies qui lui permettront de mieux gérer les
difficultés relationnelles ;
3. privilégier les situations sources de plaisir et diminuer les sources de déplaisir.
Différents moyens comportementaux et cognitifs seront intégrés dans le contrat
thérapeutique afin d’atteindre ces objectifs par exemple l’apprentissage à la
relaxation, l’entrainement aux habiletés sociales, les techniques d’arrêt de la
pensée, les techniques cognitives selon Ellis ou Beck, la prescription de
tâches… Ces différentes techniques sont développées au cours de la thérapie en
cinq étapes.
1. Aider le patient à diminuer la teneur aversive de certaines situations :
- Dès la première séance, apprentissage à la relaxation ;
- Gestion des situations aversives.
2. Etape d’apprentissage aux techniques d’habilités sociales dont le but est de
rendre le sujet plus assertif et de lui faire acquérir un style relationnel ;
3. L’étape cognitive a pour but d’identifier les pensées, de distinguer les pensées
négatives des positives de connaître les pensées destructrices et les pensées
constructives, puis les pensées utiles et inutiles. Les techniques cognitives
utilisées sont variées, allant de l’arrêt de la pensée à la décentralisation.
4. L’étape d’apprentissage de la gestion du temps et des activités. Le patient
apprend à prendre la responsabilité de libérer du temps pour effectuer des
activités plaisantes pour lui et pour planifier ces activités.
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5. Augmentation du taux des activités plaisantes en distinguant les activités qui
sont sources de plaisir de celles qui doivent être faites ; rédaction d’emploi du
temps pour une journée.
Ce programme est présenté au patient dès la première séance comme éducatif et
permettant d’acquérir des stratégies de résolution de problèmes et de gestion du
stress.
 Modèles d’Ellis et de Becs
« Thérapie rationnelle émotive » pour Ellis et « thérapie cognitive » pour Beck,
avant de préciser leurs différences.
Le but de la thérapie est d’expliciter les contenus de pensée du sujet déprimé,
puis d’identifier le schéma cognitif pour le modifier ensuite. Que l’on aborde les
cognitions, les processus et les schémas, le travail psychologique consistera en
une identification, une évaluation puis une modification des dysfonctionnements
repérés.
La thérapie comporte trois étapes principales.
1. L’identification des cognitions : cet apprentissage sera de durée variable selon
le sujet. Quand cette indentification devient facile, l’étape suivante peut être
absorbée.
2. l’apprentissage aux techniques de « décentration » par l’analyse des
situations émotionnellement pénibles s’effectuera par la recherche de tous les
modes de représentations possibles de la situation. Cette démarche répétée
permet de repérer les processus cognitifs spécifiques utilisés par le sujet.
3. L’identification du schéma cognitif est réalisée par formulations successives
puis mise à l’épreuve de la réalité.
Le travail de critique et de mise à distance du schéma s’effectue souvent au
cours des mois qui suivent la thérapie cognitive. Ce programme thérapeutique
est présenté au patient dès la première séance et est complété par la lecture d’un
ouvrage qui illustre la démarche thérapeutique. Le but éducatif et
d’apprentissage à des techniques psychologiques est particulièrement présent. Il
s’agit d’un moyen thérapeutique qui permet de mieux gérer des situations qui
étaient émotionnellement insupportables.
3. Indications
L’indication princeps des thérapies comportementales et cognitives fut l’état
dépressif réactionnel d’apparition récente, ainsi que les dépressions chroniques
et/ou résistantes aux antidépresseurs. Aujourd’hui les indications ont été élargies
aux troubles dysthymiques tout en respectant les contre-indications classiques :
les états mélancoliques et les dépressions des patients schizophrènes. Les
dépressions de la psychose maniaco-dépressive bipolaire bénéficient d’une
technique récente.
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4. Illustration clinique
Mme D. a 35 ans, est mariée, mère de famille, en arrêt de travail pour
dépression. Elle a présenté un épisode dépressif plus de 10 ans auparavant. Le 2°
épisode survient après des difficultés familiales et professionnelles. Elle se
demande si une séparation d’avec son conjoint ne serait pas une solution et si un
changement professionnel ne l’aiderait pas. Un ttmt antidépresseur est poursuivi.
L’état dépressif est modérément intense. Les 3 premiers entretiens ont pour but
de recueillir l’anamnèse de la patiente. Elle n’a aucun ATCD personnel en
dehors du premier épisode dépressif survenu dans un contexte de déception
sentimentale. Ce premier épisode a été traité et a donné lieu à plusieurs
entretiens avec un psychologue. Il n’y a pas d’ATCD familiaux. La patiente suit
par ailleurs une psychothérapie depuis 5 ans, à raison d’un entretien par
semaine.
Les 2° et 3° entretiens permettent d’approfondir l’anamnèse par les dimensions
comportementales et cognitives et par la passation d’échelles. Certaines de ces
échelles permettront de mesurer le changement opérant au cours de la thérapie,
d’autres sont de véritables stratégies thérapeutiques comme l’échelle de Beck,
souvent utilisée à cet effet.
Les scores :
- BDI : 17, 11, 12, 5
-échelle d’Hamilton pour la dépression : 17, 15, 13, 7
Le 3° entretien définit en collaboration avec le patient les objectifs de la
thérapie, qui sont pour Mme D les suivants :
-amélioration de sa communication avec ses collègues de travail (elle a tendance
à s’isoler) ;
-reprise d’activités sportives délaissées depuis plusieurs mois (gymnastique,
natation).
-faire la connaissance de nouvelles personnes (son entourage est très réduit, elle
n’a plus donné de ses nouvelles et souhaite pouvoir élargir ses connaissances).
Le quatrième entretien marque le début de la thérapie.
Au cours de toute la thérapie, la thérapeute adoptera un style particulier. Une
attitude chaleureuse, empathique et sincère est souhaitée comme dans toute
approche psychologique, mais de plus il effectuera de nombreuses
reformulations (qui augmenteront les capacité d’apprentissage et favoriseront la
mémorisation des stratégies par le patient) il abordera à chaque séance une
situation particulière, qui sera analysée par une démarche progressive
hypothético-déductive, et son style verbal utilisera essentiellement un
questionnement qui permettra au patient de progresser dans l’analyse de chaque
situation. Entre chaque séance, le thérapeute définira des tâches à effectuer se
rapportant au thème analysé.
La première étape de la thérapie a duré quatre séances jusqu’à ce que la patiente
identifie facilement le discourt intérieur qu’elle se tenait dans des situations
émotionnellement difficiles telles que celles décrites ci-dessous.
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a. La patiente parle d’un sujet important à son mari sur l’éducation de leur fils ;
son mari reste plongé dans son livre et ne répond pas ; l’émotion ressentie est
une grande tristesse et un sentiment de solitude ; la pensée qui survient alors est
« je n’ai jamais été entendue des hommes ».
b. Un autre jour, elle note : des amis sont venus nous rendre visite au cours du
week-end, mon mari a fait une remarque humoristique sur mon apathie
(remarque qu’elle ne trouve pas drôle), l’émotion ressentie est tristesse et colère,
la pensée est alors « je n’ai rien de commun avec ces gens ».
c. Ou encore son mari l’accompagne en voiture pour acheter des vêtements pour
son enfant : il attend dans la voiture : elle regarde son mari : elle n’arrive pas à
se décider : elle sort du magasin pensant : « je ne partagerai jamais rien avec
lui ».
La deuxième étape de la thérapie apprend à la patiente à analyser chacune des
situations pénibles. La patiente s’aperçoit que la grande majorité des situations
émotionnellement difficiles ont en commun sa relation avec les autres : amis,
mari, enfant, où elle se sent seule, incomprise, comme si toute la charge de la
famille reposait sur elle. Elle apprend à rechercher les autres représentations
possibles de la situation qui est vécue péniblement. Citons par exemple : « je ne
peux exprimer à mon mari ce que je ressens » je ne peux demander aux autres de
m’aider », « je ne peux dire ce que j’ai envie de faire ».
Puis elle se rend compte, à partir de plusieurs exemples, qu’elle utilise
quasiment toujours un processus de « surgénéralisation » qui lui fait tirer une
conclusion générale de l’expérience ponctuelle vécue. Elle constate que cette
généralisation abusive des conclusions tirées d’un seul exemple a contribué à
son isolement social et familial. En réactivant, petit à petit, les autres modes de
représentation, le processus de « surgénéralisation » diminue.
La troisième partie de la thérapie, consacrée à l’identification du schéma, est
travaillée en recherchant le dénominateur commun de toutes les cognitions
relevées de semaine en semaine sur un carnet qu’elle conserve avec elle. C’est la
dixième séance de thérapie où une vingtaine de cognitions sont rassemblées sur
une même liste indépendamment des contextes de survenue.
L’identification du schéma considéré comme l’hypothèse de travail est obtenue
à la quinzième séance. La patiente sera revue ensuite pendant un an au cours
d’entretiens espacés. Ce temps permet d’observer l’utilisation des stratégies
psychologiques apprises et de critiquer l’impérialisme du schéma qui rigidifiait
le traitement de l’information perçue.
En fin de thérapie, observons quels objectifs la patiente a pu atteindre : Elle a pu
reprendre son travail à temps partiel et consacré quelques moments à ses
collègues de bureau, pour boire un café, par exemple, ou aller déjeuner. Elle a
pu choisir les moments où voir des amis et améliorer l’expression de ses pensées
en prenant le risque d’être ridicule ou inintéressante, comme elle le redoutait.
Elle a amélioré sa communication avec son fils et réduit son agressivité à son
égard. Elle arrive à mieux cerner les situations de communication avec son mari
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et à ne pas toutes les confondre, ni les confondre, ni les confondre avec d’autres
situations antérieures de sa vie, qui l’empêchaient de poursuivre la discussion.
Conclusion :
D’autres approches plus spécifiques se font jour ou sont plus ou moins à la
mode. Ainsi, le courant de la réhabilitation sociale depuis quelques années prend
une place grandissante dans le traitement de la psychose et plus particulièrement
de la schizophrénie (groupes psychoéducatifs, entraînements aux habiletés
sociales, remédiation cognitive etc…) surtout dans l’objectif d’étayer une
réinsertion socio-professionnelle du patient.
On pourra également citer les applications dans l’autisme mais aussi la gestion
du stress au travail (courant des troubles psychosociaux basés sur le modèle du
stress. Légeron.) mais aussi les thérapies de groupe (alcoolo-dépendants…), la
prise en charge de la douleur (comme dans le cas des TMS. Citons par exemple
le programme de Restauration Fonctionnelle du Rachis) ou encore la pratique du
coaching en entreprise… La liste non exhaustive serait beaucoup trop longue !
Transition : Basée sur des signes observables à supprimer, ces techniques sont
beaucoup plus évaluables que les applications thérapeutiques de la
psychanalyse. Les cadres d’évaluation ne sont pas les mêmes et ne peuvent pas
être les mêmes car comme nous allons le voir un peu plus tard, la psychanalyse
s’appuie sur une représentation radicalement différente de l’homme et de son
corps.
L’approche développementale trouvera ici sa place, intermédiaire entre ces deux
grands modèles que sont l’organicisme (que nous venons de traiter) et le
mentalisme auquel appartient selon moi la psychanalyse.
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