Gérald Delelis & Caroline Desombre ((Univ. Lille Nord de France, UDL3 – URECA – EA 1059) Titre du symposium : Surdité : regards croisés sur un handicap invisible encore peu exploré Mots-clefs : surdité, handicap, qualité de vie, problématiques La surdité est un handicap invisible pour lequel les problématiques sont nombreuses, et ce, à des niveaux multiples. Dans ce symposium, sans prétendre à l’exhaustivité, professionnels et/ou chercheurs se proposent de présenter et de discuter plusieurs de ces problématiques. Il sera d’abord montré ou rappelé que la surdité affecte clairement les individus et leur entourage tant dans leur vie au quotidien (vie pratique, vie scolaire ou professionnelle) que dans leurs interactions avec autrui puis les communications constituant ce symposium seront introduites. « Etre sourd » renvoie d’abord à un étiquetage – médical, psychologique mais aussi social. Cette appartenance catégorielle aux frontières faiblement perméables, d’autant plus flottantes que, précisément sa visibilité immédiate est faible, pose en premier lieu la question de sa reconnaissance sociale puis en second lieu celle des stéréotypes communément associés à ce handicap avec en continuité immédiate la problématique de l’inclusion sociale des personnes sourdes et des valeurs attribuées à celles-ci en termes d’utilité sociale – compétences, autonomie, capacités relationnelles. Cet aspect sera développé dans le cadre d’une première communication. L’aide au développement des jeunes sourds fait l’objet d’un travail conséquent, tant pédagogique, psychologique ou médical que d’accompagnement individuel dans une vie relationnelle et socio-professionnelle en construction ou encore à construire. Les difficultés rencontrées et les outils utilisés en retour feront l’objet de la deuxième communication. La surdité peut dans certains cas être acquise et, dès lors, la question hautement pratique du point de vue du suivi psychologique et médical se pose également quant au vécu des personnes devenant sourdes, au repérage des symptomatologies anxieuse et dépressive entre autres et aux mises en œuvre thérapeutiques souhaitables. La troisième communication propose de débattre des effets de l’implantation cochléaire sur des individus adultes devenus sourds. La quatrième communication sera relative aux enfants entendants de parents sourds. De fait, il existe une véritable communauté sourde se distinguant par l’usage d’une communication spécifique, la langue des signes. A la frontière entre la communauté sourde et celle des « entendants » se trouvent parfois des enfants, individus en développement. Ceux-ci lorsqu’ils sont entendants dans une famille sourde peuvent, certes jouer le rôle d’intermédiaires culturels, mais aussi et surtout présenter des troubles psychiques, notamment en termes d’identité. Des résultats seront présentés en ce sens. Une discussion clôturera le symposium en insistant notamment sur les thématiques et problématiques actuelles en matière de recherche sur le bien-être des personnes sourdes. ___________ 1. Souad Anegmar & Annick Durand-Delvigne (Univ. Lille Nord de France, UDL3 – Psitec, EA 4072) Titre : Stéréotypes et surdité en milieu scolaire. Etude exploratoire de l’impact du mode de communication de l’élève sourd Mots-clefs : surdité, école, stéréotypes La situation de handicap est envisagée comme l’interaction de facteurs personnels et environnementaux (Ravaud, 1999). Ainsi, le regard porté sur la personne en situation de handicap est susceptible de renforcer son état. Les stéréotypes peuvent dépendre en partie de la visibilité ou non du stigmate. La surdité, handicap de la communication invisible, demeure l’un des handicaps les moins étudiés. En milieu scolaire, les élèves ayant une déficience auditive ou visuelle déclarent subir plus d’injustices que les personnes présentant un handicap moteur (INSEE, 2011). L’oralisation et la Langue des Signes Française (LSF) constituent les deux principaux modes de communication des sourds. Cette recherche vise à explorer l’impact du mode de communication sur les stéréotypes exprimés par des personnes valides à l’égard d’un élève sourd. Cent vingt participants (60 étudiants et 60 professionnels de santé) ont décrit ce que la majorité des gens pense à propos d’un collégien sourd, d’un collégien sourd communiquant avec la LSF ou d’un collégien valide à partir d’une brève présentation de l’élève. Les participants répondaient à une question ouverte suivie de 24 items mesurant trois dimensions – relations sociales, compétence et autonomie – et enfin, dix items de personnalité contrastés sur la dimension d’utilité sociale. Une étude complémentaire a porté sur la méthode de communication orale. Les principaux résultats de ces deux études indiquent que la perception de l’élève sourd, quel que soit son mode de communication, se différencie de celle de l’élève valide sur les dimensions relations sociales, compétence et autonomie. Par exemple, un réseau d’amis important est davantage attribué à l’élève valide (M = 5.40) qu’à l’élève sourd, quel que soit son mode de communication (M = 4.24), F(1, 114) =18.56, p<.0001. Globalement, nous relevons une perception de relations sociales, de compétence et d’autonomie plus faible pour l’élève sourd comparativement à son pair valide. De plus, l’analyse des items de personnalité suggère une utilité sociale plus faible attribuée à l’élève sourd comparativement à son pair valide. Ces résultats suggèrent que le mode de communication ne modifierait pas les stéréotypes de l’élève sourd. Références bibliographiques INSEE (2011). Les discriminations liées au handicap et à la santé. Division Enquêtes et études démographiques. Ravaud, J.-F.(1999). Modèle individuel, modèle médical, modèle social : la question du sujet. Handicap, 81,64-75. ___________ 2. Pablito Sanchez (Centre d’Education pour Jeunes Sourds – CEJS Arras) Titre : L'accompagnement éducatif et social des jeunes sourds Mots-clefs : surdité, éducation, accompagnement Cette communication vise à présenter les mises en œuvre effectives dans l’accompagnement éducatif et social des jeunes sourds. Le CEJS d’Arras accueille près de 300 jeunes sourds et mal- entendants (de jeunes enfants tout comme des adolescents et jeunes adultes) qui sont accompagnés par une équipe pluridisciplinaire (éducateurs, enseignants, psychologues, médecins, professionnels), ceci, en collaboration avec les familles. Un accent particulier est mis au quotidien, d’abord sur les relations sociales et la communication, ensuite sur l’inclusion sociale – l’insertion sociale et professionnelle de ces jeunes. Les relations sociales et la communication font l’objet d’un investissement important et/mais nécessaire de la part du personnel dans la mesure où celles-ci permettent aux jeunes sourds de développer peu à peu leurs capacités en dépit de leur handicap. Il s’agit de les aider à réinvestir les acquisitions langagières, à apprendre et utiliser des moyens de communication adaptés – aides à la communication orale, Langue des Signes Française [LSF]. Un gros travail est réalisé sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes sourds gràce à un suivi personnalisé et à des partenaires extérieurs. Cette dernière étape de l’accompagnement s’effectue en trois temps à l’approche de la vie adulte : autour de la majorité, avec une sensibilisation aux responsabilités des adultes, un travail sur les orientations possibles et une préparation aux règles du monde du travail ; un an avant la sortie du centre, avec une préparation renforcée à l’autonomie par, notamment, des rencontres ou des mises en situation ; après la sortie, par des échanges autour de la recherche d’emploi et un suivi personnalisé. Les difficultés rencontrées dans l’accompagnement et l’encadrement quotidien de ces jeunes seront présentées ; de même, les outils employés au jour le jour (par exemple inclusion sociale par le sport ou l’art – tout en conservant un environnement structurant et sécurisant) et actions réalisées (par exemple activités collectives pédagogiques, ludiques ou manuelles, en internat ou non) seront explicités. Enfin, en guise de conclusion de cette communication et d’illustration précise du travail mené avec ces jeunes, une étude de cas sera présentée. Nous développerons ainsi pour terminer le travail éducatif réalisé autour de l’atelier théâtre « Paroles de femmes » en partenariat avec le théâtre Pharos d’Arras. ___________ Emmanuelle Ouhallab (Université Paris 8 et Institut de Réhabilitation de l'Audition et de la Parole, Ronchin) Titre : Surdité et implant cochléaire : quels seront les impacts sur le plan psychologique ? Mots clés : souffrance psychologique, surdité, implant cochléaire Quelles difficultés psychologiques rencontrent les adultes devenus sourds avant et après leur implantation cochléaire ? La perte auditive, engendre de nombreuses répercussions psychologiques. La littérature anglo-saxonne pointe entre autres des états dépressifs, anxieux, la présence de traits paranoïaques et un isolement social accru. La réhabilitation auditive, et plus particulièrement au travers de l'implantation cochléaire, peut engendrer des améliorations sur le plan psychologique. Dans cette étude, nous répertorions les difficultés psychologiques rencontrées par des adultes devenus sourds, avant et après l'implantation cochléaire et nous détaillons les moyens déployés pour faire face à cette souffrance. Dans une perspective qualitative et quantitative, nous avons interrogé 54 adultes devenus sourds déjà opérés, à l'aide d'un questionnaire que nous avons élaboré. L'âge moyen des participants est de 55 ans, avec des écarts allant de 25 à 81 ans. En parallèle, nous avons mené des entretiens auprès de trois femmes devenues sourdes. Avant l'opération chirurgicale, nous retrouvons la présence d'états dépressifs, anxieux, des manifestations agressives et une tendance à la persécution, des illusions auditives et visuelles et un isolement social conséquent. Après l'opération, ces manifestations auraient tendance à diminuer dans 80% des cas. Néanmoins, 29% des personnes interrogées ont reçu un traitement pharmacologique pour faire face à leurs difficultés psychologiques. Les résultats que nous obtenons sont comparables à ceux présentés dans la littérature anglo-saxonne, et ce, avant comme après l'intervention chirurgicale. Ces changements sont dus à la restauration de la communication, tant sur le plan qualitatif que sur le plan quantitatif. L'amélioration de la communication observée chez 50% des personnes interrogées est devenue le facteur déterminant de l'amélioration de la qualité de vie (Zao et al, 2008). De sorte qu'un auto-renforcement va voir le jour : la personne va communiquer de plus en plus, ce contribuera peu à peu à la sortir de son isolement social. Cette confiance en soi et dans l'autre, fortifiée, va réduire l'état dépressif et l'anxiété liés à la surdité. De façon générale, la réhabilitation médicale de l'audition occasionne une amélioration de l'état psychologique du sourd, à condition que la souffrance psychologique soit la conséquence de la surdité. ___________ 4. Laurent Sparrow (Univ. Lille Nord de France, UDL3- URECA – EA 1059) & Sophie Petillat (Univ. Lille Nord de France, UDL3 – STL) Titre : Les Enfants Entendants de Parents Sourds (EEPS) Mots-clefs : enfants entendants, parents sourds, qualité de vie Sur le plan médical, la surdité est un handicap, mais des recherches sociologiques indiquent l’existence d’une communauté sourde dont la spécificité ne serait pas de ne pas entendre, mais plutôt le fait d’utiliser un langage spécifique visuo-gestuel. Les sourds profonds pré-linguaux, n’ayant jamais perçu les sons et dont la langue maternelle est une langue signée, se considèrent plutôt comme appartenant à une communauté disposant de sa propre langue, de sa propre culture et qui vit différemment des entendants. De nombreux problèmes apparaissent néanmoins lorsque les sourds doivent communiquer avec les entendants. C’est ce qui se produit lorsque des parents entendants donnent naissance à un enfant sourd. Dans ce cas, la surdité peut avoir un effet dévastateur sur le développement du langage, ce qui entrainera d’importantes difficultés de communication et, par enchaînement, des déficits importants dans le développement cognitif, affectif et psychosocial. Cet impact de la surdité a fait l’objet de nombreuses études. Toutefois, l’autre cas de figure, où les parents sourds donnent naissance à un enfant entendant est, quant à lui, beaucoup moins exploré. Cette situation pose pourtant des problèmes très particuliers et son étude constitue un intérêt à la fois pratique et théorique : pratique car quelques précautions simples à mettre en œuvre permettraient d’améliorer grandement le bien-être de ces populations ; théorique car des enfants entendants élevés par des parents signeurs babillent silencieusement avec leurs mains tout en développant un langage oral normal. L’étude de cette double compétence a permis de développer des hypothèses innovantes sur le développement du langage qui montrent en particulier que le développement d’une langue maternelle signée et en tout point identique au développement d’une langue maternelle orale et que ces enfants acquièrent les deux langues, signée et orale, sans problèmes particuliers. Nous proposons d’exposer les résultats d’une étude concernant six adultes entendants nés de parents sourds profonds et réalisée à partir d’entretiens et de tests psychométriques de personnalité. Il ressort que le rôle d’intermédiaire culturel que ces enfants doivent remplir très tôt pose question au sein de la cellule familiale et que la confrontation avec le monde extérieur soulève des problèmes d’identité. On observe aussi une nette tendance à la dépression, ainsi qu’une augmentation de l’anxiété. En revanche, le développement du langage n’est pas impacté à la fois dans la modalité orale et écrite.