La surdité

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I. Introduction
Définition : la surdité est une diminution partielle uni ou bilatérale de l’acuité
auditive par opposition à une cophose qui est la perte totale.
La surdité est un trouble sensoriel. Elle va inévitablement mettre en jeu des
considérations de nature sensorielle, mais aussi neurologique, psycholinguistique,
cognitive, éducative, socio-économique et culturelle.
1) Pavillon - 2) Conduit auditif externe - 3) Tympan - 4) Chaîne ossiculaire :
a) Marteau b) Enclume C) Étrier - 5) Caisse du tympan - 6) Trompe d'Eustache - 7)
Cochlée (organe de l'audition) - 8) Organe de Corti contenant les cellules ciliées
internes et externes - 9) Nerf auditif : nerf cochléaire et vestibulaire - 10) Appareil
vestibulaire (organe de l'équilibration).
Il existe différents types de surdité.
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II. Classification des surdités
perception de la parole
et conséquences sur la
L’audition et le développement du langage sont intimement liés. L’influence d’une
perte de l’audition sur l’acquisition du langage et sur la production vocale dépend,
dans une large mesure, du degré des déficits.
- Audition normale ou sub-normale (p < 20dB)
Le sujet n’éprouve pas de difficulté de perception sonore et cette perte n’a pas
d’incidence au niveau social.
-
Déficience auditive légère (20dB < p < 40dB)
La parole est perçue dans les échanges habituels et à l’école. On n’observe pas de
perturbation significative du langage (sauf parfois des troubles de l’articulation).
Il n’y a pas de perturbation dans les relations sociales. Cependant, cette perte a
des retentissements sur la compréhension de la voix chuchotée et sur la
perception de sons lointains.
- Déficience auditive moyenne (40dB < 70dB)
Le langage n’est perçu que s’il est émis à forte intensité. Il faut élever la voix. La
personne comprend mieux en regardant parler les gens (lecture labiale, voire
lecture faciale). À partir d’une perte de 50dB, la voix et l’articulation sont
défectueuses parce qu’il y a des difficultés pour l’autocontrôle de l’intensité, de
la mélodie, du rythme et du timbre de la production de la voix.
Quand on parle, on entend ce qu’on dit et l’information est transmise à notre
cerveau, ce qui nous permet d’ajuster nos productions. C’est la boucle auditivoverbale.
L’enfant atteint de déficience auditive moyenne éprouvera donc des difficultés à
entendre la parole à intensité normale, ce qui induit déjà un handicap social.
- Déficience auditive sévère (70dB < p < 90dB)
La parole est perçue à voix forte près de l’oreille. Les bruits forts sont perçus,
quelques mots sont dégagés grâce à la lecture labiale spontanée. L’enfant ne
parle pratiquement pas. Il émet quelques bruits compréhensibles par l’entourage
proche.
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- Déficience auditive profonde (p > 90dB)
Il n’y a aucune perception de la parole. Seuls les bruits très puissants sont
perçus. L’enfant éprouve de très grandes difficultés à entendre une voix même
très amplifiée. Des informations parviennent à l’enfant grâce aux vibrations.
Après, c’est l’acophose, qui est la perte totale de l’audition.
Il n’est pas obligatoire que les deux oreilles soient atteintes de la même façon.
III. Historique
Pendant très longtemps, on a associé sourd et muet, quite à dire même sourdmuet. La raison principale est que dans la philosophie classique, parole et pensée
étaient liées. Platon disait : « la parole vocale est le lieu privilégié de la pensée ».
Logos voulait dire à la fois parole et pensée.
 L’antiquité
La pers et l’Égypte sont les seuls à considérer les sourds comme des personnes à
part entière. En Gaule, on les sacrifiait. À Sparte, on les jetait du haut d’une
falaise. À Athènes et à Rome, les lois étaient aussi féroces pour les surdités
même acquises. Les personnes sourdes sont reléguées dans la catégorie des fous.
Il faudra attendre le 5ème siècle à Rome, pour que les personnes sourdes
acquises soient relevées de leurs interdictions. Aristote déclare que le sourdmuet et incapable de s’élever aux notions morales et abstraites. L’oreille est
l’organe de l’éducation. Un sourd-muet de naissance est considéré comme idiot, il
est frappé de malédiction, privé de droits civiques et de l’accès à la connaissance.
 Le Moyen-Âge
On retrouve quelques témoignages de rééducations individuelles. Au 15ème siècle,
on a des écrits de Agricola qui raconte avoir vu un sourd de naissance qui
exprimait par écrit toutes ses pensées comme s’il avait eu l’usage de la parole.
 Les temps modernes
1. L’oralisme à l’honneur
En 1620, Bonet publie un livre d’enseignement de la rééducation des sourdsmuets. La méthode reposait sur l’imitation des organes buco-phonatoires dans
l’émission de la parole, sur la lecture des mouvements de lèvres pour la
compréhension et sur un alphabet gestuel qui consiste à représenter chaque
lettre par un signe de la main (alphabet dactylologique). Il est aussi utilisé pour
épeler.
2. Le langage gestuel
Les enfant d’une certaine classe sociale uniquement vont être rééduqués (on ne
parle pas des enfants sourds dans les milieux moins favorisés). Cette
rééducation se fait sous forme de cours individuels et non collectifs.
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Dans la deuxième moitié du 18ème siècle, l’Abbé de l’épée ouvre à Paris la
première classe gratuite pour enfants sourds. Il consacre sa vie à l’apprentissage
de la parole individuellement et aussi à un langage collectif qu’il a inventé : le
langage des signes méthodiques ou langage gestuel. Il s’agit d’un nouveau mode de
communication ou chaque geste représente un mot, une phrase ou même une idée.
Il existe toujours une ségrégation forte entre sourds et entendants.
3. Débat oralisme vs langage gestuel
En 1980 a eu lieu un congrès à Milan où la décision a été prise d’interdire aux
enfants sourds d’utiliser le langage gestuel, c'est-à-dire que la priorité était
donnée au langage oral.
Dans les débuts du 20ème siècle sont apparues les premières prothèses auditives
et en 1925 apparaissent les orthophonistes.
Ça ne fait pas si longtemps que ça que la langue des signes est reconnue et
officialisée puisque c’est seulement depuis septembre 1986.
La langue gestuelle est la seule ou les personnes sourdes ne soient pas
handicapées car c’est une langue visuelle.
Il y a encore beaucoup d’acharnement pour favoriser la langue orale : on essaie
de faire parler les enfants sourds. Cet acharnement à vouloir faire parler vient
du fait que la surdité est un handicap que l’on partage (contrairement à la cécité
ou à la paralysie) On ne peut pas entendre à la place d’une personne sourde.
Devant un sourd, on devient sourd.
Ajuriaguerra a dit : « l’enfant atteint de surdité n’est pas comme un aveugle qui
est vu bien qu’il ne voit pas. Le sourd lui n’entend pas mais il n’est pas entendu ».
Le sourd et l’entendant sont dans un handicap partagé. Il est difficile pour un
entendant d’avoir une vision de l’enfant sourd.
Le handicap s’impose à la personne entendante, et il n’y a qu’un pas à franchir
pour un rejet d’une situation au rejet de la personne responsable de cette
situation. Il y a souvent fuite en raison de problèmes de compréhension.
On fait tout comme si l’enfant sourd allait devenir entendant. L’enfant va être
élevé dans la négation de son handicap et on va lui demander de se comporter
comme un enfant entendant.
À l’heure actuelle, on essaie au maximum de laisser les enfants malentendants
dans leur milieu familial et non dans des écoles spécialisées ou en internat. Il
existe la guidance parental qui permet aux parents d’être accompagnés pour leur
vie avec leur enfant. Ils bénéficient d’écoute, de soutien et de suivi. La guidance
parentale est présente dans de nombreuses pathologies (trisomie, autisme, etc.).
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IV. Le développement du langage d’un enfant atteint d’une
surdité sévère ou profonde pendant la période du prélangage
- Stade des vocalisations (0-2 mois)
Lenneberg et ses collaborateurs, en 1965, ont analysé les vocalisations de bébés
malentendants : dix bébés de parents entendants et six de parents sourds. La
quantité de vocalisation émise pendant le premier trimestre de vie n’est pas
apparue significativement différente lors de la comparaison des deux groupes.
D’autres études, en 1971, ont montré que les réflexes phonatoires innés des
enfants sourds (cris, plaintes, etc.) n’étaient pas différents de ceux des enfants
entendants.
- Stade de production des syllabes archaïques (1-4 mois)
Tous les enfants sourd, quelle que soit l’importance de la perte auditive
produisent des sons selon un répertoire stéréotypé. On a des courbes mélodiques
qui ne sont pas variées et la durée des productions reste courte.
Vinter (spécialiste des enfants sourds) note qu’elle n’a jamais observé de jasis
solitaires chez l’enfant sourd profond.
Il faut insister à ce stade sur l’importance des interactions et l’existence d’un
lien fonctionnel entre la fixation visuelle du nourrisson et la vocalisation de la
mère qui reste primordiale. Ce renforcement social accroît les productions
vocales. L’enfant est plus bavard face à un adulte qui parle que lorsqu’il est
silencieux et ses émissions sont particulièrement modulées quand c’est un de ses
parents en face de lui.
- Stade de babillage rudimentaire et canonique (3-8/5-10 mois)
Le babillage rudimentaire est caractérisé par l’apparition des premières formes
syllabiques. À âge égal, les enfants sourds se révèlent avoir un répertoire moins
varié et moins étendu. Alors que les enfants entendants produisent des syllabes
canoniques en moyenne à 7 mois et toujours avant 11 mois, la production des
structures syllabiques est intimement liée à l’importance de la surdité.
 Perte de 90dB : apparition de ces structures autour de 15 mois
 Perte de 100dB : apparition de ces structures autour de 25 mois
 Perte de 110dB : apparition de ces structures autour de 30 mois
 Perte supérieure à 110dB : pas de babillage canonique
S’il n’y a pas de babillage canonique, le langage verbal ne se mettra pas en place.
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Les productions de l’enfant sourd sont non seulement retardées mais elles sont
aussi déviantes (elles ne sont jamais observées chez l’enfant entendant). Outre
l’absence d’informations acoustiques, le manque de retour auditif affecterait le
contrôle des mouvements articulatoires d’où les articulations imprécises et
déviantes.
- Développement proprement verbal
Chez l’enfant à déficience auditive sévère ou profonde, il n’y a pas de
développement spontané du langage en l’absence des aides techniques (prothèse)
et de l’intervention orthophonique. Globalement, les caractéristiques temporelles
de la parole sont anormales avec des durées allongées.
Il y a des perturbations de l’intensité, la voix est démesurément forte avec des
extrêmes graves ou aigus. Le timbre va présenter toute sorte de déformations
(nasolement, voix rauques, voix gutturales, voix étouffées…).
Au niveau de l’articulation, celle-ci est altérée de plusieurs manières : sons
parasites, confusion sourde/sonore, déplacement du point d’articulation
essentiellement pour les phonèmes postérieurs qui ne sont pas visibles.
Au niveau du vocabulaire, les enfants vont mettre beaucoup plus de temps pour
passer d’un à dix mots. Dix mois sont nécessaires pour cela, contre un mois pour
les enfants entendants. De même, la combinaison de deux mots se produit vers
30 mois, contre 18 mois. La compréhension du vocabulaire subit également des
déficits notables.
V. Les compétences communicatives
Il semble de l’enfant sourd puisse bénéficier de la qualité des premiers échanges
avec la maman. Il développe comme tout autre enfant ses compétences
linguistiques à l’intérieur des jeux ritualisés et au cours d’activités basées sur le
partage de l’attention conjointe.
Même si le son de la voix de sa maman ne lui parvient pas, l’enfant capte le
regard, les mimiques, les gestes, les mouvements corporels. La vue à ce moment
là est très importante dans la communication extra-verbale. Hammar, en 1980,
dit : « dans la mesure où la vision joue un si grand rôle dans l’interaction au cours
de la première année, l’enfant sourd n’est pas réellement handicapé à cet âge de
sa vie ».
Sans dépistage par un médecin, la maman ne s’inquiètera que vers un an. La
découverte de la surdité entraîne très fréquemment une rupture dans la relation
mère-enfant. L’enfant n’est plus considéré comme un enfant mais comme un
sourd-muet. (« à quoi bon lui parler puisqu’il n’entend pas »).
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La maman et l’entourage perdent la faculté d’interagir avec l’enfant. L’importance
donnée à la communication verbale fait disparaître la communication extraverbale avec sa spontanéité et sa richesse. Ça peut être extrêmement
perturbant pour l’enfant.
VI. Le nouveau-né et la langue des signes
Cela concerne les enfants sourds nés dans des familles avec des parents sourds.
Les différentes études ont montré que comme les enfants entendants, les
enfants sourds bénéficient d’une forme de LAE, la principale différence étant
que ce LAE et signé. Les signes sont exagérés, dans un espace souvent plus
ouvert que celui utilisé pour les signes destinés aux adultes. Ces bébés vont
passer par un stade de babil qui se déroule sur un mode manuel, c'est-à-dire
qu’ils vont essayer un grand nombre de formes de mains et ce nombre de formes
va progressivement se réduire jusqu’à ne garder que les formes existant dans la
langue des signes maternelle.
Ensuite, il y a production de mots isolés, et il y a, comme pour les enfants
entendants, une période où le vocabulaire semble exploser. Ensuite, il y a
combinaison de deux mots, puis enfin des séries de signes représentant une
structure et un contenu grammatical de plus en plus complexe.
Le schéma d’ensemble développement est tout à fait similaire à celui de l’enfant
entendant. Il semble que les signes émergent un peu plus tôt que les mots même
si sur le long terme, cette différence ne sera pas significative. Les parents
sourds ont tendance à assigner une signification au babil gestuel. La valeur
donnée à la gestuelle pré-linguistique est plus importante que celle accordée au
babil oral.
La seule différence tient au fait que la langue des signes est une langue produite
manuellement et non vocalement.
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