PSAUME LXXXIX 1 2 Cantiquea d’Étan l’Ezrahite. Tes bontésb, Jéhovah, je veux [les] chanter toujoursc, de ma bouche je veux déclarer ta constance, de génération en génération. 3 Car tu as ditd : « Ma bontée est bâtie pour toujours, ma constancef est placée dans les cieux. 4 Avec mon élu, j’ai conclu une alliance ; j’ai fait un sermentg avec David mon serviteur : 5 ‘J’affermirai ta descendance pour toujours, et je bâtirai ton trône de génération en génération.’ » (Pause)h Il n’y pas en français de terme idoine pour rendre l’hébreu מַ ְׂשכִּ יל. Pour les uns, son sens est incertain (ses instances en dehors des livres poétiques, 1Sa 18.14, 15, Job 22.2, en donnent néanmoins une bonne idée). Pour les autres, le terme dérive de la racine שכל, dont l’un des sens signifie « rendre intelligent, sage, instruit » (ST : 713 ; DHAB : 444 ne s’étend pas), d’où le sens probable du substantif : « chant instructif, ou : chant pour l’intelligence, chant accompagné d’une instruction, explication » (Ibid.). On pourrait opter pour les alternatives suivantes : « maskil » (en tant que terme technique de musique apportant une instruction ; ce qui est le rôle du cantique de nos jours), ou « instruction ». LXX, su,nesij (intelligence), Vg. intellectus (participe passé de intellego, « comprendre »). b L’apparat de la BHS indique : G θ´ ad suff 2 sg, l prb חֲסָ דֶ יָך, c’est-à-dire que la version des Septante (LXX) ainsi que celle de Théodotion ajoutent le suffixe de 2 e personne du singulier, et qu’il faut plus probablement lire « tes bontés ». On a opté pour cette variante car la phrase est construite sur le mode de l’interpellation, comme l’indique le suffixe 2MS de אֱמּונ ְָׂתָך. La version syriaque (S) a bien senti le problème, et préféré harmoniser en mettant le suffixe à la 3MS. c L’apparat de la BHS indique : mlt Mss Gσ´ST Hier לְׂ ע׳, c’est-à-dire que de nombreux manuscrits, tels que la LXX, la version de Symmaque, la version syriaque, les targums, et le texte des Psaumes employé par Origène, indiquent la variante « pour toujours ». d TM : כי־אָ ַ֗ ַמ ְׂר ִּתי, ִּֽ ִּ « car j’ai dit ». L’apparat de la BHS indique : G 2 sg, c’est-à-dire que la LXX traduit ce verbe à la deuxième personne du singulier (ei=paj). Au vu des versets 4, 5 et 20 (et de la variante du verset 2), c’est une option cohérente qui a été adoptée. e TM : חֶ֣סֶ ד, ֶ litt. « [la] bonté ». Les éditeurs de la BHS proposent de lire חַ ְׂס ִּדיou חַ ְׂס ְׂדָך. La première proposition a été retenue. f TM : אֱמּונ ְָׂתָך, litt. « ta constance ». De même, les éditeurs de la BHS proposent le suffixe de 1MS. g Litt. « j’ai juré ». h סֶ לָה, « terme inexpliqué de l’art musical » (DHAB : 264), que d’aucuns interprètent comme un signe marquant soit une de pause dans la diction, soit une élévation de la voix (ST : 490). a 1 6 Les cieux proclamenta tes merveillesb, Jéhovah, etc ta constance [est célébrée] dans l’assemblée des saints ! 7 Qui, dans les nuéesd, est comparable à Jéhovah ? Qui, parmi les fils des dieuxe, est comparable à Jéhovah ? 8 Dieu terrifiant dans le grandf Cercleg des Saints, Redouté parmi tous ceux qui t’entourent ! 9 Jéhovah Dieu des Armées, qui est comme toi ? tu [es] puissant, Yah, et entouré de ta constanceh ! 10 Tu domines sur la mer orgueilleusei, et quand ses flots sont impétueuxj, c’est toi qui les apaises. 11 Tu as écrasé Rahab comme un cadavre, de ton bras puissant tu as dispersé tes ennemis. 12 Les cieux t’appartiennent, et même la terre, le monde, et tout ce qu’il contient, tu les as fondés. 13 Le nord et le sud, tu les as créés, le Tabor et l’Hermon crient de joie en ton nom. 14 À toi appartiennent bras vaillant, main droite élevée, main fortek ! a Litt. « font connaître ». Litt. « ta merveille ». c אַ ף־: particule emphatique, « oui… », « et même ». d Litt. « dans le ciel [nuageux] ». e LXX, evn ui`oi/j qeou/, « parmi les fils de Dieu ». Les traducteurs alexandrins désiraient prévenir toute velléité de lecture polythéiste (ici comme ailleurs). Leçon identique dans la Vulgate : in filiis Dei. f L’adjectif ר ָבָּ֑ה,ַ qui qualifie le substantif masculin סֹ וד, est étrangement au féminin. L’apparat critique propose de lire plutôt ( ַרבgrand) ou bien רבֶ֣הּוא.ַ (grand, lui). Certains ont conjecturé qu’Étan pouvait avoir à l’esprit le terme (plus fréquent) עֵדָ ה, l’assemblée, qui lui est féminin. g Ou : « groupe, conseil ». En effet, les anges qui composent ce Cercle ( )סֹ ודpour Jéhovah, sont aussi ceux qui l’entourent (יביו ִּֽ ָ ִּ)סב. ְׂ h Litt. « ta constance t’entoure ». i Litt. « l’orgueil de la mer ». j Litt. « quand ses vagues se soulèvent ». k Litt. « ta main [est] forte, ta main droite [est] élevée. » b 2 15 La justice et la droiture [servent de] fondationsa à ton trône, la bonté et la vérité viennent t’accueillirb ! 16 Heureux le peuple qui sait t’acclamerc, Jéhovah : il cheminera dans ton éclatante faveur,d 17 tout au long du jour, il se réjouira en ton nom, et sera redressée par ta justice. 18 Car la beauté de sa force [vient de] toif, et notre fiertég croîth par ta faveur. 19 Car notre bouclier appartient à Jéhovah, et notre roi au Saint d’Israël ! 20 Tu as parlé jadis à tes fidèles dans une vision, et tu as dit : « J’ai accordé [mon] soutieni à un homme valeureux, du peuple j’ai fait monter un élu. 21 J’ai trouvé David mon serviteur, je l’ai oint de mon huile sainte. 22 Sur lui ma main se tiendra ferme, oui, mon bras l’affermira. 23 L’ennemi ne le surprendra pas, et l’injuste ne l’opprimera pas. 24 J’écraserai ses adversaires de devant lui, et je frapperai ceux qui le haïssent. 25 Ma constance et ma bonté l’accompagnerontj, et sa fierték croîtra par mon nom. 26 J’établirai son emprisel sur la mer, et [je placerai le contrôle des] fleuves dans sa main droite !a » a Ou « base ». Litt. « viennent au devant de ta face ». c Litt. « connaissant l’acclamation ». d Litt. « dans la lumière de ta face ». e Litt. « s’élèvera, se redressera ». f Litt. « car toi, [tu es] la beauté de sa force ». g Litt. « notre corne » ; « élever la corne c.à.d. être présomptueux » (DHAB : 339). h Le qeré תָ רּוםa été traduit. i Les éditeurs de la BHS proposent ici de lire ( ֵנזֶרcouronne, diadème) plutôt que ( ֵֵ֭עזֶרaide, soutien), et renvoient au verset 40 où on lit : חִּ לַ ַּ֖לְׂ תָ ֶ֣ל ָָא ֶרץֶ֣נִּ ז ְִּֽׂרֹ ו, « tu as profané jusqu’à la terre sa couronne » i.e. « tu as profané [et jeté] à terre sa couronne ». Au verset 20, on pourrait donc lire : « j’ai accordé la couronne… ». j Litt. « [seront] avec lui ». k Litt. « sa corne ». Cf. note z. l Litt. « ta main ». b 3 27 Lui, il me crierab : ‘Toi, tu es mon père, mon Dieu et le rocher de mon salut !’ 28 Aussi moi le donnerai-je premier-néc, le plus grandd des rois de la terre. 29 Pour toujours je garderaie pour lui ma bonté, et mon alliance sûre pour lui. 30 J’établiraif pour toujours sa descendance, et son trône comme les jours des cieux. 31 Si ses fils abandonnent ma loi, et dans mes jugements, ils ne marchent pas, 32 s’ils profanent mes prescriptions et mes commandements, ils ne gardent pas, 33 alors je punirai avec un bâton leur transgression, et avec des coups leur faute. 34 Maisg ma bonté, je ne la lui retireraih pas, et je ne mentiraii pas contre ma constance. 35 Je ne profanerai pas mon alliance, a Litt. « et sa main droite dans les fleuves ». Ou « invoquera ». c i.e. « Aussi ferai-je de lui un premier-né » (un privilégié par droit d’aînesse). d Litt. « le plus haut». e La Mp indique qu’il faut lire rm'v.a, plutôt que ce qui est écrit (rAmv.a,). f Plus litt. « et je placerai ». g Litt : « Et ». h Litt. « Mais ma bonté, je ne [l’]abolirai pas » ; פרר: « rompre, détruire, abolir, rendre vain » (DHAB : 309) ; « briser, dissoudre ; rompre, dissiper, annuler ; détruire, retirer, détourner » (ST : 571). L’apparat critique indique que plusieurs manuscrits (entre 11 et 20) dont la version syriaque et le texte des Psaumes de Jérôme portent אָ ִּסיר, et renvoie à 2S 7.15 où figure l’expression : ֶ֣ממֶ ּנּו ִּ וְׂ חַ ְׂס ִּדי ֶ֣ל ֹא־יָסּור, « et ma bonté, je ne [l’]écarterai pas de lui ». Dans le cas de Ps 89.34, il faudrait lire : « Mais ma bonté, je ne [l’]écarterai pas ». On note toutefois que la Vorlage de la LXX semble avoir porté אָ ִּפיר, puisqu’elle emploie le verbe diaskeda,zw, et non avfi,sthmi. i Ou : « je ne trahirai pas » (cf. DHAB : 398, ST : 772). b 4 et ce qui sort de mes lèvres, je ne changerai pas. 36 Une foisa j’ai juré dans ma sainteté : ‘Je ne mentirai assurément pasb à David. 37 Sa descendance pour toujours subsisterac, et son trône, comme le Soleil devant moi. 38 Comme la Lune, il sera affermid toujourse, etf [le] témoin, dans la nue, [est] sûrg.’ 39 Pause Maish toi, tu as rejeté et tu as méprisé, tu t’es emporté contrei ton oint. 40 Tu as rompuj l’alliance de ton serviteur, tu as profané à terre son diadème. 41 Tu as ouvert une brèche [dans] toutes ses murailles, tu as mis ses forteresses en ruine. a i.e. « une fois pour toutes ». La négation ne…assurément pas est comprise dans la particule de serment négatif אם.ִּֽ ִּ c Litt. « sera ». d Ou « consolidé ». e L’apparat indique : a nonn Mss ο εβρ´ GST לְׂ ע׳, i.e. plusieurs manuscrits (entre 11 et 20), dont o` `Ebrai/oj d’Origène, la LXX, la version syriaque et les targums, lisent « pour toujours ». f L’apparat propose deux lectures différentes : 1. בְׂ עֹ ד ֶ֣הַ ּׁש׳. On ne voit pas ce que cela signifie. 2. לְׂ עַד ֶ֣כַּׁש׳, ce qui donnerait, en parlant du trône : « pour toujours sûr comme la nue ». Certains ont proposé de relier d[w à ~él[l pour rétablir la construction b d[w ~él[l « pour l’éternité », et de traduire la seconde partie : « sûr comme la nue » en supposant une confusion (qui est fréquente) entre b et k. D’autres voient en d[ une racine rare, mais attestée, signifiant « trône ». Par exemple, en ougaritique (cf. la tablette CTA 16 VI, 22-23) ksi (ask) « trône » et `d (d[) « dais » semblent synonymes. En supposant toujours la confusion entre b et k, cette conjecture donnerait : « [son] trône, comme la nue, est sûr (ou ferme, solide) ». g En l’état, cette phrase signifie soit « et [ce] témoin, dans la nue, est sûr » (en parlant de la Lune), soit « et [il y a] un témoin, dans la nue, [qui est] sûr » (Dieu ?). Cette dernière option semble avoir été adoptée dans la LXX : καὶ ὁ μάρτυς ἐν οὐρανῷ πιστός, « et le témoin, dans le ciel, est fidèle ». Idem dans la Vulgate : et testis in caelo fidelis. h Litt. « Et ». i Litt. « avec ». j Le verbe נארapparaît en Ps 89.40 et Lm 2.7 uniquement. DHAB : 235 ne donne que le sens de « maudire », tandis que ST : 424-425 indique pour Ps 89.40 : « tu as détruit, rompu, l’alliance contractée avec ton serviteur ». HALOT : III, 658 abonde en ce sens : « to repudiate Ps 8940 ( בְׂ ִּריתparallel with » )חִּ לֵל. 5 42 Ils l’ont pillé, tous les passants [sur] le chemina, il a été un objet de honte pour ses voisins. 43 Tu as dressé la main droite de ses adversaires, tu as fait se réjouirb tous ses ennemis. 44 Tu as même fait revenir la pointec de son épée, et tu ne l’a pas fait se lever dans le combat. 45 Tu as fait cesser sa puretéd, et son trône tu as précipité à terre. 46 Tu as écourté les jours de sa jeunesse, tu l’as enveloppé de hontee. 47 Pause Jusqu’à quandf, Jéhovah… te cacheras-tu à perpétuité ? ta colère brûlera-t-elle comme un feu ? 48 Souviens-toi, Seigneurg, de ce qu’est l’existence, pour quelle futilité tu as créé tous les fils d’Adamh ! 49 Quel est l’homme qui vivrai et ne verra pas la mort, [qui] fera échapper son âme de la main du shéolj ? 50 Pause Où sont tes premiers actes de bonté, Seigneur ? Tu as juré à David dans ta constance. a i.e. « tous ceux qui passaient par là ». Ou : « tu as réjouis ». c Litt. « la roche, la pierre » (cf. DHAB : 316). ST : 616 : « 2° La force, c.à.d. la pointe, le tranchant, d’une arme : צּורֶ֣חַ ְׂרבֹ וPs. 89.44, la pointe de son épée». d L’apparat critique propose de lire שָ בַ ְׂרתָ ֶ֣מַ טֵ הֶ֣הֹ דֹו, « tu as brisé le bâton (ou sceptre) de sa force» ou : שָ בַ ְׂרתָ ֶ֣חָ ְׂטרֹו, « tu as brisé son bâton (ou verge) ». e Plus litt. « tu as couvert sur lui [la] honte ». f Litt. « quoi ». g Le TM porte ְׂזכָר־אֲנִּ י, « souviens-toi de moi », mais l’expression s’enchâsse mal avec ce qui suit. L’apparat propose de lire plutôt « זְׂכֹ רֶ֣אֲדֹ נָיSouviens-toi, Seigneur,… », comme au verset 51. h Ou : « tous les êtres humains ». i Litt. « sera » ou « existera ». j Ou : « du séjour des morts ». b 6 51 Souviens-toi, Seigneur, de la honte de tes serviteurs, [et] du fait que je portea en mon sein tous les nombreux peuples ; 52 car tes ennemis ont insulté, Jéhovah, car ils ont insulté les traces de ton oint. 53 Béni [soit] Jéhovah pour toujours ! Amen et amen ! Lexicologie v.1-26 חַ ְׂסדֵ י C’est la forme plurielle à l’état construit du substantif bחֶֶ֫ סֶ ד. Elle apparaît cinq fois seulement dans l’Ancien Testament (Psaumes 89.2, 107.43, Isaïe 55.3, 63.7, Lamentations 3.22)c et ne concerne que Jéhovah. L’idée centrale est la bonté, la bienveillance et la fidélité, qualités traduites par des actes. En français une qualité morale n’est généralement pas mise au pluriel, et la forme « les bontés » est un peu incongrue. On pourrait traduire par des périphrases « les actes bienveillants », « les témoignages de bonté ». Si la notion de fidélité semble plus centrale, ce pourrait être « les manifestations de fidélité », « la constance bienveillante » (mais le risque serait grand de tomber dans la paraphrase). Dans le Psaume 89, il est difficile de déterminer laquelle de la fidélité ou de la bonté l’emporte (il est question d’une alliance, qui suppose fidélité, mais le fait même de conclure une alliance avec David est acte de bonté de la part de Jéhovah). Puisque le psalmiste emploie un autre terme pour désigner la fidélité, אֱמּונָה, on a opté pour la première alternative. Les LXX, en traduisant l’expression par « Τὰ ἐλέη σου » ajoutent au terme une notion de miséricorde (c’est-à-dire dont le cœur a suffisamment de bonté pour exercer la pitié, par exemple) ; de même dans la Vulgate (misericordias, « compassions, pitiés »). אֱמּונ ְָׂתָך שאֵ ִּ ִ֥תי, ְׂ qal infinitif construit + suffixe 1MS du vb נשא: « mon porter ». Ce verset est compris, grosso modo, de trois manières différentes dans les traductions françaises : 1. David porte en son sein la honte des peuples nombreux (Darby, Jérusalem, Crampon, Martin, Ostervald, Rabbinat, Pirot-Clamer, de Beaumont, Synodale, Liénart, Osty et Trinquet, Maredsous, TMN), 2. Jéhovah doit se souvenir que David porte en son sein (sa semence) tous les peuples nombreux (Louis Segond, à la Colombe, Fillion, NEG, NBS, Chouraqui, Bayard, Pléiade, Calame et Lalou) 3. David a la charge du peuple nombreux (TOB, BFC, Segond 21, Bible de la liturgie). La Bible des peuples ne traduit pas la seconde partie du verset. b Ce terme en revanche est beaucoup plus fréquent (surtout et de loin dans les Psaumes où l’on compte 128 occurrences sur le total de 255) et concerne aussi bien Jéhovah que les humains. c À l’exception peut-être de Néhémie 13.14 où la forme est suffixée. a 7 Cette forme vient du substantif אֱמּונָהauquel s’ajoute un suffixe 2MS et peut se traduire par « ta constance »a. L’idée centrale est la fermeté, l’immobilité, la solidité des choses, et par extension d’une personne, d’où le sens de fidélité et de constance, mais au sens fort. On reconnaît la racine אמןqui implique également le fait d’être véridique, fiable et donc honnête (sur le long terme). Dans d’autres contextes, le terme pourrait être simplement traduit par « vérité » ou « fermeté », mais pour une personne, et plus encore pour Jéhovah, cette vérité concerne le fait de ne pas faire défection dans un rapport de confiance, ou dans une relation contractuelle. Il est intéressant de remarquer que l’apôtre Paul, en Romains 1.17, cite Habbacuc 2.4b : וְׂ צַ ִּדיקֶ֣בֶ אֱמּונָתֹוֶ֣יִּ חְׂ יֶה׃ ὁ δὲ δίκαιος ἐκ πίστεως ζήσεται. À moins donc qu’il ne s’agisse spécifiquement du midrash paulinien, le terme אֱמּונָהimplique aussi la foi (πίστεως). Cela est d’ailleurs cohérent avec les autres acceptions du terme : on peut avoir foi, exercer une croyance, en quelqu’un dont la fidélité est constante. כ ַָר ִּתיֶ֣בְׂ ִּרית Cette expression idiomatique, qui signifie littéralement « j’ai coupé une alliance », a pour sens « conclure une alliance ». Dans les temps anciens néanmoins, cette expression a bel et bien eu une application concrète, puisqu’une alliance ou un traité étaient entérinés en coupant un sacrifice en deux. L’offrande immolée, les contractants passaient entre les deux moitiés, en se couvrant mutuellement d’imprécations en cas de défection. Si ces rituels ne sont présents en tant que tels dans la Bible, on y trouve quelques allusions, hormis l’expression elle-même (cf. Jérémie 34.18, Genèse 15.9-10, 17-18)b. קֶּ֣ומ ְׂשפָט ִּ ֶצֶ ד Le terme צֶ דֶ קa une double signification : le droit (c’est-à-dire ce qui est juste, conforme, en règle, bien-fondé, d’un point de vue légal) et la droiture (du point de vue moral)c. Il s’applique au comportement de Jéhovah envers les humains et désigne son équité, sa justice, son impartialité, et s’applique aussi aux humains pour désigner leur fidélité, leur bon comportement, et leur respect des règles, envers Jéhovah. « Les justes » (les fidèles) sont ceux donc qui observent les règles, c’est-à-dire qui respectent l’alliance conclue avec Jéhovah. Une constance qui n’est pas synonyme de persévérance, mais de fidélité et fiabilité. Cf. F. Vigouroux (éd.), Dictionnaire de la Bible, Letouzey et Ané, 1895, vol I : col. 383. c Cette deuxième acception générale se rapproche, et parfois se confond, avec l’autre terme pour justice צְׂ דָ קָ ה, terme plus abstrait (le TWOT distingue les deux termes en les désignant ainsi : rightness pour צֶ דֶ קet righteousness pour … צְׂ דָ קָ הmais le français ne possède pas ce degré de nuance et rend les deux par droiture ; seul donc l’angliciste chevronné saura goûter la différence). a b 8 Ce terme צֶ דֶ קest étroitement relié à ִּמ ְׂשפָט, qui en est la conséquence logique. Ce dernier ne désigne pas seulement le « jugement » ou « l’ordonnance judiciaire » (qui peuvent se dire autrement, par ex. ְׂשפֹוטet )שֶ פֶטmais surtout le jugement rendu avec justice. En tant que qualités intrinsèques de la Divinité, « la justice et la droiture », ou « la justice et l’équité » conviennent bien au contexte du Psaume 89. Les LXX ont généralement rendu צֶ דֶ קpar δικαιοσύνη (justice ou pratique de la justice) et ִּמשְֶׂ֣פָטpar κρίμα (jugement, action de juger ; décision judiciaire) ou κρίσις (décision, jugement ; action de distinguer ; décision judiciaire, condamnation). אֱמֶ ת C’est une forme contractée de אֱמֶ נֶת, qui dérive de אָ מֵ ן. L’acception centrale est celle de la vérité (LXX ἀλήθεια, Vulgate veritas). De même que pour אֱמּונָה, le mot implique ce qui est sûr, solide, fiable, et donc vrai. Pour avoir une idée du sens, on peut se rappeler que Jéhovah est appelé le Dieu de l’Amen (Is 65.16), qui plus est dans un contexte de serment. Ainsi, celui qui jure par le Dieu de l’Amen (dont une des qualités principales se doit donc d’être la vérité )אֱמֶ ת expose son serment au critère le plus parfait en matière d’exactitude et de vérité. Lexicologie v.27-53 ּופָקַ ְׂד ִּתי Le verbe פקדest très polysémique : au qal, ses sens peuvent être les suivants : s’occuper de, intervenir (en faveur, ou contre qqn), visiter, passer en revue, désigner, s’enquérir (DHAB : 305), chercher, visiter, examiner, se souvenir (en bien ou en mal), punir, venger ; compter, faire le dénombrement ; faire visiter, soigner, préposer, établir ; etc. (ST : 588). En Ps 89.33 le verbe introduit les conséquences que subira la postérité de David en cas de manquement aux ordonnances de Jéhovah. L’acception centrale est donc le fait d’intervenir et de réprimander. On peut donc traduire par « j’interviendrai avec un bâton », ou bien : « je punirai par un bâton ». Les traducteurs de la LXX rendent l’expression d’une manière très littérale evpiske,yomai evn r`a,bdw| (j’examinerai dans [par] le bâton), en gardant le sens le plus général du verbe פקד, à savoir examiner, visiter. Idem dans la Vulgate visitabo, « je visiterai ». פִּ ְׂשעָם Le substantif פֶשַ עa pour sens principaux défection, crime, transgression, faute rituelle, injustice (ST : 599, DHAB : 311). Il comporte une idée de rébellion (c’est le cas du verbe פָשַ ע, se révolter, s’insurger, transgresser, d’où le substantif est tiré) qui 9 n’est pas forcément présente dans ses synonymes ( חֵ ְׂטאoffense, péché), ( ַרעmal, méchanceté, méfait) ou encore ( אַ ְׂשמָ הfaute, offense). Il convient au contexte du Ps 89 puisqu’il s’agit de la transgression volontaire d’une alliance. La LXX rend fort justement פִּ ְׂשעָםpar ta.j avnomi,aj auvtw/n, c’est-àdire leurs iniquités dans le sens : les actions qui ne sont pas conformes au no,moj (la loi) fixé par Jéhovaha. ע ֲָֹונִּֽם Le terme עָֹוןsignifie principalement péché, culpabilité, tort, punition (DHAB : 274-275), faute, crime, iniquité, peine, châtiment d’une faute (ST : 515-516). Il désigne à la fois un manquement et/ou sa conséquence. Il est donc sémantiquement lié à l’idée de punition (c’est, anthropologiquement parlant, très intéressant !). Mais contrairement à פֶשַ ע, עָֹוןpeut être intentionnel (2Sa 22.24) ou non (Nb 30.16). C’est pourquoi la LXX le traduit par a`marti,a, terme plus général pour désigner les péchés de différentes natures, et dont le sens en grec classique est simplement l’erreur, la faute. Normalement, no,moj désigne la loi humaine. Mais dans le NT, il est équivalent à la qe,mij (la volonté ou loi divine). Idem dans la LXX, où qe,mij ne figure que deux fois (2 Maccabées 6:20, 12:14) et où le no,moj par excellence, c’est la Torah. a 10