CNLE 21 juin 2007

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CNLE 21 juin 2007.
Intervention de Bernard SEILLIER.
Madame la Ministre,
Monsieur le Haut Commissaire.
La pauvreté et l’exclusion sociale sont devenus dans nos sociétés d’abondance des réalités
paradoxalement tellement prégnantes que les autorités publiques sont contraintes de
mettre en place à la fois des mécanismes compensatoires et des instruments de réduction et
idéalement d’éradication des phénomènes en cause.
L’origine de ces situations est diverse et bien connue.
La loi de 1998 en a dressé une liste presque exhaustive pour organiser une mobilisation
nationale et globale contre ces obstacles à la reconnaissance dans les faits de l’égale dignité
de principe des êtres humains.
Mais il faut bien admettre que les lois de l’économie technologique et mondiale plus
indexées sur les valeurs des marchés financiers que sur celles des valeurs humaines, ne
facilitent pas le combat.
Il suffit de penser au travail consommé qui caractérise notamment le travail domestique ou
le travail d’accompagnement en général qui n’est pas ou qui n’est que peu reconnu dans
nos économies, à l’exception depuis peu des services à la personne, pour comprendre la
difficulté à introduire dans nos sociétés la reconnaissance de toute activité soustraite à la loi
de la concurrence.
C’est qu’en effet le moteur de nos sociétés est principalement fondé sur la recherche de
l’enrichissement personnel plutôt que collectif et donc sur une équitable distribution des
richesses.
C’est pourquoi le développement de l’économie solidaire, dans laquelle je place le logement
social, vient tempérer l’épuisante contrainte du régime de concurrence inégalitaire,
contraire d’ailleurs et on l’oublie systématiquement aux principes établis par les théoriciens
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de la liberté des marchés. A terme on peut espérer une transformation des lois économiques
régissant les échanges dans nos sociétés. Il s’agit tout simplement du processus de
civilisation qui aurait permis de passer d’un état très largement barbare à un état
moralement supérieur.
C’est sur cette économie solidaire au sein même de l’économie de marché et sans rupture
avec elle que repose un important volet de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Le
secteur de l’insertion par l’activité économique en dépend directement.
Mais son existence est encore largement tributaire de la conviction des autorités
gouvernementales à propos de son utilité, en attendant que progressivement l’ensemble de
la société, reconnaissant son bénéfice humain et social, le développe systématiquement et
en fasse sa règle commune, c'est-à-dire son bien commun.
Ce régime de solidarité est donc soutenu par la puissance publique grâce à divers outils tels
que les contrats aidés et toute la législation sur les structures d’insertion, au-delà des
mécanismes de solidarité sociale tels que les minima sociaux.
Tout ceci vous le savez aussi bien et même mieux que moi du fait de vos responsabilités et
de vos engagements.
Cette gestation progressive et sans violence d’une société apaisée et fraternelle constitue la
toile du travail du Conseil National des politiques de Lutte contre la pauvreté et l’Exclusion
sociale. Il veut être un lieu de réflexion et de proposition en ce sens grâce à la chance
extraordinaire que lui offre sa composition.
Nous aurons de nombreuses occasions d’y travailler à l’avenir. Il est à votre disposition pour
vous aider dans une telle perspective.
Nous devrons notamment perfectionner la bonne interactivité voulue par la loi de 1998
entre le C.N.L.E. et l’Observatoire National de Lutte contre la Pauvreté et l’Exclusion Sociale
présidé par Agnès de Fleurieu.
Il s’agit d’un sujet très important car nous vivons dans une démocratie qualifiée souvent de
démocratie d’opinion par certains c’est-à-dire influençable à l’extrême par des exploitations
fugitives et non soutenues de l’émotion.
La mesure des situations de pauvreté et d’exclusion revêt donc une importance essentielle
qui doit combiner la rigueur scientifique et la validation partagée. L’Observatoire a été créé
pour cela. Il doit exprimer une connaissance et une mesure de la réalité, plus accessibles que
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l’appareillage scientifique pur ne le permet et plus universellement reconnues que les
statistiques associatives ne peuvent le prétendre.
Mais ce que je veux dire, pour conclure en ce jour de première rencontre entre vous et le
Conseil National des politiques de Lutte contre la pauvreté et l’exclusion, concerne les règles
dont dépendent la pérennité, le développement et le succès de tous les efforts faits par les
acteurs de terrain de la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
La première règle est celle de la sanctuarisation des crédits affectés à ce secteur, c'est-à-dire
le fait de les soustraire à toute opération de gel ou d’annulation pour des contraintes
d’équilibre budgétaire.
La lutte contre la pauvreté n’a pas d’élasticité.
La deuxième règle généralise la première. C’est la règle de stabilité. La fragilité des
personnes en situation d’exclusion n’a pas de flexibilité. Les mécanismes d’appui qui leur
sont proposés ne doivent pas être sans cesse modifiés. Tout changement doit être précédé
d’une évaluation précise des bénéfices attendus démontrant qu’ils seront largement
supérieurs à ceux qui sont constatés sous l’emprise du régime en vigueur.
La troisième règle est celle de la simplification. Tout nouveau système doit, non seulement
satisfaire les deux premières règles, mais aussi apporter une clarification de ses mécanismes,
une plus grande lisibilité de son fonctionnement et faciliter la compréhension par
anticipation de ses effets.
Il y a sûrement d’autres règles que l’on pourrait ajouter, mais celles-ci me semblent
tellement fondamentales que l’on peut dire que la lutte contre la pauvreté et l’exclusion
sociale en dépendent directement.
Parce que leur non respect entraînerait la disparition de nombreux organismes efficaces
dans le combat, mais encore le découragement des cohortes d’acteurs dévoués qui y
consacrent une large fraction de leur existence.
Mais il y a aussi une autre raison qui est la nécessité de ne pas disperser son énergie dans
des combats stériles pour pouvoir se consacrer à l’essentiel c’est-à-dire à la prévention de la
pauvreté et de l’exclusion.
Il est évident que les journées passées à convaincre l’administration des finances de
respecter les règles que j’ai rappelées constituent autant de gaspillage d’énergie volée à
l’essentiel.
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La lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale est interministérielle. C’est pourquoi le
Conseil National de Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale est placé auprès du
premier ministre.
L’architecture gouvernementale actuelle permet aux personnes qui subissent des situations
de pauvreté et d’exclusion de pouvoir compter sur votre engagement personnel à tous les
deux pour être des avocats talentueux et convaincus de leur cause.
Le C.N.L.E. partage avec eux cet espoir.
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