La CROISSANCE n`est pas le DEVELOPPEMENT

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Brevet de Technicien supérieur Commerce international 1ère année
La CROISSANCE n’est pas le DEVELOPPEMENT
------------------------------------------------------------------------La croissance a longtemps été synonyme de développement. La faillite du productivisme a introduit une rupture au
profit de la notion de développement humain et durable.
- L'augmentation annuelle du PIB caractérise la croissance économique.
- Le développement est un processus de transformation des structures économiques, politiques et sociales, qui
engendre le recul de la pauvreté, l'augmentation du niveau de vie, du niveau d'éducation et de l'espérance de vie,
l'épanouissement d'une égale capacité des individus à exercer leur liberté.
La croissance et le développement sont donc à l'évidence deux concepts radicalement différents et inassimilables :
- Le développement est une fin en soi,
- La croissance est un instrument subordonné au développement, d'autant qu'elle entraîne la
destruction d'une dotation limitée en ressources naturelles non reproductibles et soulève donc la question de sa
soutenabilité à long terme.
Le courant dominant, celui d'Adam Smith et de David Ricardo, était convaincu qu'à partir d'un certain niveau de population, la croissance
s'arrêterait et laisserait place à un état stationnaire. Mais ce n'était pas là en soi une perspective alarmante, dans la mesure où l'essentiel n'était
pas que la croissance perdure, mais qu'elle s'arrête à un niveau suffisant de satisfaction des besoins humains. Autrement dit, dans un bon
système économique et social, l'état stationnaire pourrait n'être qu'un équilibre harmonieux et équitable entre les aspirations humaines, le
niveau de la population et les ressources naturelles. Au fond, l'utopie commune aux penseurs de l'économie n'était assurément pas un monde
où l'homme serait condamné à produire toujours plus, mais plutôt une société apaisée et équilibrée, une humanité épanouie et donc libérée de
la nécessité de croître.
I - L'IRRESISTIBLE ESSOR D'UNE RELIGION DE LA CROISSANCE
Au XXe siècle, changement de décor intellectuel. Dans les pays occidentaux et au Japon, la coïncidence flagrante
entre l'industrialisation rapide et le progrès général et considérable du niveau de vie, de l'éducation et de
l'espérance de vie estompe la différence entre croissance et développement.
De toute évidence, l'un ne va pas sans l'autre. Aussi, jusqu'aux années 50, la théorie macroéconomique du long
terme et les politiques économiques ne se préoccupent guère que de la croissance, implicitement considérée comme
dispensatrice de tous les bienfaits du développement.
A - La majeure partie du monde reste encore à l'écart des progrès du Nord.
- L'interprétation libérale de cet écart, incarnée notamment par Walt Rostow (Les étapes de la croissance économique,
1960), qui considère qu'il s'agit d'un simple retard, chaque pays étant appelé à suivre une série d'étapes
relativement similaires.
- A l'opposé de cette démarche, une économie du développement se constitue alors comme une branche autonome
de l'analyse économique, en soulignant que les pays en développement (PED) ne peuvent reproduire la trajectoire
des vieux pays industriels depuis le XVIIIe siècle. Leur environnement technologique, démographique, culturel et
institutionnel est en effet radicalement différent de celui qui a engendré les révolutions industrielles au Nord.
Seules des stratégies spécifiques et pilotées par les Etats pourraient sortir les pays du Sud du sous-développement.
Mais cette opposition entre la thèse d'un simple retard et celle d'un blocage du développement masque à peine un
même culte de la croissance industrielle comme priorité politique.
B - L'Economie du développement :
- Le poids relatif de l'Etat et du marché,
- La diversification des exportations ou la substitution de produits nationaux aux importations, sur l'éventuelle
domination du Sud par le Nord, etc.
- L'objectif du développement inspire aussi la planification dans les pays communistes. La vision marxiste est
d'ailleurs fondée sur l'idée que le progrès technique et la mobilisation du prolétariat - rendue plus efficace par
l'abolition de l'aliénation du travail et de la lutte des classes - engendreront l'abondance des productions
matérielles, autorisant une société égalitaire où chacun agit selon ses capacités et reçoit selon ses besoins.
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C - La rupture avortée des années 70 et le regain du productivisme.
- Dès les années 70, toutefois, tout indique les dangers d'une confiance aveugle dans les vertus de la croissance et
de l'industrialisation à marche forcée.
- L'échec de bien des stratégies de développement est patent dans les pays communistes comme dans des PED qui
ont éventuellement battu des records de croissance, mais sans enclencher un véritable processus de développement
et d'éradication de la pauvreté (Brésil, Algérie, Inde, par exemple).
Avec les chocs pétroliers et les premières inquiétudes sur la détérioration de l’investissement, les pays riches
redécouvrent la vulnérabilité de leur modèle. C'est aussi l'époque d'une réflexion théorique intense sur les limites
biophysiques de la croissance: le premier rapport commandé par le Club de Rome ou les travaux de René Passet
(L'économique et le vivant, 1979)... Dès le début des années 70, sous la direction de Robert Mc Namara, la Banque
mondiale remet la lutte contre la pauvreté au centre de ses préoccupations et suggère une nouvelle approche du
développement fondée sur la satisfaction prioritaire des besoins essentiels.
II – UNE FAUSSE RUPTURE AVEC le DOGME DE LA CROISSANCE ?
Mais la remise en question de la priorité à la croissance tombe mal, en plein ralentissement de la croissance
justement. Quelles que soient les nouvelles inquiétudes et les mises en garde des théoriciens, la croissance du PIB
reste plus que jamais une nécessité politique pour endiguer la montée du chômage et atténuer les conflits pour la
répartition du revenu.
A - Une nécessité économique :
- Pour les entreprises, confrontées à une concurrence internationale de plus en plus vive et à la relative saturation
des marchés de consommation qui ont fait leur prospérité durant les Trente Glorieuses. Il leur faut ouvrir de
nouveaux marchés dans le monde, créer indéfiniment de nouveaux produits, programmer l'obsolescence accélérée
des produits pour inciter les ménages à les renouveler plus vite.
- Mais cette course à la croissance maximise aussi les nuisances collectives (pollution, accumulation de déchets non
recyclables, etc.). Mais des entreprises condamnées à croître ou à disparaître ne peuvent intégrer cette
préoccupation. Seule une régulation politique pourrait le faire.
B – Un rapport de force en faveur du libéralisme.
Après trente ans d'interventionnisme politique croissant, la crise sociale des pays riches et l'échec de la
planification socialiste ont décrédibilisé l'Etat et renversent le rapport de force politique en faveur du libéralisme
qui, à l'orée des années 80, domine les gouvernements de la plupart des grands pays industriels.
- La dérégulation et la libéralisation de l'économie l'emportent et soumettent les entrepreneurs à une compétition
mondiale exacerbée.
- Dès lors, face aux exigences renforcées de rentabilité financière, la montée des préoccupations et des
mouvements écologistes est impuissante à entamer le culte de la croissance.
- Dans les années 80, forts de leur victoire politique et de la dépendance financière des PED (en pleine crise de
surendettement), les libéraux qui gouvernent à la Maison Blanche comme à la tête du FMI et de la Banque
mondiale vont imposer aux PED un modèle de croissance sans développement.
- Le consensus de Washington, qui se traduit par les fameux plans d'ajustement structurel, n'est au fond qu'un
retour à la vision simpliste que les économistes libéraux se faisaient du développement dans les années 60 : tous les
pays du monde ont vocation à suivre le même chemin de croissance que les vieux pays industriels, à condition de
se débarrasser de leur surplus d'intervention étatique et de combler leur déficit de marché et de libre-échange. Il
suffirait donc de rendre les pays en développement attractifs pour les capitaux privés, en leur imposant les règles
ordinaires du jeu économique mondial, pour déclencher la croissance, et la croissance fera le reste!
De l'aveu même de la Banque mondiale, les plans d'ajustement structurel n'ont pas tenu leurs promesses de
développement et de recul de la pauvreté. Mais ils ne promettaient en réalité que la croissance du secteur
marchand; ils l'ont parfois obtenue (parfois seulement), mais trop souvent sans le développement. Par ailleurs, la
libéralisation financière et l'ouverture aux capitaux étrangers ont montré leurs limites à travers les crises financières
à répétition des années 90; la destruction brutale de l'Etat et du droit au profit de la loi du marché a plongé la
Russie dans le chaos.
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C – Un développement vraiment durable ?
Le culte de la croissance marchande est décrédibilisé par des catastrophes financières et sociales et les politiques
prêtent à nouveau une oreille attentive aux progrès de l'économie du développement qui prenaient, dès les années
80, un chemin opposé aux politiques alors dominantes.
1 - Ainsi, les recherches d'Amartya Sen sur les famines et la pauvreté vont inspirer les travaux du
Pnud sur le développement humain, à partir de 1990. Le développement humain, c'est l'essor des capacités et des
droits réels des personnes qui leur permet d'accéder aux biens essentiels et d'exercer une liberté effective de choisir
leur vie.
2 - Le rapport Bruntland (1987), entre autres travaux, va initier la réflexion sur le développement
durable, entendu comme celui qui laisse aux générations futures un patrimoine naturel préservé et les capacités
d'atteindre au moins un niveau de développement équivalent.
L'idée connaît ses premières applications : conférence de Rio, protocole de Kyoto. Après un long
détour productiviste, on sait aujourd'hui que l'extension du mode de consommation occidental actuel à l'ensemble
de la population mondiale n'est pas matériellement soutenable. Un développement durable et équitable à l'échelle
planétaire suppose donc que les pays les plus riches renoncent en partie à la croissance des activités destructrices
de ressources non reproductibles, pour préserver à la fois la nécessaire croissance des pays les moins développés et
le patrimoine naturel des générations futures.
Entre cette prise de conscience théorique et sa mise en œuvre effective, il reste un long chemin à parcourir. Il exige
un degré de volonté et de coordination politique qui est loin d'exister à ce jour. Mais une grande partie de ce
chemin est aussi un travail de chaque individu. Celui qui conduira les grands consommateurs d'énergie et de
matière à tirer toutes les conclusions de ce constat pourtant élémentaire : un individu disposant de conditions de
vie matérielles déjà tellement plus confortables que la plupart de ses semblables peut continuellement étendre son
bien-être par la culture, l'émerveillement, le partage, l'amour, la convivialité, la quête du sens, toutes choses qui ne
consomment qu'une énergie humaine reproductible à l'infini.
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