PLAN MEMOIRE - Présentation

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Les
déterminants
psychosociaux
de
l’automédication des patients consultants
pour des Troubles Fonctionnels Digestifs
1
Nous remercions tout d’abord Monsieur Bruno QUINTARD, laboratoire de Psychologie de
l’université de Bordeaux, pour nous avoir confié le projet de poursuivre cette recherche
Nous tenons également à remercier le service d’hépato-gastroentérologie de l’hôpital SaintAndré qui nous a permis de mener à bien cette recherche en mettant à notre disposition les
conditions nécessaires à ce travail : nous voulons remercier les secrétaires médicales pour leur
disponibilité, nous remercions le Professeur ZERBIB pour son engouement pour cette
recherche ainsi que le Docteur THETIOT : nous leur remercions de nous avoir permis
d’assister à leurs consultations et pour leur précieuse collaboration.
Nous remercions aussi les unités d’hospitalisation 13 et 15 pour leur accueil à notre recherche.
Enfin, nous remercions les personnes qui ont participé à cette recherche, elles nous ont permis
de découvrir plus en profondeur cette pathologie chronique.
Enfin nous remercions notre famille, nos amis, pour leur foi en nous et leurs encouragements.
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INTRODUCTION
PARTIE THEORIQUE
I. Les troubles fonctionnels digestifs
1.1. Historique et définition des concepts
1.2. Prévalence et incidence
1.3. Diagnostic
1.3.1. Critères de définition
1.3.2. Présentation clinique
1.4. Hypothèses physiopathologiques
1.4.1. Troubles psychiques
1.4.2. Troubles de la motricité
1.4.3. Troubles de la sensibilité viscérale
1.4.4. Rôle de l’inflammation
II. Les déterminants psychosociaux de l’ajustement aux TFD
2.1. Facteurs antécédents
2.1.1. facteurs sociodémographiques
2.1.2. Facteur personnel
2.2. Facteurs médiateurs
2.2.1. Les stratégies de coping
2.2.2. L’amplification des symptômes
2.3. Critère d’ajustement : la qualité de vie
III. Prise en charge des sujets TFD
3.1. Mesures diététiques
3.2. Effets placebo et prise en charge thérapeutique
3.3. moyens médicamenteux
3.4. Prise en charge psychologique
IV. L’automédication
4.1. Définition des concepts
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4.2. Epidémiologie
4.2.1. Prévalence
4.2.2. Facteurs socio biographiques
4.2.3. Nature des médicaments
4.3. Les représentations du médicament
4.3.1. Le médicament comme filtre de la réalité
4.3.2. Le médicament comme filtre du changement social
4.3.3. L’automédication comme mobilisation des ressources médicales et personnelles
4.4. Vers une automédication adaptée et encadrée
4.4.1. Les conditions de l’automédication
4.4.2. Les limites de l’automédication
4.4.3. Les risques de l’automédication
4.4.4. L’information
4.4.5. La formation
PARTIE EMPIRIQUE
I. Protocole
1.1. Critère d’inclusion
1.2. Population
1.3. Les deux temps de passation
1.4. Modèle d’analyse et hypothèses
II. Variables explorées et cotations des questionnaires utilisés
2.1. Les antécédents
2.1.1. L’âge
2.1.2. Le sexe
2.1.3. L’anxiété-trait
2.2. Les médiateurs
2.2.1. L’amplification des symptômes
2.2.2. Les stratégies de coping
2.3. Les critères
2.3.1. L’évolution de la qualité de vie mentale
2.3.2. L’évolution de la qualité de vie spécifique aux TFD
2.3.3. L’évolution des troubles
2.3.4. Le recours à l’automédication
III. Analyse des résultats
3.1. Statistiques descriptives
3.2. Statistiques inférentes
3.2.1. Rôle prédictif des facteurs socio-biographiques sur les critères de l’ajustement
aux TFD
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3.2.2. Rôle prédictif des facteurs socio-biographiques sur les médiateurs de
l’ajustement aux TFD
3.3.3. Rôle prédictif des médiateurs de l’ajustement aux TFD sur les critères de
l’ajustement aux TFD
IV. Discussion
CONCLUSION
Bibliographie
Annexes
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Introduction :
Premier motif de consultation en gastroentérologie et souci quotidien du médecin
généraliste, les Troubles Fonctionnels Digestifs (TFD) comprenant le syndrome de l’intestin
irritable et la dyspepsie fonctionnelle sont responsables de nombreuses consultations en
pathologie digestive. Leur forte prévalence et le coût élevé des examens à visée diagnostique
et des soins ont motivé de nombreuses recherches épidémiologiques. Toutefois, ils
représentent une entité difficile à définir car fonctionnelle et polymorphe.
L’automédication est une réalité culturelle, sociale et d’actualité dans notre pays. Tout le
monde, ou presque s’automédique et à tous les âges. Potion magique ou pilule miracle, les
individus attendent des médicaments qu’ils réparent immédiatement et sans délais leurs maux
d’apparence bénins. Nous pouvons ajouter que les accidents consécutifs à l’automédication
génèrent des soins coûteux, de longue durée, voire des hospitalisations, et même des arrêts de
travail avec toutes les conséquences prévisibles de type économique. Nous nous proposons
donc de mettre en lien ce problème de santé publique jusqu’à présent peu étudié mais digne
d’intérêt avec les TFD, cela implique de pointer ce qui détermine cette pratique chez des
sujets consultants pour des troubles digestifs fonctionnels.
Dans cette perspective, le laboratoire de psychologie de Bordeaux 2, et le service de
consultations externes de gastroentérologie de l’Hôpital Saint-André avec le professeur
Zerbib, a mis en place un projet de recherche sur les Troubles Fonctionnels Digestifs. Nous
avons poursuivi l’étude commencée les deux années précédentes, en rencontrant des
personnes souffrant du syndrome de l’intestin irritable ou de dyspepsie fonctionnelle.
D’après une revue de la littérature, Nous nous proposons tout d’abord de définir les
troubles fonctionnels digestifs de manière conceptuelle, au travers des différentes hypothèses
qui ont été formulées sur leur origine, à ce jour incertaine mais aussi à travers des critères
établis pour poser leur diagnostic. Ensuite, nous metterons en évidence l’influence de
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plusieurs facteurs psychosociaux apparus puis nous nous intéresserons à la prise en charge
des malades. Nous définirons après l’automédication à travers ses concepts, son
épidémiologie, nous apporterons un vif intérêt à traiter des représentations sociales du
médicament ainsi qu’aux mesures préconisées pour encadrer le sujet automédiquant. Enfin,
nous tenterons à l’aide de plusieurs outils d’évaluation, de mettre en évidence l’impact de
variables antécédentes et médiatrices sur l’ajustement du sujet à sa maladie et d’évaluer
l’évolution de la qualité de vie sur une période de trois mois.
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I. Les troubles Fonctionnels Digestifs
1.1. Historique et définition des concepts
On définit par fonctionnel ce qui correspond à des perturbations du fonctionnement de
l’organe et par conséquent, les TFD constituent un ensemble de symptômes digestifs pour
lesquels on ne diagnostique aucun signe organique. Selon le lieu des douleurs abdominales,
nous distinguons :
- le Syndrome de l’Intestin Irritable (ou colopathie fonctionnelle) qui correspond à un
dysfonctionnement du tube digestif inférieur
- la dyspepsie qui correspond à un dysfonctionnement du tube digestif supérieur
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) a une histoire relativement ancienne, on trouve
une succession de termes. Un lointain ancêtre du SII est signalé en 1673 sous le terme de
colite venteuse... Le mot « colite » signifie à la lettre : inflammation du colon, mais celle-ci
est absente des TFD car l’intestin est anatomiquement sain.
En ce qui concerne la dyspepsie, l’essentiel des problèmes douloureux abdominaux lui
était attribué et on lui reconnaissait des origines diverses : buccale, intestinale, nerveuse,….
Le terme d’entérite mucomenbraneuse est utilisé en 1981 par le français MG Sée dans
son traité des dyspepsies et du régime alimentaire et en 1871 par l’américain Da Costa.
Le terme de SII et de dyspepsie constituant les TFD, doivent être actuellement pris au
sens large d’une affection de nature fonctionnelle atteignant à la fois probablement à des
degrés variés, l’intestin grêle, le côlon, et peut-être d’autres segments du tube digestif.
1.2. Prévalence et incidence
La prévalence des TFD dans la population occidentale est de 20% mais seul 1/5 des sujets
souffrants consulte tels qu’ils constituent selon les études :
- 40 à 70% des consultations de gastro-entérologie
- 10 à 15% des consultations de médecine générale
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Leur incidence annuelle est mal connue et semble se situer entre 0,4% et 2%. L’étude
prospective de Tan et al. (2003) a ainsi montré parmi une population de jeunes malaisiens un
taux de prévalence de 15,8% du SII.
1.3. Diagnostic
1.3.1. Critères de définition
La première tentative de définition des critères de diagnostic clinique du SII date de 1978. En
comparant les symptômes présentés par des patients avec SII et des patients ayant une
affection organique, Manning a défini une liste de symptômes différenciant ces deux groupes.
Par la suite, une équipe réunie à Rome en Italie (1991) développa des critères spécifiques aux
troubles digestifs (Drossman et al., 1994). En effet, les critères « Rome I » étaient difficiles à
appliquer cliniquement à cause de leur relative complexité. L’association de douleurs
abdominales, d’irrégularité du rythme des selles et d’émission abondante de gaz chez un
même patient depuis plus de deux ans constituait donc la base clinique de la définition du SII.
Nous dénotons alors une faible puissance de discrimination entre patients fonctionnels et
patients organiques.
Les critères de Rome I sont alors modifiés pour les critères de Rome II. Dans la classification
de Rome II, les douleurs abdominales et l’inconfort abdominal ont été placés sur le même
plan. La dyspepsie se définit quant à elle par la présence de douleurs ou d’un inconfort situés
plutôt au niveau de la partie haute de l’abdomen, sur la ligne médiane (Kwang-jae et al,
2003).
Les limites ont également été précisées entre dyspepsie non ulcéreuse et syndrome de
l’intestin irritable, bien que ces deux syndromes puissent coexister ou se succéder chez un
même patient, 30% des patients atteints de syndrome de l’intestin irritable présente aussi une
dyspepsie fonctionnelle (Hatlebackk et al., 2004).
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Un travail australien souligne parallèlement les difficultés rencontrées pour séparer les
malades souffrant de troubles fonctionnels digestifs en seulement deux sous-groupes, SII et
dyspepsie fonctionnelle (Eslick et al., 2004). De même, Caballero-Plasencia et al. (1999) dans
leur étude descriptive sur la population espagnole, aboutissent à la conclusion que la
dyspepsie fonctionnelle et le SII sont deux manifestations d’un seul et plus large trouble
digestif.
1.3.2. Présentation clinique
Le diagnostic des TFD reste donc un diagnostic d’exclusion consistant à éliminer les autres
affections susceptibles d’expliquer les symptômes. Un interrogatoire et un examen clinique
attentifs s’avèrent utiles pour porter le diagnostic de TFD et pour limiter au maximum les
explorations complémentaires.
1.3.2.1. Les douleurs abdominales
La douleur est le symptôme le plus fréquent. L’intensité de la douleur est elle-même
variable allant de l’impression de distension et d’inconfort abdominal à la douleur vive. Le
siège peut être diffus ou localisé, en particulier, au niveau de la fosse iliaque droite, de la
fosse iliaque gauche ou de l’hypogastre. Elle est habituellement modérée décrite par le patient
comme une sensation d’endolorissement, de tension, de torsion, de brûlure ou de barre
transversale. La durée varie entre plusieurs jours et plusieurs semaines. Elle survient
préférentiellement après les repas, disparaît la nuit, et est souvent soulagée par les émissions
de gaz et de selles.
1.3.2.3. Les troubles du transit intestinal
Ils sont habituels sous la forme d’une constipation, d’une diarrhée ou d’une alternance
de diarrhée et de constipation.
La constipation évoque parfois un véritable ralentissement du transit avec fréquence des
selles inférieure à trois émissions par semaine. Plus souvent, il s’agit de difficultés
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d’exonération. La diarrhée est faite de selles plus ou moins liquides, parfois glaireuses mais
ne contenant jamais de sang.
1.3.2.4. Les ballonnements abdominaux
Des ballonnements abdominaux et une fréquence anormalement élevée d’émission de
gaz intestinaux sont présents chez près d’un malade sur trois. Les ballonnements sont tantôt
purement subjectifs, tantôt objectifs avec un météorisme abdominal (présence de gaz dans
l'intestin, entraînant un gonflement de celui-ci).
1.3.2.5 Dyspepsie
Le syndrome dyspeptique se caractérise par une sensation de pesanteur épigastrique
postprandiale, une impression de digestion lente, parfois une satiété précoce empêchant la
prise d’un repas complet. Des nausées et, plus rarement, des vomissements peuvent être
observés.
1.3.2.6. Autres symptômes
On peut citer parmi ces manifestations : l’impression de mauvaise haleine, les
éructations, borborygmes, les gaz malodorants. Des symptômes extra digestifs sont également
fréquents (palpitations, douleurs pelviennes,…).
Ainsi, des efforts doivent être menés afin d’élucider les différents mécanismes
physiopathologiques sous-jacents et de mener des essais thérapeutiques spécifiques dans des
sous-groupes homogènes de patients.
1.4. Hypothèses physiopathologiques
Drossman a proposé un modèle biopsychosocial qui intègre les spécificités de ces
troubles fonctionnels digestifs et se base sur l’interaction entre le système nerveux central et
le tractus digestif. Pour la dyspepsie fonctionnelle et le syndrome de l’intestin irritable, un
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certain nombre de points communs constituent la base physiopathologique de l’ensemble des
troubles fonctionnels intestinaux.
1.4.1. Troubles psychiques
L’anxiété, l’hypocondrie et la dépression sont fréquentes et environ 80% des sujets ont
une majoration de leur symptôme en période de stress. Ces troubles psychologiques vont
modifier l’expérience de la maladie et le comportement du malade, notamment sa demande de
soins. Les antécédents de traumatisme psychoaffectif sont eux aussi associés à une
hypersensibilité viscérale et un pronostic péjoratif..
1.4.2. Troubles de la motricité digestive
Ils peuvent expliquer des symptômes tels que vomissements, diarrhées, douleurs
abdominales aiguës. De plus, chez le sujet normal, le stress ou une émotion forte peuvent
stimuler la motricité des différents segments du tractus digestif. Chez les patients atteints de
troubles fonctionnels digestifs, ces réponses peuvent être exacerbées.
1.4.3. Troubles de la sensibilité viscérale
Elle a été récemment reconnue comme une caractéristique fréquente (Croghan et
Heitkemper, 2005), mais non systématique, des patients présentant des troubles fonctionnels
digestifs. Ces patients perçoivent de manière plus intense des stimuli douloureux ou ressentent
comme douloureux des stimuli physiologiques. Cependant, l’origine de cette hypersensibilité
n’est pas bien connue.
1.4.4. Rôle de l’inflammation
Une autre hypothèse physiopathologique évoquée est l’intervention de cellules
inflammatoires dans la genèse des symptômes des TFD.
Cette hypothèse expliquerait le déclenchement des symptômes au décours d’une infection
intestinale bactérienne, virale, toxique ou parasitaire et pourrait également expliquer la
possibilité d’intolérance alimentaire ou d’hypersensibilité chez certains patients.
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II. Les déterminants psychosociaux de l’ajustement aux TFD
Nous allons maintenant développer succinctement les facteurs antécédents (ce sont des
variables sur lequel on ne peut pas agir) et les facteurs liés à la santé des individus en termes
de qualité de vie (critère), ainsi que les facteurs médiateurs qui vont s’intéresser à ce que
l’individu fait confronté à une situation stressante. Ces facteurs antécédents et médiateurs
vont déterminer l’ajustement des sujets aux TFD suivant ce que nous trouverons dans la
littérature.
2.1. Facteurs antécédents
2.1.1. Facteurs sociodémographiques
2.1.1.1. Le sexe
Une très large prédominance du sexe féminine est reconnue, cela tient sans doute au sex ratio
du symptôme constipation (trois femmes pour un homme).
2.1.1.2. L’âge
Les TFD apparaissent à tout âge de la vie. La prévalence de la constipation augmente avec
l’âge; 16% des troubles surviennent avant 16ans, 44% avant 30 ans et 67% avant 40ans. Les
symptômes débutent en général avant trente ans et ils diminuent en fréquence avec l’âge à
partir de 50ans chez la femme et de 70ans chez l’homme.
2.1.1.3. L’origine géographique et ethnique
On trouve une prévalence accrue de la constipation dans la race noire, à laquelle s’oppose la
prévalence accrue de la diarrhée, dans la race blanche. La prévalence de la constipation serait
dans les états du Sud, supérieure à celles à des états du Nord des Etats-Unis. Ces données sont
différentes en Afrique du Sud où la constipation touche plus les sujets de race blanche,
suggérant que les modes de vie sont plus déterminants que l’origine raciale.
2.1.1.4. Mode de vie et niveau socio-éducatif
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Une liaison significative est trouvée entre un niveau éducatif bas et un niveau d’activité
physique faible, d’une part, et les troubles du transit intestinal, d’autre part (Everhart et al,
1989). De plus, une étude récente prospective (Stuart, 2004) a montré qu’un environnement
socioéconomique riche durant l’enfance est un facteur de risque indépendant pour l’adulte
souffrant de TFD.
2.1.2. Facteur personnel
L’anxiété-trait est la tendance stable et généralisée à percevoir les situations aversives comme
dangereuses. De nombreux auteurs soulignent que selon l’évaluation de l’état de santé, qui
peut être objective ou subjective, il est assez difficile de comprendre le rôle exact de l’anxiététrait dans l’étiologie des maladies. Deux recherches ont montré que les malades qui
développent un SII après une gastro-entérite ont des scores d’anxiété souvent plus élevés que
ceux dont l’état digestif se normalise (Howard et al. (1996) et Kolmorgen et al. (1991) cités
par Gwee et al., 2003).
Dans la recherche de Schwarz et al. cité par Quintard (2001), les sujets SII présentent des
scores significativement plus élevés d’anxiété-trait comparativement à des sujets colopathes
organiques ou à des sujets sains. De même, dans l’étude de Gick et Thompson (1997) cité par
Quintard (2001), des étudiants SII présentait des scores d’anxiété-trait significativement plus
élevés que des étudiants en bonne santé.
Selon l’American College of Gastroenterology Functional Gastrointestinal Disorders task
force (2002), l’amélioration des symptômes du SII est fréquemment liée à l’amélioration de
l’anxiété.
2.2. Facteurs médiateurs de l’ajustement au SII
2.2.1. Les stratégies de coping
Selon la définition de Lazarus et Folkman (1984) cité par Bruchon-Schweitzer (2002), le
coping est l’ensemble des efforts cognitifs et comportementaux, constamment changeants,
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pour gérer des exigences spécifiques internes et/ou externes qui sont évaluées comme
consommant ou excédant ses ressources .Le choix d’une stratégie de coping est déterminé à la
fois par certaines caractéristiques du sujet et par certains aspects de la situation stressante.
Selon Lazarus et ses collègues, le coping a deux fonctions principales : il peut permettre de
modifier le problème qui est à l’origine du stress, il peut permettre de réguler les réponses
émotionnelles associées à ce problème et donc de se modifier soi-même. Nous pouvons ainsi
distinguer trois stratégies générales de coping :
* Le coping centré sur le problème : visant à réduire les exigences de la situation et/ou à
augmenter ses propres ressources pour mieux y faire face.
* Le coping centré sur l’émotion : comprenant les diverses tentatives de l’individu pour
réguler les tensions émotionnelles induites par la situation.
*La recherche de soutien social : correspondant aux efforts du sujet pour obtenir la sympathie
et l’aide d’autrui.
En parallèle de ses stratégies de coping générales, il existe diverses stratégies de coping
spécifiques.
Peu de recherches se sont intéressées aux stratégies d’ajustement des sujets atteints de TFD,
ceci pouvant s’expliquer du fait que le coping est un concept très récent. D’après les travaux
de Drossman et al. (1997), les sujets qui bénéficient d’un bon soutien social et qui recourent à
des stratégies d’ajustement efficaces ne sollicitent pas de soins.
2.2.2. L’amplification des symptômes
D’après Barsky et al.( 1992), le terme d’amplification des symptômes désigne une
caractéristique de la personnalité à la fois cognitive et conative, comprenant une hypervigilance à l’égard des sensations corporelles, une focalisation du sujet sur des stimuli
désagréables et des contenus cognitivo-émotionnels négatifs (menace, impuissance,
douleur).Aucune étude à l’heure actuelle n’a mis en relation l’amplification des symptômes
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avec les Troubles Fonctionnels Digestifs. Nous pouvons supposer que les sujets qui
exacerbent leurs troubles aient recours à l’automédication de façon significative.
2.3. Critères d’ajustement au SII : la qualité de vie
En 1993, l’OMS considère la qualité de vie comme la perception qu’à un individu de sa
place dans l’existence, dans le contexte de sa culture et de son système de valeurs en relation
avec ses objectifs, ses attentes, ses normes et ses inquiétudes. C’est un concept intégrant de
manière complexe la santé physique de la personne, son état psychologique, son niveau
d’indépendance, ses croyances personnelles, ses relations sociales ainsi que sa relation aux
éléments essentiels de son environnement. La qualité de vie concerne aussi l’ajustement à la
maladie dans la vie quotidienne, il est donc capital de ne pas limiter la qualité de vie à la
santé. Selon Nordenfelt (1994) cité par Bruchon-Schweitzer (2002), la notion de qualité de vie
est le plus souvent confondue avec celle de qualité de vie associée à la santé, d’état de santé et
de bien-être subjectif. Pour Lawton (1997) cité par Bruchon-Schweitzer (2002), la qualité de
vie est une collection de dimensions.
Dès la fin des années 70, les chercheurs se sont intéressés à la qualité de vie des sujets dans
les recherches cliniques. En effet, les sujets SII sont plus souvent insatisfaits de leur vie que la
population générale et que les patients atteints de colopathies organiques. Naliboff et al.
(1998) ajoutent que cette insatisfaction est d’autant plus grande que les sujets ont adopté un
comportement de maladie. Dans une étude récente de Halder (2004), l’auteur tente de
comprendre les différences d’altération selon les sujets, qui peuvent s’expliquer sans doute
par des facteurs psychologiques. D’autres observations
indiquent que le SII diminue
significativement la qualité de vie des patients cherchant activement des soins médicaux pour
leurs symptômes (American College of Gastroenterology, 2002). Contrairement à l’étude
précédente, les résultats de l’étude rétrospective de Rodriguez et al. (2003) suggèrent que le
SII ne réduit pas la qualité de vie et que les caractéristiques comportementales du SII
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expliquent plus la qualité de vie que les symptômes. L’étude de Chernogorova et al.(2004)
met en évidence que la supervision des patients par les gastroentérologues réduit la fréquence
et la durée des hospitalisations comparativement aux patients observés par des thérapeutes, les
résultats indiquaient des scores élevés de qualité de vie pour ces patients.
III. Prise en charge des TFD
3.1. Mesures diététiques
Le régime alimentaire a curieusement des effets limités sur la nature de la flore du colon. On
ne note aucune différence qualitative et quantitative entre des individus soumis à un régime
standardisé et ceux qui ont une alimentation conventionnelle (Meunier et al., 1988). Il est
cependant conseillé de recommander aux patients d’éviter les aliments pouvant exacerber les
symptômes. De même, il est habituel de leur recommander d’éviter la consommation
d’aliments épicés contenant de la capsaïcine. Cependant une étude a montré que
l’administration chronique de poivre rouge était plus efficace que le placebo sur la diminution
des symptômes chez les patients ayant une dyspepsie fonctionnelle ( Maggi et al., 1992 cité
par Kwang-jae, 2003), ceci s’explique par l’effet antalgique viscérale de la capsaïcine.
Une revue récente (Floch, 2005) effectuée sur la littérature parue entre 1975 et 2004 indique
qu’en dépit des recherches qui ont montré que le son aide certains patients, la preuve
définitive de l’efficacité de la thérapie probiotique (c’est-à-dire désignant les bactéries utiles
à l'organisme) dans le SII n’a pas été montrée. D’après Muller-Lissner et al. (2005), plusieurs
aliments exercent un effet sur la consistance des selles. D’après l’étude de Rao et al. (1996), le
café peut être considéré comme un bon appoint thérapeutique pour les constipés. Le chocolat,
les bananes et le thé noir étaient perçus par le sujets interrogés
comme causant la
constipation, tandis que les pruneaux ainsi que le café, le vin et la bière étaient perçus comme
ramollissant les selles. L’étude de Malhotra et al.(2004) indique que la consommation de
fibres diététiques et la consommation de fibres provenant des légumes , des fruits et des
17
légumes secs est plus faible chez les patients SII du Nord de l’Inde que chez les sujets
contrôles.
3.2. Effets placebo et prise en charge thérapeutique
L’effet placebo est omniprésent chez les malades qui souffrent de colopathie fonctionnelle.
On a souvent démontré, par exemple que l’utilisation d’un médicament est supérieure à
l’absence de médicament, mais qu’il n’est pas différent d’un placebo. Les personnes qui
répondent bien à un placebo ont une personnalité caractéristique et ont tendance à consommer
davantage de laxatifs (Lasagna et al., 1954). L’efficacité du placebo atteignait un taux de
réponse de 35%. Il semble donc illogique sinon dangereux de proposer ce type de
phytothérapie pour traiter les TFD (Hentschel, 1996).
Dans une étude de six semaines portant sur 4 patients SII traités par des séances de massage
total, la technique des instituts de massage s’est avérée efficace (Makk, 1995).De même,
l’hypnose est qualifié pour le plus haut niveau d’efficacité et de spécificité dans le SII, ceci
d’après la méta-analyse de Tan et al. (2005).
3.3. Moyens médicamenteux
Les traitements pharmacologiques disponibles à ce jour pour la prise en charge de la
dyspepsie fonctionnelle et le SII ont montré une efficacité limitée. D’après l’étude de Lea et
Whorwell (2004), les stress sociaux continus peuvent rendre les sujets SII réfractaires et il y a
de plus en plus de données qui appuient l’idée que la pharmacothérapie et la variété des
traitements comportementaux offrent une chance d’amélioration à long terme pour les patients
présentant les formes sévères de la maladie. Selon Dapoigny et al. (2004), l’attitude des
patients envers la maladie et le traitement insiste sur la relative inefficacité des soins pour les
patients souffrant de SII. Cependant, un traitement pharmacologique est envisageable chez un
grand nombre de patients. Le SII est significativement associé à l’utilisation d’analgésiques,
18
et les sujets SII reportent beaucoup d’allergies alimentaires ou de sensibilités (Locke et al,
2000). En effet, l’étude de Hagège (2004) réalisée sur 85 patients randomisés en deux groupes
a montré l’efficacité de la paroxétine dans le syndrome de l’intestin irritable. En effet, à 12
semaines, le sentiment de bien-être global s’est accru chez 63,3% des patients sous paroxétine
contre 26,3% sous placebo.
3.4. Prise en charge psychologique
Plusieurs études ont montré que les patients TFD avaient des scores plus élevés d’anxiété, de
dépression, de tension chronique, d’hostilité, d’hypocondrie et une tendance à être plus
pessimistes par rapport à des sujets sains. Cependant, il n’est pas clair que ces anomalies
soient impliquées dans l’étiologie des symptômes ou représentent une commorbidité associée.
Dans de nombreux cas, il est nécessaire de prescrire des tranquillisants et / ou des
antidépresseurs ; mais il arrive que de simples sédatifs suffisent Une revue critique des
traitements psychologiques au cours de la dyspepsie fonctionnelle a montré un effet bénéfique
potentiel de ces traitements (Soo et al. (2001) cité par Kwang-jae et al., 2003). D’autres parts,
une étude chez 95 patients consécutifs ayant une dyspepsie fonctionnelle ne répondant pas à
un traitement pharmacologique habituel a montré qu’une psychothérapie avait des effets
bénéfiques à court et à long terme (Hamilton et al. (2000) cité par Kwang-jae et al., 2003)..
Toutefois, d’après Crematorium et Talley (2004), l’efficacité des traitements psychologiques
en termes de soulagement des symptômes du syndrome de l’intestin irritable reste incertaine.
Blanchard et Malamood (2002) souligne qu’une collaboration étroite entre psychologues et
gastroentérologues est fondamentale dans l’évaluation et la prise en charge de ces
populations. Olatunji et al. (2004) concluent que la démonstration de l’efficacité des
traitements psychosociaux pour le SII doit largement être attribuable aux effets de facteurs de
traitement non spécifique.
19
Actuellement, il n’existe pas de remède pour les sujets TFD. Toutefois, des traitements
couramment disponibles ont pour objectif l’amélioration des symptômes (Adam et al., 2005).
Ce qui nous amènerait à nous demander chez les sujets souffrant d’une pathologie chronique
comme les TFD leur rapport avec une pratique facilement accessible comme
l’automédication.
IV. L’automédication
4.1. Définition des concepts
Selon sa définition légale, donnée par l’article L.5111-1 du Code de la santé publique :
On entend par médicament toute substance ou composition présentée comme possédant des
propriétés curatives ou préventives à l’égard des maladies humaines et animales, ainsi que
tout produit pouvant être administré à l’homme ou à l’animal en vue d’établir un diagnostic
médical ou de restaurer, corriger ou modifier leurs fonctions organiques.
Le concept d’automédication est l’une des modalités de l’auto-traitement ; à ce titre, elle
est partie intégrante du self-care, à côté de l’auto-diagnostic, de la prévention de la maladie,
du maintien de la santé et du recours spontané aux services de santé. A son tour, la promotion
de la santé englobe le self-care.
Selon l’OMS (1983), le self care fait référence aux activités et décisions spontanées
prises en relation avec la santé par des individus, des familles, des voisins, des amis, des
collègues de travail, etc ; il comprend l’auto-médication, l’ « autotraitement », le soutien
social lors de la maladie, les premiers secours à l’extérieur, c’est-à-dire dans toutes les
circonstances dans lesquelles les gens vivent quotidiennement. Le self-care est la première
ressource accessible de soins dans le système de santé ».
On ne peut donc envisager l’automédication sans considérer plus largement la manière
dont les gens prennent soin de leur santé au quotidien. Cela sous-entend également de prendre
en compte leurs représentations de la santé, de la maladie, des soins et des traitements, ainsi
20
que le contexte dans lequel ils vivent et qui va influencer leurs comportements et leurs
décisions pour des soins en cas de maladie.
Dans le cas d’une pratique comme l’automédication, un cadre conceptuel plus restreint
comme le self-care s’avère plus utile, car plus proche de la réalité de tous les jours. Il est à
préciser que nous ne nous intéresserons pas au phénomène d’addiction.
4.2. Epidémiologie
4.2.1. Prévalence
L’automédication est une pratique très répandue au sein de la population, puisque 80% des
Français déclarent se soigner ainsi pour des problèmes bénins selon une enquête réalisée par
Taylor Nelson Sofres Santé (2001) menée sur un échantillon représentatif de 1 135 personnes
interrogées. Selon l’étude prospective de Icks et al. (2002), une attitude d’automédication était
fréquemment rencontrée dans la population étudiée.
4.2.2. Facteurs socio biographiques
L’automédication diffère selon le sexe. Les femmes recourent moins au médecin et ont
tendance à se soigner davantage par elles-mêmes. Déjà à l’adolescence, les filles consomment
plus de médicaments que les garçons : l’Institut Suisse de Prévention de l’Alcoolisme et
autres Toxicomanies (ISPA) l’explique par des différences dans l’éducation des filles.
Aux Etats-Unis, les personnes bénéficiant d’un niveau d’éducation élevé et les
personnes âgées sont grandes consommatrices d’automédication.
4.2.3. Nature des médicaments
L’automédication est importante : les anti-douleurs viennent en tête, suivis par les laxatifs.
Plusieurs hypothèses explicatives sont formulées. La première et la plus courante stipule que
la disponibilité des médicaments sans prescription médicale favorise l’automédication. Leur
facilité d’accès contribue logiquement à une consommation élevée.
21
La préférence populaire pour l’automédication comme première réponse à la maladie est une
seconde hypothèse possible.
Selon une troisième hypothèse possible, cette pathologie est jugée d’importance
secondaire. Cette hypothèse peut être liée à une certaine banalisation de l’affection en cause.
Le cas des laxatifs est exemplaire puisqu’une simple constipation fait rarement l’objet d’une
consultation, d’autant plus si elle peut être rapidement résolue au moyen d’un laxatif ou d’une
purge auto administrée.
Les troubles digestifs constituent 6% des motifs de la consommation de médicaments en
automédication.
Une étude randomisée (LAM et al, 1994) sur la pratique d’automédication de 1068
Chinois vivant à Hong Kong indique que les médecines chinoises étaient utilisées aussi
souvent que les médecines occidentales dans l’auto traitement des maladies.
4.3. Les représentations du médicament
4.3.1. Le médicament comme filtre de la réalité
Les représentations du médicament constituent une réalité subjective, alimentée par la
richesse des échanges entre les personnes et formée autant de connaissances sociales que de
croyances, de stéréotypes et d’impressions. En effet, les représentations du médicament sont,
en quelque sorte un filtre de la réalité qui prépare la personne à l’action dans la mesure où
elles contribuent à déterminer son comportement et ses opinions dans une situation donnée
au-delà des caractéristiques objectives de celle-ci (Abric, 1989).
Prise dans son sens le plus large, une croyance consiste à regarder comme vraie une
proposition qui n’a pas été démontrée de façon objective et acceptable.
En effet,la relation qui unit l’usager au médicament possède un certain nombre de
caractéristiques qui relèvent de la magie, brièvement définie comme un complexe de
croyances selon lesquelles des individus privilégiés peuvent agir sur les choses d’une manière
22
différente des autres hommes. En effet, Van der Geest, Whyte et Hardon (1996) cités par
Fainzang (2001) font remarquer que la vie d’un médicament n’est pas déterminé par son
efficacité seule mais aussi par la perception qu’on en a.
Eclairer la formation des croyances dans le champ du médicament permet de mieux
comprendre certains comportements de consommation de produits. L’un des points de départ
principaux, de nos jours, est la masse considérable d’informations sur le médicament.
Nombreux sont les stéréotypes qui concernent les médicaments, leur prescription, leur nature,
leur dangerosité, leur voie d’administration. Entres autres : « Une bonne consultation se
termine avec une ordonnance de médicaments » ou encore « le bon médicament, c’est celui
qui fait quelque chose ». Nous pouvons constater que certains médicaments sont achetés et
gardés à portée de main alors même qu’ils ne sont pas consommés. Il semblerait que la
présence même du médicament chez le sujet soit porteuse de son efficacité (Fainzang, 2001).
4.3.2. Le médicament comme filtre du changement social
L’histoire de la médecine et l’histoire tout court attestent que le médicament est un filtre de
changement, des petits changements imperceptibles, dont l’accumulation conduit finalement à
une innovation, à la mutation, forme extrême, intense et imprévisible du changement.
Dans ce contexte, l’usage de certains médicaments pourrait faire office de moyens
d’ajustement, mobilisés par les individus pour lutter contre la perte de repère et l’effritement
du lien social, un peu comme s’il s’agissait d’une stratégie générale de coping, mais à
l’échelle d’un groupe social ou de la société.
En dehors des grandes périodes de mutation sociale, le médicament accompagne des
changements dont les effets semblent plus limités pour différentes raisons : ils s’installent très
progressivement dans le temps, ils ne concernent qu’une partie de la population.
Ces progrès de la médecine et de la pharmacie ont engendré un effet inattendu : celui d’élever
le niveau d’exigence des personnes par rapport aux capacités des médicaments à résoudre des
23
aléas quotidiens. L’industrie pharmaceutique a donc répondu à cette demande en mettant au
point des médicaments destinés à garantir le confort des usagers. Sont ainsi apparus les
antidyspeptiques et autres anticolopathiques pour ce qui relève des TFD.
La commercialisation de la première pilule contraceptive, en 1964 en France, a contribué à
modifier progressivement et durablement les relations de pouvoir entre hommes et femmes.
La commercialisation de certains médicaments a engendré, ou réactivé, des comportements
potentiellement dangereux pour la santé: bien des personnes estiment inutile d’adopter une
conduite propre à préserver leur santé puisque, au cas où celle-ci serait altérée, elles pensent
que l’utilisation de médicaments sera suffisante pour que tout « rentre dans l’ordre ».
4.3.3. L’automédication comme mobilisation des ressources médicales et personnelles
4.3.3.1. L’automédication dans le comportement de maladie
Les patients cherchent trois choses auprès de leurs thérapeutes : d’abord la guérison d’une
maladie et des explications sur le mal qui les afflige et l’instauration d’une relation
thérapeutique médecin-patient. Balint (1968) cité par Fainzang (2001) écrivait que « le
médicament de beaucoup le plus fréquemment utilisé en médecine est le médecin lui-même ».
Les malades évaluent la qualité de leur prise en charge principalement en fonction de ce
troisième aspect. Dans la perspective du malade, un bon médecin est surtout celui qui, lors des
consultations, donne l’occasion au patient de présenter sa version de son mal et induit le
sentiment d’être entendu, compris et pris au sérieux. Un bon médecin est donc aussi celui qui
« leur consacre le temps nécessaire ».
La relation thérapeutique, les réactions aux explications fournies par le médecin et sur
l’impact des thérapies prescrites sont des éléments constitutifs du grand ensemble appelé
« comportement de maladie ». Même une relation thérapeutique satisfaisante n’exclut pas les
tentatives des malades de chercher d’autres façons d’aborder leur mal.
On peut citer trois formes d’automédication :
24
Le premier type consiste en l’application déviante des prescriptions et des conseils émis par
les thérapeutes c’est-à-dire l’augmentation ou la réduction des posologies indiquées, ou la
poursuite de la médication au-delà des indications du prescripteur.
Le deuxième type rassemble des comportements que n’ont pas prescrits les thérapeutes, mais
que les patients définissent eux-mêmes et qui leur semblent être appropriés pour faire face à
leur maladie. Ces comportements peuvent consister en des activités qui n’ont pas toujours de
lien direct avec la maladie, par exemple du sport, une pratique religieuse, des comportements
alimentaires ou autres qui sont jugés salutaires. Le troisième type d’automédication observé se
manifeste par des manières de penser et d’expliquer la maladie. Ils réalisent ce troisième type
d’automédication à travers la (re-)formulation des raisons et du développement de la maladie
qui leurs semblent compatibles avec leur situation actuelle.
4. 3.3.2. Deux fonctions de l’automédication
L’automédication représente un premier recours en cas de maladie, étant encouragée par le
corps médical et par les instances de santé publique dans la mesure où elle vise des troubles
anodins. Le patient étant persuadé que le traitement qu’il s’ordonne lui-même est salutaire, la
majeure partie des activités d’automédication va servir à cette première fonction. A la base
d’une telle automédication, on retrouve le savoir médical répandu par les traditions populaires
concernant la manière d’expliquer et de combattre des maladies spécifiques, les campagnes
menées par des instances intéressées, l’influence directe du personnel médical ou paramédical
et des brochures accessibles dans les drogueries ou les pharmacies ainsi que divers magazines.
Deuxièmement, l’automédication peut également refléter le désir du patient de retirer un
bénéfice de la maladie. Les patients peuvent par le biais de l’automédication comme d’une
thérapie prescrite, tirer profit de leur situation en se figeant dans un rôle de malade. Ils
continuent ainsi à jouir des avantages de la maladie : ils s’y réfugient pour ne pas devoir
25
affronter des situations peu agréables, ils attirent l’attention de leur entourage et reçoivent de
l’affection ou des soins.
4.3.3.3. L’action simultanée des deux fonctions de l’automédication
Une forme d’automédication spécifique peut très bien servir les deux fonctions à la fois.
Ni les maux, ni le désir de guérir ou de rester malade ne représentent des catégories claires,
tranchées et définitives. Les deux fonctions de l’automédication ont au moins un point
commun qui facilite leur action simultanée : elles offrent au patient la possibilité de s’activer.
En prenant part à la gestion du traitement, en se réservant un champ où il peut prendre des
décisions thérapeutiques dans lesquelles les professionnels de la santé n’interviennent pas
directement, le patient fait de la maladie diagnostiquée par un de ces professionnels la sienne.
Cette appropriation est d’autant plus importante en cas d’affection chronique. L’absence
d’automédication serait, pour un patient dans cette situation, signe de désintérêt ou même
d’abandon, du moins de délégation complète de la responsabilité au corps médical. Les
possibilités des malades de se procurer des soins et de s’approvisionner en médicaments sont
en augmentation. L’automédication peut signaler des situations de détresse, elle n’est souvent
pas le moyen d’expression de patients sereins et souverains, mais de personnes désespérées,
souffrant non seulement de leur maladie, mais aussi de la peur et de l’isolement qui
l’accompagne. Ainsi, l’automédication ne se conforme pas à des idéologies. Elle est
pragmatique et situative. Elle se résume selon la perception des patients à un moyen
d’équilibrer la thérapie, de réduire la dépendance envers une seule approche, d’augmenter les
chances de guérison de la maladie.
4.4. Vers une automédication encadrée et adaptée
4.4.1. Les conditions de l’automédication
Quelque soit le symptôme traité, il est essentiel de rappeler que l’automédication ne peut
être qu’un traitement initial et que la persistance des troubles doit conduire à consulter.
26
L’intérêt de médicaments spécifiquement destinés à l’automédication est de permettre
un conditionnement spécifique destiné à des durées de traitement courtes (3 à 5 jours) avec
des informations très précises destinées au malade. Cette utilisation de médicaments sousentend que le sujet ait identifié le symptôme qu’il souhaite faire disparaître et qu’il soit en
mesure de choisir le médicament le plus approprié. Cela nécessite d’apprécier si le problème
de santé est bénin, pour cela l’utilisateur doit disposer d’une information claire et objective
avec la possibilité de dialoguer avec son pharmacien ou son médecin. D’après Molina (1988)
cités par Fainzang (2001), lorsqu’un patient demande au médecin de lui prescrire un
médicament qu’il juge efficace, c’est en vérité le malade qui se prescrit à lui-même un produit
par l’intermédiaire et avec la caution du médecin. De même, Van der Geest, Whyte et Hardon
(1996) cités par Fainzang (2001) estiment que toute médication est jusqu’à un certain point de
l’automédication, dans la mesure où le médecin n’administre pas lui-même le médicament et
qu’il ne peut être sûr que celui-ci sera pris comme il l’a ordonné.
4.4.2. Les limites de l’automédication
L’automédication ne se limite évidemment pas au seul recours à des substances formellement
classées comme médicaments. Elle inclut nombre de produits et moyens forts divers, parmi
lesquelles des substances vendues en magasin d’alimentation avec un statut de compléments
alimentaires, des tisanes, certains aliments et d’innombrables pratiques empiriques relevant
des traditions familiales. On peut souligner en particulier les rapports étroits entre
automédication et alimentation, on parle alors d’ « alicaments ».
4.4.3. Les risques de l’automédication
En plus du risque de masquer une affection grave, un médicament d’automédication
peut poser des problèmes d’interaction avec un médicament de prescription et ce d’autant plus
que le médecin ignore le plus souvent les produits pris par leurs patients en automédication.
27
Ces risques peuvent correspondre à un retard diagnostique possiblement engendré par un
traitement purement symptomatique ou à un traitement inapproprié susceptible d’aggraver la
maladie. Le risque iatrogène de l’automédication a été largement souligné.
Des risques peuvent se présenter dans trois situations :
-
l’automédication prévient ou retarde une consultation médicale, qui aurait pu révéler
une pathologie accessible à un traitement spécifique ;
-
l’automédication entraîne un effet toxique du fait d’une consommation « hors
normes » en quantité ou en durée ;
-
Les produits d’automédication interfèrent de manière indésirable avec un autre
traitement médicamenteux, en accentuant la survenue d’effets toxiques ou en réduisant
des effets désirables du fait d’interactions
. On peut donc difficilement contester que l’automédication puisse faire courir des risques au
consommateur.
4.4.4. L’information
L’information sur les vertus présumées, ou les risques, de produits d’automédication met
souvent en œuvre les voisins ou la famille, et échappe donc au circuit professionnel. Le rôle
de la formation du public devient important. Il reste que les professionnels de la santé
occupent une place importante dans l’information sur les produits pour l’automédication.
L’information doit viser à fournir au consommateur des renseignements sur les indications du
médicament, sur ses éventuels effets toxiques et sur les interactions possibles.
Le fabricant est impliqué, de ce point de vue, dans la présentation de l’emballage, la rédaction
et la présentation de la notice et la publicité.
Il n’est pas sans intérêt de noter que, selon une enquête anglaise, seul un tiers des
consommateurs lisent la notice d’emballage.
28
Le pharmacien devrait, en principe, jouer un rôle important dans l’information fournie au
patient en quête de renseignements sur les propriétés des médicaments en vente libre.
Nous devons toutefois reconnaître les efforts méritoires de certains périodiques ou
programmes qui visent à une information de qualité en dehors des seules considérations
publicitaires. Les sources de renseignements sur les médicaments en vente libre qui peuvent
prétendre à un statut d’objectivité sont extrêmement rares, et mériteraient d’être mieux
soutenues.
La Fédération nationale de la Mutualité française (FNMF) annonce le lancement d’une
campagne d’information dans la presse quotidienne nationale et régionale (2001) sur le thème
du « bon usage » du médicament et de la « non sélection en fonction de l’âge ou de l’état de
santé ». La Mutualité Française propose aussi de développer de nouveaux dispositifs pour
« mieux maîtriser l’usage de médicaments » avec l’élaboration, par des comités d’experts, de
recommandations pour améliorer la prise en charge de pathologies données. Elle préconise en
définitive la création d’un observatoire du médicament.
4.4.5. La formation
Les connaissances sur les habitudes de consommation médicamenteuse sont maigres, et sont
utilisées surtout pour l’élaboration de tactiques de marketing. Des efforts qualitatifs notables
devraient être, là encore, réalisés.
Outre une meilleure communication entre les différents acteurs, l’Ordre des médecins suggère
la mise en place d’un enseignement de formation continue associant médecins et pharmaciens,
ainsi que l’élaboration d’une charte en trois volets (Hagège, 2001). L’un comporterait des
recommandations à l’attention du patient, les deux autres rappellerait au médecin et au
pharmacien les règles de prescription et les mesures de précaution à respecter.
29
Synthèse partie théorique :
Les Troubles Fonctionnels Digestifs sont une affection chronique et fréquente. Sur le
plan physiopathologique, les TFD doivent être interprétés comme l’expression d’un
dysfonctionnement de l’axe cerveau-intestin d’après le modèle biopsychosocial, leur
symptomatologie purement fonctionnelle parait liée à des troubles non spécifiques de la
sensibilité et de la motricité intestinale. D’après la revue de la littérature, divers facteurs
psychosociaux influencent le comportement du patient, et donc l’évolution clinique des
troubles. A l’heure actuelle, les options thérapeutiques pour guérir ces troubles sont limitées.
Toutefois, la prise en charge des patients a pour objectif d’agir sur les manifestations cliniques
les plus apparentes de la maladie sachant que les sujets TFD ont un grand besoin d’être
écoutés, rassurés et aidés de conseils répétés. A côté de cela, une pharmacothérapie ou des
mesures diététiques peuvent leur être proposés.
Nous avons mis en lien cette pathologie chronique avec un phénomène de société d’une
importance considérable mis à profit le plus souvent pour améliorer les conditions de vie de
ceux qui y ont recours, il s’agit de l’automédication. Bien que les représentations sociales du
médicament ait suscité peu d’intérêt dans les études, celles-ci s’avèrent prépondérantes pour
comprendre les motivations du sujet à se soigner par lui-même. Des mesures assez récentes
tendent à être menées pour informer et éduquer le malade à avoir un avis éclairé, réfléchi et
responsable sur son utilisation du médicament mais aussi pour former les professionnels de la
santé.
Dans notre partie empirique, nous nous appuierons sur le modèle transactionnel de la
psychologie de la santé où interviendront des variables antécédentes telles que les facteurs
sociobiographiques, et un facteur personnel (l’anxiété-trait), interviendront aussi des variables
dites médiatrices afin de montrer leur impact sur l’ajustement des sujets à leurs troubles. En
effet, la revue de la littérature met bien en évidence que ces déterminants psychosociaux
30
exacerbent les symptômes et altèrent considérablement la qualité de vie des individus atteints
de TFD. Nous tenterons de mesurer plus précisément ces conséquences.
31
I. Protocole
1.1. Critère d’inclusion
Cette recherche exploratoire a été initiée dans un premier temps par Hélène Labeyrie
puis Bénédicte Limousin a pris sa suite, nous nous proposons donc de poursuivre cette étude
de manière longitudinale en rencontrant une population identique à savoir des personnes
atteintes de troubles digestifs fonctionnels afin d’agrandir la population déjà constituée par les
deux étudiantes précitées. Notre critère d’inclusion sera donc le diagnostic de syndrome de
l’intestin irritable (SII) ou de dyspepsie fonctionnelle.
1.2. Population
Notre population de départ regroupe 20 sujets ayant consulté pour des TFD au service
de Gastroentérologie de l’hôpital Saint-andré, à Bordeaux. Parmi ces 20 patients, 10 sujets ont
pu participer au deuxième temps de la recherche en raison du délai de 3 mois entre les deux
passations. Nous enverrons toutefois un courrier constitué de plusieurs questionnaires à T2
pour les patients non inclus dans notre recherche pour qu’ils puissent agrandir la population
de cette étude longitudinale.
Nos 10 patients retenus vont ainsi s’ajouter à la population initialement constituée par
Hélène Labeyrie c’est-à-dire 19 patients dont 4 n’avaient pas adressé le courrier du T2 et
constituée ensuite par Bénédicte Limousin (23 sujets dont une personne n’ayant pas participé
au T2).
Notre échantillon est donc constitué au total de 62 patients à T1 et 42 sujets à T2 ayant
un TFD. Notre base de données s’appuiera sur les données relatives à ces 42 sujets. Par
contre, les scores d’automédication concerneront les 20 patients que nous avons rencontrés à
T1.
1.3. Les deux temps de passation
32
Le patient est averti de la recherche par le gastroentérologue lors de sa consultation et se
voit remettre une note d’information lui expliquant en quoi consiste notre recherche et les
conditions de sa participation. Dans un souci de continuité entre sa consultation
gastroentérologique et la logique de notre démarche de recherche, nous nous entretenons
avec le patient après sa consultation. Nous lui présentons la recherche et lui rappelons les
conditions éthiques de sa participation. Il remplit et signe un consentement éclairé. Ensuite il
lui est proposé un protocole qui se répartira sur deux temps de recherche :
Temps 1 : Il s’agit d’un entretien d’une heure environ constitué de nombreux questionnaires.
Nous commençons par demander au patient les informations socio-biographiques qui le
concernent puis nous abordons d’autres thèmes avec le questionnaire FDDQL que nous
proposons oralement pour mettre à l’aise le patient. Puis nous lui demandons de remplir
quelques questionnaires: le GHQ-12, l’échelle d’amplification des symptômes, le CHIP et le
questionnaire d’automédication de manière verbale. Nous restons disponible au sujet pour
d’éventuels éclaircissements à propos des questions du protocole. Lorsque tous les
questionnaires sont remplis, nous rappelons aux patients qui habitent assez loin (souvent dans
d’autres villes) que leur enverrons dans trois mois la deuxième passation du protocole et pour
ceux qui peuvent se déplacer facilement, nous les contacterons dans trois mois pour un second
rendez-vous.
Temps 2 : Trois mois après l’entretien, la deuxième passation s’est faite le plus souvent par
courrier avec une enveloppe pré-timbrée auto-adressée qui leur permettait de nous renvoyer
les questionnaires. Toutefois nous avons revu quelques patients à l’hôpital Saint-andré pour le
T2. Cette seconde passation se compose de renseignements sur l’évolution des troubles ainsi
que deux questionnaires : FDDQL et GHQ-12.
1.3. Modèle d’analyse et hypothèses
33
1.3.1. Modèle d’analyse
Les objectifs de notre étude sont :
- Déterminer l’impact différentiel de facteurs antécédents et médiateurs sur un ajustement aux
TFD en termes de qualité de vie et de recours à l’automédication.
- Evaluer l’évolution de la qualité de vie sur une période de trois mois
ANTECEDENTS
Facteurs
sociobiographiques
- Age
- Sexe
- Ancienneté des
symptômes
Facteur personnel
- Anxiété-trait
MEDIATEURS
CRITERES
- Amplification
des symptômes
-Evolution de la
qualité de vie
mentale (evoqdv)
- coping
HYP 2
- Evolution de la
qualité de vie
spécifique(evoghq)
HYP 3
- Evolution des
troubles
- recours à
l’automédication
HYP 1
Modèle mulifactoriel prédisant l’ajustement aux TFD
1.3.2. Hypothèses
Notre modèle multifactoriel nous permet de proposer les hypothèses suivantes :
Hypothèse 1 : Certains facteurs socio biographiques (être une femme, être âgé, avoir des
symptômes anciens) et personnel (anxiété importante) prédisent une mauvaise évolution des
TFD, une mauvaise évolution de la qualité de vie spécifique aux TFD et de la qualité de vie
mentale, et/ou un recours à l’automédication important.
34
Hypothèse 2 : Certains facteurs socio biographiques (être une femme, être âgé, avoir des
symptômes anciens) et personnel (anxiété importante) prédisent une amplification de
symptômes élevée et le recours à des stratégies de coping dysfonctionnelles.
Hypothèse 3 : Une amplification de symptômes élevée et le recours à des stratégies de
coping dysfonctionnelles prédisent une mauvaise évolution des TFD, une mauvaise évolution
de la qualité de vie spécifique aux TFD et de la qualité de vie mentale, et/ou un recours à
l’automédication important.
II. Variables explorées et cotation des questionnaires utilisés
2.1. Les antécédents
2.1.1. L’âge
L’âge est une variable quantitative et figure sur la fiche de renseignements médicaux à T1.
Celui-ci est ensuite recodée (agerec : cf. annexe 2) suivant quatre tranches d’âge : (1). 18 à 34
ans, (2). 35 à 49 ans, (3). 50 à 64 ans et (4). 65 à 79 ans pour mettre en évidence la tranche
d’âge la plus touchée par les TFD.
2.1.2. Le sexe
Le sexe est une variable qualitative (nominale) figurant la fiche de renseignements médicaux
à T1. Cette variable est côté : (1) pour les hommes et (2) pour les femmes, ceci nous
permettant d’envisager la catégorie la plus affectée par les TFD.
2.1.3. L’anxiété-trait
L’échelle STAI (State Trait Anxiety Inventory forme Y-B de Spielberger, 1983) permet
d’estimer les sentiments d’appréhension, la tension, la nervosité et l’inquiétude qu’un individu
ressent « habituellement, généralement », et chacun des 20 items est côté de 1 à 4 (presque
jamais, parfois, souvent, presque toujours). Le score global est compris entre 20 et 80. Plus le
sujet aura un score élevée, plus il aura une anxiété-trait élevée.
35
D’après Bruchon-Schweitzer (2002), la fidélité est très satisfaisante ainsi que la validité
et cet outil dispose d’une structure factorielle stable. Nous avons choisi cette échelle
d’anxiété-trait évaluant l’anxiété comme disposition stable pour identifier les sujets anxieux
parmi les patients présentant des troubles digestifs fonctionnels, et éventuellement voir si elle
serait liée à une pratique d’automédication.
2.2. Les médiateurs
2.2.1. L’amplification des symptômes
Ce questionnaire de Barsky et al (1988) nous permettra de mesurer l’amplification des
symptômes des patients TFD, et de voir si cette variable sous-tendrait éventuellement leur
recours à l’automédication. Son alpha de Cronbach est de +0,72, ce qui montre une bonne
consistance interne. Le sujet doit évaluer son degré d’accord de 0 (pas du tout d’accord) à 4
(tout à fait d’accord) par rapport à 5 propositions. Le score final varie donc de 0 à 20, avec
une moyenne de 8,9 et un écart-type de 4,3.
2.2.2. Les stratégies de coping
Nous avons choisi ce questionnaire de Endler et Parker(1998) car il est adapté à des sujets
souffrant d’une pathologie somatique, de plus les sujets SII ont tendance à utiliser des
stratégies d’ajustements dysfonctionnelles. Le CHIP (Coping with Health Injuries and
Problems) avait été construit, au départ pour des patients cancéreux, puis révisé pour convenir
à des groupes de malades très différents dont les patients TFD. Cet outil comprend 32 items et
permet d’évaluer 4 dimensions : le coping palliatif (8 items), le coping instrumental (8
items), la distraction (8 items), le coping émotionnel (8 items).
2.2.2.1. Coping distractif
Le coping distractif décrit l’importance avec laquelle le sujet utilise des actions et des
cognitions dans le but d’éviter de se soucier de son problème de santé .Ceci implique de
36
penser à des choses plus agréables, de s’engager dans des activités sans relation avec la
maladie et de rechercher la compagnie d’autrui.
2.2.2.2. Coping palliatif
Cette stratégie de coping décrit les diverses réponses d’ « auto-gestion » utilisées pour
atténuer le caractère désagréable de la situation. Les réponses de ce type de coping incluent
les tentatives pour se sentir mieux à travers par exemple, le fait de se créer un environnement
confortable ou de prendre beaucoup de repos, etc.… Ces réponses impliquent d’étendre ses
croyances sur la maladie.
2.2.2.3. Coping instrumental
Ce coping met l’accent sur diverses stratégies orientées vers la tâche utilisées pour négocier
avec la maladie. Une telle stratégie peut être classée comme active ou centrée sur le problème
parce qu’elle indique que l’individu cherche de l’aide face à sa maladie ou essaie d’en
apprendre plus à son sujet.
2.2.2.4. Coping émotionnel
Cette stratégie implique l’importance avec laquelle l’individu se focalise sur les conséquences
émotionnelles de son problème de santé. Ces comportements de faire face sont en relation
avec le coping orienté vers l’émotion et incluent des réponses comme le souci de soi et
l’extravagance.
Il est demandé aux personnes interrogées d’évaluer chacun des 32 items sur une échelle en 5
points de 1 (pas du tout) à 5 (tout à fait). Nous obtenons un score brut pour chaque dimension,
que nous reportons sur un profil, établi par les auteurs en fonction de l’âge et du sexe, afin
d’en retirer un score allant de 20(faible) à 90(élevé) pour chaque type de coping. L’échelle
CHIP possède de bonnes qualités psychométriques en termes de fiabilité et de validité.
2.3. Les critères
37
2.3.1. L’évolution de la qualité de vie mentale
L’échelle GHQ-12 (General Health Questionnaire) est une échelle brève en 12 items de santé
mentale qui permettra d’évaluer la qualité de vie mentale des patients TFD.
La validation de ce questionnaire a été établie plusieurs fois : d’après Banks et al. (1980) le
GHQ-12 présente une forte consistance interne et une structure factorielle unidimensionnelle
à travers les différentes études ; pour Hardy et al. (1999), le GHQ-12 montre également une
bonne fiabilité et une bonne validité convergente. La qualité de vie mentale est évaluée à T1
et à T2 (3 mois plus tard), c’est la différence de qualité de vie mentale (evoghq) entre T1 et
T2 qui nous servira de critère.
2.3.2. L’évolution de la qualité de vie spécifique aux TFD
Le questionnaire FDDQL (Functional Digestive Disorders Quality of Life, 1999), validé
par Chassany et al, a une fiabilité exprimée par un coefficient alpha de Cronbach de
0.94. L’évaluation de sa validité discriminante est significative (p<0.05). Le FDDQL est
composé de 43 items étudiant 8 domaines : Activités, Anxiété, Alimentation, Sommeil,
Inconfort, Réaction face à la maladie, Contrôle et Impact du stress.
Les scores à ces dimensions sont pondérés permettant d’obtenir un score global sur 100
de telle sorte qu’à un score élevé correspond une qualité de vie meilleure.
La qualité de vie spécifique aux TFD est évaluée à T1 et à T2 (3 mois plus tard), c’est la
différence de qualité de vie spécifique aux TFD entre T1 et T2 (evoqdv) qui nous servira de
critère pour notre étude.
2.3.3. L’évolution des troubles
Cette variable évaluée à T2 vise à savoir si les troubles du patient se sont aggravés (1),
stabilisés (2), ou améliorés (3) trois mois après le T1.
2.3.4. Le recours à l’automédication
38
Etant donné que nous n’avons trouvé aucun questionnaire sur l’automédication, nous nous
proposons d’aborder ce thème avec une grille de questions qui nous fournira un score
d’automédication allant de 1(faible) à 14(élevé). Ce questionnaire est proposé en annexe.
III. Analyse des résultats
Une analyse descriptive nous permettra de mesurer l’ampleur de chacune de nos
variables, et ceci à partir de notre tableau de données (Cf. Annexe 1) issues des 42 patients
consultants pour des TFD. Puis nous allons explorer les relations existantes entre les
antécédents, les médiateurs et les critères d’ajustement à l’aide du logiciel SPSS et ceci par
une analyse statistique permettant d’introduire la notion de prédiction. Pour cela, nous nous
sommes appuyés essentiellement sur des régressions linéaires établies à partir de nos
hypothèses.
3.1. Statistiques descriptives
Age : L’âge moyen des patients rencontrés est de 47 ans, et varie de 22 à 70 ans. Nous
constatons que la majorité des patients (40,5%) ont entre 50 et 64 ans.
Sexe : Notre échantillon comporte 81% de femmes et 19% d’hommes.
Ancienneté des symptômes :
61 à 75 ans
4,8%
46 à 60 ans
enfance (0 à 15 ans)
23,8%
La majorité des sujets ont vu apparaître leurs troubles digestifs à
21,4%
l’adolescence (33%). Par contre, les troubles sont très rarement
31 à 45 ans
16,7%
apparus après 60ans
adolescence (16 à 30
33,3%
Figure 1: Répartition en pourcentage de l'âge d'apparition des premiers symptômes TFD
39
Anxiété-trait : Le score d’anxiété-trait moyen obtenu par notre échantillon est de 46,10. Les
scores sont néanmoins assez hétérogènes (écart-type de 9,48) s’échelonnant de 21 à 63 sur 80.
Nous constatons que près de 60% de notre population présente un score supérieur ou égal à
48/80 suggérant que ce pourcentage de sujets ait une anxiété-trait élevée.
Les stratégies de coping : Avec des moyennes respectives de 59,38 et de 59,90/90, la
stratégie de coping émotionnel et celle de coping instrumental sont les stratégies d’ajustement
les plus utilisées par notre échantillon par rapport au coping palliatif ou distractif. En effet,
14% des sujets ont des scores de coping palliatif faibles comparativement à ce que nous
pouvons constater pour la stratégie de coping émotionnel c’est-à-dire que près de 55% des
sujets rencontrés y a recours de façon importante.
L’évolution des troubles :
aggra v é
9,5%
améli oré
26,2%
Nous constatons que pour 64,3% de notre
population, les troubles se sont stabilisés tandis
qu’ils se sont aggravés pour 9,5%.
stabil isé
64,3%
Figure 2: Répartition en pourcentage de l'âge d'apparition des premiers symptômes TFD
Qualité de vie mentale:
*Qualité de vie mentale à T1→ Le score moyen obtenu au GHQ est de 13,5 sur 36. Un
important mal-être psychique est à noter chez près de 64,3% de notre échantillon. De plus,
nous constatons qu’un sujet présente une dépression sévère (score de 29/36).
40
*Qualité de vie mentale à T2→ Le score moyen obtenu au GHQ à T2 est de 12/36. Nous
constatons une bonne qualité de vie mentale à T2 chez 11,9% de sujets, ce pourcentage est
nettement plus important qu’à T1 (4,8%).
Qualité de vie spécifique aux TFD à T1 et à T2:
- Le score moyen obtenu au FDDQL à T1 est de 42,31 sur 100 sachant que les scores obtenus
par notre population s’échelonnent de 16 à 64 avec un écart-type de 13,17. 33,3% des sujets
estiment avoir une bonne qualité de vie spécifique aux TFD (score allant de 48 à 64/100), ce
qui signifie que près de 67% des sujets que nous avons rencontré rapportent une qualité de vie
altérée à cause de leurs troubles digestifs.
- A T2, 26,2% de notre population estiment avoir une bonne qualité de vie spécifique à leurs
troubles tandis que la grande majorité de celle-ci rapporte une qualité de vie altérée.
Le score moyen obtenu au FDDQL à T2 est de 42,93/100, ce score moyen est donc
relativement stable à T1 et T2.
L’évolution de la qualité de vie mentale :
60
Le
test-t
de
comparaison
de
moyennes
pour
50
échantillons appariés met en évidence une différence de
40
moyennes entre la qualité de vie mentale des sujets à
30
T1 (m=15,02) et celle à T2 (m=13,00). Cette différence
20
Pour cent
est statistiquement significative (t =2,16 ; ddl =41 ; p<
10
.05). Ainsi, les sujets TFD semblent avoir une qualité
0
amélioré
stabilisé
aggrav é
de vie mentale meilleure à T2 qu’à T1. En recodant
Figure 3: Répartition en pourcentage des
sujets TFD selon l’évolution de leur qualité de vie mentale
41
cette variable dans notre base de données, il est apparu que près de 74% des sujets TFD ont vu
leur qualité de vie se stabiliser ou s’améliorer durant la période de trois mois.
L’évolution de la qualité de vie spécifique aux TFD :
Le
40
test-t
de
comparaison
de
moyennes
pour
échantillons appariés ne met pas en évidence de
30
différence significative entre les moyennes suivant que
les sujets évaluent leur qualité de vie spécifique à leurs
20
troubles à T1 (m=42,31) et à T2 (m= 42,93).Cette
10
Pour cent
différence n’est pas statistiquement significative (P>
0,05). Néanmoins, il existe un lien positif et significatif
0
amélioré
stabilisé
aggravé
Figure 4: Répartition en pourcentage des sujets TFD
suivant l’évolution de la qualité de vie spécifique à leurs troubles
entre les scores du FDDQL à T1 et ceux à T2 (r = 0,15). De plus en recodant cette variable
dans notre base de données, nous constatons que près de 67% sujets TFD ont vu leur qualité
de vie se stabiliser ou s’améliorer entre T1 et T2.
Le recours à l’automédication :
Le score moyen obtenu au questionnaire d’automédication
50
est de 7,5/14 sachant que les
40
scores d’automédication
s’échelonnent de 3 à 11 sur 14. La plus grande majorité des
30
sujets (45%) ont un score supérieur ou égal à 9/14 ceci
20
Pour cent
signifiant que la majorité des sujets TFD ont un recours
10
élevé à l’automédication. De plus, nous
0
élevé
moyen
faible
Figure 4: Répartition en pourcentage des sujets
TFD selon leur recours à l'automédication
42
pouvons constater en second lieu que 40% des sujets ont un score inférieur ou égal à 5/14
suggérant un recours faible à l’automédication.
3.2. Statistiques inférentes
Nous allons maintenant mettre en évidence l’impact dysfonctionnel ou fonctionnel des
antécédents et médiateurs de l’ajustement aux TFD.Afin de tester nos hypothèses, nous avons
soumis les données des 42 patients atteints de troubles fonctionnels digestifs, à une analyse de
régression linéaire où les antécédents et les médiateurs constituent des variables explicatives
et les critères, les variables à expliquer. Seuls les prédicteurs qui contribuent à la variance du
critère ont été pris en compte dans le modèle de régression.
3.2.1. Rôle prédictif des facteurs socio biographiques et personnel sur les critères de
l’ajustement aux TFD
Afin de tester ces prédictions, nous avons testé plusieurs modèles. Seuls deux modèles nous
sont apparus significatifs (p<0,05). Tout d’abord, nous nous sommes servis du logiciel SPSS
pour créer les variables suivantes (critères) :
-
« évolution de la qualité de vie spécifique aux TFD (evoqdv) entre T1 et T2» telle
qu’elle corresponde à la différence qdv1-qdv2 en valeur absolue ;
-
« évolution de la qualité de vie mentale entre T1 et T2 (evoghq) telle qu’elle
corresponde à la différence ghq2-ghq1 en valeur absolue.
Modèle1
Âge
Degré
de
liberté
41
Modèle 2
41
Ancienneté
des
symptômes
(ancsymp)
Anxiété-trait
(anxtrai)
*p<0,05 ;**p<0,01
Notre première régression (modèle

standar
1) permet de montrer que moins les
disé
4,290* 0,097 -0,311*
sujets sont âgés, plus ils auront une
F
R2
bonne évolution de leur qualité de
3,049* 0,135
-0,162*
vie spécifique à leurs troubles. Cette
0,308
43
variable indépendante permet d’expliquer 9,7 % de la variance de l’évolution qualité de vie
spécifique aux TFD.
Notre seconde régression (modèle 2) indique que moins les symptômes sont anciens et plus
les sujets TFD auront une bonne évolution de leur qualité de vie mentale. Ces deux variables
explicatives que sont l’ancienneté des symptômes et l’anxiété-trait permettent d’expliquer
13,5% de la variance de l’évolution de la qualité de vie mentale.
Ainsi nous constatons que les facteurs sociobiographiques et personnels ne prédisent pas le
recours à l’automédication et l’évolution des troubles trois mois plus tard.
Récapitulatif de l’hypothèse 1 :
Age faible
Bonne évolution de la qualité de vie
spécifique aux TFD
Symptômes
peu anciens
Bonne évolution de la qualité de vie
mentale
3.2.2. Rôle prédictif des facteurs socio-biographiques et personnel sur les médiateurs de
l’ajustement aux TFD
Nous avons retenus deux modèles significatifs (p<0,05).
Degré
de
liberté
41
Modèle1
Anxiété-trait
(anxtrai)
Ancienneté
symptômes
(ancsymp)
Âge (age)
Modèle 2
Ancienneté
symptômes
(ancsymp)
Anxiété-trait
(anxtrai)
Âge (age)
F
9,667**
R2

standardi
sé
0,433
des
des
*p<0,05 ;**p<0,01
3,258*
première
régression
(modèle 1) permet de montrer
0,662**
que plus leur anxiété-trait est
-0,058
élevée, et plus les sujets TFD
0,078
41
Notre
auront
recours
très
significativement à une stratégie
0,205
-0,269
de coping émotionnelle.
0,400**
0,175
44
Les trois variables indépendantes permettent d’expliquer 43,3% de la variance du recours au
coping émotionnel, ce qui constitue un résultat tout à fait satisfaisant.
De même, dans notre seconde régression (modèle 2), plus leur anxiété-trait est élevée et plus
les sujets rencontrés utiliseront une stratégie de coping distractif. L’ensemble des variables
permet d’expliquer 20,5% de la variance du recours au coping distractif.
Récapitulatif de l’hypothèse 2 :
Recours important au coping émotionnel
Anxiété élevée
Recours important au coping distractif
3.3.3. Rôle prédictif des médiateurs de l’ajustement aux TFD sur les critères de
l’ajustement aux TFD
Nous avons testé plusieurs modèles et seuls deux sont apparus significatifs (p<0,05).
Modèle1
Degré
de
liberté
41
F
R2
3,548*
0,154

standardisé
Dans notre première régression
(modèle
Coping émotionnel
(emo)
Coping distractif
(distract)
Modèle 2
41
Amplification des
symptômes
(amplsymp)
Coping émotionnel
(emo)
Coping distractif
(distract)
Coping palliatif
(palliat)
Coping
instrumental
(instru)
*p<0,05 ;**p<0,01
1),
deux
variables
0,279
indépendantes
permettent
-0,215
d’expliquer
2,503*
15,4%
de
la
0,258
-0,087
variance de l’évolution de la
qualité de vie mentale entre T1
-0,440*
et T2.
-0,057
Notre
seconde
régression
-0,160
(modèle 2) indique que moins
0,258
les sujets TFD ont recours à la
stratégie de coping émotionnel,
45
et plus ceux-ci auront une bonne évolution de leurs troubles. Ces cinq variables indépendantes
expliquent 25,8% de la variance de l’évolution des troubles trois mois plus tard.
Récapitulatif de l’hypothèse 3 :
Recours faible au coping
émotionnel
Bonne évolution des troubles
trois mois après
IV. Discussion
Dans cette dernière partie, nous allons discuter les résultats obtenus en nous aidant de la revue
de la littérature effectuée au préalable.
-Tout d’abord, nous n’avons pas pris en compte le sexe dans les calculs statistiques car la
forte prédominance du sexe féminin dans la population TFD mise en évidence dans la
littérature par de nombreux auteurs est confirmée dans notre échantillon. Avec seulement 19%
d’hommes, la population masculine reste faiblement représentée.
- Pour près de 60% de notre échantillon, les troubles ont débuté avant 30 ans. Ce qui va dans
le sens de ce que précisent Jian et Lémann (2001) c’est-à-dire que les TFD débutent le plus
souvent vers l’âge de 30ans.
.
→Tout d’abord, nos résultats statistiques mettent en évidence que les sujets TFD jeunes
auront une bonne évolution de leur qualité de vie spécifique à leurs troubles, mais aussi
qu’une apparition récente des symptômes prédit une bonne évolution de la qualité de vie
mentale. Il semble aussi que le caractère chronique de cette pathologie et l’efficacité partielle
des traitements proposés placent le malade dans une situation d’impuissance, il en résulte que
les sujets TFD jeunes et qui ont vu apparaître leurs troubles récemment sont plus aptes à
composer avec leurs troubles, et donc en souffrent moins dans leur vie quotidienne. En effet,
46
Quinton (1994) précise que les TFD évolue habituellement sur des années si ce n’est sur toute
une vie.
→ Ensuite, nous avons souligné qu’une anxiété élevée prédisait très significativement un
recours important aux stratégies de coping distractif et émotionnel, généralement
dysfonctionnelles. Mais dans le cas d’une telle pathologie chronique, le recours à ces
stratégies à long terme parait justifié (Bruchon-Schweitzer, 2002). Tous les auteurs ont
précisé le rôle pathogène de la personnalité anxieuse. L’American College of
Gastroenterology Functional Gastrointestinal Disorders task force (2002) avance que
l’amélioration des symptômes du SII est fréquemment liée à l’amélioration de l’anxiété.
Ainsi l’anxiété rend ces patients sensibles aux évènements et ceux-ci réagissent au moyen de
leurs affects, de même elle va les conduire à éviter tout ce qui a attrait à leurs troubles en
pensant à des choses plus agréables ou encore en recherchant la compagnie d’autrui
→ Enfin, un recours faible à la stratégie de coping émotionnel prédit une bonne évolution des
troubles trois mois plus tard. Nous avions vu plus haut que le recours à cette stratégie est
associé à une issue défavorable. En effet, le sujet TFD qui ne dramatise pas ses troubles et qui
ne pense pas qu’à la situation aura tendance à voir ses troubles évoluer favorablement trois
mois plus tard.
- A travers les résultats observés précédemment, nous avons pu confirmé notre hypothèse
générale à savoir que certaines variables antécédentes ou médiatrices ont un impact sur
l’ajustement aux troubles fonctionnels digestifs. En effet, des variables antécédentes socio
biographiques et personnelles, et des variables médiatrices telles que les stratégies de coping
et l’amplification des symptômes ont un impact sur les issues émotionnelles (évolution de la
qualité de vie mentale, et évolution de la qualité de vie spécifique aux troubles), somatiques
(évolution des troubles) des sujets souffrant de TFD.
47
-La passation du questionnaire relatif au recours à l’automédication a pu constituer une
source de biais car la majorité des patients l’ont passer à T1 en même temps que les autres
questionnaires tandis que sept patients sur vingt ont été contacté par téléphone, ceci car l’état
d’avancement de notre grille nous y a contraint. Le mode de passation n’est donc pas
homogène pour l’échantillon de 20 sujets que nous avons constitué.
Nos statistiques descriptives font apparaître deux résultats majeurs que nous nous proposons
de compléter avec les entretiens cliniques réalisés sur la pratique automédicative des patients
TFD:
*Chez les sujets ayant un recours faible à l’automédication (40%) : plusieurs thèmes
reviennent très souvent dans leur discours comme la confiance thérapeutique en la personne
du gastroentérologue, une observance rigoureuse des médicaments prescrits et pour la plupart
une attitude passive face à aux crises (« attendre », « se coucher, s’allonger », « garder sur
soi », « résignation »).
*Chez les sujets ayant un recours important à l’automédication (45%) : 67% des sujets TFD
estiment que les médicaments sont efficaces.
Contre toute attente, nos statistiques inférentes n’ont pas en évidence le rôle prédictif de
facteurs antécédents ou médiateurs sur le recours à l’automédication, il serait nécessaire
d’élargir la population d’étude et d’investir ce phénomène complexe qui a tendance à être
banalisé à l’aide d’une grille questions précises et pluridimensionnelles. Au vu de nos
entretiens, il s’avère difficile de mesurer l’ampleur de l’automédication de manière auto
évaluative car les sujets peuvent être soumis à la désirabilité sociale ou encore au déni. En
effet, la littérature fait apparaître que plus de la moitié des Français considèrent encore que
l’aspirine n’est pas un médicament (Queneau, 1999), ce qui fait appel bien sûr aux
représentations des individus à propos des médicaments. A cet effet, des méthodes originales
48
quelque peu ambitieuses et avant-gardistes pourraient être mises en place comme le pilulier
automatique ou le distributeur- calendrier (Queneau, 1999).
- Bien qu’il s’agisse d’une étude prospective (longitudinale), il aurait été intéressant d’évaluer
les antécédents, les médiateurs et les critères à des temps différents c’est-à-dire les médiateurs
dans un deuxième temps par rapport aux antécédents, et donc les critères dans un troisième
temps. De plus, un plus grand effectif d’hommes aurait permis de mettre en évidence l’impact
fonctionnel ou dysfonctionnel sur l’ajustement émotionnel, somatique et médicamenteux des
sujets TFD à leur maladie
49
Conclusion :
Les Troubles Fonctionnels Digestifs sont une incontestable voie de recherche. Des
avancées ont eu lieu dans la compréhension des mécanismes physiopathologiques où apparaît
de plus en plus clairement le rôle joué par un dysfonctionnement entre le système nerveux et
le système immunitaire ainsi que l’influence déterminante de troubles psychologiques. Sur le
plan thérapeutique, les pistes se multiplient. Mais pour l’avenir de la recherche
pharmacologique, nous pouvons espérer que chaque prescription thérapeutique s’accompagne
d’un très haut niveau de sécurité et donc de vigilance de la part de toute la « chaîne »
concernée par le médicament : depuis son concepteur jusqu’au bénéficiaire. Ce qui impose
d’optimiser l’emploi des moyens thérapeutiques et concernant l’automédication, d’en
permettre une pratique éclairée, réfléchie et responsable, grâce à une authentique éducation en
matière de médicament. De plus, la tendance des patients à interpréter certains symptômes dus
à des causes sociales ou structurelles comme des défauts individuels de santé et à les traiter à
l’aide de médicaments peut conduire à une médicalisation de la société. Les acteurs de santé
ont ici un rôle important mais non exclusif à jouer.
D’autres thérapeutiques psychosociales telles que l’hypnose (Tan et al., 2005) déjà
essayées par certains auteurs mériteraient une meilleure évaluation. Ces modes de traitement
ne doivent pas être conseillés indistinctement à tous les sujets car impliquant certaines
conditions : possibilité d’introspection et surtout existence d’une demande authentique de la
part du patient lui-même.
La psychologie de la santé va s’appuyer avant tout sur la façon dont le patient est
capable de faire face à la maladie chronique, afin de l’aider à s’adapter et à améliorer sa
qualité de vie. Les patients TFD rencontrés utilisaient préférentiellement des stratégies dites
50
évitantes (coping émotionnel et distractif), des programmes d’autogestion peuvent leur être
proposés, ces techniques étant déjà utilisées pour toute une variété de maladies chroniques
comme le diabète et l’asthme. Le but principal de ces programmes d’autogestion est de
donner au patient un rôle actif dans le contrôle, la stabilisation ou le ralentissement de sa
maladie et d’empêcher les conséquences indésirables et les complications.
51
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