UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS LES ETATS DE CHOC 1. DEFINITION L’état de choc se caractérise par une défaillance de la microcirculation, responsable d’une hypo perfusion cellulaire aiguë et durable. L’apport d’oxygène aux tissus n’est plus adapté à leurs besoins → une souffrance cellulaire. L’altération profonde des conditions hémodynamiques entraîne une ischémie irréversible des organes cibles. 2. PHYSIOLOGIE Une hémodynamique normale implique : Un volume circulant normal (volémie 5 à 6 litres) et un retour veineux suffisant Une contractilité myocardique efficace Une circulation périphérique normale : est constituée d’un réseau capillaire contenant 6 à 7% de la masse sanguine, mais est capable de stocker un volume plus important. La vasomotricité est régulée par le système sympathique qui agit par l’intermédiaire d’hormones appelées catécholamines (adrénaline, noradrénaline) dont le site d’action est constitué de récepteurs spécifiques. 3 acteurs cardio-vasculaires sont à la base de la physiologie d’un choc. Ce sont : - la pompe cardiaque, - le contenant ou lit vasculaire, - et enfin le contenu ou masse sanguine. Une altération de l’un ou plusieurs de ces composants peut conduire à un état de choc. PHYSIOPATHOLOGIE (physiologie commune des états de choc) On peut définir plusieurs types de chocs, en fonction de l’atteinte initiale de l’un ou l’autre des composants : Une atteinte de la pompe cardiaque → choc cardiogénique Le cœur peut être : → soit le principal responsable par défaillance myocardique (ex. IDM) → soit victime (pneumothorax suffocant, tamponnade …) 1 UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS Une atteinte de la masse sanguine lors d’une hémorragie massive par exemple, donnera → choc hypovolémique Une atteinte du lit vasculaire, que l’on trouve en cas de réaction anaphylactique ou d’infection grave par exemple. → choc anaphylactique ou choc septique Après ce point de départ initial, un état de choc constitué se déroule schématiquement en plusieurs étapes. LA DEFAILLANCE HEMODYNAMIQUE INITIALE Elle entraîne une baisse de la perfusion des tissus. L’hypo perfusion tissulaire induit une diminution de l’oxygénation des cellules, avec activation de la voie énergétique anaérobie qui produit moins d’énergie et rejette des lactates dans la circulation. Pour compenser cette défaillance, le système sympathique est activé (libération intense de catécholamines) ce qui permet : D’augmenter le débit cardiaque par augmentation de la fréquence et de la contractilité myocardique De préserver la vascularisation des organes nobles (cerveau, cœur, foie) au dépend des circulations cutanéo-muqueuses, rénales et de l’appareil digestif, qui sont le siège d’une vasoconstriction intense. LE CHOC EST ALORS COMPENSE L’ANOXIE TISSULAIRE Elle entraîne une cascade de réactions cellulaires et humorales. Le déversement de métabolites cellulaires de l’anaérobiose (lactates, histamine, kinines) dans la circulation entraîne une vasodilatation et des troubles de la perméabilité de la paroi des vaisseaux qui impliquent une fuite liquidienne vers les espaces extracellulaires. Ces 2 phénomènes aggravent la mécanique circulatoire déjà altérée. L’anoxie cellulaire favorise également des troubles de la coagulation (agrégation plaquettaire, activation locale des facteurs de coagulation). Le choc entre alors dans un cercle vicieux et devient décompensé. Il tend à devenir irréversible. Retentissement viscéral de l’état de choc. Il est secondaire aux troubles vasomoteurs et à la souffrance cellulaire et peut aboutir à un syndrome de défaillance multi viscéral (SDMV). 2 UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS 3. DIAGNOSTIC de l’ÉTAT DE CHOC Signes cardiovasculaires Tachycardie : pouls rapide (Fc >100b/min) et filant, ou bradycardie paradoxale de mauvais pronostic. Hypotension : PA systolique < 80 mmHg Pâleur intense au niveau du visage Marbrures au niveau des membres inférieurs Cyanose (coloration bleue des muqueuses) localisée aux extrémités, c’est-à-dire aux lèvres, aux ongles et aux lobules des oreilles. Signes respiratoires Polypnée ou tachypnée superficielle (Fr > 20c/min). Une bradypnée est de mauvais augure. Sudation abondante signe d’hypercapnie (augmentation du CO2). Signes urinaires Baisse de la diurèse : oligurie (diurèse inférieure à 30 ml/h) ou anurie (absence de diurèse). Signes neurologiques. Ils sont essentiellement neuropsychiques : Angoisse, agitation ou prostration. 4. DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL Le collapsus est un symptôme hémodynamique, caractérisé par une chute brutale de la pression artérielle sans souffrance cellulaire. 5. LES DIFFERENTS CHOCS 5.1 CHOCS HYPOVOLEMIQUES Ils se caractérisent par une inadéquation brutale entre le contenant (les vaisseaux) et le contenu (le sang) par perte liquidienne. → soit par hémorragie extériorisée que l’on doit essayer de quantifier → soit par hémorragie interne dans une cavité naturelle (péritoine, tube digestif) ou dans un tissu (hématome) → soit par perte de plasma : brûlure.. → soit par perte d’eau (3ème secteur) ou perte de sel (déshydratation aiguë) 3 UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS Volémie : 70 mL/kg chez l’adulte Amputation de la volémie de 20% → choc Dans le choc hypovolémique, la diminution du retour veineux se traduit par une diminution de la PVC. La PVC équivaut à la pression de remplissage de l’oreillette droite et est le reflet partiel du remplissage du cœur gauche et donc du fonctionnement cardiaque. Signes de CHOC + PVC basse (< 5cmH2O) = choc hypovolémique 5.2. CHOCS CARDIOGENIQUES Ils se caractérisent par une chute du débit cardiaque avec incapacité de la pompe cardiaque à assurer les besoins tissulaires en oxygène. Une faillite myocardique peut en être la cause (ex : IDM). L’état de choc survient par insuffisance cardiaque ou par l’apparition de troubles du rythme. Cela peut aussi être un défaut de remplissage avec risque de désamorçage de la pompe. C’est le cas de la tamponnade cardiaque, de la dissection aortique etc. En fait le choc cardiogénique est dû à un dysfonctionnement cardiaque avec une volémie efficace. On observe une augmentation des pressions en amont du cœur avec une augmentation de la pression veineuse. 5.3. CHOC PAR VASOPLEGIE INITIALE La dilatation des vaisseaux entraîne une hypo volémie relative, responsable d’une augmentation de la fréquence cardiaque. CHOC SEPTIQUE Il se caractérise par une défaillance circulatoire due à la libération de toxines bactériennes ou virales, voir de levures. Au début, il s’agit d’un choc vasoplégique. Cette phase réversible appelée choc hyperkinétique se traduit cliniquement par : Tachycardie Une PA normale ou augmentée Des sueurs Une rougeur des téguments Une polypnée 4 UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS Les mécanismes physiologiques de compensation du choc sont encore efficaces. Les germes responsables sont surtout les bacilles gram négatif ou positif. Secondairement, l’état de choc évoluera vers une chute du débit cardiaque avec altération myocardique due aux endotoxines bactériennes (toxines sécrétées par les bactéries entraînant la libération dans l’organisme de substances vasoactives) Cette 2ème phase est appelée choc hypokinétique. Les systèmes de compensation sont dépassés et le choc devient irréversible. Pour le choc septique l’antibiothérapie est une urgence thérapeutique CHOC ANAPHYLACTIQUE Il s’agit d’une réaction immunologique entre un antigène (apporté de l’extérieur) et un anticorps (présent dans l’organisme) qui est à l’origine d’une vasoplégie brutale et intense. Il n’existe actuellement aucun moyen efficace de prévenir la survenue d’un accident anaphylactique. Il faut donc être prêt à y faire face à tout moment. La prise en charge est bien codifiée Cf protocoles SAU 6. TRAITEMENT DE L’ETAT DE CHOC Les buts du traitement sont de corriger les désordres hémodynamiques et d’améliorer l’apport d’oxygène au niveau tissulaire. La compréhension des mécanismes de choc est indispensable pour adapter au mieux la prise en charge hémodynamique. En dehors des circonstances de survenue, un minimum d’examens paracliniques permettra d’orienter la réflexion (température, ECG, enzymes cardiaques, radiographie du thorax NFS, ECBU…). La PVC permettra grossièrement de différencier un choc cardiogénique (PVC >12cmH2O) d’un choc non cardiogénique (PVC<5cmH2O). La mise en place d’un cathéter artériel permettra de réaliser une surveillance continue de la pression artérielle et facilitera les prélèvements sanguins nombreux et indispensables. Remplissage : le but étant de restaurer la volémie, d’améliorer la microcirculation et d’augmenter le débit cardiaque. o Les cristalloïdes qui contiennent de l’eau et des ions : Ringer-lactate et sérum physiologique o Les colloïdes : Plasmion, Voluven… o Le sang : transfusion de concentrés érythrocytaires en cas d’hémorragie. L’assistance respiratoire o O2 nasal ou au masque si le patient est en ventilation spontanée satisfaisante o Intubation oro-trachéale et ventilation contrôlée en FiO2 élevée en cas de détresse respiratoire. 5 UE 4.3. S4 Année 2010-2011 L.DARRAS Drogues vasoactives : les catécholamines ou dérivés agissent au niveau des récepteurs du système sympathique pour modifier les fonctions cardio-vasculaires, métaboliques et respiratoires. o L’adrénaline (Adrénaline) : c’est la drogue élective de l’arrêt cardiaque et du choc anaphylactique. Dans les autres étiologies, c’est l’ultime recours lorsque dopamine et dobutamine sont inefficaces. o La noradrénaline (Levophed) : sa puissante action vasoconstrictive en fait la drogue de choix lors de l’effondrement des résistances vasculaires systémiques. Ex : choc septique o La dopamine (Dopamine) : à faible dose, elle a une action vasodilatatrice spécifique des artères rénales et améliore ainsi la diurèse. A forte dose elle améliore la contractilité myocardique. o La dobutamine (Dobutrex). Elle est plus inotrope positive (contractilité +++) que la dopamine.Elle peut être utilisée conjointement avec la dopamine pour renforcer ses effets. o L’isoprénaline (Isuprel). Elle ne s’utilise jamais en injection intraveineuse directe, mais en perfusion : 5 ampoules d’Isuprel dans un 250 mLde SG 5% (à protéger de la lumière). Sa seule indication est le trouble du rythme par bloc auriculo ventriculaire (BAV)et la torsade de pointe. Les traitements spécifiques de l’IDM, de la thrombolyse de l’embolie pulmonaire, de l’évacuation d’un épanchement péricardique compressif, constituent l’autre volet du traitement de choc. 2 situations particulières : Le choc septique pour lequel l’antibiothérapie est une urgence thérapeutique le choc anaphylactique dont le tableau clinique est spécifique et la prise en charge bien codifiée. o Stopper l’administration ou le contact avec l’allergène présumé o Etendre le patient et lui surélever les jambes o Assurer la liberté des voies aériennes o Mettre en PLS si nécessaire (inconscience, vomissements ..) o Administrer de l’O2 pur au masque facial à 10l/mn o Préparer l’adrénaline o Remplissage vasculaire rapide avec du sérum physiologique ou du Ringer lactate o En cas de bronchospasme administrer Ventoline en spray ou en aérosol 1 ampoule de Bricanyl par voie sous cutanée o transport du patient vers une structure hospitalière avec monitorage cardiovasculaire voie veineuse fonctionnelle oxygène pur : FiO2 =1 éventuellement intubation orotrachéale et ventilation artificielle SOINS RELATIONNELS Assistance, soutien, réconfort et écoute vis-à-vis de la famille. 6 UE 4.3. 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