Prise en charge des traumas thoraciques : attitudes

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Prise en charge des traumas thoraciques : attitudes pratiques
par F. Pons* et B. Tremblay**
* Service de chirurgie viscérale et thoracique, hôpital d'Instruction des Armées, Percy, Clamart,
France.
** Service de chirurgie thoracique et vasculaire, hôpital Avicenne, Bobigny, France.
Les traumatismes thoraciques sont un problème redouté en particulier lorsque les
moyens d'agnostiques et le plateau technique sont limités. L'évolution immédiate ou
différée de ces traumatismes peut mettre en jeu la fonction circulatoire et respiratoire
et peut évoluer rapidement vers une issue fatale.
Pourtant des moyens
thérapeutiques simples, au premier plan desquels l'utilisation judicieuse du drainage
thoracique, permettent de traiter efficacement 80 % de ces traumatismes.
I. Mécanismes et conséquences (figure n° 1)
1. Mécanismes
Parmi les traumatismes thoraciques, il faut distinguer 2 mécanismes :

Les traumatismes ouverts ou plaies du thorax
Ils sont provoqués par des armes blanches, des projectiles divers (balles, éclats),
parfois des cornes d'animaux (et il faut souligner le caractère particulièrement
septique de ces plaies). Lors d'une plaie thoracique, il y a ouverture de la cavité
pleurale et si l'orifice est volumineux, cette cavité peut communiquer directement
avec le milieu extérieur, on parle alors de plaie thoracique soufflante. Souvent,
lorsque l'orifice est petit, les plans musculaires assurent une étanchéité au niveau de
la plaie.

Les traumatismes fermés
Ils sont la conséquence de mécanismes de contusion, d'écrasement ou de chutes
(accidents de la circulation ou d'abattage d'arbre, rixes, lynchages). La paroi du
thorax est atteinte ainsi que son contenu mais il n'y a pas de communication avec le
milieu extérieur.
2. Conséquences
Quel que soit le mécanisme, les lésions peuvent intéresser la paroi du thorax (côtes,
sternum, rachis, vaisseaux intercostaux), les poumons et l'arbre trachéo-bronchique,
le médiastin (coeur et gros vaisseaux, oesophage).
Les conséquences sont doubles : l'hémorragie et le risque respiratoire.

L'hémorragie
Elle se fait le plus souvent dans la cavité pleurale réalisant alors un hémothorax qui
peut provoquer un choc hémorragique et une compression du poumon ou du
médiastin, s'il est de grande abondance.

Le risque respiratoire ou risque d'asphyxie
Il peut être en rapport avec :
- un pneumothorax, présence d'air dans la plèvre provenant d'une plaie du poumon
ou d'une bronche ou d'une plaie ouverte du thorax. Cet épanchement gazeux peut
entraîner un pneumothorax compressif ;
- une obstruction des bronches ou de la trachée, par rupture directe, par inondation
de sang ou par encombrement secondaire chez un blessé algique qui ne tousse plus
;
- des lésions du parenchyme pulmonaire par plaie directe ou par contusion
pulmonaire qui altèrent les échanges gazeux.
Les contusions pulmonaires
s'observent surtout dans les traumatismes fermés graves mais peuvent aussi
accompagner les plaies par balle à grande vitesse ou avec explosion réalisant des
lésions de « cavitation » ou de « blast* » ;
- une perte de stabilité de la paroi thoracique ou un volet thoracique* qui, en se
mobilisant à contretemps, réalise une respiration paradoxale*.
Il. Prise en charge des traumatismes du thorax
1.Les trois armes de la prise en charge

Le drainage thoracique ou pleural
Il a pour but d'évacuer un épanchement (hémothorax ou pneumothorax), de
supprimer ou éviter la compression pulmonaire et/ou médiastinale provoquée par cet
épanchement et de recréer le vide pleural nécessaire pour maintenir le poumon en
contact avec la paroi et permettre sa réexpansion.

La réanimation
Les gestes de base sont toujours: compenser une hémorragie par le remplissage
vasculaire et la transfusion, assurer la liberté des voies aériennes, assister la
ventilation si l'on dispose d'oxygène et de possibilités d'intubation (tableau critères
d'intubation trachéale) et de ventilation prolongée, ce qui implique un plateau
technique assez développé.

La chirurgie
Elle a pour but, par thoracotomie, d'arrêter une hémorragie et de réparer des lésions
importantes pariétales ou trachéo-bronchiques; elle ne demande pas de matériel
spécifique par rapport à la chirurgie viscérale mais elle nécessite parfois une
ventilation prolongée du blessé dans les suites opératoires.
La prise en charge d'un traumatisé du thorax peut donc être difficile pour un médecin
ou un infirmier isolé ne disposant généralement pas de possibilité de ventilation
prolongée et de peu de possibilités chirurgicales ; dans ces conditions d'exercice, la
seule arme dont on dispose toujours est le drainage thoracique et il est donc
impératif de pouvoir le mettre en oeuvre de manière optimale.
Nous envisagerons donc successivement les modalités du drainage thoracique, les
indications thérapeutiques dans les plaies du thorax, les indications thérapeutiques
dans les traumatismes fermés.
2. Drainage thoracique ou pleural
La mise en place d'un drain thoracique est précédée chaque fois que possible d'une
radio afin de confirmer et de préciser le siège de l'épanchement.
Où mettre le drain ?
Deux sites sont classiques (figure n° 2)
- La voie antérieure au niveau du 2e espace intercostal sur la ligne mamelonnaire
verticale. C'est la technique la plus simple chez un blessé allongé par terre ou chez
un polytraumatisé dont on ne peut relever le bras mais la mise en place peut être
gênée par le volume du muscle grand pectoral.
- La voie axillaire au niveau des 4e ou 5e espaces intercostaux sur la ligne axillaire
moyenne entre le bord postérieur du grand pectoral et le bord antérieur du grand
dorsal.
L'introduction est généralement plus facile car le gril costal est directement sous la
peau.
Le choix entre les deux n'a pas une très grande importance. Elle est fonction des
habitudes et des circonstances ; si l'on ne dispose pas de possibilités d'aspiration, il
faut préférer le siège axillaire car le drainage se fait plus facilement par simple
gravité.
Mais deux principes sont à respecter : jamais au-dessous de la ligne mamelonnaire
horizontale (risque de traverser le diaphragme et de blesser foie ou rate) ; ne pas
utiliser un orifice de plaie (risque de reprise hémorragique et risque d'infection).
Quel matériel utiliser ?
Un drain trocart de Joly (figure n° 3) ou un trocart de Monod (figure n° 4), plus sûr, de
bon calibre: 24 ou 28 CH (Charrière*). En fait, on utilise les tuyaux dont on dispose,
éventuellement une sonde urinaire ou un simple tuyau sur lequel on crée des orifices
supplémentaires, en choisissant toujours un gros calibre pour éviter qu'il ne soit
bouché par les caillots.
Comment mettre un drain ?
- Faire une anesthésie locale et une ponction préalable avec une longue aiguille pour
confirmer l'épanchement liquidien ou gazeux. Si l'on ne trouve pas d'épanchement
en ponctionnant, il faut essayer à un autre endroit. Cette ponction préalable doit être
systématique et à plus forte raison si l'on n'a pas pu faire de radiographie
pulmonaire.
- Faire une incision toujours large (2 à 3 cm), vraie « minithoracotomie » qui doit
permettre l'introduction d'un doigt dans la plèvre. C'est le meilleur moyen pour éviter
une blessure du poumon.
- « Disciser* » les muscles avec une pince si possible (type Christophe, Kelly ... ).
- « Racler » le bord supérieur de la côte inférieure (pour éviter le pédicule intercostal
qui suit le bord inférieur de la côte).
- Diriger le drain vers le haut et en arrière (pneumothorax), vers le bas et en arrière
(hémothorax).
- Fixer solidement le drain à la peau et laisser un fil en attente par un point en U.
Appareillage et maintenance du drainage
Les difficultés commencent lorsque le drain a été mis en place: comment l'équiper et
comment le surveiller ? Un système de drainage pleural doit être :
- aseptique : manipuler avec précautions, faire un pansement autour du drain, ne pas
repousser un drain dans le thorax, ne pas réutiliser un orifice ancien ;
- perméable : un drain non fonctionnel car bouché est inutile (voire dangereux en cas
d'épanchement compressif). Il faut « traire » le drain plusieurs fois par jour à la main
ou à la pince pour fragmenter d'éventuels caillots ; cette traite peut être confiée après
éducation au blessé ou à la famille accompagnante ;
- irréversible : c'est-à-dire que les liquides et l'air ne doivent jamais pouvoir retourner
vers le patient : pour cela il faut deux choses : un récipient pour recueillir le liquide et
un système dit antiretour qui interdit le passage de l'air ou du liquide vers le patient.
Plusieurs systèmes antiretour sont possibles. Le plus simple est réalisé par une
poche à urine comme récipient et une valve unidirectionnelle de Heimlich entre le
blessé et la poche. En l'absence de valve de Heimlich, un doigt de gant fendu et
noué sur le drain peut en tenir lieu mais reste cependant d'efficacité moyenne (la
poche à urine doit être percée pour permettre l'évacuation de l'air). Autrement, un
système avec un bocal et de l'eau (figure n° 5) fait à la fois office de récipient et de
dispositif antiretour. Le tuyau venant du drain (patient) est plongé dans l'eau de 2 cm
ce qui interdit à l'air de revenir, un tube court ne plongeant pas dans le liquide où un
orifice fait communiquer le bocal avec l'atmosphère. Ainsi toute ré-entrée d'air est
impossible lors des mouvements inspiratoires mais une remontée liquidienne est
toujours possible lors de mouvements très amples et, il faut, pour l'éviter, que le
bocal soit au moins à 40 cm au-dessous du thorax du patient. Il est donc important
que ces patients ne soient pas allongés par terre ; au fur et à mesure que le niveau
du liquide monte, l'aspiration devient moins efficace et il faut changer le bocal ou
remonter le tuyau dans le liquide ; des dispositifs plus efficaces (mais plus
compliqués) avec deux, voire trois bocaux peuvent aussi être utilisés.
- Aspiratif : l'idéal est de raccorder le (ou les bocaux) à une aspiration, ce qui facilite
la vidange pleurale et la ré-expansion pulmonaire ; mais ceci est souvent impossible
dans des structures limitées car on dispose rarement de source de vide et l'on peut
avoir recours à d'autres solutions : siphonnage simple où l'évacuation du liquide se
fait par simple gravité et qui peut être efficace si le drainage est parfaitement surveillé
; traite régulière de la valve de Heimlich par le blessé lui-même ou par son entourage
après éducation ; aspiration discontinue plusieurs fois par jour en fonction des
disponibilités du matériel et des infirmiers, en utilisant une aspiration à pied type
Pedavid ou un petit aspirateur électrique.
- Un dispositif de retransfusion. Il faut citer l'intérêt de l'autotransfusion (figure n° 6)
dans une structure où les disponibilités en produits sanguins sont limitées. Le sang
recueilli dans une poche à urine pourra être immédiatement retransfusé au patient
après filtrage en utilisant une tubulure de transfusion.
Il faut souligner que lorsque l'on appareille un drain thoracique, un des principaux
problèmes est celui des raccords. Si l'on ne dispose pas de raccords du commerce,
il est généralement facile d'en fabriquer avec des bouts de tuyaux et de caoutchouc.
Il est donc indispensable que tout médecin ou infirmier isolé ait prévu, avant de
recevoir en urgence un traumatisé du thorax, et en fonction du matériel dont il
dispose, les différents raccords nécessaires depuis le patient jusqu'au dispositif de
recueil ou de retransfusion. Un système complet et cohérent doit ainsi être prêt et
stérilisé. Il faut vérifier régulièrement le montage : drains, tuyaux, raccords. Tous les
raccords doivent être apparents et non dissimulés par des pansements pour éviter
qu'ils ne se désadaptent sans que l'on s'en aperçoive.
Surveillance du drainage
La surveillance clinique est pluriquotidienne auscultation du patient, palpation à la
recherche d'un emphysème sous-cutané, inspection des tuyaux et raccords, examen
de la poche ou du bocal : aspect et quantité du liquide, existence d'un bullage.
- La radiographie pulmonaire, idéalement, est quotidienne et sera refaite après toute
modification du drainage. En pratique, après mise en place du drain, une
radiographie pulmonaire au lit est rarement possible et la position des drains ne peut
être contrôlée. Par la suite, il est également difficile d'apprécier leur efficacité réelle
et, devant un drain qui bulle ou ne produit plus, le médecin est souvent réduit à des
interrogations sans réponse.
- L'ablation du drain sera envisagée entre le 3e et le 5 e jour en fonction de l'absence
du bullage, d'une production liquidienne inférieure à 150 cc/24 h et d'un éventuel
contrôle radiographique confirmant l'absence d'épanchement résiduel.
- Complications. Les drainages incomplètement surveillés peuvent être insuffisants
avec un risque immédiat de surinfection et de pyothorax et, à distance, un risque de
séquelles (organisation d'une poche pleurale, pyopneumothorax chronique).
III. Conduite à tenir devant une plaie du thorax
1. Examen et bilan initial
À l'arrivée, sera pratiqué un examen rapide du blessé et un premier bilan :
- Aspect général, état hémodynamique, pouls, TA.
- Examen du ou des orifices (toujours retourner avec précaution le blessé pour
rechercher un orifice postérieur) afin d'essayer de préciser le trajet : Y a-t-il passage
à travers le médiastin ? Y a-t-il lésion d'un ou des deux hémithorax ? Y a-t-il
pénétration abdominale ?
- Auscultation et percussion des deux hémithorax à la recherche de signes
d'épanchement gazeux ou liquidien, auscultation des bruits du coeur qui peuvent être
plus ou moins déplacés.
- Palpation de l'abdomen à la recherche de signes évoquant une lésion abdominale
associée.
À l'issue de ce bilan, plusieurs tableaux peuvent être individualisés et la conduite à
tenir en découle (figure n° 7).
2.Tableau de détresse circulatoire chirurgical: d'emblée
- Deux indications chirurgicales de sauvetage.

Tableau de détresse circulatoire majeure par hémothorax massif qui nécessite
une thoracotomie d'extrême urgence du côté de la plaie.

Tableau de tamponnade avec une plaie dans l'aire cardiaque. Le tableau associe
jugulaires turgescentes, position allongée insupportable, baisse de la TA,
assourdissement des bruits du coeur avec une plaie dans l'aire cardiaque limitée
en haut par les clavicules, en dehors, par les lignes mamelonnaires et en bas par
l'auvent costal qui impose une sternotomie ou une thoracotomie d'hémostase en
urgence.
- Dans une structure peu équipée, l'indication chirurgicale ne doit pas être récusée
de principe.
Un hémothorax massif peut être dû à une plaie minime d'une artère intercostale
qu'un simple point en X suffira à traiter ; de même, une plaie du coeur par arme
blanche qui a pu arriver jusqu au chirurgien est souvent de petite taille et de
traitement facile. Une thoracotomie d'extrême urgence peut donc sauver le patient si
les lésions sont limitées et rapidement traitées.
Les indications de ces thoracotomies de sauvetage doivent aussi être pesées en
tenant compte des possibilités techniques locales mais aussi du contexte social,
politique ou culturel et après avoir prévenu l'entourage (un décès sur table peut être
interprété soit comme un échec que l'on pourra reprocher au chirurgien, soit
inversement comme la preuve qu'il a fait tout ce qu'il pouvait devant une telle
situation).
- Technique anesthésique et chirurgicale.
L'induction anesthésique ne se fera si possible qu'après drainage thoracique.
L'abord de ces blessés ne peut se faire qu'en décubitus dorsal (l'état
hémodynamique ne permet pas de tolérer un décubitus latéral), en mettant un
coussin sous l'épaule pour pouvoir latéraliser un peu le patient.
La voie sera une thoracotomie antérolatérale du côté de la plaie (incision sous le
bord inférieur du grand pectoral) ou une sternotomie médiane verticale si une plaie
du coeur est suspectée et si l'on dispose du matériel nécessaire.
3. Tableau de détresse respiratoire non chirurgical d'emblée
Il faut s'assurer de la liberté des voies aériennes.
- Thorax soufflant évident : il faut en urgence obturer la plaie avec un gros
pansement humide pour arrêter le cercle vicieux de la compression et il est impératif
de mettre un drain pour éviter d'enfermer un épanchement compressif. Le drain peut
être mis selon les modalités décrites précédemment ou si l'orifice de la plaie est très
important, le drain peut être provisoirement introduit dans cet orifice sous contrôle
visuel. En règle générale, il faut toujours éviter d'utiliser l'orifice de la plaie.
- Pneumothorax ou hémothorax mal supporté : il faut ponctionner en urgence pour
exsuffler puis mettre un drain qui le plus souvent améliorera rapidement l'état
respiratoire.
4. Blessé ne présentant pas de détresse vitale
Le cas, heureusement le plus fréquent, est celui d'un blessé du thorax stable ou
rapidement stabilisé après une courte réanimation sur le plan circulatoire et
respiratoire. Il peut bénéficier d'un bilan un peu plus important, en particulier une
radiographie pulmonaire recherchant les signes d'un épanchement et un éventuel
projectile. Un abdomen sans préparation sera également réalisé. En fonction du
plateau technique dont on dispose, on peut également pratiquer une échographie
abdominale pour éliminer un hémopéritoine, voire un examen tomodensitométrique.
Tout épanchement justifie la mise en place d'un drain thoracique. La conduite
thérapeutique ultérieure et les indications chirurgicales seront guidées par la
surveillance de ce drainage.
Les indications chirurgicales liées au type de lésions
- Les gros délabrements pariétaux. Le geste chirurgical a pour but de parer et de
nettoyer la plaie, de vider la cavité pleurale et d'assurer l'étanchéité de la paroi
thoracique, ce qui est souvent assez facile en utilisant les masses musculaires de la
paroi thoracique ; en l'absence de possibilités chirurgicales, il faut, sous couvert du
drainage, nettoyer largement, rapprocher autant e possible avec de gros points et
évacuer leu blessé vers une structure chirurgicale.
- Les plaies thoraco-abdominales. Si un orifice est abdominal, la pénétration est
évidente et la laparotomie oit être systématique. Si le ou les orifices ne sont que
thoraciques, au moindre doute de l'existence d'une plaie abdominale (signes
péritonéaux à la palpation, reconstitution du trajet, ASP ou échographie), il est
indispensable de réaliser une laparotomie de principe.
La laparotomie permet de confirmer le diagnostic de plaie pénétrante, de traiter une
lésion abdominale associée et de réparer la lésion diaphragmatique ; le geste
thoracique sera au minimum un drainage, peut-être une exploration à travers la
brèche diaphragmatique ou plus rarement une thoracotomie associée.
Les indications chirurgicales induites par la surveillance du drainage
L'indication d'une thoracotomie précoce sera en fonction des données du drainage et
des possibilités techniques.
- Données du drainage. Importance et persistance du saignement ramené par le
drainage. Les chiffres classiquement admis sont de plus de 1,5 I à l'arrivée ou de
plus de 300 cc/h.
Hémothorax persistant, incomplètement drainé malgré des modifications de drainage
entraînant un risque de séquelle.
- Équipement de la structure. Le pourcentage de ces thoracotomies pour plaies du
thorax est en fait très variable allant de 20 à 80 % ; en effet, les indications
dépendent beaucoup du contexte.
Dans une structure très bien équipée permettant une surveillance précise de
l'efficacité du drainage, les indications sont assez rares.
Dans une structure peu équipée avec peu de possibilité de surveillance et de
réanimation mais disposant d'un chirurgien, les indications d'une thoracotomie pour
hémothorax peuvent être plus larges. Cela a l'avantage de limiter la réanimation et
les besoins de rem plissage d'un hémothorax qui continue à saigner, de pouvoir faire
d'emblée un bilan et un traitement précis des lésions avec une hémostase et une
pneumostase soigneuse, d'avoir la certitude d'une bonne position des drains et par la
suite de simplifier grandement la survaillance postopératoire dont nous avons vu les
difficultés surtout en l'absence de radiographie, de limiter les complications
infectieuses et les séquelles à distance dues à l'organisation d'un hémothorax mal
drainé.
Entre ces deux situations, il est donc difficile de donner des critères stricts
d'indication qui dépendront beaucoup des conditions d'exercice et des habitudes des
chirurgiens. Il nous semble cependant qu'une plaie du thorax avec pneumothorax et
hémothorax de moyenne abondance, même stable sur le plan hémodynamique, peut
justifier d'une thoracotomie de « mise au propre » qui est un geste avec une faible
morbidité lorsqu'il n'y a pas d'exérèse majeure).
5. Technique chirurgicale
Ces abords, en dehors de l'extrême urgence, seront faits en décubitus latéral par une
thoracotomie latérale qui donne la meilleure exposition sur la cavité thoracique. Le
geste doit être le plus simple possible : évacuation de l'hémothorax, hémostase et
pneumostase du parenchyme pulmonaire par de simples sur ' jets ou des résections
très limitées. En effet, il faut être très économe au niveau du poumon sans se laisser
impressionner par son aspect délabré et contus. Le parenchyme pulmonaire a en
effet de très grandes possibilités de récupération. En revanche, les exérèses réglées
faites en urgence (pneumonectomies ou lobectomies) ont un mauvais pronostic et
n'ont quasiment pas d'indication.
IV. Conduite à tenir devant un traumatisme fermé
1. Examen et bilan initial
Un examen clinique précis et une radiographie pulmonaire systématique chaque fois
que possible seront les éléments indispensables du bilan initial de tout traumatisé ; il
faut souligner dans les traumatismes fermés la relative fréquence des hémothorax en
deux temps, d'où la nécessité d'examens cliniques répétés et d'une nouvelle
radiographie pulmonaire systématique avant la sortie chez tout traumatisé du thorax,
même si la radiographie pulmonaire initiale était normale, et une à distance (à 15
jours - un mois si possible).
La conduite thérapeutique est souvent plus difficile car il n'y a pas d'orifice pour
attirer l'attention. Chez un polytraumatisé, le traumatisme thoracique est parfois
méconnu derrière des contusions abdominales ou d'autres lésions des membres
associées. Lors d'un traumatisme de gravité moyenne, un hémothorax peut
également être méconnu et non drainé avec alors un risque important de séquelles
(organisation d'une poche pleurale, surinfection). La conduite thérapeutique peut
également être schématisée en fonction des principaux tableaux cliniques.
2. Tableau avec grande détresse hémorragique
Il témoigne de lésions souvent très importantes, bilatérales ou associées à un
hémopéritoine ; dans ce cas, contrairement aux plaies et, en l'absence de possibilités
de réanimation lourde, une thoracotomie en extrême urgence sera généralement
vouée à l'échec.
3. Tableau de détresse respiratoire persistant malgré un drainage en urgence
En cas d'emphysème sous-cutané important, il faut suspecter une rupture
bronchique ; une endoscopie bronchique est souhaitable pour la mettre en évidence ;
si l'emphysème s'étend et en l'absence de fibroscopie, une thoracotomie du côté du
traumatisme peut être décidée ; les lésions de la trachée, des bronches souches ou
des bronches lobaires doivent être réparées chirurgicalement ; les lésions plus
distales seront traitées par simple drainage; un emphysème sous-cutané qui ne
s'étend pas et sans détresse respiratoire n'est pas l'indication d'une exploration
chirurgicale et se résorbera le plus souvent spontanément dans les 3 ou 4 jours.
En cas de grande lésion pariétale (volet thoracique) (figure n° 8) le volet thoracique
se mobilisant à contretemps (respiration paradoxale), se pose la question de la
nécessité d'immobiliser ce volet. En fait, la détresse respiratoire accompagnant un
volet est plus souvent la conséquence de la contusion du poumon sous-jacent que
du volet lui-même.
Le traitement d'une contusion étendue. Ce ne peut être que l'intubation et la
ventilation prolongée dont nous avons vu les limites ; cependant, en l'absence de
possibilité de réanimation, la stabilisation d'un grand volet peut aider à améliorer la
fonction respiratoire et à passer un cap.
Les méthodes d'immobilisation d'un volet sont :
- Immobilisation provisoire par un bandage qui maintient le volet immobile en position
d'impaction.
- La suspension du volet par traction continue :

Le principe est d'exercer une traction perpendiculaire au volet.

Le point d'application de cette traction sera le sternum à sa partie moyenne et
inférieure pour les volets antérieurs et le centre du volet pour les volets latéraux.
Cette méthode n'est pas applicable aux volets postérieurs. Plusieurs techniques
peuvent être utilisées :
La traction sur les parties molles : des fils ou des broches de Kirchner sont passés à
travers la peau au centre du volet en rasant le bord externe des côtes et reliés par
des étriers à un dispositif de traction.
La traction osseuse : pour un volet latéral, la traction s'exerce sur une côte au centre
du volet et le fil doit être suffisamment loin du ou des deux foyers ; elle peut être mise
en place sous anesthésie locale par une incision limitée permettant d'aborder la côte
et de passer autour d'elle un gros fil de Nylon ou un fil métallique (figure n° 9) ; pour
un volet antérieur, la traction peut aussi se faire par un fil placé sous anesthésie
locale au bord postérieur du sternum.
Le dispositif de traction doit être installé avec un système de poulies de renvoi et doit
s'exercer perpendiculairement, donc au zénith pour un volet antérieur ; cette traction
doit être souple et juste suffisante pour maintenir le volet (en général 5 à 7 kg au
début puis rapidement diminuée à 2 à 3 kg) ; il est bien sûr impératif de surveiller ce
dispositif plusieurs fois par jour en vérifiant l'état cutané et l'axe de la traction. Cette
traction doit être théoriquement maintenue entre 15 et 20 jours.
La persistance ou l'apparition progressive d'une détresse respiratoire, malgré un
drainage efficace et une éventuelle immobilisation d'un volet, doit faire suspecter
d'importantes lésions de contusions pulmonaires ; la traduction radiologique de cette
contusion est souvent différée au 2e ou au 3e jour; le seul traitement est une
ventilation assistée si l'on en a la possibilité.
4. Blessé ne présentant pas de détresse vitale
C'est aussi le cas le plus habituel et la conduite thérapeutique consiste à essayer
d'éviter l'encombrement des voies aériennes en prescrivant un traitement antalgique
des fractures costales, en aidant le patient à tousser (clapping, kinésithérapie
respiratoire).
Tout épanchement justifie la mise en place d'un drain thoracique.
Les indications de thoracotomie sont également induites par la surveillance du
drainage, devant un hémothorax abondant ou persistant avec des chiffres identiques
ou devant un hémothorax mal drainé risquant de se compliquer.
En pratique, les indications de thoracotomies pour un traumatisme fermé sont
beaucoup moins fréquentes que dans les plaies.
V. Conclusion
Les traumatismes graves du thorax avec tableau d'hémorragie massive sont
relativement rares et justifient une thoracotomie dont l'indication peut être large en
cas de plaie et beaucoup plus réservée en cas de traumatisme fermé . Ce geste
chirurgical doit être considéré comme un «quitte ou double», dont il faut avoir
prévenu l'entourage.
La majorité des traumatismes seront efficacement traités par le drainage pleural sous
réserve de placer le drain correctement et surtout de le surveiller avec efficacité.
Tout
médecin ou infirmier exerçant dans des conditions limitées doit donc, en fonction du
matériel dont il dispose, avoir mis au point un système cohérent de drainage et un
protocole de surveillance.
Les indications de thoracotomies restent réduites à moins de 20 % des blessés mais
paradoxalement des conditions limitées de surveillance et de réanimation peuvent
inciter à augmenter ces indications afin d'essayer de limiter les séquelles.
Développement et Santé, n°141, juin 1999
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