HIV : Mme CUILLANDRE Prise en charge du nouveau-né de mère séropositive et de l’enfant infecté par le VIH Dr Emilie SAIKALI Modes de transmission du VIH et facteurs de risque chez l’enfant INTRODUCTION Transmission mère enfant = cause quasi exclusive de l’infection VIH pédiatrique Disparité entre pays Selon l’OMS: 1500 enfants nouvellement infectés par le VIH / jour 5000 enfants infectés en Europe (dont 1500 en France) 30 000 en Amérique du Nord 1 million dans le reste du monde (Afrique subsaharienne+++) Nombreux programmes nationaux de prévention de la transmission mère-enfant En 2005, seules 10% des femmes concernées ont pu en bénéficier En France, sur 9058 découvertes de séropositivité entre 2003 et 2005, 58 sont des enfants de moins de 13 ans Mode de transmission du VIH chez l’enfant Transmission mère enfant +++ Au cours de la grossesse Au moment de l’accouchement Par l’allaitement maternel Usage de produits sanguins Usage de matériel mal stérilisé pour injection parentérale ou scarification Piqûre accidentelle par matériel souillé 2% des découvertes de séropositivité notifiées par l’InVS entre 2003 et 2005 = ado de 15 -19 ans, dans 3 cas sur 4, une contamination sexuelle est retrouvée Transmission mère enfant (TME) En l’absence de traitement: TME = 20 à 25% pour le VIH-1 (1 à 4% pour le VIH-2) Pas de diagnostic prénatal possible Risque variable en fonction de différents facteurs maternels, viraux, fœtaux et événements survenant pendant la grossesse Pas de relation avec le mode de contamination de la mère, la parité ou l’origine ethnique Principal élément pronostique = état immuno-virologique de la mère (charge virale, CD4, signes cliniques) FACTEURS DE RISQUE (En dehors de tout aspect thérapeutique) Facteurs maternels o Charge virale (CV) plasmatique élevée (>4 log ou >10 000 copies) o Déficit immunitaire (lymphocytes CD4 < 200) o Symptômes cliniques liés au VIH (SIDA) Facteurs viraux: VIH-1 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -1- HIV : Mme CUILLANDRE Facteurs fœtaux o Génétique (HLA, CCR5) o Sexe féminin o Hypotrophie Facteurs obstétricaux o Rupture prématurée des membranesccouchement prématuré o Infection génitale, IST, fièvre pendant le travail o Gestes invasifs o Voie basse (versus césarienne programmée) Facteurs placentaires: chorioamniotite bactérienne ou parasitaire Allaitement maternel o État maternel (stade SIDA, charge virale plasmatique, CD4) o Charge virale élevée dans le lait o mastite MOMENTS DE LA TRANSMISSION Fin de grossesse (1/3 des cas) o Pas de TME au 1er trim sauf si fausse-couche o TME possible au 2ème trim (si accouchement prématuré) o TME pendant les dernières semaines de grossesse +++ Autour de l’accouchement (2/3 des cas) Fin de grossesse = période cruciale pour la prévention de la TME Allaitement maternel (TME x 2): risque plus important pendant les 2 premiers mois MECANISMES DE LA TRANSMISSION Voie ascendante: = transmission à travers les muqueuses du fœtus ou du nouveau-né lors d’une exposition par voie ascendante ou lors de son passage dans la filière génitale La chorioamniotite peut favoriser la rupture prématurée des membranes et la contamination par voie ascendante Voie transplacentaire Par infection du trophoblaste (exceptionnelle) Passage de cellules infectées ou de particules virales à travers la barrière trophoblastique Microtransfusions lors de l’accouchement La chorioamniotite entraîne des lésions placentaires qui favorisent le passage du virus par voie hématogène Voie orale: Transmission post-natale par l’allaitement MOYENS DE PREVENTION Réduire la charge virale maternelle plasmatique et génitale: o Antirétroviraux (ARV) chez la mère Diminuer l’exposition en fin de grossesse et pendant le travail: o ARV à l’accouchement o Césarienne programmée Réaliser une prophylaxie post-exposition: o Chez le fœtus, par passage transplacentaire des ARV pris par la mère o Chez le nouveau-né, par administration directe Supprimer l’exposition post-natale: o Allaitement artificiel 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -2- HIV : Mme CUILLANDRE Efficacité des ARV o AZT = première prévention validée par des essais thérapeutique Schéma de référence Chez la mère pendant la grossesse Perfusion IV à l’accouchement Chez le nouveau-né pendant 6 semaines o Combinaison AZT-3TC: taux de TME réduit à 1,6% Césarienne programmée o Effet protecteur de la césarienne à membranes intactes et avant le début du travail o Pas de bénéfice en cas de membranes rompues ou en cours de travail o Enquête Périnatale Française sur 2433 femmes ayant CV < 500 copies/ml: pas de différence significative du taux de TME selon le mode d’accouchement Allaitement artificiel o Bien accepté par les mères des pays industrialisés (sauf problèmes de confidentialité) o Problèmes médicaux, économiques et sociaux dans pays en voie de développement Prise en charge du nouveau-né de mère séropositive Traitement et suivi Soins périnataux Soins habituels de puériculture Désinfection cutanée par un antiseptique virucide Aspiration gastrique la moins traumatique possible Allaitement maternel contre-indiqué Vaccinations: seul le BCG est contre-indiqué Traitement ARV prophylactique Institué dès la naissance AZT (= Rétrovir, Zidovudine) analogue nucléosidique, seule molécule ayant l’AMM dans la prévention de la TME o Suspension buvable 10 mg/ml: 2 mg/kg toutes les 6 heures pendant 4 à 6 semaines o Disponible également par voie injectable si difficultés d’alimentation o Posologie adaptée en cas de prématurité Combinaison d’ARV, en cas de risque élevé de TME, mais hors AMM Diagnostic de l’infection Présence des Ac maternels jusqu’à 16 -18 mois: empêche diagnostic sérologique Recherche par PCR de l’ADN VIH dans les cellules sanguines et de l’ARN VIH dans le plasma Possibilité également de recherche du virus par cultures en cas de virus atypique Réalisé à la naissance, à 1 mois, 3 mois et 6 mois Il faut 2 prélèvements négatifs pour considérer un enfant comme non infecté et 2 prélèvements positifs pour poser le diagnostic d’infection En cas d’allaitement maternel: rechercher l’infection dans les 3 mois qui suivent l’arrêt définitif de l’allaitement Surveillance de la toxicité des ARV Toxicité hématologique, hépatique, pancréatique et musculaire de la zidovudine Bilan biologique = NFS, ASAT, ALAT, CPK, lipase, LDH, à la naissance, à 1 mois, 3 mois, 6 mois, 12 mois et 18 -24 mois 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -3- HIV : Mme CUILLANDRE Toxicité mitochondriale par exposition périnatale à la zidovudine: o Signes cliniques: Convulsions, retard cognitif, nystagmus, anomalies motrices, troubles du comportement o Signes biologiques déjà cités o Signes IRM: hypersignaux de la substance blanche, anomalies du tronc cérébral Signes cliniques et biologiques du SIDA chez l’enfant Profil évolutif de la maladie chez l’enfant Comme chez l’adulte: déficit immunitaire sévère aboutit aux mêmes complications infectieuses Mêmes pathologies viscérales par atteinte directe du virus ou par mécanisme immuno-pathologique: encéphalopathie, cardiopathie, néphropathie, neuropathie,… Même pathologie tumorale Différence = Existence de 2 profils évolutifs Évolution précocement sévère avec encéphalopathie Évolution lentement progressive Évolution bimodale de l’infection VIH de l’enfant Évolution précocement sévère (15%) Contamination in utero majoritaire Délai d’apparition du SIDA: 3 à 15 mois Infections opportunistes et/ou bactériennes Encéphalopathie: 70 à 80% Survie moyenne: moins de 10% à 5 ans en l’absence de traitement ARV Évolution lentement progressive Contamination per partum majoritaire Délai d’apparition du SIDA: de 2 ans à plus de 10 ans Infections bactériennes fréquentes Pneumopathie interstitielle lymphoïde, parotidite Troubles du comportement, retard cognitif possible (10 à 20%) Survie moyenne: 95% à 5 ans en l’absence de traitement ARV, imprécise à plus long terme Classification : Classification internationale de 1994 par le CDC (Centers for Disease Control) de la sévérité clinique et immunologique de l’infection par le VIH de l’enfant Classification clinique des symptômes de la maladie Catégorie N: asymptomatique Catégorie A: symptômes mineurs Catégorie B: symptômes modérés Catégorie C: symptômes sévères Croisée avec une classification biologique évaluant le degré de déficit immunitaire, fondé sur le taux de lymphocytes CD4 en fonction de l’âge Classe I: pas de déficit immunitaire Classe II: déficit modéré Classe III: déficit sévère Utile pour décider de l’indication thérapeutique et permet de comparer des groupes d’enfant 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -4- HIV : Mme CUILLANDRE Classification clinique Catégorie N Asymptomatique Catégorie A Symptômes mineurs: lymphadénopathies, hépatosplénomégalie, dermatose, parotidite, infections ORL ou bronchiques récidivantes Catégorie B Symptômes modérés: infection bactérienne, pneumopathie lymphoïde, thrombopénie, anémie, neutropénie, zona, candidose ou herpès buccal récidivant Néphropathie, cardiopathie, léiomyosarcome Catégorie C Stade SIDA Symptômes sévères: infection opportuniste, infections bactériennes sévères répétées, encéphalopathie, lymphome ou cancer, cachexie Classification biologique Taux de CD4 (nombre absolu et pourcentage) 0 à 11 mois 1 à 5 ans 6 à 12 ans Absence de déficit > 1500 (>25%) immunitaire > 1000 (>25%) > 500 (>25%) Déficit modéré 750 à 1500 (15 à 25%) 500 à 1000 (15 à 25%) 200 à 500 (15 à 25%) Déficit sévère <750 (<15%) <500 (<15%) <200 (<15%) 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -5- HIV : Mme CUILLANDRE Suivi biologique de l’enfant séropositif pour le VIH 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -6- HIV : Mme CUILLANDRE Évaluation du statut immunitaire Mesure du taux de lymphocytes CD4 = test le plus prédictif et le plus utile Le pourcentage change peu en fonction de l’âge chez l’enfant séronégatif Le nombre absolu de CD4 est + élevé que chez l’adulte car hyperlymphocytose physiologique Mesure de la réplication virale Mesure de l’ARN plasmatique par PCR: valeur prédictive indépendante du taux de CD4 Charge virale > 5 log est significativement associée à un risque de morbidité à court terme Fréquence des examens complémentaires Tous les mois jusqu’à 6 mois Puis espacer à tous les 2 – 3 mois en cas d’absence d’anomalie profonde de l’immunité Si anomalie de l’immunité: maintenir une surveillance rapprochée, à la recherche des premiers signes d’infection opportuniste et de troubles neurologiques Principes de traitement et surveillance Prophylaxie anti-infectieuse Prévention des complications infectieuses comme chez l’adulte A évaluer en fonction de l’âge et du statut immunitaire De 1 à 12 mois: traitement préventif par TMP- SMX (Bactrim*), puis à réévaluer en fonction du taux de CD4 Vaccinations Problème des vaccins vivants atténués: poliomyélite orale, rougeole, oreillons, rubéole, fièvre jaune et BCG Poliomyélite injectable, ROR possible, pas de complication décrite après vaccination anti-amarile BCG reste contre-indiqué Maintenir tous les autres vaccins Risque d’efficacité moindre si perturbations immunitaires importantes Traitements antirétroviraux Quasiment toutes les molécules utilisées chez l’adulte peuvent l’être chez l’enfant Recommandations de traitement en fonction de l’âge et du statut immuno-virologique Choix préférentiel à tous les âges: association de 2 INTI et d’un IP boosté Choix alternatif: association de 2 INTI et d’un INNTI sous réserve de l’assurance stricte d’une bonne observance dés le début Recommandations de traitement Enfant de moins de 12 mois Traitement recommandé si: o Symptômes dés la naissance o CD4< 30% o Isolement VIH avant J7 o CV> 10.6 copies / ml 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -7- HIV : Mme CUILLANDRE o Co-infection à CMV Enfant de plus de 12 mois Traitement recommandé si: o Enfant symptomatique au stade B ou C o Et/ou CD4 < 15% Traitement non recommandé si: o Enfant asymptomatique ou peu symptomatique (stade N ou A) o Et CD4> 25% o Et CV< 10.5 Traitement à discuter dans les autres cas Mise en place du traitement Préparer minutieusement l’enfant et sa famille à l’idée du traitement Connaître les difficultés du traitement au quotidien et les prévenir Accompagner le mieux possible l’enfant et sa famille tout au long du traitement Exiger un résultat virologique optimal Surveillance du traitement Surveillance de l’observance à chaque consultation Surveillance de l’efficacité immuno-virologique Surveillance de la tolérance Troubles digestifs Toxicité mitochondriale (acidose lactique) Syndrome lipodystrophique Bilan lipidique et complications cardio-vasculaires à long terme A prendre en charge aussi… Troubles psychologiques de l’enfant Annonce de la séropositivité à l’enfant Question de l’information de l’entourage et des structures d’accueil Difficultés identitaires et relationnelles dans la fratrie L’enfant séropositif devenu adolescent Passage de l’adolescent du service de pédiatrie vers un service d’adulte 16/04/2017 Ecole de puéricultrice -8-