É D I T O R I A L Infection à VIH en 2002 : des recommandations élargies " C. Goujard* L es nouvelles recommandations françaises sur la prise en charge des personnes infectées par le VIH ont été publiées en juillet 2002 après le congrès mondial du sida à Barcelone. En plus de l’actualisation des recommandations thérapeutiques, ce dernier rapport d’experts prend en compte de nouvelles problématiques de l’infection à VIH non abordées jusqu’alors et dépassant le cadre médical strict. Les données épidémiologiques récentes renforcent la notion d’une dynamique active de l’épidémie en France, avec une transmission hétérosexuelle autant qu’homosexuelle masculine, une augmentation du nombre de femmes atteintes, un relâchement des comportements de prévention concernant le VIH et les autres infections sexuellement transmissibles. Les politiques de dépistage et de prise en charge précoces restent défaillantes, un nombre trop important de malades n’étant dépistés qu’à un stade tardif. AXE 1 : LE MALADE ET LES SOINS Le premier axe du rapport concerne les soins, avec la prise en charge thérapeutique de l’infection à VIH et des infections opportunistes. L’instauration du traitement antirétroviral reste recommandée quand les patients sont symptomatiques. En revanche, compte tenu des effets indésirables, le traitement est retardé chez les patients asymptomatiques. Pour ces patients, le traitement n’est recommandé que s’ils ont moins de 200 lymphocytes CD4/mm3, est à envisager s’ils ont entre 200 et 350 CD4/mm3, mais n’est pas indiqué s’ils ont plus de 350 CD4/mm3. La charge virale n’entre plus en compte dans les indications thérapeutiques, sauf si elle est supérieure à 100 000 copies/ml chez des patients qui ont entre 200 et 350 CD4/mm3. Le traitement initial doit toujours comporter une association de trois molécules parmi les quinze actuellement disponibles, en préférant les molécules connues pour leur plus faible toxicité à long terme. Les inhibiteurs non nucléosidiques se situent au même niveau que les inhibiteurs de protéase en termes d’efficacité pour un premier traitement. Si la compréhension et l’adhésion du patient représentent un préalable indispensable à la mise en route du traitement, elles sont aussi requises pour le long terme. Ultérieurement, en cas de succès, le traitement peut être simplifié au cas par cas avec des substitutions de molécules entre elles, dans un souci d’allègement ou de gestion de toxicité. Dans les situations d’échec, le traitement doit être modifié sans * Service de médecine interne et maladies infectieuses, hôpital de Bicêtre, 94275 Le Kremlin-Bicêtre. La Lettre de l’Infectiologue - Tome XVII - no 8 - novembre-décembre 2002 attendre une élévation importante de la charge virale. Ces modifications, qui prennent en compte les résultats des tests génotypiques de résistance et les dosages des antirétroviraux, sont faites de façon concertée entre les différents partenaires médicaux. Les indications du suivi pharmacologique des antirétroviraux sont précisées aux différentes phases du traitement. AXE 2 : LE MALADE ET SA VIE Le deuxième axe s’articule autour des patients, en prenant en compte différentes spécificités (populations migrantes et des départements français d’Amérique, personnes en situation précaire ou incarcérées), et en prenant en charge les problèmes de prévention et ceux liés à la sexualité. La prise en charge sociale engagée en parallèle des soins est un élément majeur à considérer. Le pôle femme-enfant constitue un point fort de ce nouveau rapport : les aspects sociaux, médicaux (gynécologiques) et la contraception sont développés ; les particularités thérapeutiques pendant la grossesse sont réduites ; l’accès à la procréation est élargi ; la prise en charge des enfants et des adolescents se rapproche de plus en plus de celle de l’adulte, en termes de traitement et de suivi. AXE 3 : ORGANISATION DES SOINS EN FRANCE Le troisième axe s’intéresse à l’organisation des soins en France. Si le nombre d’hospitalisations a diminué entre 1996 et 2000, les consultations se sont alourdies du fait des complications des traitements, de la prise en charge des co-infections avec les virus des hépatites, des actions dans le domaine de l’éducation et de la prévention, faisant intervenir de nombreux partenaires médicaux et psychosociaux. Le CISIH doit rester, pour les experts, la structure clé de la prise en charge hospitalière des patients infectés, la formation des médecins de ville devant être poursuivie. Ainsi, cette nouvelle version des recommandations françaises renforce la nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire des patients infectés par le VIH en 2002, prenant en compte d’une part les composantes médicales, psychosociales et éducatives et, d’autre part, les spécificités individuelles de ces patients. ! # Prise en charge des personnes infectées par le VIH : recommandations du groupe d’experts. Rapport 2002 sous la direction de J.F. Delfraissy. Médecine-Sciences, Ed. Flammarion. 2002, Paris. 247