Le cancer du sein est le cancer le plus fréquent chez la femme. En France, une femme sur neuf sera atteinte d’un cancer du sein au cours de sa vie. Chaque année dans le pays, la maladie touche environ 40 000 personnes de plus et entraîne le décès de 10 000 autres. Des chiffres qui sont loin de rassurer les patientes au moment de passer une mammographie. De plus, l’expression « cancer du sein » reste souvent associée à la souffrance, à l’attente angoissée des résultats, à des traitements lourds, comme la chimiothérapie, et parfois même à des méthodes radicales et mutilantes, comme la mastectomie (ablation du sein). Ces statistiques et ces angoisses, toutes très médiatisées, montrent que le cancer du sein est devenu un problème de santé publique en France, et dans la plupart des pays riches et industrialisés (USA notamment) : il s’agit d’un véritable fléau qui condamne chaque année des dizaines de milliers d’individus à travers le monde. Ainsi, à l’heure où le Bulletin du Cancer publie de nouveaux chiffres témoignant d’une baisse historique de l’incidence en France, on peut se demander : comment enrayer l’épidémie du cancer du sein ? Quels progrès scientifiques ont été réalisés, et que reste-t-il à faire pour que cette maladie soit enfin éradiquée ? Autant de questions auxquelles nous allons tenter d’apporter des éléments de réponse dans ces TPE. Tout d’abord, nous établirons les différents facteurs de risque du cancer du sein. En effet, des progrès récents ont permis de mieux les identifier et donc de mettre en place une meilleure prévention individuelle : de nombreux cancers pourraient peut-être être évités. Ensuite, nous étudierons les moyens de dépistage utilisés et privilégiés pour le cancer du sein. Là encore, et même s’il s’agit de trouver un cancer déjà présent, les avancées scientifiques et techniques ont rendu possible un dépistage toujours plus précoce, toujours plus efficace aussi, et ce afin que le cancer du sein ne tue plus autant de femmes à l’avenir. I La prévention passe par une meilleure connaissance des facteurs de risque Au cours des dix dernières années, d’énormes progrès ont été faits dans la découverte des facteurs de risque du cancer du sein. Parmi eux, on distingue ceux qui impliquent l’environnement, les comportements individuels,…Autant d’éléments que l’on n’avait peut-être pas l’habitude de considérer comme des « menaces » pour la santé. En effet, il y a quelques années encore, la plupart des gens pensaient que le cancer n’était qu’une affaire de gènes défectueux. Mais la génétique n’est pas la seule en cause. Dans tous les cas, on utilise, pour quantifier le risque encouru, le Risque Relatif (RR) : c’est un facteur multiplicateur du risque de la population générale, qui est par définition égale à 1. Par exemple, RR=1.2 équivaut à dire qu’il y a 20% de risque en plus pour l’individu concerné d’avoir un cancer du sein. On peut, grâce à cet outil mathématique, identifier des groupes à risque et prendre des mesures préventives ou de conseils, prodigués par les professionnels de santé et largement reproduits dans les médias. Parce qu’après tout, établir les différents facteurs de risque ne sert à rien si cette découverte n’est pas suivie d’actes concrets visant à préserver en bonne santé le plus de gens possibles. 1) l’âge et le sexe sont déterminants Le premier facteur de risque que l’on peut citer est bien sûr le sexe. Cependant, la maladie n’est pas exceptionnelle chez l’homme, ce dernier représente 1% de l’ensemble des cancers du sein. Ces cas de cancers du sein masculins ont les mêmes caractéristiques que ceux qui concernent les femmes (développement, traitements…). Cependant, étant donné que c’est une pathologie inhabituelle et peu fréquente chez l’homme, la prévention et le dépistage ne sont en aucun cas médiatisés et généralisés, donc les cas sont souvent découverts plus tard, à un stade déjà avancé. Ensuite, l’âge est déterminant dans l’apparition d’un cancer du sein. En effet, les cas sont extrêmement rares avant 20 ans, c’est-à-dire chez la petite fille et l’adolescente (les jeunes filles, au cours de la puberté, peuvent développer des kystes bénins, ou ressentir des douleurs au niveau des seins ; elles ne doivent en aucun cas s’inquiéter inutilement et relier ces symptômes à un cancer du sein, même si elles doivent en informer leur mère et leur médecin). Avant 30 ans, le cancer du sein reste rare, mais ensuite, la fréquence augmente rapidement. C’est à l’âge de la soixantaine que le risque est le plus élevé. Il recommence à diminuer au-delà de 69 ans. Actuellement, on ne sait pas encore vraiment pourquoi le cancer du sein apparaît principalement chez les femmes d’un certain âge. 2) Le climat hormonal Le climat hormonal semble influer sur le risque de développer un cancer du sein. En fait, il s’agit d’un ensemble de facteurs endo- ou exogènes qui modifient le risque, en ayant un effet protecteur ou au contraire en favorisant l’apparition de la maladie. * Facteurs endogènes : ils correspondent à la vie hormonale et reproductive de chaque patiente. Ainsi, une puberté précoce (premières règles avant 12 ans), une ménopause tardive, l’absence de grossesse (ou nulliparité), une première grossesse tardive : autant de situations où le risque de survenue du cancer du sein est augmenté. Le risque relatif (RR) prend des valeurs supérieures à 1,2 et parfois même à 2. A l’inverse, une ménopause précoce (avant 40 ans) naturelle ou artificielle (ablation des ovaires), de nombreuses grossesses, une première grossesse précoce (avant 25 ans) ou encore, pour certains, l’allaitement, semblent « protéger » les femmes concernées d’un cancer du sein. Le risque relatif diminue, parfois de moitié (RR=0.5). De façon générale, on pourrait expliquer toutes ces constatations par le taux d’hormones (oestrogènes ou progestérone) de la femme. En effet, la théorie de la « fenêtre oestrogénique » consiste à dire que la présence prolongée d’oestrogènes (sans sécrétion de progestérone) stimule la prolifération des cellules du sein et augmente le risque de développer un cancer, alors que pendant la grossesse par exemple, le placenta assure une augmentation du taux de progestérone circulant, ce qui a un effet « protecteur ». Cette théorie, si elle a l’avantage d’être simple, reste actuellement très controversée, elle est jugée simpliste et manichéenne. De plus, elle a pour effet de dramatiser inutilement la situation des unes, et de rassurer, peut-être à tort, les autres, alors que vraisemblablement, les taux d’hormones ne sont qu’un aspect dans la survenue du cancer. * Facteurs exogènes : Il s’agit ici d’évoquer la contraception orale (pilule), le Traitement Hormonal Substitutif de la ménopause (THS) et leur rôle dans la survenue du cancer. En effet, ces deux traitements font régulièrement l’objet de critiques et de remises en question, on les accuse notamment d’augmenter le risque d’apparition du cancer. Dans le cas de la contraception orale chez une femme qui ne présente pas de risque personnel élevé (antécédent personnel de cancer par exemple), de nombreuses études ont montré qu’une prise même prolongée ne provoque pas d’augmentation du risque, ou alors l’augmentation est si infime qu’elle ne peut en aucun cas s’opposer au premier bénéfice de la pilule : la maîtrise de la fécondité. En revanche, le THS (actuellement on parle aussi de THM pour Traitement Hormonal de la Ménopause) est plus controversé. En effet, il s’agit, au départ, d’un traitement visant à prévenir ou à atténuer les troubles liés à la ménopause : le risque osseux principalement (ostéoporose) mais aussi cardio-vasculaire ; de plus, la prise de ces médicaments entraînent une amélioration de la qualité de vie (régulation de problèmes parfois très gênants qui sont liés à la ménopause comme les bouffées de chaleur, la sécheresse vaginale, la prise de poids, les troubles psychoaffectifs). Ces bienfaits ont été mis en évidence dans de nombreuses études. Cependant, au cous de ces mêmes essais, on a découvert que le risque de cancer du sein semble être augmenté par la prise de THS : les risques relatifs obtenus sont variables mais toujours supérieurs à 1. Il y aurait également un risque de développer plus fréquemment d’autres pathologies (embolies pulmonaires par exemple). Ainsi on peut se demander si les bénéfices du THS restent valables devant de tels risques. Actuellement, la conduite à tenir face aux THS est stricte : la prescription doit être sérieusement motivée et encadrée. De plus, les femmes qui présentent un risque personnel élevé n’ont pas accès à ce type de traitement, en l’absence de preuves qui le rendraient tout à fait inoffensif. Ainsi, la contraception orale reste sans risque, alors que le THS fait encore l’objet de discussions et d’études, aux USA notamment (voir article) Récemment, de nouveaux éléments ont fait leur apparition en France, et viennent s’ajouter aux statistiques américaines (sources : le Bulletin du Cancer). En effet, on observe pour la période 2005-2006 une baisse historique de l’incidence. C’est une baisse paradoxale, compte tenu de la généralisation du dépistage, qui aurait au contraire dû mener à une augmentation des cas découverts. De plus, cette baisse s’expliquerait par une importante baisse dans le recours aux traitements hormonaux de la ménopause (-60%). Les médecins sont désormais encore plus prudents dans l’utilisation de ces hormones de synthèse. Cette forte corrélation relance aussi la question : quelle est la part réelle des hormones dans le cancer du sein ? Pour certains chercheurs, on peut clairement parler d’un cancer hormonodépendant. La chute de l'incidence de cancer du sein aux Etats-Unis serait bien liée à un moindre recours aux THS le 22/08/07 20/08/2007 (APM Santé) - La baisse brutale de l'incidence de cancer du sein aux Etats-Unis découle bien d'une moindre prise de traitements hormonaux de substitution (THS) par les femmes ménopausées, et non d'un recul de la mammographie, selon une étude publiée dans le Journal of the National Cancer Institute (JNCI). Des données épidémiologiques présentées en décembre 2006 au San Antonio Breast Cancer Symposium avaient montré une baisse de 7% de l'incidence de ces cancers entre 2002 et 2003, et notamment une baisse de 12% des cancers du sein avec récepteurs aux estrogènes, chez les femmes âgées de 50 à 69 ans. Cette chute soudaine coïncidait avec l'interruption en juillet 2002 de l'étude Women's Health Initiative (WHI), en raison d'un risque accru de cancer du sein avec l'association d'estrogènes et d'un progestatif, une annonce qui s'était soldée par l'arrêt des THS chez la moitié des femmes qui en prenaient jusqu'alors. Demeurait toutefois un doute quant au lien réel entre les deux évènements, plusieurs études ayant montré que la baisse d'incidence cancéreuse coïncidait également avec une baisse du recours à la mammographie, la plus forte diminution (3,2%) étant enregistrée entre 2000 et 2003 chez les 50-69 ans. En menant leur étude uniquement sur des femmes ayant eu une mammographie, Karla Kerlikowske de l'University de California à San Francisco et ses collègues démontrent que la baisse d'incidence des cancers du sein est bien liée aux THS, et non au recul du dépistage. Leur travail, qui porte sur plus de 600.000 mammogrammes effectués entre 1997 et 2003 dans quatre centres américains, confirme la baisse d'incidence cancéreuse, de 5% chaque année entre 2000 et 2003. De plus, stable jusqu'en 2001, le taux de cancers positifs pour HER2 enregistrait une diminution annuelle de 13% entre 2001 et 2003. La consommation des THS était déjà en baisse de 7% chaque année entre 2000 et 2002, ce que les chercheurs expliquent par la publication en 2000 des premières données observationnelles suggérant un lien entre THS et cancer. Suite à l'interruption de WHI, le déclin s'est accéléré, passant à 34% entre 2002 et 2003. "Nos résultats suggèrent que le déclin des THS a contribué à la baisse d'incidence de cancer du sein aux Etats-Unis, tandis qu'il est peu probable que cette tendance nationale soit expliquée par la faible diminution du dépistage", commentent les chercheurs. Selon eux, le fait que le risque de cancer chez des femmes ayant pris des THS dans le passé ne s'aligne pas immédiatement avec celui de celles jamais traitées "suggère que le risque de cancer du sein diminue lentement (...)". "Les femmes âgées de 50 à 69 ans qui ont besoin d'estrogènes et d'un progestatif pour apaiser les symptômes de leur ménopause devraient être encouragées à ne prendre ce traitement que pendant une durée minimale, afin de minimiser leur risque cancéreux", conseillent-ils./rl/ajr Cancer du sein: la contraception orale ne semble pas affecter la mortalité le 18/12/07 17/12/2007 (APM Santé) - Selon une étude américaine, l'utilisation d'une contraception orale n'a ni effet bénéfique ni effet délétère sur la mortalité à long terme par cancer du sein. Deux importantes études cas-contrôles, l'une publiée en 1986 (CASH) et l'autre en 2002, ont apporté de solides preuves que la pilule n'augmentait pas le risque de cancer du sein mais une analyse groupée de 54 études épidémiologiques a suggéré un risque légèrement augmenté chez les utilisatrices de la pilule, rappellent Phyllis Wingo des Centers for Disease Control and Prevention à Atlanta (Georgie) et ses collègues. Mais une question reste en suspens, celle de l'impact de la pilule sur la mortalité une fois que la femme a un diagnostic de cancer du sein. Les chercheurs ont donc examiné les données de survie à 15 ans des femmes diagnostiquées avec un cancer du sein dans le cadre de l'étude Cancer and Steroid Hormone Study (CASH). L'analyse porte sur 4.292 femmes âgées de 20 à 54 ans au moment de leur diagnostic de cancer du sein entre 1980 et 1982. Les auteurs ont constaté que ni la durée de l'utilisation de la contraception orale, ni l'âge à la première utilisation, ni la formulation, n'étaient associés à la survie. Les utilisatrices actuelles d'une contraception orale avaient un risque relatif de décès par cancer du sein de 0,90, non significativement différent par rapport aux non-utilisatrices. "Dans l'ensemble, cette étude n'a pas trouvé de preuve d'un effet bénéfique ou délétère d'un antécédent d'utilisation de contraception orale sur la survie à long terme après un diagnostic de cancer du sein". (Obstetrics & Gynecology, vol.110 n°4, pp.793-800) 3) L’environnement et le mode de vie L’exemple des femmes japonaises est sans doute le plus éclairant, il est révélateur de l’influence du mode de vie dans la survenue d’un cancer du sein. En effet, ces femmes sont peu touchées par le cancer du sein, mais si l’on regarde les chiffres relatifs aux Japonaises ayant émigré aux Etats-Unis, on se rend compte que les taux de cancers du sein sont très proches de ceux des Américaines, c’est-à-dire beaucoup plus élevés. Ainsi on pourrait mettre en cause l’alimentation américaine, déséquilibrée et riche en graisses animales, face aux régimes nippon et crétois, jugés plus sains. En fait les graisses sont au cœur des polémiques car elles interviennent dans la synthèse des hormones féminines ; or les médecins mettent souvent en avant l’hormonodépendance du cancer du sein ; donc ils donnent aux excès de « mauvaises graisses » un rôle carcinogène. Bien entendu, on ne peut pas réduire la situation à des choix nutritionnels, mais de nombreuses études confirment par exemple le rôle protecteur des acides gras insaturés oméga-3, et celui, néfaste, des poly-insaturés oméga-6. En revanche, le rôle des phyto-oestrogènes (dans le soja notamment) reste encore controversé. En l’absence d’informations complètes et précises, les médecins ne peuvent que conseiller assez banalement une alimentation variée et équilibrée, riche en fruits, légumes et poisson, ainsi qu’une activité physique régulière, même modérée. Ces recommandations s’inscrivent de toute façon dans la tendance « mangez-bougez » d’aujourd’hui. En revanche, d’autres facteurs liés au mode de vie ont un impact plus grand et avéré sur le cancer du sein. Parmi eux, l’obésité, surtout si elle est post-ménopausique. Le risque relatif (RR) peut, dans ce cas, prendre des valeurs comprises entre 2 et 4. De même, la consommation régulière et inconsidérée d’alcool est un facteur de risque important. Une possible responsabilité du tabac n’a jamais été établie par les différentes études menées. Mais même si le tabac n’a pas été clairement identifié comme un facteur de risque, de nombreux épidémiologistes continuent à le soupçonner, et le placent volontiers aux côtés de l’alcool. Au-delà des comportements individuels qui modifient, souvent dans le mauvais sens, le risque de survenue, on s’intéresse de plus en plus à l’impact de l’environnement à proprement parler. En effet, l’exposition prolongée à des polluants comme la dioxine, augmente significativement le risque, de même qu’un antécédent d’irradiation (le RR prend des valeurs comprises entre 2 et 4). Pour le reste, les discussions sont vives entre les différents professionnels, et des études sont en cours, pour déterminer la part de responsabilité de l’environnement dans la survenue du cancer du sein. Ainsi mode de vie et environnement peuvent jouer un rôle et augmenter le risque, la surcharge pondérale post-ménopausique étant l’aspect le plus souvent rencontré. En revanche, tout reste à faire quant à l’évaluation de l’ampleur du phénomène. Selon le Dr P. Autier, épidémiologiste, l'environnement n'est responsable que d'une faible partie des cancers le 20/09/07 20/09/2007 (APM Santé) - Le pourcentage de cancers liés à l'environnement ne dépasserait pas de beaucoup la proportion de 0,5%, a estimé auprès de l'APM le Dr Philippe Autier, co-auteur d'un rapport publié sur les causes du cancer en France. Rédigé entre autres par l'Académie nationale de médecine, l'Académie des sciences et le Centre international de recherche sur le cancer (Circ), ce rapport, qui examine également le rôle de l'obésité, de la nutrition, des traitements hormonaux de substitution (THS) et des cancers professionnels, confirme la place du tabac et de l'alcool comme premières causes de cancer, représentant 28% des décès cancéreux à eux deux. L'environnement (pollution de l'air, de l'eau et de l'alimentation) jouerait en revanche un rôle très secondaire, avec seulement 0,5% des cancers. Ce chiffre a suscité le profond désaccord du président de l'Association pour la recherche thérapeutique anticancéreuse (Artac), le Pr Dominique Belpomme, qui estime cette part à environ "deux tiers, voire trois quarts" des cancers. Selon lui, les méthodes épidémiologiques, applicables au tabac, seraient en revanche impropres à détecter l'effet de l'environnement sur le risque de cancer. Contacté par l'APM, il avait déploré la faible place accordée à la toxicologie et à la biologie moléculaire dans le document. "Un environnement pas facile à étudier" Co-auteur du rapport, le chef du département "biostatistique et épidémiologie" du Circ de Lyon, le Dr Philippe Autier, a estimé que la part de l'environnement "n'irait jamais plus loin" que les 0,5% mis au jour avec ses collègues, ou alors "peut-être d'environ 1%". Il s'est par ailleurs défendu de toute vision tout-épidémiologique, précisant que des biologistes moléculaires et des toxicologues avaient également été associés au rapport. "L'épidémiologie ne se pratique pas en vase clos", sans recours à d'autres disciplines, a-t-il souligné, reconnaissant que "l'environnement n'est pas facile à étudier". L'une des objections du Pr Belpomme au rapport concerne le terme "causes du cancer", jugé inapproprié, alors qu'à l'exception du tabac le rapport se penche selon lui plutôt sur des facteurs de risque que sur des facteurs étiologiques. Selon lui, l'obésité ne constitue pas en elle-même une cause du cancer mais plutôt un facteur de risque du fait de la concentration de substances exogènes cancérigènes au niveau du tissu adipeux. "Il ne s'agit que d'une possibilité parmi d'autres pour expliquer les liens entre l'obésité et le cancer", réplique Philippe Autier. "Il y a des centaines d'autres possibilités" dont la perturbation des niveaux d'insuline chez les personnes en surpoids, ainsi que la moindre concentration en vitamine D, élément qui selon plusieurs études aurait un effet anticancéreux, énumère-t-il. Dans ce débat entre mode de vie et environnement comme causes de cancer, "il faut bien trouver une explication aux malheurs du monde", ironise Philippe Autier. 4)La prédisposition génétique Avant toute chose, il convient de faire une distinction entre les familles qui ont connu plusieurs cas de cancers du sein sans que la génétique soit impliquée, et les véritables cancers familiaux ou héréditaires, qui sont le résultat de la transmission, de générations en générations, de gènes défectueux. Dans les premiers cas, on parle de cancers sporadiques, leur existence s’explique par la grande fréquence du cancer du sein dans la population générale ; en fait, ils peuvent être dus à des éléments inconnus de l’environnement, à des comportements individuels similaires dans une même famille (alimentation riche en graisses,alcoolisme…), ou encore au hasard. Ces formes familiales représentent entre 20 et 30% des cancers du sein, alors que les formes héréditaires, c’est-à-dire véritablement liées à des facteurs génétiques, ne représentent que 5 à 8% des cas. Actuellement, deux gènes sont généralement cités dans la prédisposition génétique au cancer du sein : BRCA1 et BRCA2 (BReast CAncer), dont les loci (localisation dans le caryotype humain) sont respectivement 17q21 et 13q12. Ces gènes codent pour des protéines dont les fonctions ne sont pas encore bien définies, mais l’on peut les considérer tous les deux comme des anti-oncogènes, c’est-à-dire des gènes suppresseurs de tumeurs. En fait, leur mutation entraîne leur inhibition et permet la progression tumorale. C’est pourquoi l’on dit que les gènes BRCA1 et BRCA2 mutés sont à l’origine d’un cancer du sein : ils ne remplissent plus leur rôle et ne s’opposent plus au développement anarchique des cellules. Les mutations de ces gènes se transmettent sur un mode autosomique dominant (quand un seul des gènes est porteur d’une anomalie génétique « dominante » donc qui peut se transmettre). La transmission se fait par le père ou la mère, aux filles comme aux garçons. Il faut ainsi se rappeler que le cancer du sein peut aussi toucher les hommes. D’ailleurs, de nombreuses études montrent l’implication du gène BRCA2 muté dans des cancers du sein masculins. Enfin, ces deux gènes sont aussi impliqués dans le cancer de l’ovaire. Le reste des statistiques relatives à la prédisposition génétique peut paraître alarmant, voire insoutenable. Prenons l’exemple du gène BRCA1 muté. En effet, même si les mutations ne concernent que 0.1 à 0.2% des femmes dans la population générale, ces femmes voient leur risque relatif de développer un cancer du sein être multiplié par 10 (RR=10). Quant au risque cumulé au cours de la vie d’une femme porteuse de l’anomalie, il atteint 80% à 80 ans. Pour la mutation du gène BECA2, les chiffres sont légèrement plus faibles, mais tout aussi effrayants. Cependant, l’oncogénétique progresse, et de nombreux gènes susceptibles d’être eux aussi impliqués dans le cancer du sein sont à l’étude. En particulier, la revue britannique Nature a publié, en octobre 2007, un article qui met en cause pas moins de quatre nouveaux gènes : FGFR2 (10q26) ; MAP3K1 (5q11.2) ; TNRC9 (16q12.1) ; LSP1 (11p15.5). Il s’agirait globalement de facteurs de croissance de cellules. Les allèles défectueux de ces quatre gènes seraient assez répandus dans la population générale mais le risque encouru serait relativement faible. Les scientifiques pensent notamment que la prédisposition génétique serait le résultat d’une combinaison d’allèles mutés, c’est-à-dire que plusieurs gènes seraient impliqués. On suspecte également deux autres gènes : ATM et CHEK2. Ainsi, l’ensemble de ces connaissances génétiques permet de définir un groupe d’individus à très haut risque et de mettre en place une prévention et un dépistage adaptés. Les gènes BRCA1 et BRCA2 sont aussi associés au cancer du sein chez l'homme le 06/12/07 06/12/2007 (APM Santé) - Les gènes BRCA1 et BRCA2, qui augmentent le risque de cancers du sein et de l'ovaire chez la femme, seraient également liés au cancer du sein chez l'homme, selon une étude publiée dans le Journal of the National Cancer Institute. Le rôle du gène BRCA2 dans le cancer du sein masculin a déjà été mis en évidence, rappellent Yu Chuan Tai, de l'Université de Californie de San Francisco, et ses collègues. Celui de BRCA1 demeure moins certain, même si quelques études l'ont suggéré. Afin de tirer cela au clair, les chercheurs ont mené une étude auprès de 1.939 familles, dont 87 (4,5%) comprenaient au moins un homme ayant développé un cancer du sein. "A tous les âges, le risque cumulé de cancer du sein de l'homme était plus élevé chez les porteurs de mutations dans les gènes BRCA1 et BRCA2 que chez les non-porteurs", ont observé les chercheurs. L'association était plus forte pour le gène BRCA2, avec un risque cumulé de 6,8% à 70 ans, que pour BRCA1 (1,2%). Chez les porteurs de mutations, le risque par rapport aux non-porteurs était plus élevé chez les trentenaires et les quadragénaires par rapport à leurs aînés. Ainsi, le risque relatif à 30 ans était 22,3 fois plus élevé qu'il ne l'était à 70 ans pour le gène BRCA2. Selon d'autres études, ces deux gènes seraient associés à d'autres types de cancers, notamment ceux du testicule, de l'estomac, du rein, de la vessie, du pancréas ainsi qu'aux leucémies et aux lymphomes. (JNCI, vol.99, n°23, p.1811-1814) Cancer du sein: Le risque lié aux gènes BRCA1 et BRCA2 est variable selon les familles le 14/01/08 14/01/2008 (APM Santé) - D'après une large étude américaine publiée dans le JAMA, le risque de cancer du sein est variable selon les familles porteuses de mutations dans les gènes BRCA1 et 2, probablement en raison de la présence d'autres mutations génétiques. "Le risque de cancer du sein chez les porteuses de mutations dans BRCA1 et BRCA2 a fait l'objet de nombreuses études, mais peu de ces travaux ont prêté attention au degré de variation de ce risque", constatent Colin Begg, du Memorial Sloan-Kettering Cancer Center de New York, et ses collègues. Leur étude, l'une des plus larges menées à ce jour sur le risque lié à ces gènes, a porté sur les familles de 2.098 femmes atteintes d'un cancer du sein, dont 704 autres en ayant développé un cancer mammaire controlatéral par la suite. Sur l'ensemble de la population, les chercheurs montrent que chez les femmes de la même famille qu'une patiente, le risque dépendait, entre autre, de son âge au diagnostic et du fait qu'elle ait développé ou non un cancer controlatéral par la suite. Après ajustement sur ces éléments (âge au diagnostic, cancer controlatéral ou non, relation familiale avec la patiente, etc...), il demeurait cependant "une variation résiduelle" du risque dans les familles porteuses de mutations, montrent les chercheurs, qui y voient la trace de facteurs non-identifiés à ce jour. Selon eux, ces facteurs sont probablement d'origine génétique, tels que les gènes candidats ATM et CHEK2. "Ils pourraient expliquer les cas multiples de cancer du sein observés dans une même famille, dont la majorité n'est liée ni à BRCA1 ni à BRCA2". "L'estimation adéquate des risques et l'identification de leur source de variation constitue un objectif scientifique important, d'un grand intérêt clinique pour la prise en charge des patientes porteuses de mutations" dans ces deux gènes.(JAMA, vol.299, n°2, p.194-201) Ainsi, on peut déjà se rendre compte de la multiplicité et de la diversité des facteurs de risque. A cela s’ajoute une grande complexité et de nombreuses interrogations, au cœur des débats, des études et des recherches. En effet, un facteur de risque comme le climat hormonal suscite beaucoup de polémiques et reste encore très méconnu. De même, l’influence de l’environnement doit être mieux étudié. Il faut aussi savoir que certains spécialistes pensent que le cancer du sein peut être lié à des facteurs psychologiques (chocs émotionnels,dépression…). Enfin, les doutes émis sur les THS ont porté leurs fruits : on observe une baisse de l’incidence en France et aux USA. C’est donc en partant des facteurs de risque que l’on peut réussir à éviter de nouveaux cas de cancers. Mais il convient de rappeler que parfois, une femme peut avoir un cancer du sein sans que l’un des facteurs cités plus haut ne soit clairement impliqué. De la même manière, une femme qui cumule plusieurs facteurs de risque n’est pas obligée d’avoir un cancer du sein au cours de sa vie. Le cancer reste une maladie aléatoire. Ce qui nous amène à réfléchir à un autre moyen d’enrayer l’épidémie : le dépistage. En effet, en étant plus précoce, plus efficace et aussi généralisé, le dépistage permet de sauver de nombreuses vies, en découvrant des cancers très peu développés (on parle même d’états « précancéreux »). Les chances de guérison sont beaucoup plus grandes.