33052_552.qxp 21.2.2008 9:51 Page 1 avancée thérapeutique Cancers du sein : recommandations pour sa prévention (1) E 1 n France, l’Académie nationale de pathologiques des gènes BRCa1/2 qui médecine vient de mener une réentraînent un très haut risque de cancers flexion originale sur le thème de la du sein et de l’ovaire (justifiant une évenpolitique à mener pour, sur la base des tuelle prévention chirurgicale ovariectomie connaissances actuellement disponibles, avec annexectomie, mammectomie), ne développer une réelle prévention des canreprésentant que 20% de ces cancers à cers du sein. On sait que dans la plupart gènes de susceptibilité, soulignent les audes pays à revenus élevés l’incidence de teurs. Pour la grande majorité des cancers cette pathologie est en augmentation rédu sein dits sporadiques, les causes sont gulière depuis une trentaine d’années ; et donc principalement exogènes, environce même si l’on observe, aux Etats-Unis et nementales, probablement multiples mais depuis peu en Franliées au mode de vie ce une diminution de type occidental «… "La prévention pose de qui apparaît quelque nombreux problèmes, l’étio- (alimentation, modapeu paradoxale aux lités de reproduction, logie de ce cancer étant yeux de certains spéetc.) comme l’indique multifactorielle" …» cialistes. On compte l’augmentation d’inactuellement chaque cidence des femmes année en France environ 41 000 nouveaux japonaises ou africaines émigrant aux cas, la mortalité se situant de manière Etats-Unis.» stable, du fait des progrès diagnostiques Ils ajoutent que le rôle des hormones et thérapeutiques, autour de 10 000 décès. ovariennes comme agents promoteurs «La prévention pose de nombreux prode tumeur dus à leur activité mitogène blèmes, l’étiologie de ce cancer étant mulest bien établi et de nombreux facteurs tifactorielle, elle repose sur la définition de risque (obésité postménopausique, aldes indicateurs individuels de risque, précool, temps d’exposition aux hormones viennent les auteurs du rapport que l’Acaovariennes) concernent ces hormones. démie vient de publier. Mis à part les En toute logique, ceci ouvre des possibirares cas liés à une prédisposition génélités de prévention visant à inhiber ou tique qui relèvent d’une attitude diagnospour le moins à ne pas amplifier leur effet tique et de prévention spécifique et celles promoteur. Ces actions reposent sur une qui concernent les lésions "pré-invasives" amélioration de la prédiction individuelle biopsiées (cancers in situ et prolifération des risques, sur les études contrôlées de avec atypies), l’appréciation du risque est chimioprévention hormonale, associées insuffisante. Cependant, on peut dès mainà des analyses coûts/bénéfices. Pour tenant proposer quelques attitudes de l’Académie nationale de médecine, une prévention.» politique de prévention efficace pourrait De très nombreux éléments laissent être menée dans ce domaine. Elle forpenser qu’il s’agit ici d’un cancer multimule ici une série de recommandations. génique, multifactoriel, hétérogène du fait • Il importerait tout d’abord d’améliorer de l’instabilité génique, mais peut-être les comportements par une large inforaussi du fait des différences dans les mation des femmes et des médecins : cellules épithéliales, luminales ou basaconseiller à toutes les femmes de ne pas les, impliquées dans les processus phys’exposer à des risques évitables comsiopathologiques. «Il n’y a que 5 à 8% me la consommation exagérée de boisde cancers héréditaires et les mutations sons alcoolisées, la sédentarité, le tabac et l’obésité. Le consensus sur ce point est d’autant plus grand que la plupart de ces Les résultats d’une étude laissant penser que le THS «à la recommandations protégent également française» n’augmenterait pas les risques ont été récemdu risque cardiovasculaire, du diabète et ment publiés. Financée par le laboratoire Théramex et dénommée «Mission», cette étude a été menée sous l’égide d’autres affections cancéreuses. de la Fédération nationale française des collèges de gynéco• Au chapitre, hautement controversé, du logie médicale auprès de plus de 6700 femmes ménopautraitement hormonal des symptômes (THS) sées suivies en ville par un gynécologue. Les résultats, qui ne portent que sur un peu moins de 5000 femmes, tendraient de la ménopause, le rapport estime qu’il à démontrer qu’au terme d’un an de suivi prospectif l’inciserait «souhaitable» de trouver un consendence des cancers du sein serait moindre chez les femmes sus entre les gynécologues et les génésous un THS «à la française». Ce travail a toutefois été sévèralistes d’une part qui voient le bénéfice rement critiqué pour ses biais méthologiques par plusieurs statisticiens ainsi que par le Centre international de recherdirect de ce traitement sur la vie quotidienche sur le cancer pour qui les THS doivent être officiellene des femmes (bouffées de chaleur...) ment rangés dans la catégorie des « cancérogènes » qui estiet, d’autre part, les épidémiologistes, les ment que cette étude ne permet pas d’établir «quelque conclusion que ce soit sur l’association entre utilisation du cardiologues et cancérologues qui enreTHS et survenue d’un cancer du sein». gistrent des effets délétères retardés. «Pour 552 Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 27 février 2008 chaque femme, les contre-indications reposent sur une évaluation individuelle risque/bénéfice difficile car les indices de risque pour les cancers du sein sont imparfaits et il faut tenir compte des autres indices de risque (vasculaires, osseux, etc.), peut-on lire dans le rapport. Si l’on peut actuellement définir une femme à haut risque, on ne peut en revanche définir les femmes qui seraient sans risque de cancer du sein et en particulier celles qui seraient protégées d’une augmentation de risque apportée par un THS. A noter que les progestatifs associés aux estrogènes qui sont nécessaires pour protéger du risque des cancers de l’endomètre et de l’ovaire, augmentent cependant nettement le risque de cancer du sein par un mécanisme non totalement élucidé.» Il faut ici rappeler que la démonstration statistiquement indiscutable reste à faire quant aux bénéfices éventuels d’un THS dit «à la française» associant progestérone micronisée et estradiol transdermique.1 • L’une des questions concrètement les plus délicates concerne les moyens à mettre en œuvre pour faciliter l’effet protecteur des premières grossesses précoces. En France, l’âge moyen pour le premier enfant est passé de 24 ans en 1970 à 28-29 ans depuis 2001 et tout laisse penser qu’il n’a aucune tendance à baisser. Dans l’attente d’une chimioprévention hormonale reproduisant l’effet protecteur d’une différenciation précoce des glandes mammaires, les femmes doivent être informées du bénéfice d’une première grossesse avant 25 ans, estiment les auteurs du rapport. Celle-ci pourrait également être encouragée par une meilleure politique familiale (allocations familiales dès le premier enfant, crèches…) ce qui permettrait d’abaisser l’incidence des cancers du sein. Il sera plus facile d’encourager les femmes à allaiter leur enfant au sein, si possible pendant au moins six mois. Outre le bénéfice pour l’enfant, la protection pour la femme est désormais démontrée par l’épidémiologie et comprise quant aux mécanismes.» (A suivre) Jean-Yves Nau Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 5 janvier 2008 00