Les syndromes de prédisposition au cancer du sein : quoi de neuf ? Fabienne Lesueur * Institut Curie, PSL Research University, Mines Paris Tech, Inserm, U900 Equipe Epidémiologie Génétique des Cancers * Déclare ne pas être en situation d’intérêt particulier. SFSPM – 12 novembre 2015 Risque familial Risque de CS chez les apparentés de patients CS Risque Relatif Familial: Risque de CS dans la population générale RRF = 1,80 RRF = 2,93 Collaborative Group on Hormonal Factors in Breast Cancer, Lancet (2001) RRF = 3,90 Les gènes de prédisposition 53 000 nouveaux cas par an en France Formes familiales : 5-7% Gènes « haut risque »: BRCA1 & BRCA2 Gènes « haut risque » liés à un syndrome : CDH1, PTEN, STK11 & TP53 Gènes « risque modéré » : ATM, BRIP1, CHEK2, NBN, RAD50, RAD51B, RAD51C, RAD51D, PALB2, XRCC2 … Familles BRCAX Autres gènes ? SNPs « risque faible » : ≈ 100 loci Problématiques Recherche : - mieux comprendre l’excès du risque familial - proposer de nouvelles hypothèses sur les mécanismes de carcinogenèse mammaire Clinique : - mieux estimer le risque individuel, identifier les populations à risque - améliorer les stratégies de dépistage et de suivi Fréquences alléliques et Risques Relatifs de cancer du sein Rare to very rare, high-risk alleles: family studies • Héritabilité manquante ? Rare, moderate-risk alleles: resequencing Common, low-risk alleles: GWAS Adapté de Hilbers et al. Clin Genet, 2013 • Comment classer les variants de signification clinique inconnue ? • Quels gènes pour les tests multigènes ? Ex : en 2015, PALB2 devient un gène « actionable ». Tests génétiques et tests BRCA1/2 en France 14 000 Total CAS INDEX APPARENTÉS 13 237 BRCA 12 000 11 480 10 437 Tests BRCA1/2 cas index 10 000 Nombre de prescriptions 9 601 8 740 8 343 8 000 7 555 7 045 6 381 6 518 7 834 Tests BRCA1/2 apparentés 6 791 6 146 6 000 5 461 4 612 4 738 4 000 4 574 3 458 3 695 3 829 3 035 2 877 3 639 2 904 3 119 2 833 2 011 2 000 5 244 4 003 3 886 3 976 4 863 2 836 2 088 1 701 703 2 163 1 284 Rapport INCa, activité oncogénétique 2012 1 861 1 296 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 • Mutation pathogène : 11% des cas index testés • Variant de signification clinique inconnue (VSI): 9% des cas index testés Mutations inactivatrices de BRCA1 et BRCA2 http://www.umd.be/BRCA1/ http://www.umd.be/BRCA2/ En 2014, on distingue dans la base de données française : - 677 mutations distinctes parmi les 3585 familles BRCA1 - 671 mutations distinctes parmi les 2323 familles BRCA2 - 860 VSIs pour BRCA1 et 1383 VSIs pour BRCA2 ENIGMA (Evidence-based Network for the Interpretation of the Germline Mutant Allele) : initiative internationale regroupant plus de 100 chercheurs et cliniciens pour classer les VSIs et estimer les risques de cancer pour les porteurs. Risque absolu (pénétrance) de cancer du sein D’après une analyse combinée de 22 études (Antoniou et al. AJHG 2003) 1 0,9 0,8 Penetrance 0,7 0,6 BRCA1 0,5 0,4 BRCA2 0,3 0,2 0,1 0 24 30 34 40 44 50 Age 54 60 64 70 >70 Variations du risque de CS associées à BRCA1 et BRCA2 Sources de variation = facteurs modificateurs Type de la mutation, caractéristiques familiales Facteurs environnementaux ou du mode de vie - facteurs reproductifs - exposition aux radiations à faible dose (diagnostic) avant 30 ans : HR 1.90 [95%IC 1.20 – 3.00] (étude GENE-RAD-RISK, BMJ 2012) Autres facteurs génétiques (interactions G x G) Modification du risque de CS et mode de vie 1 0.9 BRCA1 women: • nulliparous • smoker, ≥ 5 pack year from age 25 • natural menopause at age 50 0.8 Penetrance 0.7 0.6 All BRCA1 women 0.5 0.4 0.3 0.2 0.1 0 24 30 34 40 44 50 Age Communication N Andrieu 54 60 64 BRCA1 women: • ≥ 3 children • 1st pregnancy after age 30 • non smoker • oophorectomy at age 45 70 >70 Allèles modificateurs du risque de CS chez les porteuses d’une mutation BRCA2 Risques absolus de cancer du sein lorsque le modèle inclus 18 SNPs associés au CS dans les GWAS (calculés pour les femmes nées après 1950) Etudes menées par CIMBA (Consortium of Investigators of Modifiers of BRCA1/2) Milne & Antoniou, Ann Oncol. 2011 Quid des autres gènes ? • Les tests multi-gènes remplacent le séquençage ciblé d’un ou de quelques gènes de prédisposition à un syndrome. • Les panels inclus généralement 4-5 gènes à haut risque bien établis (ex. BRCA1 et BRCA2) et des gènes à effet plus modéré (ex. ATM et CHEK2). • Mais l’utilité clinique de ces « nouveaux » gènes reste à étudier car : 1. Il y a peu d’études à grande échelle dans lesquelles ces gènes ont été entièrement séquencés chez tous les sujets (cas et témoins) ; 2. La plupart des projets de séquençage inclus seulement des cas, ce qui ne permet pas de mesurer le risque de cancer pour les porteurs ; 3. La plupart des études s’intéressent surtout aux mutations troncantes (= inactivatrices); le risque de cancer dû aux variants faux-sens, souvent plus nombreux, est sous-évalué. PALB2 : « Partner and Localizer of BRCA2 » Mutations bialléliques impliquées dans l’anémie de Fanconi Risque augmenté de cancer (sein, pancréas) pour les hétérozygotes Fréquence des mutations inactivatrices : 0,6% à 4% dans les familles « à risque » de CS Risques Relatifs de CS rapportés entre 2 et 4 • • 10/923 cas familiaux vs. 0/1084 témoins (P=0.0004) RR=2.3 95%IC 1.4-3.9, P=0.0025 (Rahman et al. Nat Genet 2007) En 2014, le PALB2 Interest Group a analysé 154 familles PALB2 (362 sujets) : Antoniou et al, NEJM 2014 Risque absolu de CS chez les porteuses d’une mutation dans PALB2 Cancer du sein chez les femmes Autres estimations : • Cancer de l’ovaire : RR = 2.31 ; 95%CI: 0.77-6.97 • Cancer du sein chez l’homme : RR = 8.30 ; 95%CI: 0.77-88.6 • Avec une fréquence des mutations fixée à 0.08%, PALB2 serait impliqué dans 2,4% des « formes familiales » de CS. Antoniou et al, NEJM 2014 L’étude du Breast Cancer Family Registry (BCFR) Infrastructure pour des études multinationales, interdisciplinaires et translationelles d’épidémiologie génétique du cancer du sein. Données sur le style de vie, les antécédents personnels et familiaux pour plus de 14 000 familles avec et sans cancer du sein (>55 000 femmes et hommes). Suivi 10 ans après le recrutement. Matériel biologique disponible. Design de l’étude cas-témoins Ionizing radiation DNA double-strand break MRE11 NBS1 P RAD50 ATM P P P CHEK2 TP53 Apoptosis P P BARD1 BRCA1 MERIT40 BRCA2 RAD51 Cas, n (%) Témoins, n (%) Par âge ≤ 30 31-35 36-40 41-45 46-50 51-55 108 (8,2%) 325 (24,8%) 436 (33,2%) 444 (33,8%) - 67 (5,9%) 172 (153%) 238 (21,2%) 204 (18,2%) 230 (20,5%) 212 (18,9%) 849 (64,7%) Caucasiens 208 (15,8%) Asie (Est) 158 (12,0%) Am. Latine 98 (7,5%) Africains 969 (86,3%) 71 (6,3%) 47 (4,2%) 36 (3,2%) Par origine BRIP1 PALB2 BLM Distribution DNA repair Reséquençage de 9 gènes inclus dans les panels commerciaux ou utilisés par les laboratoires de diagnostic moléculaire Génotypage de 18 SNPs identifiés dans les GWAS Par centre Australie Canada Californie TOTAL 593 (45,1%) 303 (23,1%) 417 (31,8%) 524 (46,7%) 463 (41,2%) 136 (12,1%) 1 313 (100%) 1 123 (100%) Exemple 1 : ATM Données combinées BCFR et 10 autres études cas-témoins SSB1 RAD50 MRE11 NBS1 ATM Class Cases Controls Adjusted* OR [95%CI] Noncarriers 2,505 2,235 ref Loss-of-function mutations 26 2.32 [ 1.12-4.83] Noncarriers 1,788 1,717 ref Any missense substitution 160 1.14 [0.90-1.44] 10 CHEK2 BARD1 BRCA1 CtIP - BRIP1 PALB2 BRCA2 RAD51 RAD51 Paralog XRCC2 complex Severity of the missense variant 134 Missense substitutions stratified by Align-GVGD grade 86 89 0.93 [0.68-1.2 6 ] C0 C15 34 29 1.13 [0.68-1.8 6 ] C25 9 7 1.24 [0.46-3.3 3 ] C35 0 1 - C45 1 0 - C55 5 4 1.20 [0.32-4.4 9 ] 25 4 6.00 [ 2.09-17.2 9 ] + C65 *for ethnicity and sensitivity of mutation-screening method employed. Tavtigian et al. Am J Hum Genet, 2009 Ptrend 0.0035 Exemple 2 : CHEK2 SSB1 RAD50 MRE11 NBS1 ATM CHEK2 BARD1 BRCA1 Class Cases Controls Adjusted* OR [95%CI] Noncarriers 1,242 1,089 ref Loss-of-function mutations 17 3 6.18 [ 1.76-21.8] Any missense substitutions 44 17 2.20 [ 1.20-4.00] CtIP BRIP1 PALB2 - BRCA2 RAD51 RAD51 Paralog XRCC2 complex Severity of the missense variant + Le Calvez-Kelm et al. Br Cancer Res, 2011 Missense substitutions stratified by Align-GVGD grade 12 9 1.39 [0.55-3.56] C0 C15 14 5 1.82 [0.62-5.34] Ptrend C25 7 2 2.47 [0.45-13.5] 0.0055 C35 1 0 C45 0 0 C55 1 0 C65 + loss-of-function 9 1 Ptrend 0.000088 8.75 [ 1.06-72.2] Analyse combinée des 9 gènes* avec les outils de prédiction Align-GVGD, CADD, MAPP et PolyPhen2 *ATM, CHEK2, MRE11A, NBN, RAD50, BARD1, RAD51, XRCC2, RINT1 Analysis Distinct variants Controls Cases Adj. OR (95%CI) P-value Noncarrier 148 998 1,094 Ref Carrier of a truncating or splice junction variant 22 9 27 3.31 (1.53-7.16) 0.0024 Rare missense substitution analysis: Overlap of missense analysis program$: One or more 89 34 93 2.37 (1.57-3.60) 0.000046 Two or more 65 18 70 3.18 (1.85-5.46) 0.000027 Three or more 45 14 52 3.27 (1.77-6.04) 0.00015 All four 19 2 20 8.61 (1.9637.81) 0.0044 TOTAL 375 1,121 1,297 $ Threshold used for a MAPP: Z=11 binary classification: Align-GVGD: class C35 CADD: Z=23 PolyPhen2: Z=0.9 Principaux résultats • 7,4% des cas et 2,4% des témoins portent au moins un variant rare associé à un OR ≥ 2,5. • >50% de ces variants sont des substitutions faux-sens prédites comme délétères. • SNPs : 2,1% des cas et 1,2% des témoins portent un génotype (combinaisons de SNPs) associé à un OR ≥ 2,5. • Pas d’interaction entre les variants rares délétères et les SNPs : modèle multiplicatif applicable pour prédire le risque de CS ? Young et al, soumis. Etude GENESIS (Groupe Génétique et Cancer, Unicancer) Test multi-gènes (diagnostic) Gènes de la réparation 100 exomes GENESIS 1700 cas index 900 sœurs atteintes 1700 témoins Inclusion: 2007- 2012 Données phénotypiques et Épidémiologiques - densité mammaire - histologie tumeur - radiations médicales - facteurs hormonaux Ressources biologiques - sang / LCLs - tumeur Séquençage ciblé de 115 gènes (≈ 500 kb) Etude Cas-Témoin SNPs (puce iCOGS) Réplication consortia COMPLEXO et BCFR Familles nég. BRCA1/2 vues en consultation d’oncogénétique Familles mutées BRCA1/2 GEMO / CIMBA GENEPSO / IBCCS Pénétrance des mutations ? Spectre tumoral ? Effet modificateur ? Intégration des « nouveaux » gènes dans les tests prédictifs ? Comment appréhender ces nouveaux gènes dans le diagnostic de prédisposition et la prise en charge des personnes prédisposées ? • Le NGS permet d’identifier et de caractériser des gènes de prédisposition dont la fréquence des mutations est rare • Nécessité de réunir les données sur les personnes mutées et leur famille via des consortia internationaux • Estimation des risques tumoraux via des études rétrospectives (apparentés, atteints et indemnes) et prospectives • Caractérisation des variants de signification biologique et clinique inconnue • Etude des caractéristiques tumorales (histologie, signature moléculaire) • Etudes cliniques : pronostic, réponse aux traitements, … • Quelle prise en charge des sujets mutés avant d’avoir l’ensemble des résultats ? Remerciements Institut Curie, Paris University of Utah, USA Nadine Andrieu Dominique Stoppa-Lyonnet Séverine Eon-Marchais Marie-Gabrielle Dondon Elodie Girard Noura Mebirouk Dorothée Le Gal Juana Beauvallet Sean Tavtigian David Goldgar Erin Young Bing Feng Breast CFR Melissa Southey, John Hopper (Melbourne) Irene Andrulis (Ontario) Ester John (North California) CRCL, Lyon Olga Sinilnikova Sylvie Mazoyer Francesca Damiola Laure Barjhoux CIRC, Lyon Catherine Noguès, Christine Lasset, Olivier Caron Florence Le Calvez-Kelm Maroulio Pertesi Catherine Voegele Nathalie Forey Geoffroy Durand Nivonirina Robinot + 51 consultations d’oncogénétique + 16 laboratoires de diagnostic moléculaire CNG, Evry Groupe Génétique et Cancer Financements : NIH R01 CA121245 & UM1 CA164920 (BCFR) INCa, Ligue Nationale Contre le Cancer, France Génomique (GENESIS) Jean-François Deleuze Anne Boland Robert Olaso