58. De proche en proche Fabienne Bergmann Si le mot sacrifice évoque l'idée d'immolation, son correspondant hébraïque, קָ ְרבָ ן (korban) − de ( קרובkarov), près, proche – indique par lui-même sa nature ou son objectif qui est de se rapprocher de Dieu. Les ( קורבנותkorbanot, pluriel de קורבן, mot singulier), quels qu'ils soient, tendent toujours à cela. C'est dans ce but qu'on apporte une offrande en sacrifice − ( הֶ ֱעלָה קָ ְרבָ ןhééla korban), littéralement : faire monter le korban [vers Dieu] ou ( הקריב קורבןhekriv korban), expression synonyme où la racine est répétée. Les verbes ( העלהhééla) et ( הקריבhikriv) sont à la forme causative du hifil marquant que le verbe est la cause de l'action. Le résultat de l'acte sera le rapprochement souhaité, ( קרבהkirva), mot qui est à la base de plusieurs expressions. On parle de קרבת ( דםkirvat dam) pour désigner les liens de sang, la parenté héréditaire, laquelle n'est qu'une partie de ( קרבת משפחהkirvat michpaha), les liens familiaux qui englobent aussi les liens par alliance, au sens large. Ni l'une ni l'autre n'engendre d'ailleurs obligatoirement ( יחסי קרבהyahassé kirva), des relations proches, voire une intimité, même si on n'habite pas loin les uns des autres, soit ( בקרבת מקוםbekirvat makom). La racine ' ק'ר'בapparait aussi à une autre forme causative du verbe, le piyel. קירב (kirev) signifie approcher, dans un sens tout à fait profane. Ainsi, לקרב כיסאsignifie approcher une chaise et, pour parler de deux personnes qu'une expérience commune a rapprochées, on dira : ( החויה שעברו יחד קירבו אותם זה לזהhahavaya chéavrou yahad kirvou otam zé lezé). Le verbe existe aussi à la forme réflexive du hitpael : התקרב (hitkarev), s'approcher ou se rapprocher. On prendra soin d'interdire aux enfants de s'approcher du feu – ( להתקרב לאשlehitkarev laech) et tout enfant se réjouit quand יום ( הולדת מתקרבyom houlédèt mitkarev) − son anniversaire approche. Notons ici la forme réflexive en hébreu, alors que la forme simple du paal − ( קָ ַרבkarav), approcher − est littéraire. Pour dire par exemple que la fête approche, on peut dire החג הולך וקרב (hehag holekh oukarev), ce qui implique une certaine solennité. Certains sacrifices devaient être offerts dans un temps particulier. Il n'est pas question d'être en retard en la matière et il ne sert plus à rien de faire son offrande une fois passé le temps imparti. C'est ce qu'énonce la règle talmudique ( עבר זמנו בטל קורבנוavar zmano batel korbano), expression qu'on peut employer aujourd'hui, par exemple, à propos de l'idée de discuter du montant des allocations après le vote du budget. C'est évidemment trop tard et cela ne sert plus à rien. L'expression ( נפל קורבןnafal korban) signifie être victime de quelque chose ou de quelqu'un, payer les frais. L'atteinte peut être grave, mais l'expression peut aussi s'appliquer à une blague du premier avril. ( הקרבהhakrava), exprime l'action de se sacrifier, le dévouement. Les parents y consentent parfois pour leurs enfants. Le phénomène apparait aussi lors d'une bataille, laquelle se dit d'ailleurs ( קרבkrav) − marquant que les antagonistes, trop proches, se sont heurtés…