Traitement de l’insuffisance cardiaque I - Traitement non médicamenteux Importance capitale A. rechercher et corriger une cause Cette recherche peut conduire à un traitement spécifique : correction valvulaire revascularisation myocardique (pontage chirurgical, angioplastie coronaire percutanée) correction d’un trouble du rythme (FA du RM p. ex.) péricardectomie B. rechercher et corriger un facteur adjuvant Peut déclencher, aggraver ou rendre réfractaire l’insuffisance cardiaque 1. Facteurs tenant à la maladie : complication ou maladie associée Phlébite, embolie pulmonaire EI Trouble du rythme : FA HTA Hyperthyroïdie Anémie Fièvre Grossesse 2. Facteurs tenant au malade mauvaise observance erreurs diététiques (Na, OH) activité physique excessive 3.Facteurs tenant au médecin médicaments cardiodépresseurs : BB, AA Ia, Isoptine® apports liquidiens/sodés : suites de chirurgie étention hydrosodée : œstrogènes, corticoïdes, AINS 1 C. mettre en œuvre les moyens non pharmacologiques 1. Contrôle de l’activité physique Repos jusqu’au contrôle de l’IC. Activité adaptée ensuite aux capacités. Bénéfices possibles d’un programme de réentrainement physique : l’incapacité fonctionnelle de l’IC est due pour une part à une mauvaise utilisation de l’O2 par le muscle squelettique 2. Régime hyposodé En règle régime modérément désodé, autour de 6 g/j de sel (ClNa), soit environ 50% de la consommation moyenne. Dans les formes sévères, régime strict (3 g/j). Prudence chez personnes âgées (IR) 3. Restriction hydrique Seulement dans les IC réfractaires avec hyponatrémie de dilution Jusqu’à 750 et même 500 ml/jour 4. Autres mesures Ponctions pleurales, ascite II - Traitement par medicaments Le point capital est de bien utiliser les armes thérapeutiques à notre disposition. A. Diurétiques 1. Classification : diurétiques de l’anse : Lasilix® , Burinex® , Eurelix® thiazidiques diurétiques distaux Associations : Thiazide et distal Modurétic® Isobar® Prestole® Aldactazine® Anse et distal Logirène® Aldalix® 2 2. Indications Traitement de base de l’IC symptomatique. Traitement souverain des oedèmes. Lasilix® dans : IC aiguë IC sévère IC avec insuffisance rénale Aldactone® : cp 25, 50, et 75 mg. Antialdostérone : diurétique distal. Bénéfice démontré lorsque prescrit en plus du traitement par autre diurétique. Attention à l’hyperkaliémie si IEC associé. 3. Effets indésirables Thiazides et diurétiques de l'anse : hypokaliémie hyperglycémie hyperuricémie déshydratation, hypovolémie hypotension orthostatique insuffisance rénale Epargneurs du potassium hyperkaliémie troubles sexuels (antialdostérone) : pas de trouble de glycémie ni uricémie B. les IEC 1. Les produits Lopril®, Captolane® : cp 25 et 50 mg Rénitec® : cp 5 et 20 mg Triatec : cp 1,5 2,5 et 5 mg 2. Indications dans l'insuffisance cardiaque insuffisance cardiaque systolique quel que soit le stade altération de la FE du VG avec fatigue ou dyspnée d’effort, même sans signes congestifs après infarctus du myocarde (prévention du remodelage VG) à considérer si un diurétique est prescrit 3 3. Les effets indésirables Surtout : toux hypotension orthostatique insuffisance rénale. Prudence si : > 70 ans déplétion volumique (diurétique) sténose de l'artère rénale hyperkaliémie Beaucoup plus rarement : agueusie protéinurie neutropénie 4. Précautions d'emploi Avant traitement éviter diurèse excessive (stop diurétiques 24 h auparavant si déjà prescrits) dosage obligatoire de : potassium et créatinine Petites doses initiales Hospitalisation si IC sévère(stade IV) ou si DID. Si diurétique déjà en cours, commencer par un quart du cp le plus faible (6,25 mg de Lopril® ou 1,25 mg de Rénitec®) Surveillance TA dans les heures suivantes, surtout si : > 70 ans diurétique suspicion sténose artère rénale Maintenir PAS >90 debout. Adaptation posologique et surveillance Pendant période adaptation posologique, créatinine, sodium, et potassium tous les mois. Surveillance tous les 3 mois, puis tous les 6 mois quand stabilisation. Contrôle TA dans les 2 semaines après augmentation de posologie. Arrêter l’IEC si fonction rénale se dégrade. 4 Pas d’AINS Interactions diurétiques hypokaliémiants : risque d’insuffisance rénale diurétiques hyperkaliémiants : risque d’hyperkaliémie C. Dérivés nitrés Effets à court terme favorables : chute pressions pulmonaires en qq heures 1. Nitrés par voie transdermique La trinitrine (TNT) se prête bien à cette modalité d'administration car par voie orale : demi-vie courte effet de 1er passage hépatique+++ Ainsi, meilleure biodisponibilité avec patch : taux plasmatiques stables pendant longue durée en évitant les écarts interindividuels liés à l'effet 1er passage hépatique Limitations : atténuation effets hémodynamiques entre 3e et 6e h échappement au long cours (tachyphylaxie) ----->doses modérées discontinues plus efficaces que doses fortes continues En pratique : enlever le patch pendant 8 heures sur 24 (par exemple la nuit) changer l'endroit d'application pour éviter réaction cutanée Les spécialités Toutes celles disponibles délivrent la même quantité de TNT/24 h soit 5 (ou 10 mg suivant la dimension du patch) : Nitriderm TTS® (5 ou 10) Cordipatch® (5 ou 10) Diafusor® (5 ou 10) Discotrine® (5 ou 10). Des dispositifs de 15 mg sont disponibles pour plusieurs de ces marques. 5 2. Nitrés par voie orale IC aiguë Trinitrine sublinguale : Natispray® (0,15 ou 0,30 mg) Trinitrine® cp ou Risordan® 5 : 1 cp, croquer, laisser fondre sous la langue, répéter après 15 mn si besoin IC chronique Risordan LP® à 20, 40 ou 60 mg. Posologie moyenne 20 à 40 mg deux fois par jour. 3. Nitrés par voie veineuse Pour insuffisance cardiaque aiguë en milieu hospitalier (Lénitral®). D. Digitaliques " Parmi les malades traités : 1/3 en surdosage et 1/3 insuffisamment traités " 1. Les produits Par voie orale, la Digoxine® +++. La Digitaline® a une demi-vie longue qui expose trop au risque d’intoxication. S’aider du dosage de digoxinémie pour adapter la posologie. Taux cible : 0,8 à 1,2 ng/ml. Contrôles réguliers non nécessaires. Surtout utiles dans 3 cas : sujet âgé (Cf. infra) réponse thérapeutique insuffisante doute pour un surdosage Hémigoxine® bien adaptée au traitement des personnes âgées (altération de la fonction rénale fréquente) 2. Indications Insuffisance cardiaque chronique : même en rythme sinusal Bonne indication si : dysfonction systolique VG et FA (+++) dysfonction systolique VG sévère (stade III ou IV) VG dilaté Insuffisance cardiaque aiguë après un ECG : Digoxine® IV, surtout si FA 6 3. Contre-indications Quatre contre indications absolues : BAV II et III non appareillé excitabilité ventriculaire : TV myocardiopathie obstructive WPW CI relatives : obstacles à l'éjection gauche : RA myocarde très altéré hypokaliémie sévère maladie rythmique de l’oreillette (discuter un stimulateur) Le PR long n’est pas une contre-indication. 4. Précautions d’emploi Associations médicamenteuses : Quinidiniques : éviter car augmente le taux de digoxinémie Cordarone® : prudence car id si dose > 1cp/j Dromotropes négatifs : BB, Tildiem® , Isoptine® Insuffisance rénale Demi-vie de 36 h et élimination rénale. Digoxinémie augmentée si IR ---->diminuer doses de digoxine, selon règle générale suivante, avec surveillance de la digoxinémie. : Taux de créatinine u mol/l Dose digoxine cp/j 100 1 cp / j 200 1 cp / 2j 300 1 cp / 3j 400 1 cp/4j cardioversion électrique : Arrêt de la digoxine une semaine avant (risque d’hyperexcitabilité ventriculaire ou de dépression sinusale) 7 5. Intoxication digitalique Signes prémonitoires Surtout : anorexie, nausées, vomissements Plus rarement :douleurs abdominales, troubles visuels, troubles psychiques Troubles cardiaques hyperexcitabilité myocardique ESV, TV, FV tachycardie atriale, FA Troubles de la conduction AV Donc risque de décès Diagnostic Dosages sériques. Attention Digoxinémie (ng/ml) 2-3 Toxicité >3 Traitement : Règle : l'arrêt provisoire d'un digitalique n'est jamais dangereux. L’intoxication est toujours dangereuse, surtout si personnes âgées, taux sériques très élevés, hyperkaliémie. Conduite à tenir : USIC K Atropine, EES Antiarythmiques DIGIDOT 8 E. Bêta-bloquants KREDEX® et CARDIOCOR® Patient en IC stade II et III de la NYHA Sous diurétique + IEC (et éventuellement digitalique) Stable depuis >4 semaines KREDEX : J1 : dose test de 3,125 mg (1/2 c à 6,25 mg). En ville ou à l’hôpital. Surveillance >3 heures (pouls, PA (couché, debout), clinique, ECG à la 3e heure J2 : 3,125 mg x 2, pendant >2 semaines. Dans la 1e semaine même surveillance que à J1. Puis 6,25 mgx2 par j pendant >2 semaines Puis 12,5 mg x 2 par jour pendant >2 semaines Puis 25 mg x 2 par jour A chaque palier surveillance pendant >2 heures : comme à J1. Ultérieurement 25 mg x 2 par jour à renouveler si poids < 85 kg (on peut aller jusqu’à 50 mg x 2 par j si poids > 85 kg). L’augmentation des doses doit être faite par les soins d’un cardiologue ou interniste, à l’hôpital ou en ville. Le renouvellement peut être fait par le généraliste si la dose maximale tolérée est établie et le patient stabilisé. Donc : prudence ! Grosse différence de pratique entre essais cliniques et exercice courant de la médecine. En 2000, les BB dans l’IC = encore une affaire de spécialiste. II - Traitement chirurgical A. traitement étiologique Résection d’anévrisme du VG ou réparation ou remplacement valvulaire, par exemple B. Assistance ventriculaire implantable Place très réduite en France actuellement. Ne constitue pas une solution au problème de masse posé par l’IC. Peuvent être utiles en attente de greffe (" bridge ") : système implantable (Novacor®) dispositif extra-corporel 9 Problème de la durée d’attente d’un greffon, souvent plusieurs mois. C. Greffe cardiaque Assez au point mais moins de donneurs: opposition des familles (information+++) diminution des traumatismes crâniens (c’est un bien !) législation contraignante liée à la prévention de l’hépatite C et du SIDA -> allongement des délais techniquement incompatibles avec le prélèvement du greffon. D. Cardiomyoplastie E. Réduction de la taille du ventricule III - Stimulation cardiaque multisite Stimulation cardiaque à visée hémodynamique (et non rythmique). Sondes OD, VD, et VG (sonde placée par voie endoveineuse dans une branche du sinus coronaire). IV - Conduite du traitement A. Insuffisance cardiaque aiguë Asthme cardiaque, OAP ----> Hospitalisation En attendant l’hospitalisation : Lasilix® 40 mg IV Nitré sublingual : Natispray® : 1 à 4 bouffées Si rythme supraventriculaire rapide (surtout FA) : Cédilanide® 1 amp IV Si HTA : Adalate® sublingual Hospitalisation : repos strict O2 nitrés IV inotropes+ (digitaliques, dobutamine, dopamine, inhib PDE) 10 B. Insuffisance cardiaque chronique 1. Formes sévères Trithérapie : Lasilix®+ IEC + Digoxine® A discuter : anticoagulants, antiarythmiques 2. Formes a- ou paucisymptomatiques de dysfonction VG IEC ? 3. Pour les formes modérées : débat si FA rapide : digitalique si stase : diurétique IEC seul et d'emblée ? C. Insuffisance cardiaque réfractaire Hospitalisation, repos strict Restriction hydrique. Lasilix à fortes doses (jusqu’à 500 mg/j) + IEC + nitrés (surveiller TA) Cures d’inotropes IV (Dobutamine® , Dobutrex® ) D. Insuffisance cardiaque diastolique prédominante FE > 50% à l’écho Presque toujours VG hypertrophié : cardiopathie hypertensive, myocardiopathie hypertrophique. Pas de médicament spécifique du remplissage ventriculaire 1. traiter la stase pulmonaire Diurétiques, nitrés. 2. ralentir la fréquence cardiaque BB, digoxine (uniquement dans ce cas) 3. rétablir le rythme sinusal Notamment si FA : la perte de la systole atriale diminue encore le remplissage ventriculaire 11 4. traiter l’ischémie myocardique BB, antagonistes calciques 5. traiter HTA E. Personnes âgées : Problèmes fréquents liés à : observance inadéquate prescriptions multiples seuils de toxicité abaissés se méfier d’un RAC ou d’un adénome toxique thyroïdien D’où mesures prudentes : RHS modéré (risque d’inappétence, amaigrissement) repos (mais attention à grabatisation) digitaliques : intoxication fréquente. Pas de dose de charge : 1c/j 3 ou 4 fois par semaine ou Hémigoxine diurétiques : hypovolémie, hypotension orthostatique. Attention à hypokaliémie : associer un épargneur du K prostate... Surveillance clinique : poids, TA, hydratation biologique : iono, créatinine V - Education des malades observance du traitement mesures diététiques (sel) surveillance du poids activité physique (sans transformer en invalide qqn qui ne l’est pas !) VI - Prevention de l’IC Lutte contre les facteurs de risque de l’athérosclérose : tabac dyslipidémies HTA (qui est aussi un facteur direct d’IC par surcharge barométrique chronique) Vaccination antigrippale 12