ANESTHESIE ET TOXICOMANIE Dr Céline TRIBOULET-BEAU SAR II Hôpital Saint André CHU BORDEAUX Anesthésie et toxicomanie Références ▪ Référentiel SFAR juin 2009 : Gestion périopératoire des traitements chroniques et des dispositifs médicaux ▪ JEPU 2002 : Prise en charge anesthésique du toxicomane en urgence ▪ Office français des drogues et toxicomanies www.ofdt.fr ▪ Perioperative management of acute pain in the opioiddependent patient. Mitra S et al. Anesthesiology 2004; 101 : 212-27 Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition Epidémiologie Toxicomanie substituée Toxicomanie active Toxicomanie et obstétrique Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition commune « drogue » Action sur le SNC, ressenti positif Prises répétées : même effet si augmentation des doses Arrêt = manque psychologique et somatique Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition OMS : Besoin obsessionnel => obtention quelque soit le moyen Prise répétitive => dépendance psychologique et physique, fonctionnement normal seulement si drogue dans le corps Effet de tolérance => tendance à augmenter les doses pour 1 effet similaire Anesthésie et toxicomanie Epidémiologie Toxicomanie : « sociale » « iatrogène » « de rue » Aucune de ces classes de toxicomanie n’est hermétique, chacune pouvant se combiner à une ou plusieurs autres. Anesthésie et toxicomanie Epidémiologie Tableau 1 :Estimation du nombre de consommateurs de substances psychoactives en France métropolitaine parmi les 12-75 ans. NB : 46Ḿ de 12-75 ans en 2005 Expérimentateurs Dont usagers dans l’année Dont réguliers Dont quotidiens Alcool 42,5 M 39,4 M 9,7 M 6,4 M Tabac 34,8 M 14,9 M 11,8 M 11,8 M Psychotropes 15,1 M 8,7 M // // Cannabis 12,4 M 3,9 M 1,2 M 550 000 Cocaïne 1,1 M 250 000 // // Ecstasy 900 000 200 000 // // Héroïne 360 000 // // // //: Données non disponibles Anesthésie et toxicomanie Epidémiologie Anesthésie et toxicomanie Epidémiologie BHD = Buprenorphine Haut Dosage Anesthésie et toxicomanie Prise en charge anesthésique 3 situations cliniques Toxicomanie substituée Toxicomanie active Héroïne Cocaïne Cannabis Excitants et drogues de synthèse Médicaments détournés Toxicomanie et obstétrique Toxicomanie sevrée Anesthésie et toxicomanie Prise en charge anesthésique POINTS COMMUNS : ▪ ▪ ▪ ▪ Maladies associées : infections virales, dénutrition Suspecter polytoxicomanie non avouée :OH tabac, BZD Absence de voies veineuses Interaction entre agents anesthésiques et « drogues » prises à l’insu des soignants ▪ Douleur aiguë plus difficile à traiter ▪ Patients généralement peu fiables et peu compliants ▪ Intervention d’une équipe spécialisée en toxicomanie Anesthésie et toxicomanie Prise en charge anesthésique CONTRAT DE SOINS : EQUIPE SOIGNANTE - Prévenir l’état de manque - Traiter la douleur et l’angoisse - Informer le patient PATIENT - Etre franc lors de l’interrogatoire et des soins - Accepter un certain inconfort lors de la phase d’adaptation - Ne pas recourir à des substances non prescrites - Ne pas entrer dans une logique de chantage et de manipulation du personnel soignant Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition Epidémiologie Toxicomanie substituée Toxicomanie active Toxicomanie et obstétrique Toxicomanie substituée Méthadone, buprénorphine (SUBUTEX®) Dépendance et tolérance physique demeurent en l’absence de comportement addictif. Risques à l’arrêt : Sd de sevrage Sous-estimation de la douleur Sous-traitement de la douleur jusqu’au refus de prescription par crainte de récidive de l’addiction NB : Le risque de récidive de toxicomanie dans les cas de toxicomane substitué et ancien toxicomane sevré n’est pas nul mais n’a jamais été évalué. NB : toxicomanie substituée = « cure » de méthadone # sevrage Toxicomanie substituée Risques au maintien Méthadone : RAS (tolérance) Buprénorphine : RAS en peranesthésie car les morphiniques ayant une forte affinité pour µ (sufentanil, alfentanil, remifentanil…) la déplacent du récepteur Naltrexone (utilisé pour le sevrage des alcooliques) : à arrêter 48h avant car antagoniste des récepteurs µ et diminue l’effet des morphiniques en per- et postopératoire Toxicomanie substituée CAT : PREOPERATOIRE ▪ Traitement substitutif en préopératoire et pendant toute l’hospitalisation : en général le matin par voie orale et en présence d’un soignant. Relais par Morphine S/C ou IV si voie orale indisponible : cf tableau conversion ▪ Benzodiazépine (BZD) car : fréquente dépendance aux BZD, anxiété, inquiets du risque de récurrence de la toxicomanie, du risque de subir un syndrome de manque, d’être mal analgésiés en postopératoire ▪ Expliquer notamment que la substitution est indépendante de l’analgésie, prévoir une intervention d’une équipe spécialisée dans la toxicomanie. Toxicomanie substituée CAT Ordre de grandeur des équivalences entre méthadone, buprénorphine et morphine : 10mg de sulfate de morphine oral 3,3mg de sulfate de morphine parentéral (S/C ou IV) 6 - 7mg de méthadone orale 1,2 – 1,4 mg de buprénorphine Toxicomanie substituée CAT : PEROPERATOIRE - Privilégier l’anesthésie locorégionale Si AG : tolérance aux morphiniques et hypersensibilité aux stimuli nociceptifs. => Augmentation posologie morphiniques - Toxicomanie substituée CAT : POSTOPERATOIRE - Antalgiques périphériques - Augmentation posologie opiacés - Privilégier l’ALR - Place de la Kétamine NB : ancien toxicomane mal analgésié => pseudo addiction => stop quand bien analgésié - Controverse : PCA morphine IV chez l’ancien héroïnomane à cause de ses effets psychiques Per os chaque fois que possible - CONTRE-INDICATION (risque de sevrage aigu) : * AGO-ANTAGONISTES µ (nalbuphine, butorphanol, pentazocine) * ANTAGONISTES RECEPTEURS µ (naloxone) Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition Epidémiologie Toxicomanie substituée Toxicomanie active Toxicomanie et obstétrique Toxicomanie active Héroïne : dépendance physique ET psychique Risques à l’arrêt : Sd de sevrage = excitation du SNA Am. J. Psych., 1996, 122,742 Stades Héroïne Morphine Méthadone 0 Anxiété, recherche intensive de drogue 4h 6h 12h 1 Bâillements, transpiration, larmoiement, écoulement nasal 8h 14h 34-48h 2 1+ mydriase, « chair de poule », tremblements, douleurs musculaires et osseuses, sensation de chaud/froid, anorexie 12h 16h 48-72h 3 1+2+ hypertension, tachycardie, tachypnée, état fébrile, nausées, agitation, insomnie 18-24h 24-36h ? 4 1+2+3+ vomissements, diarrhées, hyperglycémie, leucocytose, hémoconcentration 24-36h 36-48h ? Toxicomanie active Héroïne Risques à l’arrêt : Sd de sevrage Durée 7-10 jours si non traité Non mortel sauf si injection d’un antagoniste aux opiacés en l’absence de surdosage Traitement : bêtabloquants, clonidine, titration IV morphine en SSPI pour héroïnomane actif Toxicomanie active Héroïne Risques si poursuite cachée : - Risque d’overdose en périopératoire - Majoration des effets sédatifs des hypnotiques ou des morphiniques de l’anesthésie Toxicomanie active Tableau des correspondances DCI Ratio Equivalence de la dose de morphine orale Dextropropoxyphène 1/6 60mg de D=10mg de morphine Codéine 1/6 60mg de C=10mg de morphine Dihydrocodéine 1/3 60mg de DC=20mg de morphine Tramadol 1/5 à 1/6 Péthidine 1/5 50 à 60mg de T=10mg de morphine 50mg de P=10mg de morphine Morphine orale 1 Morphine IV 3 1mg de morphine IV=3mg de morphine orale Morphine SC ou IM 2 1mg de morphine S/C=2mg de morphine orale Oxycodone orale 2 5mg d’O=10mg de morphine orale Hydromorphone 7.5 4mg d’Hydromorphine=30mg de morphine Buprénorphine SL 30 0,2mg de B=6mg de morphine orale Nalbuphine SC 2 5mg de Nalbuphine SC=10mg de morphine orale Fentanyl transdermique(FTD) Héroïne variable 2 25µg/h de FTD=60mg de morphine environ 1mg d’H IV=2mg de morphine IV Toxicomanie active Tableau des correspondances 10mg de morphine IV=1mg de morphine par voie péridurale=0,1mg de morphine par voie intrathécale Agents Morphine Hydromorphone Méthadone Oxycodone Dose intraveineuse (mg) Dose orale (mg) 10 1,5 2 (précautions) 10 30 7,5 2 à 3 (précautions) 20 Toxicomanie active Héroïne : CAT Ne pas débuter un sevrage +++ CONTRE-INDICATION : naloxone et nalbuphine Augmentation des besoins en hypnotiques / BZD en prémédication Augmentation des besoins en morphiniques Substitution par morphine ORALE de préférence, PERIOPERATOIRE, /4 à 6h. Instabilité TA peropératoire (hypoTA peut signer un sd de sevrage, insuffisance surrénale décrite) Analgésie multimodale, privilégier l’ALR, penser à augmenter la posologie des boli de PCA. Bien expliquer que les doses de morphine de substitution sont indépendantes des doses à but analgésique. Toxicomanie active Cocaïne : dépendance psychique > physique Risques à l’arrêt : pas de risque majeur Risques à la poursuite +++ : Stimulation sympathique intense => augmentation de la FC, HTA, augmentation de la consommation d’O2 par le myocarde, vasoconstriction coronaire et cérébrale Au long cours : complications coronaires, vasculaires (dissection aortique), ORL, psychiatriques, épileptiques, respiratoires Toxicomanie active Cocaïne Interférences avec l’anesthésie : Hyperstimulation sympathique Pas de tolérance croisée entre cocaïne et opiacés Interférence avec halothane (augmentation de la sensibilité du myocarde aux catécholamines), Kétamine, Etomidate (tachycardie) Suspicion d’allongement de la durée d’action de la succinylcholine CONTRE-INDICATION DES BÊTA-BLOQUANTS : augmentation de la vasoconstriction induite par la cocaïne (VC coronaire, HTA) Toxicomanie active Cocaïne Interférences avec l’anesthésie : Traitement des manifestations cardiovasculaires aiguës sous cocaïne : BZD, hydralazine, dérivés nitrés (DN), ICa (vérapamil), phentolamine Traitement des SCA sous cocaïne : BZD + DN Si hyper ou hypotension artérielle sous AG ou sous anesthésie axiale : attention à EPHEDRINE car peut => poussée hypertensive Toxicomanie active Cocaïne : CAT Sevrage complet d’une semaine minimum (un sevrage plus court ne protège pas des complications cardiovasculaires) CELOCURINE NON CI Thrombopénie possible sous cocaïne => taux de plaquettes si anesthésie axiale Eviter les médicaments tachycardisants Prudence lors des stimuli nociceptifs (ex : laryngoscopie) : possible stimulation sympathique Toxicomanie active Excitants du SNC / drogues de ∑ Produits : LSD Acide lysergique diéthylamide PCP Phénylcyclidine Psilocybine Mescaline MDMA=Ecstasy=2.4méthylène-dioxy-metamphétamine Gammahydroxybutyrate Gammabutyrolactone Effets obtenus : Hallucinations visuelles, auditives, tactiles + distorsions de l’image du corps + sensation d’anxiété, de panique Toxicomanie active Excitants du SNC / drogues de ∑ Risques à l’arrêt : Pas de dépendance physique ou psychique pas de risque de sevrage Risques à la poursuite périopératoire : LSD, PCP : activation sympatique durant 12h (HTA, mydriase, FC et T°C augmentées), parfois coma, overdose, convulsions Ecstasy : Hyperthermie maligne, CIVD, hépatite fulminante, œdème cérébral+/- convulsions sur hyponatrémie Toxicomanie active Excitants du SNC / drogues de ∑ Interférences avec l’anesthésie : Effets sympatomimétiques, dérégulation SNA => risques de réaction CV exagérée aux stimulations adrénergiques Traitement de l’agitation : Benzodiazépines + neuroleptiques CAT : Complications vasculaires cérébrales : éviter Δ FC et TA Hyperthermie : diagnostic différentiel hyperthermie maligne Hyponatrémie / Ecstasy Toxicomanie active Médicaments détournés Benzodiazépines (BZD) : - Risque de crise convulsive lors du sevrage - Souvent associées aux autres drogues BZD en périopératoire Kétamine : Souvent associée aux autres drogues Anesthésie et toxicomanie Introduction Définition Epidémiologie Toxicomanie substituée Toxicomanie active Toxicomanie et obstétrique Toxicomanie et obstétrique Héroïne, méthadone Augmentation des complications obstétricales maternelles N-Né : complications périnétales, mortalité augmentée de 300% S. de sevrage enfants : Gravité : méthadone >héroïne Morbi-mortalité : méthadone < héroïne Doses de méthadone : Faibles (10-30mg/j) => ↓ problèmes du BB Réduction lente durant la grossesse car risque de mort fœtale par syndrome de sevrage Toxicomanie et obstétrique Héroïne, méthadone Dénutrition, anémie, maladies vénériennes plus fréquentes (mère) Adapter la dose de morphine à l’heure de la dernière prise d’héroïne, prévenir le sevrage par morphine durant le travail ALR évite sédation supplémentaire du fœtus surtout si prématurité Signes de sevrage = environ 80% des nouveaux-nés : premier jour si héroïne, 6 premiers jours si méthadone => 90% convulsions en l’absence de traitement => 3.6% décès malgré traitement Toxicomanie et obstétrique Cocaïnomanie aiguë Effets chez la mère : Blocage du recaptage des catécholamines/terminaisons nerveuses => augmentation concentration circulante => VC généralisée => ↓ débit sg utérin Effets chez le fœtus : - RCIU, ↓ O2 => infarctus, agénésies d’organes - Cocaïne passe barrière placentaire => augmentation des catécholamines fœtales => tachycardie, augmentation de la demande en O2 non satisfaite par le débit sanguin utérin Toxicomanie et obstétrique Cocaïnomanie aiguë Interférences avec l’anesthésie : Courte durée d’action => reporter toute intervention en dehors de l’urgence ALR : Thrombopénie fréquente Manque de collaboration Péridurale préférée à rachianesthésie car VC généralisée et volume circulant diminué => hypovolémie masquée Cocaïne + AL => augmentation du risque de toxicité Toxicomanie et obstétrique Cocaïnomanie aiguë Interférences avec l’anesthésie : AG : - Pas d’agent spécifique recommandé Eviter Kétamine (arythmies) Ephédrine (VC indirect) moins efficace VC directs : Tachycardie, HTA => défaillance cardiaque gauche et OAP Toxicomanie et obstétrique Cocaïnomanie aiguë - - - TTT HTA : labétalol préféré car bloc bloc alpha et bêta des R adrénergiques Esmolol : antagoniste bêta-1 sélectif de courte durée d’action Hydralazine contrôle HTA mais ne restaure pas le débit utérin TTT arythmies : Cocaïne abaisse le seuil épileptogène => CI lidocaïne