CHAPITRE 14 : MOUVEMENT VOLONTAIRE ET PLASTICITÉ CÉRÉBRALE Si le réflexe myotatique sert d'outil diagnostique pour identifier d'éventuelles anomalies du système neuromusculaire local, il n'est pas suffisant car certaines anomalies peuvent résulter d'anomalies touchant le système nerveux central et se traduire aussi par des dysfonctionnements musculaires. Ainsi, la contraction d’un muscle peut se réaliser suite à son étirement dans le cas du réflexe myotatique mais il peut également s’agir d’une contraction volontaire contrôlée par le cerveau. Problèmes : comment les mouvements volontaires sont-ils contrôlés ? Quelles sont les possibilités d’adaptation du cortex cérébral tout au long de la vie ? Orientation des plans de coupe dans EduAnatomist X Y Z 1. La commande volontaire du mouvement A. le cortex moteur. Correction TP 24 • Images d'IRM anatomique d’encéphale de Mme X après son AVC On observe une atrophie du tissu cérébral dans un secteur étendu de l'hémisphère droit. X= 26 à 94 Y=141 à 324 Z=162 à 245 • Image d'IRM anatomique d’encéphale de M. Y après son AVC On observe une lésion localisée dans le lobe pariétal de l'hémisphère gauche. X= 10 à 15 Y=275 à 295 Z=348 à 360 • Images d’IRM anatomiques et fonctionnelles d’encéphale d’une personne témoin observant une image colorée X= 102 Y= 155 Z= 108 et 45 (dans l'axe des yeux) • Images d’IRM anatomiques et fonctionnelles d’encéphale d’une personne témoin faisant des mouvements de la main droite X= 23 Y= 56 Z= 62 • Images d’IRM anatomiques et fonctionnelles d’encéphale d’une personne témoin faisant des mouvements de la main gauche X= 19 Y= 58 Z= 26 Aires cérébrales actives lors de la vision des couleurs Aire cérébrale active lors des mouvements de la main droite Aire cérébrale active lors des mouvements de la main gauche Zone lésée de Mme X Zone lésée de M. Y Etape 4 : On remarque que la zone cérébrale atteinte de Mme X est située dans la partie droite du cerveau, or cette partie commande donc la partie gauche du corps. Mme X étant droitière, elle conserve donc les capacités motrices de sa main directrice. De plus, les aires permettant la vision des couleurs ne sont pas situés dans la zone atteinte du cerveau de Mme X, elle conserve là aussi sa capacité de voir les couleurs. Elle pourra donc continuer à exercer son métier. Pour M. Y, on peut faire le même constat que pour Mme X, en effet, il est gaucher or la partie droite de son cerveau est intact, il conserve donc la fonction de motricité de sa main directrice ainsi que sa vision des couleurs pour les mêmes raisons que Mme X. On observe que la réponse motrice de la main gauche est associée à l'activation d'une aire corticale située dans l'hémisphère cérébral droit, de même la réponse motrice de la main droite est associée à l'activation d'une aire corticale située dans l'hémisphère cérébral gauche. Ces aires sont spécialisées et à l'origine des mouvements volontaires, il s'agit de l'aire motrice primaire. Cette étude en IRMf aura permis de vérifier que le contrôle moteur assuré par une aire motrice primaire s'effectue sur la partie controlatérale (= du côté opposé) du corps: les axones des neurones du cortex moteur de l'hémisphère droit bifurquent (= changent de côté au niveau du bulbe rachidien) lors de leur descente vers les contacts synaptiques avec les motoneurones de la moelle épinière, et qu'il en soit de même pour les neurones du cortex moteur de l'hémisphère gauche. Les scientifiques parlent de décussation de la voie pyramidale. Trajet des voies nerveuses motrices Dans le cas du sujet 13111, on obtient les coordonnées suivantes : Sujet 13112 Sujet 13111 Coordonnées main gauche Coordonnées main droite X = 18 ; Y = 57 ; Z = 26 X = 23 ; Y = 57 ; Z = 61 X = 24; Y = 56 ; Z = 22 X = 45 ; Y = 69 ; Z = 68 X = 39 ; Y = 73 ; Z = 39 L'aire motrice primaire commande donc la contraction de tel ou tel muscle afin de réaliser une séquence motrice. Chaque partie du corps est associée à un territoire défini du cortex cérébral qui assure sa commande motrice. 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 orteils cheville genou hanche tronc épaule coude poignet main auriculaire annulaire médius index pouce cou sourcil paupière, globe oculaire face lèvres mâchoire langue glande salivaire 5 7 9 12 11 14 16 18 8 6 3 4 2 10 13 15 17 19 20 21 22 Une région corticale occupe une surface d'autant plus grande que la partie du corps considérée est plus complexe du point de vue de sa motricité. 1 On peut ainsi dresser une cartographie de l’aire motrice. Si on représente une figurine humaine dont la taille de chaque partie du corps est proportionnelle à la surface de projection corticale associée, on obtient l’Homonculus moteur (de Penfield). La zone de l'aire motrice primaire M1 nécessite une collaboration avec d'autres aires cérébrales pour réaliser un mouvement. Il est demandé à des singes de presser trois boutons dans un ordre, soit indiqué par des signaux lumineux (indice visuel), soit qu'ils ont précédemment mémorisé (séquence mémorisée). On étudie dans le même temps l'activité de l'aire M1, de l'aire prémotrice (APM) et de l'aire motrice supplémentaire (AMS). Quand l'APM ou AMS sont lésées, l'animal est incapable d'effectuer certains types de mouvements volontaires. Par exemple, il ne peut pas effectuer un mouvement s'il doit choisir entre différents mouvements possibles. En revanche, si il n'y a pas de choix à faire, le mouvement reste possible. L'APM et l'AMS interviennent lors de la phase de préparation du mouvement. L'APM s'active essentiellement lors de la phase de préparation motrice qui précède un mouvement déclenché par une information externe (indice visuel ici). En revanche l'AMS ne s'active que lors de la phase de préparation d'un mouvement déclenché par une information interne (séquence motrice mémorisée). Ces aires sont impliquées dans la sélection des mouvements appropriés pour réaliser une séquence motrice Certaines aires (cortex pariétal) sont impliquées dans l’intention de mouvement : décision de réaliser tel ou tel mouvement. Ex : allumer la lumière de la pièce Une fois la commande motrice choisie puis envoyée par l'aire motrice primaire, celle-ci emprunte les voies nerveuses motrices. En cas de lésion de la moelle épinière, la commande volontaire des muscles ne se fait plus. tétraplégie paraplégie 1. La commande volontaire du mouvement B. Le rôle intégrateur des motoneurones Sommation temporelle Arrivée de messages nerveux présynaptiques successifs Arrivée simultanée de messages nerveux présynaptiques Message nerveux émis par le neurone postsynaptique Sommation spatiale Inhibition Excitation Molécules de neurotransmetteurs Sommation temporelle mV 0 A 0 -70 -70 électrode d’enregistrement stA B stA mV C Inhibition PPSI Excitation PPSE mV ms stA stA Sommation spatiale mV 0 0 -70 -70 stA stB ms ms stC stA + stC ms Un motoneurone réalise une sommation spatiale (la somme des messages des différents neurones qui font synapse avec le motoneurone) ou temporelle (la somme d'un message répété transmis par un seul neurone présynaptique) de l’ensemble des messages excitateurs ou inhibiteurs. Si l’excitation est suffisante, c’est à dire si le seuil de dépolarisation est atteint, alors un train de potentiels d’action est émis au niveau de son axone en direction du muscle. Ainsi, à partir de toutes les informations reçues, le motoneurone élabore un message nerveux moteur unique codé en fréquence : c’est ce que l’on appelle l’intégration. Avec la manœuvre de Jendrassik, nous avions vu que l'intensité du réflexe myotatique était plus important. On peut l'expliquer par le biais d'une synapse excitatrice au niveau du motoneurone qui va donc augmenter la quantité de PA créé dans ce dernier. Exemple du rôle intégrateur des motoneurones 1. La commande volontaire du mouvement C. l'innervation réciproque des muscles antagonistes Dans le réflexe myotatique, afin de coordonner les muscles antagonistes, l'axone du neurone sensitif se divise en 2 branches dans la substance grise de la ME : l'une permet l'arc réflexe au moyen d’une synapse excitatrice avec le motoneurone commandant la contraction du muscle extenseur du pied (muscle soléaire), l'autre au moyen d’un interneurone qui fait synapse à son tour avec le motoneurone commandant le muscle fléchisseur du pied ( muscle jambier antérieur). Cette synapse est inhibitrice et provoque le relâchement de ce muscle TRANSMISSION ET INTÉGRATION DU MESSAGE NERVEUX Fréquence de PA Avant percussion Motoneurone du muscle antagoniste Après percussion Fréquence de PA Avant percussion 3 6 9 12 Relâchement de l’antagoniste Après percussion Temps (ms) Temps (ms) 3 6 9 12 Percussion du tendon Interneurone inhibiteur SYNAPSE INHIBITRICE Fréquence de PA Avant percussion Après percussion SYNAPSE EXCITATRICE Temps (ms) 3 6 9 12 Fréquence de PA Contraction de l’extenseur Neurone Sensitif du muscle extenseur Avant percussion Motoneurone du muscle extenseur Après percussion Temps (ms) 3 6 9 12 2. Motricité et plasticité cérébrale A. Des variations individuelles de l’organisation du cortex en relation avec le mode de vie. La disposition des zones de contrôle des différentes parties du corps dans le cortex moteur constitue la carte des aires motrices. La disposition aires motrices dans le cortex moteur est globalement (mais pas strictement) la même pour tous les individus. Ainsi la comparaison des cartes motrices de plusieurs individus montre des différences plus ou moins importantes. Ces différences au niveau des cartes motrices d'un individu à l'autre ne sont pas innées, elles sont acquises lors du développement de l’individu. On observe des modifications corticales liées à l'entrainement, en effet : La surface des cartes motrices est croissante après 20 minutes d'entraînement seulement avec la main entrainée. Ceci témoigne d'un apprentissage et d'une plasticité à court terme. Néanmoins, au bout de 5 jours les cartes avant entrainement sont assez semblables. Ce qui traduit que cette plasticité à court terme n’a pas d’effets très durables. Si l’entrainement persiste sur 5 semaines, la surface avant entrainement de 20 minutes augmente nettement. Ceci témoigne d'un apprentissage et d'une plasticité à plus long terme dont les effets sont plus durables. Les différences de cartes motrices interindividuelles peuvent essentiellement s'expliquer par les apprentissages moteurs. Les apprentissages sont permis par une plasticité du cortex moteur, qui s'exerce à court terme ou à plus long terme. Un apprentissage moteur doit donc être répété régulièrement et sur une longue durée pour entraîner des modifications corticales durables. Un entraînement quotidien au piano peut considérablement accroître la taille des territoires de l'aire motrice primaire contrôlant certains des muscles de la main. 2. Motricité et plasticité cérébrale B. Une plasticité du cortex en cas d'accidents Les IRMf des patients présentent des modifications des cartes motrices de la main droite (par rapport à une absence de modification pour la main gauche non affectée). On constate une extension des zones corticales mobilisées et en particulier le recrutement de zones situées au sein de l'hémisphère opposé. Ce phénomène témoigne de la plasticité du cortex moteur. La réorganisation cérébrale à la suite d’une perte de fonction motrice et réversibilité. Comparer l'évolution au cours du temps des zones activées par le mouvement des mains pour montrer la plasticité cérébrale en utilisant la carte corticale et la position du centre de gravité 6 mois après la greffe des mains, la région du cortex M1 activée par le mouvement des mains n'est plus à l'endroit initial : elle s'est déplacée vers le haut. Cela montre que d'autres neurones ont été dédiés à la commande motrice des mains. La localisation du centre de gravité des activations confirme et quantifie le déplacement de la zone affectée aux mains : à 10 mm ou 6 mm de la zone initiale Comparer la migration des zones activées par le mouvement des mains et le mouvement des coudes puisque le coude avant l'opération est commandé par une zone normalement affectée aux mains 6 mois après la greffe des mains, la région du cortex M1 activée par le mouvement des coudes n'est plus à l'endroit initiale : elle s'est déplacée vers le haut. Cela montre que d'autres neurones ont été dédiés à la commande motrice des coudes. Que sont devenus les neurones affectés auparavant aux coudes ?... Les coordonnées et la représentation du centre de gravité des activations corticales de M1 concernant la motricité du coude avant l'opération et la motricité de la main 6 mois après la greffe montrent une grande proximité spatiale. Tout se passe comme si la zone initialement dévolue au coude avait été (ré)affectée à la main. Comparer la carte motrice finale à la référence de l'homoncule moteur de Penfield pour montrer le retour à une organisation initiale d'avant l'amputation Représentation des zones corticales de M1 (en couleurs) activées lors de mouvements des mains et de leur centre de gravité (point orange) 6 mois après la greffe bilatérale des mains Représentation des zones corticales de M1 (en couleurs) activées lors de mouvements des coudes et de leur centre de gravité (point orange) 6 mois après la greffe bilatérale des mains Les zones activées et leur centre de gravité se situent bien au niveau des organes habituellement commandés par le cortex M1 : les zones commandant les mains sont dans la zone médiane du cortex moteur alors que les zones commandant la motricité des coudes sont dans une partie supérieure. La greffe des mains a donc permis que le cortex moteur retrouve une organisation normale comme une personne n'ayant jamais perdu ses mains. 2. Motricité et plasticité cérébrale C. Préserver son capital nerveux Chez des individus âgés de 20 ans, l'amplitude de la contraction musculaire du pouce est globalement plus élevée immédiatement après l'entraînement qu'avant. Elle est légèrement inférieure 30 minutes plus tard. Chez les individus âgés de 70 ans, le document ne montre pas de différence significative entre les trois conditions, ce qui tend a témoigner de l'absence d'apprentissage moteur et de plasticité associée. Les capacités de remaniement pourraient se réduire tout au long de la vie, peut-être en lien avec une dégradation des cellules cérébrales. D'après Catherine Vidal, en fait la perte de neurones est mineure avec l'âge (-10%), même si on observe une diminution de la connectivité du réseau. De plus certaines expériences montrent au contraire une persistance avec l'âge des capacités de remaniement cortical. Néanmoins, les résultats de différentes études divergent sur ce point. Les performances intellectuelles diminuent avec l’âge. Par contre on a constaté que le vieillissement cérébral est moins important pour les individus qui pratiquent une activité physique et/ou une activité intellectuelle régulière(s). L’alimentation semblerait également avoir un rôle important (rôle de substances comme les flavonoïdes présents dans les fruits, légumes, le vin…) Le vieillissement cérébral qui a lieu au cours de la vie peut donc être réduit grâce au comportement des individus. Néanmoins, pour certains cas….