LES TROUBLES DE LA DÉGLUTITION CHEZ LA PERSONNE ÂGÉE Géraldine PEYTEL (en collaboration avec Ariane DELEMASURE) Orthophonistes Hôpital Gériatrique des Charpennes Les troubles de la déglutition (dysphagies) sont fréquemment rencontrés en gériatrie On estime que 30 à 40 % des personnes âgées présentent des difficultés pour déglutir et donc se nourrir (jusqu’à 60% dans les centres d’hébergement de soins de longue durée) Qu’est ce que la déglutition? Ensemble des actes qui assure le transport des aliments, des liquides, de la salive et des mucosités nasales de la cavité buccale à l’estomac Nous réalisons en moyenne 2000 déglutitions/jour Une bonne déglutition demande : - Une propulsion tonique de la langue - Une bonne protection des voies respiratoires AVALER = ÊTRE EN APNÉE Les 3 phases de la déglutition 1- Le temps buccal (temps volontaire) = PRÉPARATION DU BOL ALIMENTAIRE = PLAISIR DE MANGER Ø Prise des aliments Ø Mastication (intervention des dents, de la langue, des lèvres et des joues) Ø Insalivation (formation du bol alimentaire) Ø Propulsion des aliments et des liquides (importance de la tonicité linguale) 2- Le temps pharyngé (temps réflexe) = PROTECTION DES POUMONS Ø Fermeture de l’accès au nez Ø Apnée = fermeture du larynx Ø Passage du bol alimentaire dans l’œsophage 3- Le temps œsophagien (temps reflexe) Ø Reprise respiratoire (inspiration) Ø Le bol alimentaire est lentement aspiré en direction de l’estomac puis des intestins Les caractéristiques de la déglutition chez la personne âgée (presbydysphagie) ¢ Diminution de la motricité des organes responsables de la déglutition (bouche, pharynx, larynx et œsophage) Lenteur de mastication, ⇒ Propulsion du bol alimentaire moins tonique ⇒ Péristaltisme ralenti ⇒ ↑ de la durée de chaque déglutition risques de dénutrition ↓ des volumes engloutis ↑ de la durée des repas ¢ Mauvais état dentaire (dans 80% des cas, la dentition est absente, mal adaptée ou mal tolérée) ⇒ ¢ Difficultés de mastication Perte +/- importante du goût (goût sucré conservé) ↓ du plaisir de manger risques de dénutrition ↓ de l’appétit ↓ des volumes engloutis Les pathologies pouvant entraîner des troubles de déglutition Ø Accidents vasculaires-cérébraux Ø Maladie de Parkinson Ø Ø Ø Démences (Alzheimer, Corps de Lewy…) à un stade avancé Pathologies pulmonaires chroniques (insuffisance respiratoire…) Maladies neurodégénératives (SEP, SLA…) Qu’est-ce qu’un trouble de la déglutition et comment se manifeste-il? TROUBLE DE LA DÉGLUTITION = Difficulté à accomplir l’action de se nourrir Difficulté qui va de la simple gêne à l’impossibilité d’avaler ¢ Difficulté qui peut toucher la déglutition des liquides et/ou des solides ¢ Difficulté qui peut être d’apparition progressive ou brutale ¢ Un trouble de la déglutition se manifeste le plus souvent par des fausses-routes (F.R.) Qu’est-ce qu’une fausse-route (F.R.)? FAUSSE-ROUTE = Tout passage accidentel d’aliments (solides ou liquides), de salive ou de mucosités nasales dans la trachée puis les poumons ! Les F.R. sont dangereuses car elles peuvent être à l’origine de graves pneumopathies voire d’un étouffement La F.R. se manifeste le plus souvent par une TOUX REFLEXE = TENTATIVE D’EXPECTORATION Importance du réflexe de toux Le reflexe de toux permet d’expulser les aliments inhalés accidentellement = PROTECTION DES VOIES RESPIRATOIRES ! Chez la P.A., ce reflexe perd de sa sensibilité ⇒ Un grand nombre de F.R. sont « silencieuses » et passent inaperçues ⇒ ↑ des risques d’infections pulmonaires, qui peuvent, à long terme, engager le pronostic vital de la personne Signes d’alerte des troubles de la déglutition SIGNES VISIBLES - Toux ou raclements de gorge pendant ou après une prise alimentaire (solide ou liquide) - Maintien des aliments en bouche et/ou mâchonnement - Sensation de gêne pour avaler - SIGNES ASSOCIÉS - Encombrement bronchique ou épisode de fièvre inexpliqués - Réduction des prises alimentaires - Augmentation de la durée du repas Impression de nourriture restant coller dans la gorge - Dénutrition, déshydratation - Modification de la voix pendant ou après repas - Refus de manger avec d’autres - Fuites alimentaires par la bouche ou le nez - Essoufflement pendant le repas Comment éviter les F.R.? Les troubles de la déglutition mis en évidence (médecin, orthophoniste), une prise en charge peut être nécessaire pour adapter les textures, les volumes alimentaires, la fréquence des prises alimentaires et les postures pendant les repas L’objectif principal de la prise en charge étant d’éviter les risques d’infections pulmonaires Comment faciliter la déglutition? L’AMBIANCE DU REPAS - - - Elle doit être la plus détendue possible Attention aux situations qui peuvent déconcentrer la personne en difficulté (télévision, radio, lui parler au moment où elle avale) Importance de la présentation des plats (toujours dans une assiette, ne pas mélanger les aliments, annoncer le menu…) UNE BONNE INSTALLATION - La personne doit porter ses dentiers (adaptés) - Même si elle ne peut pas être levée, la personne doit être assise, redressée le plus possible (tronc droit). ! La tête ne doit jamais être fléchie vers l’arrière (utiliser un oreiller si besoin) - Si la personne peut être levée, elle doit être assise confortablement, les pieds reposant sur le sol, la tête dans l’alignement du corps et légèrement fléchie vers l’avant POSITION DE SECURITE) (= - La déglutition sera d’autant plus facilitée si la personne porte elle-même les aliments à la bouche (importance du maintien de l’AUTONOMIE). - En cas de difficultés motrices, il faut essayer de soutenir et de guider le bras de la personne pour qu’elle puisse elle-même porter les aliments en bouche. ! En cas de handicap moteur lourd, le soignant qui nourrira la personne devra être assis en face d’elle, à la même hauteur voire un peu plus bas afin de l’aider à garder la tête fléchie vers l’avant Il est TRÈS FORTEMENT DÉCONSEILLÉ de donner à manger ou à boire en étant debout, à côté de la personne en difficulté Comment alimenter la personne dysphagique en toute sécurité? 1- Une bonne installation 2- Prévenir la personne lorsqu’on approche une cuillère (soit en lui disant, soit en la lui montrant afin qu’il se prépare à avaler) 3- Approcher la cuillère du bas vers le haut afin que le patient fléchisse bien la tête vers l’avant 4- Poser la cuillérée sur la langue 5- Attendre que la personne ait avalé et repris son souffle avant de proposer une nouvelle cuillère 6- S’assurer que la personne n’a plus de résidus alimentaires en bouche à la fin du repas et faire un bain de bouche si nécessaire 7- Laisser la personne assise au moins un 1/4 d’heure après le repas EN CE QUI CONCERNE L’ALIMENTATION Ø Adaptation de la texture L’objectif est de proposer une texture permettant de faciliter la prise alimentaire tout en la sécurisant (éviter les risques de F.R. et donc d’infections pulmonaires) Pas de trouble RÉGIME NORMAL Difficulté modérée RÉGIME MOULINÉ (viande hachée) Trouble sévère RÉGIME MIXÉ ! Aliments à risque - Les aliments qui s’éparpillent (riz , semoule, carottes râpées…) - Les aliments trop secs (biscotte nature, feuilletés…) - Les aliments collants (œuf dur, petit suisse…) - Les aliments fibreux (poireaux, haricots verts…) - Les aliments juteux (quartiers d’orange, tomates « cerise »…) - Les aliments trop durs RÉGIME MIXÉ LISSE Pour les liquides: Pas de trouble Difficulté modérée eau plate eau gaz. = goût = Trouble sévère eau épaissie eau gélifiée = 125 ml d’hydratation 1 L d’eau = ! à la DESHYDRATATION Ø Adaptation des volumes L’adaptation des volumes se décide en fonction des capacités sensitives de la personnes (Cf. bilan orthophonique). Il sera donc décidé s’il est plus adapté d’utiliser une cuillère à café ou une cuillère à soupe Ø Adaptation des températures L’adaptation de la température est judicieuse lorsque la personne présente un déclenchement du réflexe de déglutition moins sensible (le choc thermique permettant une meilleure stimulation du réflexe) ⇒ Plus un aliment est froid et plus le choc thermique est important Ø Choix des ustensiles Il est conseillé d’utiliser des couverts et des verres rigides afin de faciliter la préhension des aliments et donc l’autonomie de la personne. ! En ce qui concerne les verres, - L’utilisation des « becs-canard » est fortement déconseillée pour les personnes à risque de fausses-routes Il est préférable d’utiliser: - Soit la paille (si c’est possible) - Soit un verre en plastique rigide découpé au niveau du nez Cas particulier: la maladie de Parkinson ! Les troubles de déglutition sont très fréquemment rencontrés chez les patients atteints de MP Les principales difficultés rencontrées sont: - Des tremblements du membre supérieur et de la langue ð Problèmes de préhension, de mastication, de propulsion - Des phénomènes de blocage ð Retard de déclenchement du réflexe de déglutition Conseils: 1- Les adaptations alimentaires sont fonction de l’importance des difficultés motrices 2- Proposer les prises alimentaires 15 à 20 mn après la prise du traitement anti-parkinsonien (éviter les blocages) CONCLUSIONS Le bon fonctionnement du mécanisme de déglutition est capital pour notre santé, son dysfonctionnement pouvant mettre en jeu la vie de la personne La prise en charge des troubles de la déglutition, dont l’adaptation des repas, est un véritable SOIN. Elle nécessite une intervention pluridisciplinaire (médecin, diététicienne, ergothérapeute, orthophoniste…) mais également l’implication d’un personnel formé (cuisinier, AS, IDE) Elle répond à trois objectifs : - Assurer des apports nutritionnels et hydriques suffisants - Prévenir la survenue de complications, en particulier respiratoires - Promouvoir une qualité de vie optimale