Quadrimed 2015 Rev Med Suisse 2015 ; 11 : 266-7 examen des fonctions cognitives L’ examen des fonctions cognitives est souvent considéré comme très diffi­ cile, voire impossible pour le médecin non spécialisé. Les pressions de Tarmed freinent encore l’enthousiasme du médecin. Cependant, un examen exploratoire des fonctions cognitives est possible en peu de temps et avec peu de moyens. Cet article vise à expliquer la logique anatomique de cet examen et à proposer quelques tests ex­ ploratoires réalisables en quelques minutes. Un schéma de l’anatomie des troubles cognitifs (figure 1) peut aider à guider une exploration, en particulier si la lésion est connue et si le médecin a une hypothèse à propos de la région cérébrale atteinte (par exemple, en cas d’hémiparésie). Lobes frontaux Les lobes frontaux (région 1 sur la figure 1) sont critiques pour les capacités à planifier et initier des actions, à se concentrer sur une tâche tout en restant flexible pour inté­ grer de nouvelles informations importantes. Le patient avec une atteinte frontale risque d’être distractible ou persévérant, d’être ralenti ou bavard et d’avoir des contacts sociaux marqués par un désintérêt ou une désinhibition envers l’autre. L’ exploration cli­ nique repose particulièrement sur le sens cli­nique du médecin à saisir des change­ ments de personnalité et des particularités du comportement. L’ attention, la tendance à la persévération et la distractibilité peu­vent être explorées avec des tests simples. Hémisphère gauche Une atteinte de l’hémisphère gauche (ré­ gion 2 sur la figure 1) interfère souvent avec les capacités linguistiques et symboliques, y compris la production et la compréhension du langage (aphasie) tant par voie orale que dans le langage écrit ; les patients ont aussi des difficultés à lire (alexie) et à écrire (agra­ phie). Le calcul et la production de gestes sont aussi perturbés. L’ exploration clinique doit prendre en compte le discours du pa­ 266 Hémisphère droit Les atteintes de l’hémisphère droit risquent de perturber l’exploration et la gestion spa­ tiale. Les patients ont des difficultés à inté­ grer des informations de l’espace gauche (héminégligence gauche), souvent associées à des difficultés à faire des constructions ou des dessins complexes. L’ exploration cli­ nique peut consister en la copie d’un cube ou le dessin d’une horloge, tests assez sen­ sibles pour détecter des troubles cognitifs. Système limbique Les troubles des régions paramédianes du cerveau, le système limbique (région 4 sur la figure 1) perturbent la mémoire, en parti­ culier la capacité d’apprendre de nouvelles informations (amnésie antérograde). L’ ap­ pren­tissage de cinq mots (3 fois) et leur Aires postérieures Les atteintes des aires postérieures (ré­ gion 3 sur la figure 1) interfèrent avec la re­ connaissance visuelle. Les patients ont sou­ G D Syndromes frontaux Distractibilité, persévération, … Manque d’initiation Héminégligence spatiale Amnésie Apraxie Acalculie Hyperverbalisation 1 Aphasies Agraphie Alexie 2 2 4 Agnosie digitale Confusion droite-gauche Troubles visuoconstructifs Topographagnosie 3 Agnosie des objets Anomie des couleurs Prosopagnosie Troubles de la reconnaissance visuelle 2 1 3 3 4 1 Figure 1. Correspondance anatomique des troubles cognitifs Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 janvier 2015 38_39_38322.indd 1 vent une diminution du champ visuel. Les atteintes de la transition occipito-temporale gauche sont souvent associées à des trou­ bles de la lecture (alexie), voire à la recon­ naissance de la signification des objets que le patient perçoit correctement (agnosie vi­ suelle). Les atteintes de la même région à droite peuvent perturber la reconnaissance de l’individualité d’un visage (prosopagnosie) ou l’orientation dans des espaces aupara­ vant familiers (topographagnosie). La pré­ sentation de stimuli de ces catégories et leur dénomination sont des tests faciles à réaliser. tient pendant la prise d’anamnèse, la faci­ lité d’expression et – de façon plus ciblée – la dénomination d’objets. L’ écriture d’une phrase peut servir de document précieux pour suivre l’évolution d’un patient. Troubles du traitement spatial Pr Armin Schnider Service de neurorééducation HUG, 1211 Genève 14 [email protected] Troubles associés au langage A. Schnider Status mental : potentiel et limites Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 janvier 2015 0 21.01.15 09:41 rappel après dix minutes constituent un test valable pour une amnésie. Dans des cas plus sévères, l’orientation dans l’espace et dans le temps est souvent atteinte. test exploratoire Si possible, l’examen devrait être ciblé sur les plaintes du patient. L’ exploration clinique devrait comporter au moins les éléments suivants, testables en cinq minutes : •estimation de la vigilance et réactivité du patient (ralentissement ?) ; •capacité de collaboration (compréhen­ sion des consignes, particularités compor­ temen­tales ?) ; 0 •communication (le patient s’exprime-t-il aisément et de façon compréhensible ?) ; •orientation (le patient connaît-il le jour de la semaine, le mois, l’année, le lieu, la raison de la consultation ?) ; •écriture d’une phrase ; •lecture d’un petit texte ; •copie du dessin d’un cube ou test de l’horloge (inscrire les chiffres d’une horloge dans un cercle et positionner les aiguilles à 10 h 10). Ce petit bilan permet de détecter des troubles cognitifs importants, tels qu’un dé­ but de démence. L’ échec dans ce bilan ex­ ploratoire ou, au contraire, le soupçon de troubles plus subtils nécessitent normale­ Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 janvier 2015 38_39_38322.indd 2 ment l’exploration par un spécialiste, sou­ vent un examen standardisé par un neuro­ psychologue. Bibliographie • Schnider A. Verhaltensneurologie. Die neurologi­sche Seite der Neuropsychologie. Eine Einführung für Ärzte und Psychologen, 2. Aufl. Stuttgart : Thieme, 2004. •Schnider A. Neurologie du comportement. La dimension neurologique de la neuropsychologie. Paris : Elsevier – Masson, 2008. • Schnider A. Neuropsychology – Bedside approa­ches. In : Handbook of clinical neurology neuropsychology and behavioral neurology, vol. 88 (3 rd series) (Goldenberg, G. and Miller, B. L., eds). Edinburgh : Elsevier Science, 2008;137-54. Revue Médicale Suisse – www.revmed.ch – 28 janvier 2015 267 21.01.15 09:41