DIAGNOSTIC DES LESIONS (NEURO)ENDOCRINES DU TUBE DIGESTIF Jean-Yves SCOAZEC Hôpital Edouard Herriot, Lyon Les lésions neuroendocrines digestives • Tumeurs neuroendocrines • Lésions précurseurs – Estomac – Syndromes de prédisposition familiaux Localisations des TNE • Appendice : 20% • Côlon et rectum : 30% • Estomac : 5% • Intestin grêle : 30% • Pancréas : 8% • Œsophage : 1% Modlin et al. Cancer 1997;79:813 Une épidémiologie variable: «effet centre» – Appendice : 11% – Côlon et rectum : 8% – Estomac : 8% – Intestin grêle : 25% – Pancréas : 47% – Œsophage : 1% Hôpital Edouard Herriot, 1995-2005 LES ELEMENTS DU DIAGNOSTIC ANATOMOPATHOLOGIQUE Objectifs • Identifier • Evaluer le risque de malignité et prédire l’évolution • Aider à la prise en charge thérapeutique Identifier • • • Les arguments du diagnostic positif • Arguments morphologiques • Arguments histochimiques • Arguments immuno-histochimiques Le diagnostic différentiel Les problèmes particuliers Tumeur bien différenciée Tumeur bien différenciée Tumeur peu différenciée Tumeur peu différenciée CYTOLOGIE • Ponction aiguille fine • Etalement • Cytobloc ARGUMENTS HISTOCHIMIQUES Coloration de Grimélius Cellules endocrines secrétant des peptides Démonstration du phénotype neuro-endocrine Evaluation du profil hormonal DEMONSTRATION DU PHENOTYPE NEUROENDOCRINE Un marqueur endocrine «peptidergique» • Chromogranine A Un ou plusieurs marqueurs neuro-endocrines • Synaptophysine • NCAM (CD56) DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL • Tumeur endocrine bien différenciée: formes rares de tumeurs épithéliales de morphologie «endocrinoïde» • Tumeur endocrine peu différenciée: autres formes de tumeurs morphologiquement peu différenciées (lymphomes, PNET, carcinome de Merkel …) PROFIL HORMONAL Localisation et type Hormones principales Hypophyse ACTH, PRL, GH, TSH, FSH/ LH Parathyroïde Parathormone Carcinome médullaire de la thyroïde Calcitonine Thymus ACTH Poumons Sérotonine, calcitonine, bombésine Estomac Histamine, sérotonine Duodénum Sérotonine, gastrine, somatostatine Jéjunum et iléon Sérotonine, substance P Appendice Sérotonine, substance P Côlon et rectum a/ Sérotonine, substance P b/ Entéroglucagon, PP/PYY Pancréas Insuline, glucagon, somatostatine, polypeptide pancréatique, VIP, gastrine, calcitonine Dopamine, noradrénaline Sérotonine, dopamine, noradrénaline Paragangliomes : Tête et cou Système sympathique Phéochromocytome (médullo-surrénale) Adrénaline, noradrénaline Cortico-surrénale Hormones stéroïdes Sérotonine Carcinome endocrine bien différencié de l’iléon Glucagon Tumeur endocrine bien différenciée du pancréas NOTION DE TUMEUR FONCTIONNELLE: – Tumeurs associées à, ou révélées par, des symptômes cliniques traduisant une hypersécrétion hormonale – Exemple: • «insulinome»: tumeur endocrine associée à des crises d’hypoglycémie PROFIL HORMONAL • Faut-il toujours le demander ? – NON • Faut-il ne jamais le demander ? – NON – Applications: • classification morpho-fonctionnelle (hypophyse, pancréas) • aide à l’identification du site primitif devant une métastase révélatrice (hormone comme marqueur spécifique de tissu) • aide au contrôle de la qualité du traitement (tumeurs multiples) • aide pour la prise en IDENTIFICATION D’UN SYNDROME DE PREDISPOSITION GENETIQUE • MEN1 – intestin antérieur (estomac, duodénum, pancréas, bronches) • VHL – pancréas • NF1 – ampoule de Vater • TSC – pancréas IDENTIFICATION D’UN SYNDROME DE PREDISPOSITION GENETIQUE Arguments morphologiques Exemple : hyperplasie endocrinienne dans le tissu cible Arguments moléculaires – Ménine EVALUATION DU RISQUE DE MALIGNITE, IDENTIFICATION DU STADE DE LA MALADIE ET PREDICTION DE L’EVOLUTION • Classer OMS • Grader • Stadifier TNM Classification OMS 2000 des tumeurs endocrines digestives: trois classes histopronostiques • Tumeurs endocrines bien différenciées Bénignes («de comportement bénin») De comportement incertain • Carcinomes endocrines bien différenciés – Bas grade de malignité • Carcinomes endocrines peu différenciés – Haut grade de malignité – – UNE CLASSIFICATION VALIDEE Survie en fonction du stade OMS (Série de l’hôpital Edouard Herriot, Lyon) Fonction de survie cum ulée 1a 1 0,9 1b 0,8 0,7 0,6 0,5 0,4 2 0,3 0,2 0,1 3 0 0 50 100 150 SUIVI 2 3 11 10 200 PROBLEMES • • • • Terminologie Complexité – Mélange de critères histologiques et cliniques – Mélange de classification et de stadification Insuffisances – Inapplicable aux prélèvements biopsiques (et cytologiques) – Description insuffisante des formes peu différenciées Manque de pertinence – Intérêt de la catégorie «tumeurs endocrines bien différenciées de comportement incertain»? – Prédiction du risque évolutif dans les tumeurs métastatiques? GRADE HISTOLOGIQUE (ENETS, 2006) Un intérêt validé MIEUX INTEGRER L’EVALUATION PRONOSTIQUE DANS LA DEMARCHE CLINIQUE: PROPOSITIONS TNM DE L’ENETS PRINCIPES DE LA NOUVELLE CLASSIFICATION TNM UICC 2010 DES TNE • Classification TNM spécifique pour: – TNE bien différenciées du tube digestif • Classification TNM identique à celle des carcinomes de même localisation anatomique pour: – TNE peu différenciées du tube digestif – TNE pancréatiques – TNE pulmonaires CLASSIFICATIONS TNM DES TUMEURS GASTROENTERO-PANCREATIQUES: SIMILITUDES ET DIFFERENCES ENTRE LES PROPOSITIONS DE L’ENETS ET LE SCHEMA DE L’UICC • ENETS=UICC pour : – tumeurs neuroendocrines bien différenciées de l’estomac, de l’intestin grêle, du côlon et du rectum • ENETS≠UICC pour : – tumeurs neuroendocrines bien différenciées de l’appendice et du pancréas – tumeurs neuroendocrines peu différenciées – Classification OMS, 2010 • • • • Tumeur neuroendocrine, G1 – Morphologie bien différenciée – Index mitotique <2 et index Ki67 ≤2% Tumeur neuroendocrine, G2 – Morphologie bien différenciée – Index mitotique 2-20 et/ou index Ki67 3-20% Carcinome neuroendocrine – à petites cellules – à grandes cellules Carcinome adéno-neuroendocrine LE CHANGEMENT DANS LA TERMINOLOGIE REFLETE UNE EVOLUTION DES PRINCIPES ET DES CONCEPTS • • • Séparer classification histologique et stadification (TNM) Souligner le risque de malignité potentielle de toute lésion neuroendocrine Introduire la notion de grade dans la classification, comme un facteur histopronostique essentiel UNE FORTE RESSEMBLANCE ... TNE pulmonaires OMS 2004 TNE digestives OMS 2010 Carcinoïde Tumeur neuroendocrine G1 (ou carcinoïde) Carcinoïde atypique Carcinome neuro-­‐ Carcinome neuro-­‐ endocrine endocrine à grandes cellules à petites cellules 1 0 Tumeur neuroendocrine G2 Carcinome neuroendocrine à grandes cellules Carcinome neuroendocrine à petites cellules 2 0 mitose s RISQUES ET INCERTITUDES • Attention à la nouvelle terminologie ... – Tumeur/néoplasme – Neuroendocrine – Carcinoïde: le retour ... – Carcinome neuroendocrine au sens de 2010: toujours peu différencié ! • Attention à la reclassification des cas en cours de suivi ... – Correspondance non automatique, à vérifier au cas par cas Correspondance 2000/2010 OMS 2010 Tumeur neuroendocrine G1 OMS 2000 •Tumeur endocrine bien différenciée de comportement bénin •Tumeur endocrine bien différenciée de comportement incertain à index mitotique <2 et index Ki67≤2% Tumeur neuroendocrine G2 Carcinome neuroendocrine à petites cellules •Carcinome endocrine bien différencié à index mitotique <2 et index Ki67≤2% •Tumeur endocrine bien différenciée de comportement incertain à index mitotique 2-­‐20 et/ou Ki67 3-­‐20% •Carcinome endocrine bien différencié à index mitotique 2-­‐20 et/ou Ki67 3-­‐20% Carcinome peu différencié à petites cellules Carcinome neuroendocrine à grandes cellules Pas de catégorie correspondante Carcinome adéno-­‐neuroendocrine Tumeur mixte UN PROGRES ? • En matière de diagnostic: + Applicable aux prélèvements tissulaires de petite taille (biopsies, mucosectomies …), voire aux examens cytologiques + Meilleure définition des formes peu différenciées gastroentéropancréatiques (petites cellules/grandes cellules) • En matière d’évaluation pronostique : -­‐ Une sous-estimation du rôle de la différenciation morphologique ? -­‐ Une sur-estimation du rôle du grade histologique ? GRADE: LES PROBLEMES EN SUSPENS • Problèmes techniques – Quelle technique d’immunodétection de Ki67 ? – Quelle technique de comptage ? – Quels seuils ? – Quelle reproductibilité ? • Problèmes biologiques – Quel degré d’hétérogénéité ? – Quelle corrélation avec la différenciation ? ITEMS MINIMAUX POUR LE COMPTE-RENDU: RECOMMANDATIONS • Si résection chirurgicale – Type de résection – Caractères macroscopiques : nombre de tumeurs visibles, taille, extension locale, état des marges de résection • Arguments diagnostiques – histologiques – immunohistochimiques : chromogranine A, synaptophysine • Profil hormonal, si effectué • Facteurs histopronostiques – degré de différenciation morphologique – index mitotique – index Ki67 – état des marges de résection • Classification OMS 2010 (la correspondance avec la classification OMS 2000 peut être indiquée) • Grade histologique • Stade TNM (indiquer clairement la classification utilisée) • Lésions associées du tissu péritumoral PROBLEMES SPECIFIQUES BIOPSIE EN PRATIQUE • Estomac – Biopsies endoscopiques – Mucosectomies • Duodénum et papille – Biopsies endoscopiques – Ampullectomies • Côlon et rectum – Biopsies endoscopiques – Mucosectomies BIOPSIES: PROBLEMES DIAGNOSTIQUES • Prélèvements superficiels - Identification difficile de l’infiltrat tumoral, souvent essentiellement sous-muqueux -Intérêt des marqueurs immunohistochimiques • Evaluation du degré de différenciation MUCOSECTOMIE - Importance pratique de l’identification des carcinomes peu différenciés (urgence thérapeutique et traitement spécifique) - Risque de sur-diagnostic sur biopsie (effets d’écrasement, ...) - Importance du profil immunohistochimique CgA habituellement négative, SYN/NCAM + Ki67 >60% p53 + BIOPSIES: EVALUATION DU GRADE • Prélèvements exigus – Index mitotique parfois difficile à évaluer selon les recommandations – Importance de l’index de prolifération Ki67 • Sur 500 à 2000 cellules MUCOSECTOMIE: EVALUATION DE LA QUALITE DE LA RESECTION • • Attention à la limite profonde ! En cas de doute, - Nouvelles biopsies inutiles (repérage ?) - Intérêt de: échoendoscopie octreoscan PROBLEMES SPECIFIQUES EN FONCTION DE LA LOCALISATION ESTOMAC • Deux problèmes particuliers – Identification et classification des hyperplasies des cellules ECL, secondaires aux états d’hypergastrinémie – Identification des différents types de tumeurs endocrines Hyperplasie des cellules ECL en muqueuse fundique • Etats d’hypergastrinémies: – Secondaires: achlorhydries sévères (maladie de Biermer) – Primitives: hypersécrétion tumorale (syndrome de Zollinger-Ellison) – Sécrétion acide gastrique H+ H+ H+ H+ H+ DIAGNOSTIC ET CLASSIFICATION • Nécessité d’une étude immunohistochimique: – immunodétection de la chromogranine A Type d’hyperplasie Critères Distribution des cellules endocrines Grade Simple Augmentation du nombre de cellules endocrines Dispersées ou en amas de <5 cellules Léger à sévère Linéaire Au moins deux rangées linéaires de >5 cellules /mm de muqueuse Topographie intraglandulaire Léger (<10% des glandes) à Sévère (>50%) Micronodulaire Amas nodulaires de >5 cellules Topographie interglandulaire Léger (1-­‐2/mm) à Sévère (>5/mm) Adénomatoïde Juxtaposition de >5 nodules adjacents EVOLUTION TRAITEMENTS ANTI-ACIDES ET CELLULES ENDOCRINES DE LA MUQUEUSE FUNDIQUE • • Antagonistes sélectifs du récepteur H2 de l’histamine (anti-H2) – Cimétidine – Ranitidine – Famotidine – Nazitidine Inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) – Oméprazole – Lansoprazole – Esoméprazole – Pantoprazole – Rabéprazole TRAITEMENTS ANTI-ACIDES ET CELLULES ENDOCRINES DE L’ESTOMAC: DONNEES CLINIQUES Lésions histologiques Hyperplasie simple linéaire Fréquence 10 – 48 % ( si +60 ans et/ou GCA) micronodulaire adénomatoïde < 5% Dysplasie 0% Néoplasie 0% (cas isolés, MEN1) TUMEURS ENDOCRINES DE L’ESTOMAC • Type 1: association à une gastrite chronique atrophique – Multiples, de petite taille – Excellent pronostic • Type 2: association à un syndrome de Zollinger-Ellison • Type 3: sporadiques – Uniques, parfois volumineuses – Mauvais pronostic IMPORTANCE DES BIOPSIES EN MUQUEUSE APPAREMMENT SAINE DUODENUM ET REGION AMPULLAIRE • Gastrinomes • Somatostatinomes: penser à la maladie de von Recklinghausen • Tumeurs non fonctionnelles TUMEURS ENDOCRINES DE L’INTESTIN GRELE • • • Habituellement non accessibles à la biopsie endoscopique Eventuellement diagnostiquées sur la ponction biopsie d’une masse abdominale (tumeur volumineuse, ganglions métastatiques) Souvent diagnostiquées par la ponction biopsie d’une métastase hépatique révélatrice – Intérêt de marqueurs de localisation (sérotonine, CDX2) TUMEURS ENDOCRINES DU COLON ET DU RECTUM • Deux tableaux cliniques très différents – Volumineuses tumeurs (coliques ou rectales) simulant un adénocarcinome, dont la nature endocrine est reconnue seulement à l’examen histologique (biopsies +++) – Petites tumeurs de diagnostic fortuit lors d’un examen endoscopique (diagnostic sur biopsie ou mucosectomie) DES PROBLEMES SPECIFIQUES • Diagnostic – Morphologie typique – Profil immunohistochimique inhabituel: • Chromogranine A – • Chromogranine B + • Phosphatase acide prostatique + • • Classification – Mucosectomies: limites de résection profondes souvent difficiles à analyser