pourquoi opter pour une clairance hépatique première

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POURQUOI OPTER POUR UNE CLAIRANCE HÉPATIQUE PREMIÈRE ?
Pourquoi opter pour une clairance hépatique première ?
Gilles Mentha, Genève
Le cancer colorectal associé à des métastases hépatiques (MHCR) est déjà une maladie systémique. En conséquence, le traitement
devrait donc être de nature systémique, qu’il soit oncologique, immunologique ou biologique. Dans ce stade de la maladie, la
chirurgie d’exérèse semble a priori un acte disproportionné. Toutefois, l’expérience internationale a montré que des cas
sporadiques de résection ont apporté la surprise de longues survies et parfois même de guérisons et cela depuis plus de 20 ans
(1).
Le traitement standard a longtemps consisté en 1) la résection de la tumeur primitive pour éviter des complications d’ordre
obstructif, infectieux ou hémorragique puis 2) d’une chimiothérapie adjuvante et, en cas de réponse effective, 3) de la résection
des métastases hépatiques quelques mois plus tard.
Cependant peu de patients pouvaient réellement bénéficier de cette approche car les réponses étaient rares : les agents utilisés
en chimiothérapie étaient le 5-fluorouracil (5-FU) associé à la leucovorine (LV) et avaient un taux de réponse inférieur à 25%.
Avec ce traitement, la survie des patients n’avait pas progressé significativement.
Depuis une décennie, 4 nouveaux agents anti-tumoraux ont été utilisés avec une augmentation extrêmement significative du taux
de réponse au moins partiel. Ce taux de réponse élevé a permis de modifier considérablement la stratégie considérée comme
standard.
L’utilisation de ces médicaments en association (irinotécan-oxaliplatine-5FU-LV) ont montré une augmentation du taux de réponse
(2) allant jusqu’à 78% dans une étude multicentrique suisse (3). D’autres études ont montré également une augmentation du taux
de réponse et de la survie médiane jusqu’à 26 mois. Récemment deux anticorps monoclonaux ont été introduits : le cetuximab, un
anticorps monoclonal chimérique recombinant dirigé spécifiquement contre le récepteur épidermique du facteur de croissance
(EGFR) et le bevacizumab, un anticorps monoclonal humanisé recombinant qui se lie sélectivement au facteur de croissance de
l’endothélium vasculaire (VEGF) et inhibe son activité biologique. L’efficacité grandissante de la chimiothérapie systémique avec
l’arrivée de ces nouveaux agents biologiques nous laissent espérer que de plus en plus de malades vont pouvoir bénéficier d’une
résection curative de leurs métastases hépatiques après chimiothérapie néo-adjuvante (4).
Cependant, il faut encore que le malade puisse supporter une chimiothérapie efficace associée à des effets secondaires qui
peuvent être importants. La chimiothérapie néoadjuvante apparaît comme le traitement initial des nouvelles stratégies curatives
pour ces malades souffrant d’un cancer colorectal métastatique. Elle permet de contrôler la maladie avec souvent disparition des
symptômes (diarrhées, saignements, etc...) au niveau de la tumeur primaire et de réduire non seulement la taille mais également
la viabilité des métastases hépatiques, le grade de régression tumorale étant en soi un facteur pronostic (5,6).
Pendant le traitement chirurgical de la tumeur primitive, les patients ne peuvent pas recevoir de chimiothérapie et si une
complication infectieuse survient le traitement en est d’autant retardé. Le taux de fuite anastomotique de la chirurgie rectale est de
l’ordre de 6-15% et a été observé même plus élevé (19%) dans une étude récente prospective et multicentrique (7). D’autre part
le taux de complications de cette chirurgie varie entre 30 et 50%. Le taux de fuite de la chirurgie colique est moins élevé
cependant reste de l’ordre de 3-5 %. Lorsqu’une complication survient, le patient porteur de métastases hépatiques a un risque
accru de progression de ses métastases lié à l’état immunosuppressif engendré par l’intervention chirurgicale et par l’infection.
Enfin lors de tumeur rectale basse, une radio-chimiothérapie du pelvis est nécessaire pour les stades T3 ou N1, traitement qui n’a
pas d’efficacité sur les MHCR et ne peut être administré dans le même temps que la chimiothérapie néoadjuvante efficace sur les
MHCR qui est d’autant retardée.
Avec l’objectif d’éviter ces problèmes potentiels, nous avons pour des patients porteurs de métastases hépatiques avancées et
synchrones et d’une tumeur primitive colorectale non obstructive débuté le traitement par une chimiothérapie première avec un
haut taux d’efficacité sur les métastases (OCFL), suivi par la résection de tout le tissu tumoral hépatique, ensuite par une
radiothérapie pelvienne lorsqu’elle était indiquée avant la résection de la tumeur primitive (8). L’objectif de cette stratégie inversée
était de contrôler la maladie tumorale hépatique en même temps que la tumeur primitive, en optimisant les chances d’une
résection curative hépatique et permettant la réalisation d’une radio-chimiothérapie pelvienne sans inquiétude de progression des
MHCR avant la résection de la tumeur primitive. Nous avons sélectionné des patients ayant des facteurs de mauvais pronostic sur
une échelle de 0 à 5 connue et validée aux Etats-Unis, en Europe et en Australie. Les patients qui avaient de 3 à 5 critères de
gravité avaient été considérés comme de bons candidats pour bénéficier de nouveaux traitements car leur espérance de vie ne
dépassait pas 40% à 3 ans (9).
Dans notre étude (8) portant sur 20 malades avec des métastases hépatiques avancées et traités selon cette stratégie, nous
avons observé une survie en intention de traiter de 71% à 3 ans et chez les 16 malades (80%) chez lesquels nous avons pu
réaliser le programme de traitement complet de 89% de survie à 3 ans. Ces chiffres même avec les 4 malades (taux de résection
de 80%) qui n’ont pas répondu suffisamment à la chimiothérapie se comparent favorablement au 40% de survie attendue à 3 ans.
Ces malades avaient une maladie bilobaire hépatique dans 70% avec une médiane de plus de 5 métastases et plusieurs ont été
traités par embolisation portale pré-opératoire ou par une hépatectomie en 2 temps. Pour les 4 malades qui n’avaient pas répondu
suffisamment à la chimiothérapie, 3 sont décédés dans l’année qui a suivi ce qui suggère qu’ils ont évité une opération inutile.
Ensuite, après avoir enlevé toutes les métastases hépatiques chez les 16 autres, le traitement de la tumeur primitive a pu être
effectué sans l’inquiétude que les MHCR progressent au-delà de la possibilité de toute résection en particulier en cas de
complications infectieuses de la chirurgie colorectale. Sur un plan pratique, dès que l’antigène carcino-embryonnaire (ACE) est à la
baisse et que les MHCR sont jugées résécables, la résection hépatique est programmée 2-3 semaines après la dernière
chimiothérapie. Quatre à 6 semaines après la résection hépatique, la résection colorectale est effectuée sauf si une radiothérapie
pelvienne a été indiquée. L’objectif est d’utiliser une chimiothérapie très efficace mais de courte durée afin de diminuer sa toxicité
avant la chirurgie. D’autre part, la « fenêtre chirurgicale » semble limitée chez ces patients avec une maladie avancée et les
cellules tumorales résistantes à la chimiothérapie risquent de progresser rapidement si les métastases ne sont pas réséquées
rapidement (10).
En conclusion, l’efficacité des nouvelles chimiothérapies a permis de privilégier un traitement initial complet du tissu métastatique
hépatique, qui semble être un des paramètres majeurs du pronostic de ces patients.
Références:
1)
Wagner JS., Adson MA., Van Heerden JA., Adson MH., Ilstrup DM. The natural history of hepatic metastases from
colorectal cancer. A comparison with resective treatment. Ann Surg 1984; 199: 502-508.
2)
Falcone A., Masi G., Allegrini G., Danesi R., Pfanner E., Brunetti IM. et al. Biweekly chemotherapy with Oxaliplatin,
Irinotecan, infusional Fluorouracil, and Leucovorin: a pilot study in patients with metastatic colorectal cancer. J Clin Oncol 2002;
20: 4006-4014.
3)
Seium Y., Stupp R., Ruhstaller T., et al. Oxaliplatin combined with irinotecan and 5-fluorouracil /leucovorin (OCFL) in
metastatic colorectal cancer: a phase I-II study. Ann Oncol 2005; 16: 762-6.
4)
Van Cutsem E. Progress with biological agents in metastatic colorectal cancer leads to many challenges. J Clin Oncol
2006; 24: 3325-7.
5)
Rubbia-Brandt L., Giostra E., Brezault C., Roth AD., Andres A., Audard V. et al. Importance of histological tumour
response assessment in predicting the outcome in patients with colorectal liver metastases treated with neo-adjuvant
chemotherapy followed by liver surgery. Ann Oncol. 2007; 18: 299-304.
6)
Adam R., Wicherts DA., De Haas RJ., Aloia T., Lévi F., Paule B., et al. Complete pathologic response after preoperative
chemotherapy for colorectal liver metastases: myth or reality? J Clin Oncol 2008; 26: 1635-1641.
7)
Matthiessen P., Hallböök O., Rutegard J., Simert G., Sjödahl R. Defunctioning stoma reduces symptomatic anastomotic
leakage after low anterior resection of the rectum for cancer. A randomized multicenter trial. Ann Surg 2007; 246: 207-14.
8)
Mentha G., Majno PE., Andres A., Rubbia-Brandt L., Morel P., Roth AD. Neoadjuvant chemotherapy and resection of
advanced synchronous liver metastases before treatment of the colorectal primary. Brit J. Surg 2006; 93: 872-878.
9)
Fong Y., Fortner J., Sun RL., Brennan MF., Blumgart LH. Clinical score for predicting recurrence after hepatic resection for
metastatic colorectal cancer: analysis of 1001 consecutive cases. Ann Surg 1999; 230: 309-18.
10)
Mentha G., Majno P., Terraz S., Rubbia-Brandt L., Gervaz P., Andres A., Allal AS., Morel Ph., Roth AD. Treatment
strategies for the management of advanced colorectal liver metastases detected synchronously with the primary tumour. Eur J
Surg Oncol 2007; 33: S76-S83.
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