UNIVERSITE PARIS VAL-DE-MARNE FACULTE DE MEDECINE CRETEIL *********** ANNEE 2005 N° THESE POUR LE DIPLOME D’ETAT DE DOCTEUR EN MEDECINE Discipline : Médecine Générale ********* présentée et soutenue publiquement le à CRETEIL Par Etty Benhamou Née le 02.09.1976 ******* Observation d’une transmission de tuberculose nosocomiale pulmonaire entre deux patients infectés par le VIH. PRESIDENT DE THESE : LE CONSERVATEUR DE LA M. le Professeur Yves LEVY BIBLIOTHEQUE UNIVERSITAIRE DIRECTEUR DE THESE : M. le Docteur Philippe LESPRIT Signature du Cachet de la bibliothèque Directeur de thèse universitaire 2 A Monsieur le Professeur Yves LEVY, Qui m’a fait l’honneur de bien vouloir présider cette thèse. Avec toute mon admiration pour la richesse de son enseignement. A Monsieur le Docteur Philippe LESPRIT, En témoignage de ma gratitude pour l’encadrement et les conseils dont j’ai pu bénéficier pour la préparation de cette thèse. A Monsieur le Docteur Lionel DESFORGES, Pour son aide dans l’élaboration de ce travail. 3 A mes parents, A Hervé, Laurence, Roger, Lisa et Mathilde. A Régis, mon futur mari, Pour tout le soutient et l’amour qu’il me donne. A tous mes amis. 4 PLAN DE LA THESE pages 1. introduction 4 1.A Rappels sur la tuberculose 5 1.B Statut des patients infectés par le VIH face à la tuberculose 8 a- la réponse immunitaire face à la tuberculose 8 b- conséquences cliniques de l’immunodépression liée au VIH 9 c- stratégies thérapeutiques 1.C Tuberculose nosocomiale et mode de transmission 2. Cas clinique de transmission nosocomiale, 2 cas de tuberculose 10 13 16 pulmonaire 2.A Description des 2 cas cliniques 16 2.B Démonstration d’une transmission nosocomiale 21 a- étude bactériologique des souches (résistance aux antibiotiques) 21 b- étude génomique : - 22 RFLP - résultats - interprétation 2.C Enquête de l’unité d’hygiène 25 a- présentation du service d’immunologie clinique 25 b- recherche d’une rupture des systèmes de prévention 26 c- les mesures prises 29 3. Discussion 3.A Mise en évidence de transmission de tuberculose nosocomiale multirésistante 32 32 5 3.B Amélioration des mesures de prévention 36 3.C Sensibilité particulière des patients infectés par le VIH 43 3.D Conséquences : - circulation des malades 48 - isolement - mesures d’hygiène 4. Conclusion 50 5. Bibliographie 54 6. Annexes 58 - tableau A 58 - annexe 1 : analyse génomique par la technique RFLP 59 - annexe 2 : comparaison génomique des souches isolées chez les trois patients 60 avec la méthode RFLP - annexe 3 : plan du service 61 - annexe 4 : recommandations du CLIN 62 - annexe 5 : questionnaire 67 - schéma N°1 70 6 1. introduction La tuberculose est une maladie infectieuse et contagieuse dans sa forme pulmonaire qui concerne 75% des cas [1]. Elle reste une maladie d’actualité avec huit millions de cas dans le monde et deux millions de morts par an [1]. Au début des années 1990 une recrudescence de cas a été observée dans les pays industrialisés, reflétant la dégradation socio-économique de certaines populations. Ainsi, à New York en 1991, trois causes ont été évoquées: la migration des populations provenant de pays à forte endémie, la baisse de la vigilance médicale et l’émergence du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Cette situation fut également observée en Europe [2]. Les jeunes adultes migrants sont la population la plus à risque pour cette maladie. Leur risque de développer une tuberculose maladie serait huit fois plus élevé que pour les sujets autochtones de même âge [1,2,3]. Depuis les années 1990, une sérologie VIH est demandée devant tout cas de tuberculose. L’apparition du VIH est à l’origine d’une augmentation du nombre de tuberculoses pulmonaires nosocomiales. Le plus souvent les bacilles responsables de ces épidémies sont multirésistants [4]. Des épidémies de tuberculoses nosocomiales à bacilles sensibles sont beaucoup moins décrites dans la littérature. Il est probable que leur nombre soit sous-estimé devant la difficulté d’authentification. Nous rapportons ici le cas d’une transmission nosocomiale de tuberculose à bacille sensible, observée dans le service d’immunologie clinique, entre deux patients infectés par le VIH. Ce cas nous a permis de décrire et d’évaluer les facteurs de transmission de ce bacille. A la lumière de la littérature, nous dégagerons les moyens préventifs aujourd’hui disponibles afin d’améliorer la prise en charge des patients et notamment dans les services de soins accueillant des patients immunodéprimés. 7 1.A Rappel sur la tuberculose La tuberculose est une maladie infectieuse due au complexe Mycobacterium tuberculosis ( découvert en 1882 en Allemagne par R. Koch). La première vaccination fut mise en place en France par Calmette et Guérin en 1923. Le premier antibiotique spécifique, la streptomycine, fut découvert aux Etats Unis en 1943. La tuberculose est classée dans les maladies à déclaration obligatoire en France. Depuis 1964, tout cas de tuberculose-maladie ayant conduit à la mise en route d’un traitement antituberculeux doit être déclaré par le médecin à la Direction Départementale de l’Action Sanitaire et Social (DDASS) [1]. La tuberculose maladie est de localisation pulmonaire dans 75% des cas et seule cette forme est contagieuse. La transmission se fait uniquement par voie aérienne, par l’intermédiaire de gouttelettes de salive infectées produites par le malade. Il n’existe pas de transmission par contact. Un patient est dit contagieux s’il présente des bacilles acido-alcoolo résistants (BAAR) à l’examen direct de ses prélèvements respiratoires (expectoration; tubage gastrique; aspiration bronchique ou liquide de lavage broncho-alvéolaire (LBA)) [5]. L’infection est consécutive à l’inhalation du bacille tuberculeux et à son implantation dans l’alvéole pulmonaire. Le complexe pulmonaire est habituellement situé au niveau de l’apex pulmonaire. La guérison est le plus souvent spontanée avec capsule fibreuse puis calcification secondaire. Cette phase dite de primo-infection tuberculeuse est le plus souvent inapparente au plan clinique avec une guérison spontanée dans 90% des cas. Néanmoins dans 10% des cas (30% chez les immunodéprimés) une tuberculose active va se développer secondairement ; 50% dans l’année suivante et l’autre moitié durant le reste de la vie. Le granulome initial ne parvient plus à limiter la croissance bactérienne qui se développe alors librement [6]. En l’absence de traitement la tuberculose pulmonaire est mortelle dans 50% des cas, par contre on obtient un taux de guérison proche de 98% en cas de traitement bien conduit. 8 Au plan épidémiologique L’incidence est de 11,2 cas pour 100 000 habitants en 2000 en France, soit 6714 cas de tuberculose déclarés en 2000. Cette incidence n’a pas diminué depuis 1997. En 1998 on a rapporté 725 cas de décès par tuberculose soit 12,6 décès par million d’habitants. La France fait partie des pays à faible endémie. La situation est plus inquiétante en Ile de France, où l’incidence est proche du double de l’incidence nationale. A Paris, l’estimation est de 50 cas pour 100 000 habitants (taux plus élevé que dans les autres métropoles, données comparées avec Londres et New York). Le Val de Marne détient une incidence pour l’année 2000 de 27,8 cas pour 100 000 habitants. Le terrain : Le pourcentage de patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) est de moins en moins important. En 2000, en France, une sérologie VIH a été effectuée dans 38% des cas déclarés de tuberculose. Elle fut positive dans 4,9% des cas contre 12% en 1995 [1,2,3]. Ainsi, en métropole le pourcentage de tuberculeux infectés par le VIH a diminué. En revanche, les migrants ont un risque 8 fois supérieur à celui des autochtones de déclarer une tuberculose maladie en France. En 2000 l’incidence fut de 6,2 cas pour 100 000 personnes de nationalité française et de 57,2 cas pour 100 000 personnes de nationalité étrangère à âge comparable [2]. Les adultes jeunes sont les plus touchés avec une moyenne d’âge entre 25 et 39 ans. Le pays d’origine est également important, certains pays sont classés à forte endémie de tuberculose comme : les pays d’Afrique noire ( incidence : 300 cas/100 000 habitants), d’Asie, le Maghreb, les pays de l’ex-URSS, l’Europe de l’est (90 cas/100 000habitants), l’Amérique du Sud [1]. Ces patients jeunes migrants vivent le plus souvent dans des conditions socio-économiques basses, associant précarité et promiscuité, qui sont des facteurs favorisant la transmission du bacille. Ainsi, la tuberculose est un bon indicateur de précarité sociale, par exemple à Paris le SAMU social estime le nombre de patients sans domicile fixe (SDF) à plus de 30 000, population où l’incidence de la tuberculose est estimée à 240 pour 100 000 personnes. 9 La résistance: Chez les malades non traités antérieurement, 8,6% des cas sont résistants à au moins un antituberculeux, le plus souvent la streptomycine (résistance primaire). Chez les malades déjà traités, la résistance à au moins un antituberculeux s’observe dans 20,9% des cas (résistance secondaire ou acquise). On définit la tuberculose multirésistante par l’association d’une résistance aux deux antituberculeux majeurs qui sont l’isoniazide et la rifampicine. La multirésistance est la conséquence d’un traitement insuffisant, irrégulier et/ou inadapté. En France, cette résistance est surveillée depuis 1992 par le Comité National de Référence (CNR) de la résistance des mycobactéries aux antituberculeux. Les souches multirésistantes restent rares puisque moins de 50 cas sont déclarés chaque année, ce qui représente 0,6% des souches isolées en 1998, le taux est stable depuis 1992 [1]. 10 1.B Statut des patients infectés par le VIH face à la tuberculose La réponse immunitaire face à la tuberculose des patients infectés par le virus du VIH étant altérée, la présentation clinique, les modalités thérapeutiques et les modalités diagnostiques en sont modifiées [3]. a. La réponse immunitaire face à la tuberculose Les mycobactéries sont des bactéries anaérobies possédant une paroi très particulière et riche en lipides. Chez la souris de nombreuses études ont permis de caractériser le rôle des lymphocytes T, des macrophages et des cytokines dans le développement d’une immunité protectrice contre les infections mycobactériennes. L’interaction des lymphocytes T CD4, et dans une moindre mesure des CD8, avec les macrophages infectés apparaît comme déterminante dans l’élimination de la mycobactérie. Les cytokines participant à l’interaction lymphocyte/macrophage sont l’interleukine 12 (IL12), l’interféron gamma (INFγ) et le tumor necrosis factor alpha (TNFα) [7]. L’INFγ et le TNFα sont les deux cytokines essentielles de la protection contre les infections mycobactériennes. Elles sont produites par les lymphocytes T CD4, helper ou TH1. Le rôle de l’IL12 est de permettre la différenciation des lymphocytes T en CD4. L’IL12 est souvent considérée comme une des clés de la protection immunitaire de la souris [8]. La réponse antimycobactérienne entraîne la création de granulome au niveau du site infectieux. Le granulome est la structure multicellulaire composée de lymphocytes T4 et T8, de macrophages, de cellules épithéliales et de cytokines [7]. Chez l’homme, les mêmes cellules ont été identifiées dans la réponse antimycobactérienne qui est une réponse immunitaire à médiation cellulaire. Ces cellules ont une action bactériostatique et aussi bactéricide contre M. tuberculosis [3]. Parmi les trois cytokines intervenants dans la réponse aux mycobactéries, l’interféron gamma semble être, comme chez la souris, un des agents essentiels de cette lutte. Chez les enfants porteurs d’un déficit en récepteur de l’interféron gamma, on observe que les infections à mycobactéries sont mortelles [3,9]. Les lymphocytes T des patients infectés par le VIH sécrètent moins d’interféron gamma que ceux des patients immunocompétents en présence de la mycobactérie [3,9]. 11 Ainsi, Zhang et coll. mettent en évidence que la réponse immunitaire à médiation cellulaire et la production des cytokines, d’INFγ et du TNFα par les LT CD4 TH1 sont directement liées au niveau d’immunodépression des patients [10]. La réponse spécifique à M. tuberculosis dépend du niveau d’immunité cellulaire, lequel est étroitement corrélé chez les patients infectés par le virus du VIH au nombre de CD4. Par ailleurs, on constate que l’infection par M. tuberculosis, en stimulant les macrophages à produire des cytokines comme TNF, IL1, IL6, augmenterait la réplication du virus VIH et donc la progression de l’infection VIH. Le risque de décès chez les patients infectés par le virus du VIH et atteints de tuberculose est deux fois plus important que chez les patients infectés par le VIH sans tuberculose, et ceci indépendamment du nombre de leur CD4 [3,9]. b. Conséquences cliniques de l’immunodépression liée au VIH L’immunodépression liée au VIH a un impact sur la présentation clinique de la tuberculose chez les patients infectés par le virus. Elle se présente sous des formes cliniques très variées, selon le taux d’immunodépression reflété par le chiffre de CD4 au moment du diagnostique. Ceci a été rapporté par plusieurs auteurs. Jones et coll. ont classé les formes cliniques de 97 patients infectés par le VIH, en fonction de leur taux de CD4 [11]. Ils observent que 43 patients ont moins de 100 CD4/mm³, 20 patients ont entre 101 et 200 CD4/mm³, 16 patients ont entre 201 et 300 CD4/mm³ et 18 patients ont plus de 300 CD4/mm³. Une tuberculose extrapulmonaire est retrouvée dans 70% des cas chez les patients ayant moins de 100 CD4/mm³ ; 50% chez ceux qui ont entre 100 et 200 CD4/mm³ ; 44% des cas entre 201 et 300 CD4/mm³ et seulement 28% des cas chez les patients avec plus de 300 CD4/mm³. De même, la fréquence d’hémocultures positives à BK est corrélée au niveau d’immunodépression. Sur les 75 cas dénombrés, 49% des patients avaient moins de 100 CD4/mm³, 20% avaient entre 101 et 200 CD4/mm³, 7% avaient entre 201 et 300 CD4/mm³ et aucun cas pour les patients ayant plus de 300 CD4/mm³. Les adénopathies médiastinales s’observent plus souvent quand les taux de CD4 sont inférieurs à 200/mm³. Dans les cas de tuberculose pulmonaire, les anomalies radiologiques sont semblables à celles observées chez les patients immunocompétents (infiltrats des lobes supérieurs, cavernes) quand les taux de CD4 sont supérieurs à 200/mm³. Au contraire, chez les patients dont les 12 taux de CD4 sont inférieurs à 200/mm³ on observe plus d’adénopathies et d’infiltrats des lobes inférieurs [9]. En conclusion, plus le patient est immunodéprimé plus l’infection est atypique et donc de diagnostic difficile [11]. Soriano et coll. comparent deux groupes de patients tuberculeux infectés (65 patients) ou non (65 patients) par le VIH. Ils observent 7 formes de tuberculoses disséminées avec hémoculture positive à BK dans le groupe des patients infectés par le VIH contre aucune dans le groupe témoin. On retrouve 20 cas de tuberculoses ganglionnaires sur les 65 patients infectés par le VIH et aucun cas chez les patients immunocompétents [12]. Shafer et Edlin notent qu’une mycobactériémie est extrêmement rare chez les patients immunocompétents alors qu’on la retrouve dans 20 à 40% des cas chez les patients infectés par le VIH [13]. De même Shafer et coll. décrivent chez les patients les plus immunodéprimés (CD4 inférieurs à 100/mm³), une augmentation du pourcentage de formes de tuberculoses disséminées avec adénopathies hilaires, alors que la présentation clinique de la tuberculose est classique chez les patients ayant un taux de CD4 supérieur à 200/mm³ [14]. Bien que la présentation clinique de la tuberculose varie avec l’état d’immunodépression des patients, les examens diagnostiques restent les mêmes (prélèvement bactériologique avec examen direct et mise en culture pour recherche de BAAR, radiographie de thorax, examen anatomo-pathologique d’une biopsie) [2;3]. c. Stratégies thérapeutiques Le traitement de référence de la tuberculose pulmonaire est un schéma de six mois associant quatre antituberculeux de première ligne (rifampicine, isoniazide, pyrazinamide, éthambutol) pendant deux mois, puis quatre mois de bithérapie ( rifampicine et isoniazide). Pour les patients infectés par le VIH, il n’est pas nécessaire, dans le cas de tuberculose à bacilles sensibles, de prolonger la durée du traitement plus de six mois si le traitement conventionnel a pu être conduit. La durée du traitement peut être prolongée à neuf mois si les réponses clinique et biologique ne sont pas satisfaisantes. Par exemple, en cas de culture positive des expectorations à 2 mois de traitement, il est recommandé de poursuivre le traitement jusqu’à 9 mois [2]. Plusieurs articles comparent les réponses au traitement classique, c’est à dire 2 mois de quatrithérapie puis 4 mois de bithérapie, entre des patients 13 infectés par le VIH et des patients immunocompétents notamment en ce qui concerne le nombre de rechutes après traitement. Les résultats des quatre articles principaux sont dans le tableau n° 1. Tableau n°1 : résultats des études comparatives du traitement anti-tuberculeux chez des patients infectés ou non par le VIH Référence Nombre de patients Type de traitement Rechute Rechute Traitement: 6 mois Traitement: 12 mois [17] [15] [16] [18] Total: 427 classique HIV+: 5,4% HIV+:177 HIV-: 2,8% HIV- : 250 p: 0,36 Total: 446 classique HIV+: 9% HIV+: 260 HIV-: 5,3% HIV- : 186 p: 0,06 Total: 326 classique HIV+: 27% HIV+: 151 HIV-: 13,7% HIV-: 175 OR: 2,4 Total: 280 classique 6 mois HIV+: 1 ,9% HIV+: 6,4% HIV+: 47 HIV-: 5,5% HIV- : 127 Inconnu: 0 106: statut inconnu p: 0,38 Les résultats sont bien en accord avec les recommandations cités plus haut. Perriens et coll. ont réalisé une étude afin de comparer l’efficacité du traitement à 6 mois contre celle à 12 mois [15]. Le schéma thérapeutique a été de 2 mois de quatrithérapie (isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et ethambutol) puis 4 ou 10 mois de bithérapie (isoniazide et rifampicine). Ils ont recensé 260 patients infectés par le VIH et 186 patients tuberculeux non infectés par le VIH. Après 6 mois de traitement, le taux d’échec a été similaire entre les deux groupes (3,8% d’échec dans le groupe des patients infectés par le VIH et 2,7% d’échec chez les autres). La surveillance de ces patients s’est poursuivie pendant 24 mois. 14 Les patients ayant bénéficié d’un traitement court de 6 mois avaient un taux de guérison proche de 90% et un taux de rechute de 9%. On observe qu’un traitement bien conduit pendant 12 mois, chez les patients infectés par le VIH, n’a pas diminué le taux de mortalité. En revanche leur taux de rechute est passé de 9% à 1,9% chez ceux traités 12 mois mais le nombre d’effet secondaires (paresthésies par exemple) a été majoré. Les auteurs concluent donc qu’il n’est pas justifié d’étendre le traitement à 12 mois. Sonnemberg et coll. montrent en fait par une analyse génomique des souches que les patients infectés par le virus du VIH présentent plus de rechutes par réinfections par une autre souche du fait de leur plus grande vulnérabilité, alors que les rechutes chez les patients non infectés sont le fait de récurrences du même bacille. Cet article montre aussi qu’il n’y a pas de corrélation entre la réponse au traitement des patients infectés par le VIH et leur niveau d’immunodépression (taux CD4) [16]. A propos de l’efficacité du traitement standard de 6 mois, deux études [15] et [17] concluent que les taux de guérison sont identiques pour tous les patients : 81% de guérison pour les patients infectés par le VIH contre 87% pour les patients non infectés [15]. Sterling et coll. précisent qu’avec le même traitement, la négativation des BK en culture a été observé dans le même temps : 77 jours pour les patients infectés par le VIH contre 72 jours pour les patients non infectés, soit une différence non significative [18]. L’émergence de la tuberculose multirésistante a entraîné une évolution des stratégies thérapeutiques. La première étape consiste à effectuer systématiquement des tests de sensibilité face aux antituberculeux de première ligne [13]. D’un point de vue clinique il est important d’insister sur l’interrogatoire du patient afin d’éliminer des facteurs de risque de résistance. Il est important de savoir si le patient est originaire d’un pays à fort taux de résistance, s’il a déjà présenté un antécédent de tuberculose en milieu carcéral ou s’ il a déjà été traité pour une tuberculose et quel était le traitement [3,13]. 15 1.C La tuberculose nosocomiale La tuberculose nosocomiale : Une infection nosocomiale est une infection contractée dans un établissement de soins et doit être absente au moment de l’admission du patient. Ces infections dites nosocomiales peuventêtre liées aux soins ou simplement survenir lors de l’hospitalisation indépendamment de tout acte médical ( épidémie de grippe par exemple). Pour séparer une infection d’acquisition communautaire d’une infection nosocomiale, un délai de 48 heures est nécessaire entre la date d’hospitalisation et l’apparition des symptômes. L’infection peut se manifester cliniquement après la sortie de l’hôpital, il n’y a alors pas de conditions formelles de délai mais la limite des 30 jours suivant la sortie est fréquemment retenue (notamment dans les infections de plaies opératoires). Cette définition est en terme de temps difficilement applicable à la tuberculose. En effet le bacille tuberculeux peut, après la contamination du patient, rester latent dans l’organisme pendant plusieurs mois ou années avant que celui-ci ne déclare une tuberculose maladie. Ces dernières années, les cas de tuberculoses nosocomiales ont augmenté. Deux facteurs expliquent cette augmentation: l’émergence des cas de patients infectés par le VIH et l’apparition de bacilles tuberculeux multirésistants. Les patients infectés par le VIH représentent une population à risque avec de nombreux cas de réactivation. Les patients atteints de tuberculose multirésistante ont une contagiosité accrue du fait du retard voir de la non efficacité du traitement initialement entrepris. L’article de Desenclos revient sur des épidémies de tuberculoses nosocomiales décrites aux Etats Unis, en Italie et même en France, épidémies surtout de tuberculoses multirésistantes. Le plus souvent ces épidémies sont observées dans des services de soins prenant en charge des patients infectés par le VIH [4]. Lors d’une suspicion de transmission nosocomiale les bacilles de chacun des patients sont étudiés en biologie moléculaire par la méthode de restriction fragment lenght polymorphism (R.F.L.P). L’extraction et la digestion enzymatique de l’ADN permettent de comparer les profils de migration et ainsi d’identifier à partir de profils communs des souches de bacilles identiques. La contamination nosocomiale est authentifiée quand on retrouve une souche unique de bacille chez différents patients [20]. 16 Des épidémies de tuberculoses sensibles ont aussi été observées [21], mais l’identification des souches est plus délicate. C’est une forte suspicion clinique qui poussera à la pratique des tests de biologie moléculaire pour authentifier la transmission du même bacille. La transmission nosocomiale de la tuberculose : Plusieurs articles ont tenté d’évaluer le risque de transmission de la tuberculose nosocomiale. Pour qu’il y est transmission il faut trois facteurs [22]: 1. le cas initial doit être contagieux 2. l’environnement doit être propice 3. le type de contact entre les personnes 1. Contagiosité du patient source. Le cas initial sera considéré contagieux, si on retrouve des BAAR dans ses expectorations. La détection des BAAR se fait par l’examen microscopique des expectorations et peut être quantifiée approximativement en dénombrant le nombre de BAAR par champs. En effet l’examen direct sera considéré positif si on met en évidence plus de 100 000 bacilles/ml de liquide examiné [20]. Pour un patient dont les expectorations sont positives au direct pour les BAAR, on considère qu’il existe un risque de contamination de l’entourage proche. Ce risque est évalué à 30% et diminue à 5% quand l’examen direct des expectorations est négatif et que seule la culture des prélèvements respiratoires est positive [23]. Un patient est à risque pour son entourage quand il présente les signes suivants: toux, crachats et atteinte pulmonaire (notamment sous la forme de cavernes) [5]. La grande majorité des cas de transmission du bacille ont lieu avant le diagnostic et la mise en place du traitement car après deux semaines de traitement bien conduit la contagiosité devient quasi nulle. Long et coll. confirment qu’après un traitement bien conduit de deux semaines, le risque de contagiosité diminue de 99,965% [24]. 2. L’environnement La transmission de ce bacille s’effectue exclusivement par voie aérienne. les gouttelettes de salive contiennent des bacilles qui en se desséchant restent en suspension dans l’air. Ainsi les facteurs qui influencent la concentration de ces bacilles dans l’air ambiant agissent sur le 17 risque de transmission ( dans un lieu fermé, plus le volume de ce lieu est faible plus la concentration de bacilles est importante). On comprend ainsi toute l’importance des systèmes d’aération et de ventilation des lieux accueillants ce type de patients. 3. Le type de contact A la fois la proximité des personnes en contact et le temps passé au contact de patients infectés influencent le risque de transmission [2,22]. On définit : - un contact étroit : pour des personnes habitants sous le même toit, ou partageant le même lieu fermé pendant de nombreuses heures. - un contact régulier : pour des personnes partageant le même lieu fermé de façon non prolongée comme un gymnase, une cantine. - un contact occasionnel : pour les autres. D’autres facteurs peuvent influencer la transmission. Ils sont décrits dans les articles revenant sur les récentes épidémies de tuberculoses nosocomiales [4,25]. Il s’agit : a- du retard diagnostic qui provoque la diffusion du bacille dans l’établissement de soins. b- du défaut d’isolement des patients contagieux [26]. c- du retard à la prescription des antituberculeux, surtout dans les cas de bacille multirésistant où les principaux antituberculeux sont inefficaces [26]. d- la proximité des patients dans les services : souvent les patients tuberculeux se retrouvent hospitalisés dans les services d’infectiologie, services qui accueillent également des patients infectés par le VIH donc vulnérables [26]. e- le mauvais fonctionnement des systèmes de ventilation. f- l’utilisation d’aérosols de Pentamidine, un médicament utilisé en aérosol pour la prévention primaire ou secondaire de la pneumocystose pulmonaire chez les patients immunodéprimés, notamment les patients infectés par le VIH. Les patients contagieux réalisant des aérosols produisent plus de particules infectantes dans leur expectorations, par mobilisation des espaces morts du poumon ventilé à l’occasion des aérosols. g- La kinésithérapie respiratoire ainsi que la fibroscopie bronchique sont également des manœuvres à haut risque [25,26]. 18 2. Description du cas clinique de transmission nosocomiale observé dans le service 2. A. Description des deux cas cliniques PATIENT SOURCE : M. N. né en 1965 a été hospitalisé dans le service d’immunologie du 26.12.2001 au 04.03.2002 soit 2 mois et 9 jours. C’est un patient originaire du Congo, en France depuis 2 ans. Il est sans domicile fixe (SDF) et rapporte des antécédents de paludisme en Afrique. M. N. a été hospitalisé dans le service pour bilan d’une altération de l’état général évoluant depuis 3 mois avec perte de 10 kg, toux, fièvre, puis crachats hémoptoiques. Il fut hospitalisé dans un premier temps au centre hospitalier d’Evry du 23.12 au 26.12.2001. Les examens biologiques retrouvaient des BAAR au direct des expectorations et une sérologie VIH positive. Le patient fut alors transféré dans notre service le 26.12.2001. En reprenant l’interrogatoire de M. N. on retrouve un contage tuberculeux en octobre 2001 (soit 1mois ½ avant son hospitalisation). En effet un des résidents du squat où il séjournait, avait été suivi en médecine interne à Henri Mondor pour une tuberculose pulmonaire bacillifère. A cette époque M. N. bénéficia d’un dépistage, sa radiographie de thorax était normale . Le patient source suivi en médecine interne en octobre 2001 présentait une tuberculose pulmonaire dont l’antibiogramme mettait en évidence une souche résistante à l’isoniazide et à la streptomycine. A l’arrivée dans le service d’immunologie clinique, M. N. est immédiatement mis en isolement respiratoire c’est à dire dans une chambre seule où le port du masque d’isolement respiratoire est obligatoire pour tous ses déplacements hors de la chambre et pour toute personne entrant dans sa chambre. Au sein du service il fut hospitalisé à la chambre 84. Le premier bilan réalisé dans le service objectiva : une charge virale (ARN plasmatique du VIH) à 5 log, soit 98400 copies/ml; un taux de CD4 à 10/mm³ soit 2% avec un rapport CD4/CD8 à 0,03. De nombreux BAAR sont retrouvés dans les expectorations des 27-28 et 29/12. Une PCR est réalisée pour authentifier la présence de M. tuberculosis et non d’une 19 M. atypique. La radio de thorax retrouve des adénopathies hilaires gauches et des opacités alvéolaires péri hilaires gauches non excavées. M. N. fut alors traité par quadrithérapie dés réception de 2 examens direct positifs le 28/12/2001, avec isoniazide 5mg/kg/j, rifampicine 10mg/kg/j, pyrazinamide 30mg/kg/j, et éthambutol 20mg/kg/j en une prise le matin à jeun. L’évaluation du traitement se fit tout d’abord cliniquement avec une disparition durable de la fièvre à partir du 12/01/2002 soit 15 jours après le début du traitement. Les résultats de l’antibiogramme de la souche isolée chez M. N. reçu trois semaines plus tard, le 18/01/2002, ont révélé une souche de M. tuberculosis résistante à l’isoniazide et à la streptomycine, comme le patient source suivi en octobre 2001 en médecine interne. Le traitement de M. N. a donc été modifié : arrêt de l’isoniazide et poursuite du traitement par une tri thérapie comprenant rifampicine, pyrazinamide et éthambutol le 18/01/2002. Face à l’immunodépression majeure de ce patient, il a été décidé de mettre en place un traitement antiviral le 24/01/2002, soit 28 jours après le début du traitement anti-tuberculeux, sous la forme d’une association nelfinavir (Viracept), stavudine (Zerit) et lamivudine (Epivir). L’utilisation du nelfinavir, de la classe des antiprotéases, conduit au remplacement de la rifampicine par la rifabutine (Ansatipine) pour éviter les interactions médicamenteuses. Après une amélioration clinique initiale, on note une poussée de fièvre le 01/02/02 avec foyer de crépitants pulmonaires et foyer alvéolaire de la base gauche sur le cliché radiologique. Nous avons donc évoqué une rechute de la tuberculose ou une inefficacité du traitement entrepris. M. N. réalisa deux BK crachats de contrôle les 6 et 7 février. Les résultats des examens directs des expectorations du 06/02 ne mettaient en évidence qu’un seul BAAR sur toute la lame, et étaient négatifs pour l’expectoration du 07/02. Une fibroscopie a été réalisée le 8/02 dont les prélèvements trachéo-bronchiques et le LBA étaient négatifs au direct. Les résultats définitifs de la culture de l’ensemble de ces prélèvements de contrôle, 2 expectorations et un liquide d’aspiration bronchique ont été communiqués deux mois plus tard et confirment l’absence de mycobactérie. Le BAAR isolé retrouvé sur la lame de l’expectoration du 06/02 correspondait donc à un bacille non viable comme on peut en observer en début de traitement. La fibroscopie ne révéla que des bronches inflammatoires. Le diagnostic de poussée inflammatoire sur restauration immunitaire est posé. 20 La restauration immunitaire est une réaction paradoxale connue chez les patients porteurs du VIH et atteints de tuberculose. Les manifestations peuvent évoquer une aggravation de la maladie mais cette symptomatologie entre dans le cadre du processus inflammatoire qui apparaît en réponse aux bacilles tuberculeux lorsque l’immunité des patients remonte sous l’effet du traitement antirétroviral [2]. Ce phénomène est observé dans 7 à 36% des cas, il régresse en quelques semaines, parfois une corticothérapie transitoire est nécessaire. M. N. bénéficia de l’introduction d’une corticothérapie le 08/02/02 (prednisone 60mg/j) pendant un mois avec diminution progressive des doses, ce qui permis son apyrexie en 24H. Il partit en convalescence le 04/03/2002. - Au total l’isolement respiratoire dans le service d’immunologie clinique à été respecté du 26/12/01 au 14/02/2002, soit jusqu’à la date de réception des prélèvements de contrôles réalisés les 06, 07 et 08 février. La négativation des deux expectorations ainsi que de l’aspiration bronchique ont permis de considérer que M. N. n’était plus contagieux. - Au total M. N. a reçu un traitement antituberculeux du 28/12/01 au 12/08/02 soit plus de 7 mois. - PATIENT 2 Mme M. née en 1959 est originaire du Rwanda, elle est suivie dans le service depuis 1994 pour une infection par le VIH. Elle a participé de mai 1996 à août 2000, à un protocole thérapeutique comprenant de l’interleukine 2 et une tri thérapie antirétrovirale. Elle a bénéficié d’un arrêt des traitements anti-rétroviraux à partir de novembre 2000 du fait de CD4 élevés à 515/mm³ soit 22% avec un rapport CD4/CD8 : 0,37. Sa charge virale était à 4.3 log soit 20792 copies/ml. Mme M. a été hospitalisée, dans le service une première fois du 11/12/2001 au 17/01/2002 soit 37 jours pour une altération de l’état général, une toux et de la fièvre. Elle a séjourné du 11/12 au 29/12/2001 dans la chambre 88 en isolement respiratoire puis a été transférée dans la chambre 2 du 29/12/2001 au 17/01/2002 (voir plan du service en annexe 2). Lors de cette première hospitalisation le diagnostic de tuberculose avait été envisagé. 21 A son entrée mi-décembre 2001 elle présentait des CD4 à 393/mm³ soit moins de 10% et une charge virale à 339 000 copies/ml. La radiographie de thorax objectivait un syndrome alvéolo-interstitiel dans les deux champs pulmonaires. Trois BK tubages étaient négatifs au direct et en culture. Une fibroscopie bronchique a été réalisé afin d’éliminer le diagnostic de Pneumocystis carinii,. Le LBA montrait une alvéolite lymphocytaire prédominant sur les CD8 (61% de lymphocytes dont 94% de CD8). Au cours de cette même hospitalisation une symptomatologie digestive est apparue avec vomissements et douleurs abdominales. Une fibroscopie oesogastroduodénale est alors réalisée, la présence d’histoplasmose est retrouvée sur les biopsies duodénales, ceci conduit à une relecture des lames du LBA qui permis aussi de découvrir des colonies d’histoplasmose. Le diagnostic d’histoplasmose disséminée avec atteinte pulmonaire et digestive a été retenu et un traitement par amphotéricine B (Fungizone®) fut débuté pendant l’hospitalisation pour 14 jours puis relais par itraconazole (Sporanox) à la sortie. Compte tenue de cette infection opportuniste une tri thérapie par indinavir (Crixivan), zidovudine + lamivudine (Combivir) fut reprise le 21/12/01. Mme M. a de nouveau été hospitalisée six mois plus tard du 10/06/2002 au 27/06/2002, pour récidive de la toux, de la fièvre et altération de l’état général. Ses CD4 étaient à 487/mm³ et sa charge virale à moins de 50 copies/ml. La patiente était toujours sous tri thérapie avec Combivir et Crixivan. Une rechute d’histoplasmose a été évoquée, mais l’ensemble des examens, cette fois ci a été en faveur d’une tuberculose pulmonaire bacillifère, avec 3BK tubages positifs au direct, la radiographie de thorax montrait encore un syndrome interstitiel bilatéral, les hémocultures isolators étaient négatives. Une quadrithérapie fut débutée le 18/06/2002 avec isoniazide 200 1cp/j, pyrazinamide 500 2cp1/2/j, myambutol 400 2cp/J , et ansatipine 150 1cp/j, prévu pour un an. Une modification du traitement antirétiroviral fut nécessaire pour éviter les interactions médicamenteuses avec arrêt du Crixivan® et utilisation du Viracept®. La réponse au traitement fut bonne avec apyrexie et amélioration rapide de l’état général, l’examen direct des expectorations de contrôle fut négatif, ainsi Mme M. put sortir du service le 27/06/02 soit 9 jours après la mise en place du traitement. 22 L’antibiogramme complet de la souche de BK est parvenue après sa sortie, il a révélé une souche résistante à l’INH et à la streptomycine, comme la souche isolée précédemment chez M. N. La survenue d’une infection par M. tuberculosis chez cette patiente nous paru suspecte, pour plusieurs raisons : - cette patiente avait été hospitalisée dans le service six mois plutôt, la tuberculose avait été recherché à cette occasion sans résultat positif (3 BK crachats). - le résultat de l’antibiogramme montra une résistance à l’INH et à la streptomycine comme pour M. N. Ces deux éléments nous ont fait évoquer l’hypothèse d’une transmission au sein du service, l’examen des registres du service permis de confirmer que Mme M. et M. N. étaient hospitalisés à la même période 6 mois plus tôt. Ces deux patients furent hospitalisés en même temps dans le service pendant une période de 22 jours, du 26/12/2001 au 17/01/2002, pendant cette période M. N. était en isolement respiratoire car potentiellement contagieux. Le comité de lutte contre les infections nosocomiales (CLIN) et l’unité d’hygiène de l’hôpital Henri Mondor ont été informés de cette suspicion de tuberculose pulmonaire nosocomiale (suspicion qui sera confirmée quelques mois plus tard par l ‘analyse du génome des 2 souches) et différentes interventions ont été menées comprenant : - démonstration d’une tuberculose nosocomiale - recherche d’une cause - dépistage des autres patients Tout d’abord revenons sur la démonstration de cette transmission nosocomiale. 23 2. B Démonstration d’une transmission nosocomiale Même si aujourd’hui en France il n’est pas exceptionnel d’être infecté par une souche de M. tuberculosis résistante à un ou plusieurs antituberculeux, la présence dans un même service hospitalier de deux patients ayant le même profil de résistance doit interpeller. La poursuite des examens complémentaires fut nécessaire pour affirmer la transmission d’une même souche et asseoir le diagnostique de tuberculose nosocomiale. a- étude bactériologique des souches L’étude bactériologique permet l’identification du BAAR responsable de l’infection et permet d’obtenir un antibiogramme des principaux antituberculeux utilisés. Les examens bactériologiques doivent être réalisés sur des prélèvements recueillis sur 3 jours consécutifs car l’émission du bacille tuberculeux dans les expectorations est discontinue. Les prélèvements recueillis peuvent être : - expectoration le matin a jeun - tubage gastrique matin a jeun Si ces deux types de prélèvement sont négatifs, les recherches peuvent être faites sur - liquide du lavage broncho-alvéolaire, ou d’aspiration bronchique - biopsie tissulaire un premier résultat au direct après coloration de Ziehl-Neelsen peut être rendu dans la journée, cette méthode est peu sensible et non spécifique, elle ne permet pas l’identification exacte du bacille mais renseigne sur la présence ou l’absence de BAAR. Le seuil est de 10 000 bacilles/ml. Les BAAR pouvant être des bacilles de M. tuberculosis, bovis ou africanum. L’identification exacte de la souche se fera par la culture ou la PCR. La mise en culture des prélèvements : Le milieu solide dit de Lowenstein Jensen, à base d’œuf coagulé, est le plus utilisé en France. Depuis 1990 le milieu liquide (méthode BACTEC), mesure du gaz carbonique radioactif, a 24 permis de raccourcir les délais de réponse. Les délais de réponse dépendent de la richesse en bacilles mais aussi du type de milieu utilisé, en moyenne pour des prélèvements positifs au direct on comptera trois semaines sur milieu solide et une semaine sur milieu liquide. Pour des prélèvements négatifs au direct on comptera respectivement quatre semaines et deux semaines comme délais de réponse [2]. L’étape suivante est l’étude de la sensibilité du BK isolé aux antibiotiques afin d’obtenir l’antibiogramme, opération qui demande encore deux à trois semaines. Ainsi l’identification définitive de l’espèce de mycobactérie et son antibiogramme ne seront connu en moyenne que cinq à sept semaines après le recueil des prélèvements. Au plan épidémiologique, cette première étape de mise en culture des prélèvements est très importante, en effet mettre en évidence sur deux souches de M. tuberculosis des antibiogrammes discordants évoque une infection par deux souches différentes, ce qui permet d’éliminer la similitude des deux souches et ainsi écarter une transmission de BK identique entre deux patients. b- Etude génomique Pour affirmer le diagnostic de tuberculose nosocomiale le résultat de l’antibiogramme n’est pas suffisant. Nous avons demandé un typage génotypique des souches de nos patients. Sur Paris il existe deux centres de références, le laboratoire de mycobactéries de l’hôpital Henri Mondor travaille avec le laboratoire de l’hôpital de la Pitié Salpetrière à Paris. Les résultats du typage nous sont parvenus en 2 à 3 semaines. Le service de biologie moléculaire de la Pitié utilise la méthode R.F.L.P pour l’analyse du génome du bacille tuberculeux Explications de la méthode, R.F.L.P Cette technique aussi appelée empreinte digitale génomique est la méthode de référence actuelle pour l’identification des souches de M. tuberculosis. Elle a été standardisée en 1993 par Jan D.A. Van Embden [27]. 25 Cette technique est basée sur l’existence de séquences d’ADN identiques, correspondant à des séquences d’insertion répétées sur le génome au hasard (séquence 6110 : IS6110) [28]. Ces séquences IS6110 sont présentes dans le génome des mycobactéries du complexe M. Tuberculosis : - tuberculosis - BCG - bovis Cette technique est un outil épidémiologique et non diagnostic. Celle ci est utilisée après avoir fait le diagnostic de tuberculose et identifié la souche. Pour notre cas, cette technique va permettre de mettre en évidence la similitude des deux souches, pour affirmer la transmission nosocomiale. Le nombre et la localisation dans le génome des IS6110 permettent de définir l’empreinte génomique de la souche. Le profil RFLP obtenu est unique et permet de comparer les souches entre elles. Pour M. tuberculosis il existe entre 0 et 22 copies de IS6110 par souches, avec dans la majorité des cas plus de 5 copies par souche. Détail de la technique A partir d’une souche de bacille on extrait l’ADN, ce qui demande environ 24 heures. L’ADN est digéré par une enzyme de restriction appelée PvuII (enzyme de restriction qui ne coupe qu’un fois dans le IS6110). L’ADN digéré est transféré sur une membrane de nitrocellulose, pour séparer les fragments. D’un autre coté par PCR on confectionne des sondes d’IS6110 marquées par gel luminescent, ces sondes sont hybridées à l’ADN digéré puis on révèle l’hybridation par pellicule photographique. La deuxième phase de la technique est l’analyse des profils par utilisation de logiciels pour « nettoyer », diminuer les artéfacts, puis le logiciel Gelcompar intègre les données et compare les profils des souches. Ce logiciel réalise alors un dendrogramme. L’étape suivante est la relecture de ce dendrogramme par le biologiste pour l’étude des pourcentages d’homologie et sélection des « clusters », c’est à dire des souches ayant un pourcentage d’homologie élevée voir prés de 100% [annexe 1]. Puis dans un second temps on vérifie les souches les plus semblables par relecture grâce au logiciel Gelcompar. Enfin affirmation ou infirmation d’un cluster, soit une réponse définitive sur la similitude de souches de patients différents. 26 Ainsi dans notre cas précis, la mise en évidence de deux souches identiques par cette méthode RFLP permettrait d’affirmer que nos patients sont infectés par la même souche et donc confirmer le diagnostic de transmission nosocomiale. Les souches de nos deux patients ainsi que celle du patient source de médecine interne ont été envoyé au laboratoire de la Pitié à Paris. Leur réponse fut : mise en évidence d’un cluster avec prés de 100% d’homogénéité entre les trois souches. La réponse est formelle, c’est bien la même souche de M. tuberculosis qui a infecté nos deux patients. La transmission nosocomiale a ainsi été démontrée. [annexe 2] 27 2.C Enquête de l’unité d’hygiène : l’unité d’hygiène de l’hôpital Henri Mondor a réalisé une enquête dans le service sur les mesures d’isolement de nos patients afin de trouver une cause à cette transmission. Elle a aussi mis en place un travail de dépistage pour rechercher d’autres cas de transmission. a. Présentation du service d’immunologie clinique de l’hôpital Henri Mondor Le service d’immunologie clinique est situé au 14ème étage de l’hôpital. C’est un service spécialisé en pathologies dites aiguës. La capacité d’accueil est de 20 lits, répartis en 6 chambres seules et 7 chambres doubles, sur 1 aile avec deux équipes infirmières et 2 postes de soins différents. Habituellement on estime que 60% des lits sont occupés par des patients infectés par le VIH, suivis dans le service, et que 40% des lits sont occupés par des patients venant des urgences (médecine interne, drépanocytose, pathologie infectieuse…). Plan du service en annexe 3 Les mesures d’isolements des patients atteints de tuberculose dans le service d’immunologie, suivent les recommandations « Prévention de la tuberculose nosocomiale » document validé par le CLIN de l’établissement en mars 2001 et actualisé en septembre 2004 [annexe 4 ]. Sur prescription médicale le patient est mis en « isolement respiratoire » : - chambre seule, porte fermée, aération des chambres une fois par équipe - port du masque FFP1 obligatoire pour les personnes entrant dans la chambre et lors de tout déplacement du patient hors de la chambre. De plus dans le service chaque chambre est équipée: - d’un système de ventilation mécanique - d’un SAS entre la chambre et le couloir - d’un manomètre externe (dans le couloir) 28 Ces mesures ont été installées pour diminuer le risque de transmission nosocomiale de la tuberculose dans ce service à haut risque. La ventilation mécanique, les SAS et les manomètres externes représentent un type de mesure de prévention environnementale, nous reviendrons plus tard sur l’aspect technique de ces mesures et sur les autres types possibles. Ce mode de prévention, choisi par le service d’immunologie est un système qui permet grâce à un flux d’air suffisant, d’éliminer rapidement les particules infectantes en suspension dans l’air de la chambre vers l’extérieur du bâtiment. La ventilation mécanique crée ce flux d’air mais crée également une dépressurisation de la chambre par rapport au reste du service pour donner un sens de diffusion du flux. Les SAS viennent améliorer les dispositifs, ils sont maintenus en pression positive. Les manomètres installés à l’extérieur des chambres permettent par simple lecture une surveillance de la fonctionnalité du système. b. Recherche d’une rupture dans les systèmes de prévention Le premier travail de l’unité d’hygiène a été de rechercher une rupture dans les systèmes de prévention afin de découvrir le mode de contamination de ces deux patients. Leurs hypothèses furent : 1. rupture de l’isolement respiratoire 2. dysfonctionnement dans le système de ventilation 1- Rupture de l’isolement respiratoire Après relecture des dossiers médicaux, infirmiers et interrogatoire du personnel, aucune rupture d’isolement ne semble s’être produite. M. N. a été mis en isolement respiratoire dés son arrivée (le diagnostic de tuberculose pulmonaire bacillifère a été établi avant son arrivée, dans le service hospitalier d’Evry). Les transmissions infirmières notent un respect de son isolement, peu de déplacement sont décrits dû fait de son état de fatigue. Au sujet de Mme M. les transmissions infirmières notent qu’au cours de sa première hospitalisation elle présentait une asthénie marquée et une fièvre a plus de 39° les 8 premiers jours. A noter que les 2 patients ne se connaissaient pas, et ne sont pas originaires du même pays. 29 Nous avons aussi évoqué la possibilité d’une transmission du bacille lors de la circulation des patients dans les couloirs du service, notamment au moment des déplacements pour leurs examens complémentaires. En reprenant les dossiers aucune date d’examen ne coïncide pendant les 22 jours d’hospitalisation commun. Tableau récapitulatif des évènements marquants dates Mme M. 12/12/01 BK tubage 13/12/01 BK tubage M. N. Radio de Thorax 14/12/01 BK tubage Radio de thorax Fibroscopie et LBA 24/12/01 Fibroscopie oeso-gastrique 26/12/01 admission dans le service BK crachat Radio de thorax 27/12/01 BK crachat 02/01/02 Radio de thorax 08/01/02 FO Echographie abdominale 09/01/02 Radio de thorax Echographie abdominale 17/01/02 Cs ORL Sortie du service 29/01/02 Cs ophtalmologique Fond d’œil 02/02/02 Radio de thorax 05/02/02 Radio de thorax 06/02/02 Bk crachat 30 2- Rupture du système de ventilation Pour évaluer la fonctionnalité du système de ventilation, la société de maintenance a été convoqué par l’unité d’hygiène début septembre 2002. Leur rapport fait état d’une maintenance régulière des centrales de traitement de l’air de l’hôpital. Aucune traçabilité au niveau des chambres du service n’a été retrouvé, cependant l’évaluation réalisée en septembre, après l’incident, révèle un bon fonctionnement des SAS quand les deux portes sont fermées, sans risque de passage de germes aéroportés. Les manomètres externes eux se révèlent souvent défectueux de plus leur lecture est difficile. Le carnet de bord de la société de maintenance, sur lequel est noté toutes leurs interventions, révèle une vérification en février 2002 ( 1 mois après la sortie de notre patiente contaminée) du système de ventilation mécanique. Leur seul commentaire atteste d’un changement des filtres absolus du système. Les premières conclusions de l’enquête de l’unité d’hygiène ne révèlent pas le mode de contamination de nos deux patients, aucune rupture évidente du système n’a été découverte. Voyons maintenant quelles mesures ont été prise par l’unité d’hygiène à la suite des premiers éléments de son enquête. c. Les mesures prises : - Dépistage des autres patients hospitalisés à cette période Une période de 3 semaines correspondant à l’isolement de M. N. (du 26/12/2001 au 17/01/2002), est désignée comme étant la période de haute contagiosité, période propice à la transmission du bacille puisqu’elle correspond à ses premières semaines de traitement. Vingt quatre patients ont été hospitalisés pendant cette période, tous ont pu être revu et tous ont bénéficié des examens communs de dépistage (consultation et radio de thorax à T0 au 3ème mois et au 9ème mois) Parmis ces 24 patients on dénombre 16 patients plus à risque : 12 patients immunodéprimés par le VIH, 3 patients drépanocytaires, 1 patient suivi pour un lupus. 31 Parmi les 12 patients immunodéprimés par le VIH, 2 patients étaient hospitalisés pour tuberculose pulmonaire sensible. Les 10 autres ont été dépisté et aucun autre cas de tuberculose nosocomiale a été détecté. Replaçons ces patients au sein du service durant cette période de trois semaines de haute contagiosité. M. N. était donc hospitalisé dés son arrivée dans le service le 26/12/2001, en isolement respiratoire, à la chambre 84, tandis que Mme M., déjà hospitalisée à l’arrivée de M. N., séjournait à la chambre 88 elle aussi en isolement respiratoire pour suspicion de tuberculose pulmonaire. L’isolement de Mme M. fut levé le 29/12/2001, elle fut transférée le 29/12 de la chambre 88 vers la chambre 2, soit un éloignement géographique plus important par rapport à M. N. Qui étaient les patients hospitalisés à proximité de la chambre de M. N. ? La chambre double 86/85 est située entre la 84 et la 88 comme indiqué sur le plan du service (annexe n°3) - au lit 85 pendant cette période de trois semaines ont séjourné successivement trois patients infectés par le VIH dont le plus immunodéprimé avait un taux de CD4 à 160/mm³ (taux inférieur à notre patiente Mme M. pendant son hospitalisation). Le dépistage et le suivi prolongé de ces patients, pendant plus de quatre mois, c’est révélé négatif. - au lit 86 à cette même période furent hospitalisés un patient infecté par le VIH mais son décès surviendra pendant l’hospitalisation, les autres patients n’étaient pas immunodéprimés. Certains ont tout de même été dépistés avec des résultats négatifs. La chambre double 87/88 où était hospitalisée notre patiente jusqu’au 29/12/2001 fut occupée après cette date par des patients non immunodéprimés, leur dépistage fut négatif également. La chambre 83, mitoyenne de celle de M. N, fut occupée par les patients hospitalisés pour tuberculose pulmonaire sensible et traités par antituberculeux. Les six autres patients infectés par le VIH hospitalisés pendant ces trois semaines ont séjourné dans des chambres plus éloignées, leur statut nous a tout de même poussé à pratiquer le dépistage. Deux furent installés en chambre 80, deux en chambre 77, un à la chambre 79 et un dernier à la chambre 74. La aussi aucun autre cas de tuberculose nosocomiale n’a été diagnostiqué parmi eux. 32 Conclusion: comme aucun autre cas de transmission nosocomiale du bacille n’a été observé, y compris chez les patients les plus immunodéprimés, l’hypothèse plausible restante est qu‘une rupture d’isolement, non notée dans les transmissions, de notre patient M. N. a du se produire. - Le système de ventilation mécanique du service Comme nous l’avons vu, les premières conclusions du service de maintenance ne révèlent pas de gros dysfonctionnements. Plusieurs mesures ont été prises tout de même : - Une revue du système de ventilation a été prévue au moment des travaux du service avec changement des filtres, mesure des débits d’air, mesure des pressions dans les chambres et les SAS, et modification des manomètres externes pour facilité leur lecture. Le dernier rapport de l’unité d’hygiène de l’hôpital date du mois d’Août 2003, il retrace cette action du service de maintenance réalisée lors des travaux. Cette révision du système fut comparable aux révisions proposées annuellement avec : -nettoyage des gaines de ventilation -nettoyage du ventilateur -remplacement des filtres -vérification des batterie -dépoussiérage des volets et des ailettes -vérification des alarmes les manomètres externes des chambres ont été modifiés pour permettre une lecture facilitée comme prévu et la reprise du calendrier de surveillance annuelle avec relevé mensuel des pressions des manomètres, consignation de l’intervention et des résultats sur le carnet de bord. 33 3. Discussion A. Mise en évidence de transmission de tuberculose nosocomiale multirésistante. Dans la littérature beaucoup d’articles reviennent sur des cas de transmission nosocomiale de la tuberculose entre patients mais la plupart nous présente des cas de tuberculoses multirésistantes et très peu de cas de transmission nosocomiale de bacilles tuberculeux sensibles comme dans notre cas. En effet le risque de transmission est accru lorsque le bacille est multirésistant car la période de contagiosité est plus longue [2]. Depuis 1995 aucun cas de transmission nosocomiale de bacilles dits sensibles n’a été déclaré en France. La transmission d’un bacille sensible pour un cas particulier est plus difficile à démontrer. L’histoire naturelle de la tuberculose est caractérisée par un délai parfois très important entre la contamination et la maladie [2]. La tuberculose multirésistante a beaucoup été décrite et étudiée car l’incidence de cette maladie a fortement augmentée au début des années 1990, et notamment dans la population de patients infectés par le VIH. Cette littérature permet d’avoir des données claires et une conduite à tenir en cas de tuberculose multirésistante assez bien codifiée. Qu’est-ce que la tuberculose multirésistante (MDR) ? Le bacille isolé de ce type de tuberculose doit être résistant aux deux anti-tuberculeux qualifiés de majeur : rifampicine et isoniazide [29]. En 2000 0,6% des cas de tuberculoses déclarés en France étaient des tuberculoses MDR. Un peu plus des 2/3 des malades concernés ont reçu un ou plusieurs traitements antérieurement et 1/3 sont des nouveaux cas. Souvent ce sont des patients venant de pays à forte prévalence de multirésistance [2]. Au plan bactériologique une souche est considérée résistante si la proportion de mutants résistants est supérieure à la proportion critique qui est de 1% ou 10% selon les antibiotiques. Le risque d’être atteint d’une tuberculose multirésistante est accru après la prise de premiers traitements mal conduits. Les patients rechutent et leurs bacilles deviennent résistants. Dans certaines études il a été observé que ces bacilles, en plus d’avoir la résistance aux deux antituberculeux majeurs, étaient également porteurs de résistance pour d’autres antituberculeux comme la rifabutine, l’éthionamide, la streptomycine, l’éthambutol, le 34 pyrazinamide. L’étude rétrospective menée à New York pour déterminer les facteurs associés au développement de tuberculose multirésistante dans leurs hôpitaux [29], retrouve sur les 23 patients atteints de tuberculoses multirésistantes: 16 patients porteurs de résistances à d’autres antituberculeux, les 16 étaient résistants à la rifabutine, 9 associaient une résistance à l’éthambutol, 3 à l’éthionamide, 3 à la streptomycine, 1 à la pyrazinamide et 1 à la kanamycine. En France la surveillance de la résistance primaire (patient n’ayant jamais reçu de traitement) et de la résistance secondaire (patient déjà traité antérieurement) des antituberculeux est assurée par un réseau sentinelle : le groupe AZAI mycobactéries regroupant 23 laboratoires de CHU [2,30]. Leur dernier rapport publié en 2001 montre que, sur les 1313 patients à culture positive recueillis, le taux de résistance primaire à au moins un des quatre antituberculeux fut de 9,1% et de 20,5% en moyenne pour le taux de résistance secondaire [2]. Ces taux sont restés stables depuis ces cinq dernières années [30]. Le rapport de l’INVS insiste sur le fait que la résistance à la streptomycine reste la plus fréquente des résistances primaires (7%, contre 3,8% de résistance primaire pour l’INH). Les tuberculoses à bacilles multirésistants se caractérisent par une mortalité et une morbidité très élevées. Le traitement doit être strictement adapté à la sensibilité des antituberculeux avec recours le plus souvent à des antituberculeux de seconde ligne (streptomycine, fluoroquinolone, kanamycine, capréomycine). Le traitement repose sur l’association de 4 ou 5 antibiotiques dont 3 doivent être nouveaux, c’est à dire que le malade n’a encore jamais reçu [2]. La durée du traitement doit être prolongée, au moins 2 ans après négativation des cultures des prélèvements respiratoires, car les antibiotiques utilisés sont beaucoup moins actifs que l’isoniazide ou la rifampicine [2]. Ce retard d’efficacité des traitements prolonge la période d’infectiosité des patients et conduit à prolonger la durée de leur isolement respiratoire [22,31]. C’est l’ensemble de ces caractéristiques qui explique l’augmentation du nombre de cas de transmission nosocomiale [31]. Plus haut je soulignais que la transmission de la tuberculose multirésistante avait largement été décrite chez les patients infectés par le VIH. Une étude épidémiologique dans un hôpital de Floride rapporte que sur 29 cas observés de tuberculose nosocomiale, 27 étaient des patients infectés par le VIH. Cette étude montrait aussi que les patients infectés par le VIH 35 avaient une immunité très altérée et avaient souvent été hospitalisés pour une poussée du VIH ou une maladie opportuniste [26]. Aux Etats-Unis le C.D.C (Center of Disease Control and Prevention) a recensé, entre 1990 et 1992, plus de 300 cas de tuberculoses multirésistantes, 87% d’entre elles concernaient des patients infectés par le virus du VIH [32]. La transmission nosocomiale de la tuberculose multirésistante entre les cas observés fut authentifiée par la méthode RFLP, les souches présentaient plusieurs fragments identiques. Dans plus de 80% des cas une hospitalisation dans les sept mois précédent le diagnostic était retrouvée, avec pour 70% d’entre eux un autre patient hospitalisé en même temps porteur d’une tuberculose multirésistante. L’article de Frieden et coll., l’une des plus grandes études sur ce sujet menée pendant 43 mois, retrouve que sur 357 patients atteints de tuberculose multirésistante 267 avaient des bacilles identiques ou proches après l’examen par RFLP. Parmi ces 267 patients 86% étaient infectés par le VIH, 7% étaient de statut négatif et 7% étaient de statut inconnu. Un lien épidémiologique fut identifié chez 70% des patients dont 96% liés à une infection nosocomiale [33]. Une littérature floride peut être retrouvée sur le sujet de la transmission nosocomiale de la tuberculose multirésistante. La prise en charge de ces patients dans les hôpitaux est aujourd’hui codifiée ce qui contribue à une diminution considérable de l’incidence de nouveaux cas. On retrouve moins d’étude sur la transmission nosocomiale de la tuberculose sensible, certainement parce que le caractère sensible du bacille permet un traitement efficace plus rapide. Le problème de santé publique est moins important, et l’identification des souches par R.F.L.P est peu utilisée. Néanmoins la transmission nosocomiale de bacille tuberculeux sensibles doit être sous estimée dans nos hôpitaux [21]. Les articles [34,35] rapportent un cas de transmission nosocomiale de tuberculose sensible apparue à San Franscico, dans un service de moyen séjour pour des patients infectés par le VIH. Douze malades ont développé une tuberculose, toutes les souches isolées étaient sensibles aux antituberculeux. L’analyse par enzymes de restriction des souches a montré qu’elles étaient identiques. Le cas index était un malade qui avait séjourné au centre 1 mois avant d’être hospitalisé, pour toux productive, fièvre et sueurs nocturnes. Une fois le diagnostique confirmé par culture, il a reçu un traitement adapté. Quelques jours plus tard un autre patient est hospitalisé pour toux productive évoluant depuis 7 jours et fièvre. Une fois le 36 diagnostique posé et le traitement entrepris, le patient est retourné au centre mais il arrêta de lui-même son traitement. Au total 12 malades ont développé une tuberculose maladie, le délai entre le premier et le dernier patient diagnostiqué a été de 106 jours. L’ensemble des recherches effectuées pour la transmission nosocomiale de la tuberculose multirésistante doit pouvoir s’appliquer à la prévention de la transmission nosocomiale des bacilles sensibles avec les mêmes résultats. 37 B. Amélioration des mesures de prévention. Les modes de transmission du bacille tuberculeux et les différents facteurs favorisant cette transmission étant connus. Quelles sont les bonnes pratiques de prévention à appliquer pour éviter la contagion entre patients? Revenons d’abords sur les dispositifs simples : - Un dépistage précoce des patients atteints de tuberculose active. Une étude en 1994 rapporte que 50% des malades avaient des signes depuis prés de deux mois lors de la mise sous traitement [2]. L’article plus récent de Greenaway et coll. rapporte que sur 429 patients nouvellement diagnostiqués l’intervalle médian entre leur admission et leur mise en isolement était de 12,5 jours [36]. Ce retard à la prise en charge fut le plus souvent attribué au fait que le diagnostic n’a pas été suspecté, soit car la symptomatologie était atypique, soit que les hôpitaux cités étaient peu expérimentés dans la prise en charge de la tuberculose [36]. - Un traitement précoce des patients. Il a été démontré qu’après la mise en place d’une antibiothérapie adaptée et efficace l’isolement des patients pouvait être levé à 2 semaines. - Mise en place d’une surveillance épidémiologique de la tuberculose dans les hôpitaux. On rappelle que la tuberculose est une maladie à déclaration obligatoire permettant une prise en charge collective de cette maladie contagieuse, afin de diminuer les transmissions et de surveiller les populations à risque. La déclaration obligatoire compte deux procédures : -le signalement immédiat, qui a pour but de rechercher les contaminés et les contaminateurs, se fait auprès des autorités sanitaires (pour l’hôpital Henri Mondor de Créteil, il s’agit du Conseil Général du Val de Marne chargé de la lutte anti-tuberculeuse). Ce signalement doit être immédiat ou au plus tard dans les 10 premiers jours du traitement. Ce signalement est nominatif. – la notification, qui est anonyme, adressée par le médecin qui porte le diagnostic au médecin inspecteur de la DDASS, ceci dans un but démographique. 38 - Dépistage de l’entourage du cas : Les mesures de signalement décrites ci dessus facilitent le dépistage de l’entourage, toujours en relation avec le médecin traitant. Toutes les personnes proches du patient contagieux vont bénéficier d’un dépistage et d’un suivi, avec à T0 une consultation médicale, une IDR et une radio de thorax. Ils seront revus à 3 mois et à 9 mois avec une nouvelle consultation médicale, une radio de thorax et éventuellement une IDR si la première était inférieure à 10 mm. Pour les contacts étroits le suivi ira jusqu'à 18 mois [2]. - Application des mesures de prévention de la transmission aérienne chez les patients contagieux: les mesures regroupées sous le terme de « mesures d’isolement respiratoire » doivent faire l’objet d’une prescription médicale [2]: - hospitaliser les patients contagieux ou suspectés contagieux en chambre seule - maintenir la porte des chambres fermées - signaler l’isolement sur la porte - l’aération régulière des chambres, au moins une fois par équipe infirmière soit trois fois dans la journée. - les déplacements du patient hors de sa chambre doivent être limités au maximum et le port d’un masque d’isolement respiratoire doit être obligatoire. - port d’un masque de protection respiratoire avant d’entrer dans la chambre pour tout le monde, le masque doit être enlevé à l’extérieur de la chambre porte fermée Recommandations spéciales pour les masques Les dernières recommandations du groupe de travail du conseil d’hygiène publique de France de 2002-2003 [2], apportent des précisions sur les masques à utiliser. Il existe deux types de masques : les masques de soins et les masques de protection respiratoire. Ils doivent chacun des deux répondre à certains critères techniques. Les masques de soins : Ces masques sont destinés aux patients contagieux pour tout déplacement hors de leur chambre. Egalement dénommé masque de type chirurgical, ils évitent les projections de gouttelette de salive ou de sécrétion respiratoire lors de l’expiration. Ils ne sont pas conçus pour protéger celui qui les porte lors de l’inspiration. 39 Les masques de protection respiratoire: Ils doivent être portés par toutes les personnes entrant dans la chambre d’un patient contagieux, ceux-ci sont conçus pour filtrer les bacilles au moment de l’inspiration. Ces masques sont constitués d’un demi-masque filtrant, englobant la bouche et le nez, qui assure une bonne étanchéité entre l’atmosphère extérieure et l’intérieur du masque. Ils sont désignés par la norme européenne EN 149 et par le terme « pièce faciale filtrante contre les particules » ou FFP [2,22]. L’efficacité globale de ces masques, mesurée par la fuite totale de l’appareil filtrant, dépend à la fois de l’étanchéité entre le masque et le visage et de l’efficacité du filtre. Il existe trois niveaux de performances possibles pour ces masques classés en FFP1, FFP2, FFP 3, en fonction du niveau de pénétration du filtre et de la fuite totale de l’appareil. Le filtre le plus performant mais le moins confortable pour le personnel soignant étant le FFP3. En France depuis 1994 les recommandations de la DGS préconisent l’utilisation des masques FFP1, qui correspondent à des masques autorisant une fuite de 20% pour un aérosol de 0,6 microns de diamètre. On rappelle que les gouttelettes qui forment l’aérosol vecteur de M. tuberculosis ont une taille de 1 à 5 microns. Le masque FFP2 plus filtrant (fuite estimée à moins de 8% pour un aérosol de 0,6 microns de diamètre), est réservé à certaines situations particulièrement à risque comme une intubation, ou lors de tuberculose multirésistante [2]. D’après les dernières études sur les masques de protection respiratoire [2], les bactéries piégées dans le filtre ne peuvent pas recirculer. Il n’y a pas de réaérosolisation possible des particules. Un même masque peut être utilisé par une personne soignant plusieurs patients. Le masque reste efficace plusieurs heures. Pour les deux types de masques une facilité d’utilisation et un certain confort sont demandés. Pour permettre une meilleure observance et acceptation auprès des patients, les masques doivent être faciles à mettre, ne doivent pas gêner la respiration ni entraver une conversation, ils ne doivent pas provoquer d’irritations. Après avoir vu ces mesures dites simples, de première intention, nous allons voir la place des mesures environnementales dans la lutte pour la prévention de la transmission de la tuberculose. Ces mesures s’intéressent à la maîtrise des flux d’air. Les particules contenant le 40 bacille tuberculeux sont transportés par des mouvements d’air, elles se dispersent rapidement à l’intérieur d’une pièce et à l’extérieur de celle-ci selon le flux d’air. Les mesures environnementales regroupent : les systèmes de ventilation mécanique, et la désinfection de l’air par les ultra-violet. Qu’est ce que la ventilation mécanique ? La ventilation mécanique des chambres où sont hospitalisés les patients contagieux permet de réduire sensiblement le risque de contamination des personnes entrant dans la pièce. La ventilation mécanique assure un balayage des locaux par introduction d’air propre et extraction d’air contaminé. Ce flux d’air de la chambre vers l’extérieur du bâtiment permet d’éliminer les particules infectantes en suspension. Une dépressurisation de la chambre est nécessaire pour que l’air circule constamment du couloir vers la chambre puis de la chambre vers l’extérieur, ainsi la diffusion des particules vers le couloir et le reste du service sera négligeable. C’est la ventilation mécanique qui crée cette dépressurisation de la chambre. Les études montrent que le renouvellement d’un volume d’air égal à celui de la pièce par heure, réduit le niveau de contamination de 63% en moyenne. Les recommandations en France depuis 1994 de la DGS demandent d’obtenir un seuil de renouvellement horaire de six mouvements par heure, pour une décontamination suffisante. Ce niveau de six est souvent entravé par les effets indésirables de la ventilation ( bruit, courant d’air, pertes thermiques), et l’on reste sur un compromis entre efficacité relative et effets indésirables. Il est préférable que l’air dit propre soit de l’air neuf, le recyclage de l’air doit être évité ou alors il doit avoir subi une filtration par un filtre à particules à très haute efficacité (H10 à H14 selon la classification). L’efficacité de ces filtres doit être régulièrement contrôlée. Pour l’aspect technique de la ventilation : - chaque chambre doit être équipée d’un dispositif d’extraction et d’introduction de l’air - les portes des chambres doivent être équipées d’un système de fermeture, au mieux équipées d’un SAS - le dispositif d’extraction comporte : une bouche sortie de l’air, des filtres d’épuration… - un ventilateur pour assurer la dépression de la chambre, éventuellement une alarme sonore en cas de disfonctionnement. 41 Les SAS : Chaque chambre du service possède un SAS à l’entrée, celui-ci à pour but d’améliorer l’efficacité de la ventilation mécanique. Dans le SAS une pression positive est établie. Elle permet d’éviter la sortie dans le couloir des germes aéroportés du patient et également l’entrée dans la chambre de germes circulants du couloir. Cette pression est obtenue grâce à un important débit d’air filtré assurant une pression dans le SAS supérieur à celle du couloir et de la chambre. Les manomètres externes : Ils sont installés à l’entrée de chaque chambre du service, ils permettent rapidement de vérifier la pression de la chambre et ainsi la fonctionnalité du système de ventilation et des SAS. Le fonctionnement des différents éléments de ce système doit être régulièrement contrôlé. L’entretien de ce système est assuré par une société de maintenance externe employée par l’hôpital, au rythme d’un fois par an. A quoi servent les ultra-violet : Les ultra violet ont un pouvoir germicide. Il a été démontré que le traitement de l’air par un rayonnement UV de 254 nanomètres de longueur d’onde, dit UV.C, produit une destruction très rapide des germes en suspension. Une lampe à U.V de 254 nm de 30 watts installée dans une pièce de 60 m2 équivaut, en terme d’assainissement de l’air, à une ventilation avec 20 renouvellements d’air par heure [22]. Il existe des effets secondaires mais pour les UV.C ces effets sont limités par rapport aux autres UV. Après exposition prolongée aux UV.C on a observé des rougeurs cutanées et/ou conjonctivales. Les risques de cataracte et de cancer cutané seraient surtout le fait des UV.B. Le niveau de preuve pour les UV.C n’est pas suffisant pour affirmer que ces risques sont nuls. Les effets secondaires sont réduits si la source émettrice est installée à au moins 2,1 mètres du sol en dirigeant le flux d’UV en oblique vers le plafond. Pour cela les pièces doivent avoir une hauteur minimale de 2,7 mètres [22]. Les ultra violets restent une technique complémentaire aux mesures de ventilation. 42 Ces mesures de prévention environnementale sont complexes et onéreuses, leur installation doit faire l’objet d’une réflexion en fonction des besoins de chaque service hospitalier. On a tenté de classer les services en fonction de leur risque, un service sera classé parmi trois catégories : -risque faible : pour de rares patients bacillifères hospitalisés et en l’absence de patients immunodéprimés -risque modéré : nombreux patients bacillifères, ou nombreux patients infectés par le VIH ou immunodéprimés -risque important : patients bacillifères nés dans des pays à haute prévalence de tuberculose multirésistante, nombreux patients infectés par le VIH et immunodéprimés. Pratique au sein du service de techniques à risque de transmission (fibroscopie, aérosols…). Ainsi pour un service à risque faible il est considéré que l’application des mesures dites générales ou simples est suffisante. Pour les autres la discussion se fera entre le personnel soignant, un ingénieur biomédical expérimenté et le comité de lutte contre les infections nosocomiales de l’établissement. A noter qu’il n’est pas nécessaire de pratiquer une désinfection des chambres après la sortie d’un patient tuberculeux, si les mesures de prévention sont respectées au cours de l’hospitalisation. Il est recommandé de laisser le système de ventilation en marche pendant 2 heures après la sortie du patient. Dans les services non équipés d’une ventilation, on conseille d’aérer largement la chambre vide par ouverture des fenêtres pendant 2 heures. Les synthèses apportées par le document [2], rappellent que c’est depuis 1996 qu’en France les mesures simples visant à prévenir le risque de transmission respiratoire de la tuberculose ont été remises en vigueur. Il importe de maintenir la vigilance et de généraliser ces mesures à toutes les structures de soins. On sait que pour optimiser ces systèmes de prévention, il est nécessaire que le personnel soignant des services soit informé du fonctionnement de ces techniques. Ils en sont les premiers utilisateurs et les premiers témoins d’éventuels dysfonctionnements qui pourraient rompre le sens de circulation de l’air, couloir > chambre > extérieur 43 Les experts rappellent que le regroupement dans les mêmes services de patients immunodéprimés et de patients tuberculeux crée des conditions favorables à la survenue d’infections nosocomiales. Ainsi et dans la mesure du possible les malades suspects de tuberculose ne seront pas hospitalisés dans les mêmes unités que les patients infectés par le VIH ou recevant un traitement immunodépresseur. Cette donnée essentielle, souvent oubliée ou trop peu réalisable, pourrait pourtant être un outil dans l’amélioration des mesures de prévention. 44 C. Statut des patients infectés par le VIH face à la tuberculose Dans notre cas de tuberculose nosocomiale, entre M. N. et Mme M., il est intéressant de déterminer si l’infection par le virus VIH n’a pas influencé la transmission de la tuberculose entre ces deux patients. Pour répondre à cette question, il est intéressant de connaître le statut des patients infectés par le VIH face à la tuberculose. Un patient tuberculeux infecté par le VIH est-il plus contagieux qu’un patient non infecté par le virus ? Est-il contagieux plus longtemps? Les mesures de prévention sont-elles, dans ce cas, bien adaptées ? L’isolement ne devrait-il pas être plus long ? Les mesures de protection doivent-elles être renforcées ? D’autre part un patient infecté par le VIH, n’est-il pas plus vulnérable et plus réceptif face au bacille, qu’un patient non infecté, dans les mêmes conditions d’exposition ? Pour répondre à ces deux questions, j’ai effectué une revue de la littérature. Premièrement j’ai cherché à savoir si les patients atteints d’une tuberculose pulmonaire et infectés par le VIH étaient plus contagieux que les patients non infectés par le VIH. Autrement dit, les facteurs qui augmentent la contagiosité des patients tuberculeux (présence de cavernes à la radiographie de thorax, le taux de BAAR au direct des expectorations) sont ils plus fréquents chez les patients infectés par le VIH ? D’après la littérature les éléments de réponse sont négatifs, en effet tous les articles recueillis sur le sujet sont unanimes. Les patients infectés par le VIH ne sont pas plus contagieux pour leur entourage que les patients non infectés par le virus, certaines études montrent bien que leur contagiosité est plus faible. Le tableau A en annexe, résume certaines de ces études : Les études sont menées en Afrique, pays où la vaccination par le BCG n’est pas systématique ce qui permet une interprétation plus aisée de l’intradermoréaction. Ces études ont comparé le nombre de cas de tuberculose pulmonaire apparus après un contact avec un patient tuberculeux et immunodéprimé par le virus du VIH et ceux apparus après contact avec un patient tuberculeux immunocompétent. Les conclusions sont claires, il n’a pas été observé de différence significative entre le nombre de cas de tuberculose maladie rapporté dans les deux populations observées. 45 L’infectiosité des patients infectés par le virus du VIH n’est pas supérieure à celle des patients non infectés par le virus [38,39]. L’article de Numm et coll. relate une étude similaire mais cette fois ci dans un centre hospitalier de référence tertiaire dans un pays en développement, la conclusion est identique [39]. Shafer et coll. expliquent clairement les raisons de la moindre contagiosité des patients immunodéprimés par le VIH [13], leurs hypothèses ont ensuite été reprises par d’autres auteurs. Premièrement, il a été démontré que le nombre de bacilles dans leurs expectorations était moins nombreux : Elliott et coll. [40] décrivent 109 patients dont les cultures sont positives pour M. tuberculosis, sur ces 109 patients 72 sont infectés par le VIH et 37 ne le sont pas. 43% des patients infectés par le VIH ont des expectorations négatives au direct contre 24% des patients non infecté par le VIH (p : 0,003). La charge en bacille est également plus faible chez les patients porteurs du VIH. Si on quantifie cette charge de 1 à 3 croix (+), on observe que 25% de patients porteurs du VIH ont une charge à 3+ contre 57% des patients non immunodéprimés. Deuxièmement les patients infectés par le VIH présentent moins de cavités sur les radiographies : Elliott et coll. comparent les radiographies de thorax de ces patients par rapport aux radiographies des patients non infectés, les cavernes sont observées dans 36% des cas chez les patients infectés par le VIH alors qu’on les retrouve chez 65% des patients non infectés (p: 0,008). Les atteintes des lobes supérieurs sont majoritaires chez les immunocompétents (89% des cas) contre 61% chez des patients infectés par le VIH (p: 0,005) [40]. Pitchenik et coll. comparent les radiographies de thorax de 17 patients infectés par le VIH et 30 patients non infectés ayant tous une culture de prélèvements respiratoires positive pour M. tuberculosis. Aucun cas de caverne pulmonaire a été observé chez les patients infectés par le VIH contre 20 cas chez les patients non infectés soit un p<0,001 [19]. Ces deux éléments, les B.A.A.R au direct et la présence de cavernes, semblent diminuer en fréquence parallèlement à l’immunodépression. 46 Ainsi il est clair que les sujets tuberculeux infectés par le VIH ne sont pas plus contagieux que les sujets non infectés par le VIH, pour leur entourage . Les patients porteurs du virus sont à risque de développer des formes de tuberculoses plus graves et ce d’autant que leur immunité est altérée. Les formes graves extra pulmonaires, disséminées sont des formes moins contagieuses pour l’entourage. Un des facteurs qui contribue à l’augmentation de la contagiosité, pourrait être une plus longue durée de contagiosité. Les patients infectés par le VIH répondent-ils aussi vite au traitement antituberculeux que les patients non infectés par le virus ? Dans ce cas la levée de l’isolement doit elle être prolongée ? Là aussi les articles sont clairs, l’efficacité des thérapeutiques habituelles n’est pas altérée par l’infection par le VIH. Shafer et Edlin précisent que même si il existe actuellement des problèmes de tuberculose multirésistante et de non observance des traitements chez les patients infectés par le VIH, il n’y a pas lieu de recommander des traitements plus longs, ces patients doivent être suivis plus étroitement [13]. Une thérapie prolongée n’est envisagée que dans les cas de réponse lente au traitement. Brindle et coll. ont réalisé une étude sur la réponse aux traitements des patients infectés par le VIH par rapport aux patients non infectés, lors du premier mois de traitement. Cette étude a été réalisée en Afrique (Kenya), où le taux de mortalité des patients tuberculeux porteurs du virus est très élevé [41]. Elle a pour but de déterminer si les traitements communément utilisés sont bien efficaces pour le traitement de ces patients. Elle comprend 122 cas avec 85 patients immunocompétents et 37 patients infectés par le VIH. Avant traitement il a été observé des différences entre ces 2 groupes, en effet les concentrations de BAAR au direct et les signes radiologiques (infiltrats, cavités) étaient plus élevés chez les immunocompétents. Deux schémas de traitement ont été comparés : 8 ou 12 mois Soit : streptomycine+ isoniazide + thiacetazone 1 mois puis thiacetazone + isoniazide 11 mois Soit : streptomycine + Rifater (rifampicine, isoniazide et pyrazinamide) 1 mois puis rifater 1 mois puis thiacetazone + isoniazide 6 mois L’évaluation porte sur le taux de décroissance des BAAR au direct des expectorations après 28 jours de traitement. Le recueil des expectorations eut lieu à J0, J2 , J7, J14, et J28. Le traitement fut débuté immédiatement après le recueil du prélèvement réalisé à J0. Le profil de décroissance des 47 BAAR dans les expectorations fut comparé à chacune de ces dates entre les patients infectés par le VIH et les patients immunocompétents pour le même traitement. Décroissance du nombre de BAAR au direct des expectorations au cours du premier mois de traitement : HIV- HIV+ JO 7,1 log/ml 6,5 log/ml J2 6,2 5,6 J7 5,3 3,9 J14 4,3 3,3 J28 2,8 2,5 On observe le même profil de décroissance du nombre de BAAR dans les deux groupes, quelques soit le traitement (p: 0,92). Cet article démontre bien que la présence du virus VIH n’influence pas la qualité de la réponse précoce au traitement et ceci avec les deux types de traitements comparés. L’ensemble de ces données appuie le fait qu’avec un traitement bien conduit les patients infectés par le VIH ont le même type de réponse que les patients non infectés par le virus. L’efficacité du traitement sur la contagiosité est comparable à celle des patients non infectés par le virus. Il n’est donc pas nécessaire de prolonger les traitements ou d’utiliser d’ autres associations médicamenteuses pour agir sur le bacille tuberculeux et sur la durée de la contagion. Après avoir démontré que les patients infectés par le VIH atteints de tuberculose pulmonaire devaient recevoir les mêmes traitements et les mêmes mesures de précaution que les patients tuberculeux immunocompétents, je vais maintenant répondre à la question de la susceptibilité des patients infectés par le VIH vis à vis de la tuberculose. Les patients porteur du virus sont-ils plus à risque de développer une tuberculose que les autres ? 48 Nous connaissons les anomalies provoquées par l’infection par le virus VIH sur les défenses immunitaires de l’organisme : - les macrophages, cellules nécessaires au bacille tuberculeux pour infecter l’organisme, sont défectueux. - le surfactant pulmonaire présente des anomalies. - Les lymphocytes CD4 sont eux aussi moins efficaces [9], on observe une diminution de la production d’interféron gamma, interleukine essentielle pour se défendre contre les mycobactéries [13]. Ainsi l’ensemble de ces anomalies rend les patients infectés par le VIH plus fragiles face à la tuberculose. Plusieurs articles ont démontré une plus grande incidence de cas de tuberculose dans les populations de patients infectés par le VIH que dans les populations de patients immunocompétents. - Antonucciet et coll. observent sur une cohorte de 2675 patients, qu’il existe plus de réactivations de tuberculoses latentes chez les patients infectés par le VIH. Par ailleurs alors que les IDR étaient négatives, on observe plus de nouveaux cas de tuberculoses chez les patients infectés par le VIH. Le taux de CD4 serait un facteur de risque majeur d’infection par cette mycobactérie : cinq fois plus de cas observé chez ceux ayant moins de 200 CD4/mm³, deux fois plus de cas entre 200 et 350 CD4/mm³ par rapport aux patients immunocompétents [42]. - Ces données sont confirmées par un article de R W. Shafer et B R. Edlin [9] avec pour eux un risque de développer une tuberculose 25 à 30% supérieur pour des patients infectés par le VIH que pour des patients non infectés. Ils signalent également que chez un patient immunodéprimé par le VIH et nouvellement infecté par le BK, le bacille tuberculeux est capable d’induire une tuberculose maladie en quelques semaines, alors qu’un immunocompétent ne fera la maladie qu’après plusieurs années en moyenne [25]. - De même Small et coll. rapportent que le taux de réactivation d’une tuberculose après infection latente est normalement de 5% au cours des deux premières années puis également de 5% pour les deux années qui suivent pour des patients immunocompétents [6]. Ce taux de réactivation est très supérieur pour les patients infectés par le VIH, 10% de risque de faire une tuberculose pulmonaire par réactivation chaque année qui suit la contamination pour cette population à risque. 49 A la lumière de ces différents articles, le fait d’être infecté par le VIH rend les patients plus vulnérables face au bacille de la tuberculose et ceci d’autant que leur immunité cellulaire est basse. Ainsi le statut d’immunodéprimé par le VIH de notre patiente est sans aucun doute maintenant un des facteurs responsable de son infection, même si son immunité à cette date était conservée en terme de CD4 puisqu’ils étaient à 393/mm³ lors de cette hospitalisation. Le schéma n° 1 témoigne de leur chute progressive depuis 1 an, associée à une charge virale très élevée : 339 000 copies/ml, témoin de son état de fragilité et de vulnérabilité important au moment de sa contamination. 50 D. Conséquences Tous les articles retrouvés sur le thème de la prévention de la transmission de la tuberculose entre individus, insistent sur les mesures de prévention dites simples [46]. La réhabilitation de ces mesures et la surveillance de leur bonne utilisation dans les services a permis de stabiliser l’épidémie de tuberculose en France apparue en 1990. Ainsi le taux d’incidence des nouveaux cas s’est stabilisé depuis 1996 [2]. Ces mesures pourtant connues depuis longtemps et simples à mettre en place ont été le plus souvent abandonnées ou mal utilisées dans les unités de soins. Plusieurs études ont redémontré leur efficacité en matière de recul des cas de tuberculose nosocomiale. Ce recul fut d’abord observé dans les services les plus à risque (unités de maladie infectieuse, services s’occupant de patients immunodéprimés). Ces études ont réévalué les pratiques. Elles ont démontré qu’aucun changement dans les mesures de protection était nécessaire, mais qu’il est important de réhabiliter ces mesures [45,46]. Ainsi une politique de prévention nationale a été menée depuis 1996 dans le but de réhabiliter ces mesures simples dans toutes les structures de soins et pas uniquement dans les unités hospitalières les plus exposées. Les thèmes phares de cette politique étaient de permettre le diagnostic et la mise en place du traitement le plus rapidement possible. La circulation des malades doit être limitée au maximum durant les quinze premiers jours de traitement. L’isolement doit être scrupuleusement respecté. Pour ce qui est de la population des patients infectés par le VIH, il n’y a pas lieu de modifier les pratiques, comme il a été démontré précédemment, leur contagiosité pour les autres n’est pas accrue mais est plutôt inférieure à celle des patients non infectés par le virus. Les patients immunodéprimés par le VIH ne doivent pas subir de distinction dans leur prise en charge [46]. Par contre pour leur sécurité, le conseil supérieur d’hygiène publique de France [2] propose que les patients tuberculeux immunocompétents soient hospitalisés dans des unités différentes de celles des patients infectés par le VIH. Ceci permettrait un recul du nombre de cas de transmission nosocomiale des patients tuberculeux immunocompétents vers les patients immunodéprimés, plus vulnérables. 51 D’autres services hospitaliers devront peut-être s’équiper de mesures de prévention dites environnementales, comme des ventilations mécaniques, pour devenir de vraies structures d’accueil pour les patients tuberculeux. La formation du personnel soignant face aux mesures d’isolement, port de masque, fermeture des portes, doit être accentuée. L’ensemble de ces articles montre bien que la lutte contre la transmission nosocomiale de la tuberculose fait appel à des mesures simples, connues, et souvent de bon sens avant tout. Ils insistent bien sur le fait que les patients infectés par le VIH ne sont pas à l’origine de propagation d’épidémies mais qu’ils sont des patients vulnérables. Un patient tuberculeux infecté par le VIH ne doit pas être traité différemment qu’un patient tuberculeux immunocompétent, ni dans sa prise en charge médicale ni paramédicale. Leur circulation dans les services doit être soumise aux même règles que les autres (port du masque obligatoire, déplacements limités au maximum, information des autres services si un examen complémentaire doit y être pratiqué). 52 4. Conclusion Pour la conclusion de ce travail sur la transmission nosocomiale de la tuberculose entre patients infectés par le VIH, je tiens à revenir précisément sur le cas qui à initialisé cette thèse, l’infection nosocomiale entre Mme M. et M. N au sein du service d’immunologie clinique. Mes recherches, ainsi que celle de l’unité d’hygiène de l’hôpital exposées précédemment, n’ont pas permis de mettre en évidence le(s) facteur(s) responsable(s) de cette transmission nosocomiale du bacille. Pourtant en reprenant la littérature française et internationale le moyen de prévention le plus efficace en matière de recul du nombre de cas de transmission du bacille reste le renforcement des mesures de prévention dites simples dans les services médicaux. J’ai donc voulu évaluer les pratiques du personnel soignant du service d’immunologie en matière d’isolement respiratoire des patients et leurs connaissances au sujet des modes de transmission de ce bacille, toujours dans le souci d’améliorer la prise en charge et peut-être d’identifier un facteur responsable de la transmission entre nos deux patients. J’ai donc élaboré un questionnaire anonyme adressé à tout le personnel soignant : aides soignantes, infirmières, cadres infirmiers et médecins. Les questions ont été élaborées à partir des recommandations « prévention de la tuberculose nosocomiale » document du CLIN de mars 2001 et réactualisé en 2004. Ce document est mis à la disposition de tous dans le service, sa consultation est aisée puisqu’un exemplaire est présent à chaque poste de soin. Le questionnaire fut élaboré pour obtenir des réponses ouvertes et éviter le biais des questions à choix multiples. Un exemplaire de ce questionnaire est disponible en annexe n ° 5, page n° 67 J’ai obtenu 15 réponses complètes : - 2 cadres infirmiers - 6 infirmières - 3 aides soignantes - 4 médecins 53 Les réponses sont détaillées dans le tableau . REPONSES Cadres infirmier Infirmières Aide soignantes Médecins N=2 N=6 N=3 N=4 contracter à l’hôpital 2/2 6/6 3/3 4/4 absent à l’admission 0/2 0/6 0/3 0/4 2/2 6/6 3/3 4/4 chambre seule 1/2 4/6 2/3 2/4 prescription médicale 0/2 0/6 0/3 1/4 porte fermée 1/2 2/6 1/3 1/4 masque entrée 2/2 5/6 3/3 3/4 masque sortie 0/2 4/6 1/3 3/4 0/2 0/6 1/3 2/4 limiter les déplacements 1/2 0/6 1/3 1/4 ventilation 0/2 0/6 0/3 0/4 oui 2/2 6/6 2/3 4/4 masque 2/2 6/6 1/3 4/4 nettoyage 2/2 5/6 1/3 2/4 fenêtre ouverte 0/2 0/6 0/3 1/4 1 2 contact aérien 3 4 aération chambre 5 6 54 7 kiné 0/2 1/6 0/3 3/4 aérosol 0/2 1/6 0/3 1/4 fibroscopie bronchique 0/2 2/6 0/3 3/4 EFR 0/2 0/6 0/3 1/4 8 oui 2/2 non 2/4 6/6 3/3 2/4 9 mécanique 0/2 0/6 0/3 0/4 circulation de l’air 2/2 6/6 1/3 1/4 Interprétation des résultats Le premier point marquant est que le personnel soignant (aides soignantes et IDE) estime être insuffisamment formé comme le montre leurs réponses à la question 8, les infirmières et aides soignantes sont conscientes que leurs connaissances doivent être approfondies. Les résultats de la question 9 rapportés dans le tableau ne sont pas très illustratifs, le fonctionnement des SAS et leur utilité est très peu connu du personnel. Les réponses aux questions 1, 2 et 3 se rapportant aux modalités de transmission du bacille et aux mesures d’isolement des patients sont complètes pour la plupart. Les réponses à la question 4 montrent que le personnel soignant ne connaît pas d’autres mesures pour réduire le risque de transmission que les mesures dites « d’isolement respiratoire ». A aucun moment elles ne mentionnent l’importance de l’aération des chambres ou les systèmes de prevention environnementale. Les réponses à la question 7 montrent également que le personnel ne sait pas identifier les gestes considérés comme les plus à risque. Les résultats de ce questionnaire illustrent bien que même dans un service accueillant des patients tuberculeux infectés par le VIH régulièrement voir quotidiennement, les mesures simples de prévention doivent faire l’objet d’une formation régulière auprès du personnel soignant. 55 Cette formation aurait comme objectifs de réexpliquer l’utilité de ces mesures de prévention simples mais également de réexpliquer l’utilité des mesures environnementales comme le système de ventilation mécanique dans notre service. Tout cela dans le but d’améliorer la prise en charge des patients par une application consensuelle des mesures. Pour ce qui est du service d’immunologie clinique, il semble que le protocole mise en place par le CLIN qui est disponible dans le service ne soit pas consulté ou suffisamment intégré par le personnel. Les rotations du personnel peuvent expliquer les résultats médiocres au questionnaire. Au sein du pool des aides soignantes et des infirmières des rotations s’opèrent tout les ans à tous les deux ans, quand aux internes ils changent tous les 6 mois. Je propose qu’une formation de ce type soit dispensée au rythme de une au moins, voire deux fois par an à l’ensemble du personnel, dans le but d’améliorer la prise en charge, et de diminuer les risques de transmission nosocomiale dans le service. 56 5. Bibliographie 1. Decludt B, Epidémiologie de la tuberculose. Rev. Prat. 2002, 52 :2106-10 2. Prévention et prise en charge de la tuberculose en France,. Synthèse et recommandations du groupe de travail du Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France 2002 2003. Auteurs : E. Bouvet, D. Abiteboul, F.Autoun, Z. Bessa, C. Billy and al 3. Billy C, Perronne C. Dépression immunitaire et tuberculose. Rev. Prat. 2002, 52 : 2139-43 4. Desenclos J.C. 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Annexes Tableau n°A : Comparaison de la contagiosité de la tuberculose entre les patients infectés ou non par le VIH NI1 NT2 Résultats Conclusion Culture BK+ Nigéria 102 255 7,8% des Pas de Référence Critères Pays diagnostiques Nunn, Mungai I [39] 5,1% des supérieure T OR :1.6 contagiosité des patients HIV+ (IC 0,6-4,3) p:NS Klausner IDR+ Zaïre 521 692 [37] 11% des I Même 9% des T contagiosité OR : 1,05 IC 0,79-1,4 p : 0,1 NS Elliott IDR+ Zambie 207 141 [38] 52% des I HIV+ 71% des seraient T moins OR : 0,43 contagieux IC 0,26- 0,7 p<0,001 NS 1 NI : nombre de cas en contact avec un patient infecté par le VIH 2 NT : nombre de cas en contact avec un patient non infecté (témoin) 61 Annexe 1 Analyse génomique par la technique RFLP 62 Annexe 2 comparaison génomique des souches isolées chez les trois patients avec la méthode RFLP 63 Annexe 3 Mme M. 29/12/2001 au 17/01/2002 Mme M. 11/12/2001 au 29/12/2001 Mr N. 26/12/2001 au 04/03/2002 64 Annexe 4 65 66 67 68 69 ANNEXE n° : 5 Questionnaire à l’intention du personnel soignant du service d’immunologie clinique dans le cadre de mon projet de thèse, à propos d’un cas de transmission nosocomiale de la tuberculose chez deux patients HIV+ au sein du service en 2001 questionnaire à titre indicatif dans le cadre de mes recherches questionnaire anonyme merci pour votre participation, Melle Benhamou Etty 1. Qu’appel-t-on une tuberculose nosocomiale ? 2. Quel est le mode de transmission de la tuberculose ? 70 3. Décrire les modalités d’isolement d’un patient contagieux. 4. Quelles mesures efficaces peuvent réduire la transmission ? 5. la circulation d’un patient contagieux hors de sa chambre est-elle possible ? et si oui dans quelles conditions ? 71 6. A la sortie définitive du patient, quelles mesures doivent-être effectuées ? 7. quels examens ou activités de soins sont plus particulièrement à risque ? 8. estimez vous être suffisamment formé face aux risques de transmission nosocomiale de la tuberculose et les modes de prévention ? 72 Schéma N°1 900 400000 339263 800 700 813 350000 652 276716 300000 597 600 538 515 521 506 500 425 200000 392 400 250000 487 charge virale (copies/ml) lymphocytes CD4 (/mm3) Evolution des CD4 et de la charge virale de Mme M. 150000 300 99449 100000 200 47387 50000 100 20792 40640 0 217 50 50 50 0 cd4 CV ja ju 2 3 -0 nv -0 in 1 -0 ai m 1 -0 nv ja 00 vno 0 t-0 p se 73 Année : 2005 Auteur : Benhamou Etty Président de thèse : Levy Yves Directeur de thèse : Lesprit Philippe Titre de la thèse: Observation d’une transmission de tuberculose nosocomiale pulmonaire entre deux patients infectés par le VIH. Les principales études de la littérature rapportent des cas de transmission nosocomiale de tuberculose multirésistante. Cette thèse présente une transmission, entre deux patients infectés par le virus de l’immunodéficience acquise (VIH), d’une tuberculose à bacille sensible survenue dans un service hospitalier. Le premier travail a été de démontrer la transmission nosocomiale par une enquête bactériologique et génomique des souches isolées chez les deux patients. Dans un second temps, après avoir éliminé une cause évidente de transmission, l’objectif principal de ce travail a été d’évaluer les mesures de prévention aujourd’hui disponibles dans la lutte contre la transmission nosocomiale de la tuberculose. Nous nous sommes attachés à savoir si seul le statut des patients infectés par le VIH pouvait expliquer une telle transmission et si des mesures de prévention spécifiques devaient être utilisées dans les services accueillant des patients infectés par le VIH. Les conclusions de ce travail sont que: les mesures de prévention actuelles et notamment les mesures simples comme l’isolement respiratoire des patients restent les plus efficaces en matière de prévention des cas de transmission nosocomiale, à condition qu’elles soient connues et appliquées. L’accent doit être mis sur la formation du personnel soignant face à ces mesures. Mots Clés : - Tuberculose VIH infection hospitalière isolement malade Adresse de L’U.F.R : 8, rue du Général SARRAIL 94010 CRETEIL CEDEX