APPORT DE L'IRM DANS LE DIAGNOSTIC DES TIPMP R.Khayati, M.Boukoucha, A.Daghfous, R.Ben Khalifa, M.Maarouf, L.Rezgui Marhoul Centre de Traumatologie et Des Grands Brulés Ben Aro INTRODUCTION - Les tumeurs intra-canalaires papillaires et mucineuses du pancréas (TIPMP) développant aux sont dépens des lésions kystiques se des canaux pancréatiques principal et secondaires du pancréas. Il s’agit d’une : « prolifération anormale de l’épithélium canalaire du pancréas qui s’accompagne d’une sécrétion de liquide mucineux ». - La compréhension des caractéristiques ces tumeurs histo-pathologiques de est nécessaire pour l'interprétation correcte de l’imagerie. Ainsi, … Prolifération papillaire anormale de l’épithélium canalaire Quatre sous-types histologiques de l'épithélium ont été décrits : - Gastrique - Intestinal - Pancreato-biliaire - Oncocytaire Sécrétion abondante du mucus Dilatation kystique du canal pancréatique principal et / ou des canaux secondaires qui contiennent souvent des bouchons de mucine. La classification des TIPMP est en fonction de l'implication canalaire: •Tumeurs impliquant exclusivement le canal pancréatique principal (CPP): La dilatation peut être soit segmentaire ou peut impliquer la totalité du conduit (45 % des cas). http://www.chirurgiapancreasverona.it/?page_id=485&lang=en TIPMP du CPP : atteinte segmentaire TIPMP du CPP : atteinte diffuse •Tumeurs impliquant exclusivement les conduits secondaires. Elles sont unifocales ou souvent multifocales TIPMP d’un canal secondaire : atteinte unifocale (40 % des cas). •Tumeurs mixtes, impliquant simultanément le conduit principal et des conduits secondaires (15 % des cas). TIPMP : forme mixte Cette classification a un intérêt pronostique: - Atteinte du canal principal : forme agressive, risque de dégénérescence (70% des cas). - Atteinte du canal secondaire : forme à potentiel malin faible (10% des cas). - Atteinte mixte : similaire à celle du canal principal. Dés le début, l’IRM était unanimement considérée comme la technique de référence dans l’étude des TIPMP, du fait de la plus grande précision de l’analyse canalaire par les séquences de wirsungo-IRM. Objectifs : - Connaître les éléments de diagnostic positif d'une TIPMP en IRM. - Savoir les arguments IRM évocateurs d’une dégénérescence. Matériels méthodes : et - Etude rétrospective regroupant 10 cas explorés par une IRM pancréatique comportant au moins, des séquences T2, des séquences de wirsungo-IRM et des séquences TI sans et avec injection. Résultats: - Age moyen : 64 ans. - 8 hommes et 5 femmes. - Dans tous les cas la wirsungo-IRM a permis : D’établir le diagnostic positif De classer les différents types de TIPMP (canal principal, canaux collatéraux ou type mixte) De montrer les végétations, les septas intracanalaires ou intrakystiques. D’argumenter le diagnostic différentiel. Résultats: Les TIPMP étaient de localisation : Mixte (4 cas) Canal pancréatique principal ( CPP) (1 cas) Canal secondaire (8 cas). - La localisation du canal secondaire : multifocale (5 cas), unifocale (3 cas). - Une dégénérescence : 6 cas. Cas 1: IRM pancréatique d’une femme de 88 ans, pour l’exploration d’une lésion kystique de petit pancréas. Lésion de signal liquidien du petit pancréas ( ) non rehaussée après injection intraveineuse du Gado. La wirsungo-IRM a montré un aspect en grappe de raisin de ce kyste qui est en communication avec le CPP par un canal secondaire ( ). Elle a montré, également qu’il s’agit d’une atteinte unifocale d’un canal secondaire avec un CPP non dilaté. Cas 2:Femme de 75 ans, découverte fortuite des lésions kystiques pancréatiques Kystes de taille millimétriques en hypersignal T2 visualisés au niveau du parenchyme pancréatique. La wirsungo-IRM montre les multiples dilatations des canaux secondaires branchés sur le CPP. Il s’agit d’une TIPMP multifocale des canaux secondaire Cas 3: Homme de 45 ans, Antcs de PA alcoolique, découverte au scanner d’une lésion pancréatique . T2 TDM: Processus tissulaire nécrotique du petit pancréas de Winslow. T1+GADO Ce processus est en hypersignal T2 intermédiaire avec une prise de contraste périphérique ( ). La wirsungo-IRM montre un aspect moniliforme du CPP par la dilatation de multiples canaux secondaires. A noter une dilatation de la VBP et des VBIH. Elle montre aussi que le processus du petit pancréas est en communication avec le CPP ( ). Il s’agit d’une TIPMP multifocale, égénérée au niveau de l’uncus. Cas 4: IRM pancréatique d’une femme de 75 ans, pour douleur abdominale et ictère. Les séquences pondérées en T2 montrent une dilatation kystiques presque de la quasi-totalité des canaux secondaires avec difficulté de distinction du CPP. La wirsungo-IRM confirme cette dilatation des canaux secondaires avec aussi dilatation du CPP ( ) bien visible après injection du Gado. La séquence coronale pondérée en T2 : dilation de la VBP avec une terminaison effilée du bas cholédoque ( ). Il s’agit d’une forme mixte de TIPMP avec dégénérescence au niveau du pancréas céphalique infiltrant le bas cholédoque. Cas 5 : Homme de 60 ans, symptomatologies d’une sténose gestive Découverte au scanner d’une petite masse tissulaire ( ) au dessous de petit pancréas qui infiltre la paroi duodénale. Cette masse est en hypersignal diffusion. L’IRM a réussi de montrer un conduit de communication entre cette masse et le CPP. Cette communication est bien visible sur le wirsungo-IRM . L’infiltration du duodénum est mieux visible après injection du Gado. Il s’agit d’une TIPMP unifocale d’un canal secondaire dégénérée. Cas 6: IRM pancréatique chez une femme de 67 ans, épigastralgies, AEG. Découverte au scanner, d’une masse ( ) de la tête pancréatique. En IRM, cette masse est en hypersignal relatif en T2 et diffusion. Notons, la présence d’un nodule hépatique suspect ( ). Après injection du Gado, bonne visualisation du CPP dilaté, siège des nodules muraux rehaussés ( ). A la wirsungo-IRM , le CPP est non visualisé ( contenu tissulaire), cependant présence d’une dilatation des canaux secondaires ( ). Il s’agit d’une forme mixte d’une TIPMP dégénérée Cas 7: homme de 45 ans, douleurs abdominales, ictère Masse de la tête pancréatique à centre liquidien, rehaussée après injection du Gado. Visualisation d’un canal de communication avec le CPP sur la wirsungoIRM avec présence d’une dilatation d’autres canaux secondaires ( ). Remarquer la dilatation segmentaire du CPP ( ). Il s’agit d’une TIPMP multifocale dégénérée dans la région céphalique. Discussion - Les TIPMP ont été rapportées par Ohashi en 1982. - Elles représentent 50 % des lésions kystiques du pancréas. - L'âge moyen du diagnostic est de 65 ans (extrêmes : 30-94 ans). -Le sex-ratio M/F est de 2,2. - Elles sont plus souvent localisées dans la tête, voire dans le crochet ( 10 % des cas ). -Elles sont souvent découvertes de façon fortuite. L’IRM: quel protocole ? un examen IRM complet du pancréas doit pouvoir : a) explorer l’anatomie des canaux pancréatiques et biliaires b) dépister et caractériser une anomalie de signal du parenchyme pancréatique. c) réaliser un bilan d’extension locorégional en cas d’affection tumorale ou inflammatoire. d) explorer l’anatomie vasculaire péripancréatique. Donc, le protocole doit assurer : L’imagerie du parenchyme pancréatique par: - des séquences classiques T1 et T2 le plus souvent associées à une saturation de la graisse. - des séquences en écho de gradient rapides permettent l'exploration dynamique multiphasique et l'étude multiplanaire du parenchyme pancréatique. L’imagerie des canaux bilio-pancréatiques par : -des séquences fortement pondérées T2, en spin-écho ultra-rapides « single shot » fournit une étude canalaire pancréatique et biliaire de très haute qualité (TSE-RARE et TSE-HASTE) avec reconstructions multi planaires. - Ces séquences font ressortir les liquides stagnants (bile, liquide pancréatique) en hypersignal intense permettant une approche fonctionnelle de l’appareil canalaire pancréatique. Une amélioration de la sensibilité wirsungo-IRM a été signalée après l'administration de la sécrétine et effacement du signal de liquide digestif grâce à l’absorption préalable soit de myrtilles soit de jus d’ananas. L’IRM: quel apport ? IRM permet de : - Etablir le diagnostic positif - Préciser l’étendue des lésions (CPP, canal secondaire) - Détecter une dégénérescence - Etablir un bilan d'extirpabilité - Assurer une surveillance. Établir un diagnostic positif - Une TIPMP peut apparaitre comme une seule lésion kystique uniloculaire ou comme un groupe de petits kystes (en grappe de raisin). TIPMP uniloculaire TIPMP en grappe de raisin -Il est surtout important de confirmer, par l’IRM, la présence d'une structure tubulaire mettant en relation la lésion kystique et le CPP. -Cette communication est visible seulement si elle est dans le plan de coupe, d’où la nécessité de réaliser des coupes radiaires. L’acquisition 3D donne la possibilité de reconstructions multi planaires démontrant la communication. - Le signal intra-lésionnel est variable sur les séquences pondérées T1 (hypointense à intermédiaire) et reste en hypersignal liquidien sur les séquences pondérées T2. - L’IRM peut montrer la présence de substance mucoïde dans les formations kystiques et/ou dans le canal principal. Mais actuellement aucune séquence n'a vraiment fait la preuve de son efficacité dans ce Et s’il domaine. s’agit d’une atteinte du CPP…………..! L’atteinte du CPP se traduit par : -Une dilatation diffuse ou segmentaire du canal dépassant 3 mm. - Les parois du canal sont le plus souvent rectilignes et régulières sans image de sténose et se poursuivant jusqu’à la papille, qui, typiquement, apparaît hypertrophique et béante. - Elle est rarement isolée et le plus souvent associée à une atteinte des canaux secondaires. Dilatation segmentaire du CPP. On note l’hyper signal T2 hétérogène de cette dilatation (contenu mucineux). Par ailleurs…………………………….. Le canal principal peut être dilaté à la fois chez des patients présentant une implication exclusive d'un conduit secondaire ou de type mixte en raison de la production excessive de mucine par le kyste. Par conséquent, la différenciation entre les deux peut être pratiquement impossible. Absence de rehaussement endocanalaire: dilatation du CPP par accumulation de mucine. Contenu tumoral rehaussé du CPP après injection du Gado Déterminer le type - Atteinte du canal secondaire unifocale - Atteinte du canal secondaire multifocale - Atteinte mixte : CPP et canaux secondaires Et la localisation - Dans 60 % des cas céphalique, plus précisément dans le processus uncinatus. -Dans 20 % corporéal - Dans 5 % caudal Détecter une dégénérescence Il existe aujourd’hui un relatif consensus pour retenir en TDM et en IRM les éléments suivants comme devant faire évoquer une transformation maligne : - Un diamètre du CPP supérieur à 10 mm ou un changement brusque de son calibre - La présence d’un syndrome de masse intrapancréatique - Une dilatation kystique des canaux secondaires supérieure à 30 mm. - La présence d’un épaississement de la paroi kystique, de septas épaissis ou de nodules muraux au sein des canaux dilatés. Cependant………………………………………………. - Les nodules muraux ainsi que les globules de mucine sont hypointenses en T2. - La différenciation entre deux peut être difficile : les globules ont un emplacement non dépendant de la paroi canalaire et ne se rehaussent pas après injection du PDC. Les globules de mucine sont mobiles dans différentes positions . Etablir un bilan d'extirpabilité L’IRM est capable d’établir un bilan d’extension loco-régional complet : -Envahissement vasculaire - Infiltration de la graisse péri pancréatique - Adénopathies - Métastases viscérale - Carcinose Dans certains cas, l'ensemble du réseau canalaire pancréatique est bordé par du tissu tumoral envahissant l'ampoule de Vater, la papille mineure et le duodénum. Assurer une surveillance : L’IRM est idéale pour surveiller les lésions kystiques et sa sensibilité est supérieure au scanner et aussi à celle de la wirsungographie rétrograde endoscopique pour détecter une dégénérescence. Eliminer un diagnostic differential: - Cystadénome séreux : poly-micro-kystique (en nid d'abeilles ) et souvent avec une cicatrice centrale. Le caractère communiquant avec le CPP permet d’éliminer le diagnostic. -Kyste mucinique non néoplasique : entité controversée décrite par Kosmahl en 2002 et non reconnue par tous les pathologistes. - Pseudo- kyste : une lésion uniloculaire sans communication avec le CPP. Mais parfois, la communication est présente. Dans ce cas, l’anamnèse et la présence de débris intérieurs sont utiles pour le diagnostic. -Pancréatite chronique: les arguments morphologiques en faveur de TIPMP plutôt que la pancréatite chronique sont : Le caractère rectiligne et régulier des parois du CPP. L’existence d’une béance papillaire, traduisant l’accumulation de mucine (trouvé dans 20 % des cas). La présence de calcifications de petite taille, souvent arciformes et localisées essentiellement dans les canaux secondaires (en opposition aux calcifications de la pancréatite chronique souvent denses, de grande taille et siégeant aussi bien en plein parenchyme qu’au sein du canal principal). Take home messages - Les TIPMP sont des lésions kystiques se développant aux dépens du CPP et des canaux secondaires du pancréas. - Il s’agit d’une « prolifération anormale de l’épithélium canalaire du pancréas qui s’accompagne d’une sécrétion de liquide mucineux ». -La classification est en fonction de l'implication canalaire - L’atteinte du CPP : forme agressive, risque de dégénérescence (70% des cas). - L’IRM est une méthode utile, non invasive et essentielle dans l’exploration préopératoire. -Elle est capable d’établir le diagnostic positif, le diagnostic différentiel et de rechercher les signes de dégénérescence. A. Cochez la ou les bonnes réponses concernant les TIPMP ? a. Il s’agit d’une prolifération anormale de l’épithélium canalaire pancréatique. b. Elles s’accompagnent d’une sécrétion de liquide séreux. c. Il s’agit d’une dilatation kystique d’un canal pancréatique. d. Elles sont classées selon la localisation dans le parenchyme pancréatique. e. Elles doivent obligatoirement se développer aux dépens de CPP. B. L’atteinte d’un canal pancréatique en cas de TIPMP: a. Doit être obligatoirement multifocale b. Doit intéresser au moins un canal secondaire c. Doit obligatoirement intéresser le CPP et un canal secondaire d. Elle peut intéresser uniquement un canal secondaire C. L’IRM dans les TIPMP est : a. Capable d’établir le diagnostic positif b. Permet d’éliminer un diagnostic différentiel c. Doit réaliser obligatoirement une séquence de Wirsung-IRM d. Obligatoire pour trouver des signes de dégénérescence D. Parmi les signes radiologiques en faveur de la dégénérescence d’une TIPMP : a. Une dilatation kystique des canaux secondaires supérieure à 30 mm b. La présence des septas intra kystique c. La présence de nodules muraux intra kystiques d. Une dilatation d’un CPP supérieure à 30 mm e. La présence obligatoire d’une masse intra pancréatique Réponses A. B. C. D. a, c D a, b, c a, c Bibliographie: - Ivan P and Dennis B. Imaging considerations in intraductal papillary mucinous neoplasms of the pancreas. World J Gastrointest Surg. 2010 Oct 27; 2(10): 324–330. - Kyung Mi, Jang1 Seong Hyun, Kim Ji Hye Min et al. Value of Diffusion-Weighted MRI for Differentiating Malignant From Benign Intraductal Papillary Mucinous Neoplasms of the Pancreas. American Journal of Roentgenology. 2014;203: 9921000. - Valette O, Cuilleron M, Debelle L et al. Imagerie des tumeurs intracanalaires papillaires mucineuses du pancréas : revue de la littérature. Journal de radiologie 2001, 82(6) : 633