Journée-débat La ligne de démarcation (1940-1944) : Histoire et témoignages
Tours. 20 novembre 2010. Conseil général d'Indre-et-Loire
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Les candidats au passage clandestin.
Benoît THIAULT
Agent du patrimoine au musée de la Résistance et de la Déportation de Lorris (Loiret)
Pour faire cet exposé j’ai utilisé les recherches que j’avais effectuées en 2004-2006
pour réaliser la scénographie du Centre d’interprétation de la ligne de démarcation à Génélard
en Saône-et-Loire. Une mission qui m’a permis de consulter les archives et de visiter sur le
terrain les 13 départements traversés par ligne de démarcation.
Rencontrer des témoins anciens passagers clandestins s’est avéré plus difficile que
d’interviewer des frontaliers ou des passeurs des régions rurales qui souvent attachés à leur
terroir sont restés sur place.
Ainsi ma démarche pour aborder les différentes catégories de candidats au passage clandestin
sera de vous présenter différents types de sources et documents évoquant ces personnes.
Cette étude sera également une approche des passagers clandestins à travers le prisme de la
répression, puisque je ferai référence à de nombreux procès verbaux de gendarmerie et
rapports de la police spéciale de la ligne de démarcation.
Ce colloque étant organisé en Indre-et-Loire, je présenterai entre autres des études de cas et
des exemples concernant le département.
Comment ne pas évoquer pour commencer l’important fonds du vétérinaire André
Goupille de Descartes, passeur puis résistant déporté, qui est déposé aux Archives
départementales d’Indre-et-Loire sous la cote 42 J. Ce fonds comprend 386 lettres concernant
des remerciements soit pour un passage bien réussi ou pour une lettre bien arrivée, soit des
demandes de passage de courrier ou de personnes, concernant surtout l’année 1941. Elles
permettent d’avoir des informations partielles sur les personnes ayant sollicité l’aide d’André
Goupille et de sa famille : lieu de départ, d’arrivée, motifs de passage et types de passagers.
Voici un exemple de lettre envoyée de Paris par Madame Pillot le 11 mars 1941 :
« Cher Monsieur, je vous avais écrit il y a quelque temps pour vous demander un service,
entre temps, j’ai pu m’arranger mais cette fois-ci, c’est en sens inverse que j’aurai besoin de
votre concours. Ne serait ce pas trop abuser de votre complaisance …/… »
Ce fond est complété par un agenda avec le nom et quelquefois l’adresse de 195 passagers.
J’évoquerai aussi tout le long de mon propos les graffitis et inscriptions que l’on
trouve dans les greniers et les combles du château de Grillemont à La Chapelle-Blanche en
Indre-et-Loire (fig. 1). Ces inscriptions au crayon à papier ou gravées dans le plâtre ont été
rédigées à partir de septembre 1940 par les prisonniers arrêtés par la Wehrmacht, puis de
février 1941 à février 1943 par certains des 846 prisonniers arrêtés par les 23 douaniers
allemands chargés de la surveillance du secteur de Vou. Huit à dix personnes en moyenne
étaient enfermées pendant 24 ou 48 heures (voire 5 jours) avant d’être transférées à Tours.